l’invasion brusque de l’Europe avec sa grande industrie dans
l’industrie familiale de la Fleur du Milieu : jusqu’à la fin du
xix0 siècle le budget des travaux publics ne grevait la population
qu’en nature ;
Ministère de la guerre, qui récemment n’avait pas de
budget spécial et qui ne tardera pas à dévorer la substance
du peuple, si la Chine tente délibérément de se prémunir
contre les * Barbares occidentaux » ;
Ministère de la marine, qui aidera celui de la guerre à
endetter la Chine de plus en plus ;
Ministère des rites, qui s’occupe de l’entretien des grands
temples nationaux, temples du Ciel, de la Terre, de la Lumière,
etc., et temples de Confucius; il préside aux honneurs
qu’on doit à la vieillesse, dirige l’assistance publique, les établissements
de bienfaisance subventionnés par le gouvernement,
les greniers de réserve du riz et des grains ; il distribue
les libéralités ou les exemptions d’impôt aux districts ravagés
par la sécheresse, l’inondation, l’épidémie, la guerre, etc. ;
Ministère des châtiments, ou, si Ton veut, ministère de la
justice.
Un ministère nouveau, en dehors des sept directions consacrées
par le temps, s’occupe des colonies, c’est-à-dire des
possessions chinoises au-delà de la frontière des dix-huit
provinces.
Quant au ministère des affaires étrangères, constitué en
1861 et devenu le plus important de tous depuis que le commerce
européen s’est accru et que des étrangers se sont établis
dans les villes du littoral, il n’avait pas d’existence officielle et
se composait de membres des divers ministères, qui furent
d’abord au nombre de trois et sont maintenant au nombre de
neuf. C’est le Tsoungli Tamen, dont l’Europe connaît très bien
l’intelligence, la patience, le patriotisme têtu, la force d’inertie.
Nul doute que les accidents, humiliations et malheurs de ces
dernières années n’augmentent singulièrement ses attributions
et sa puissance : depuis 1901, il est officiel, autonome, et placé
au-dessus de tous les autres ministères.
L’Empereur peut supprimer, s’il lui convient, toutes les
formalités de la discussion : dans ce cas, il s’adresse à son
Conseil privé, qui délibère en secret. Il est vrai que ses actes
peuvent être, en vertu de la tradition, contrôlés par le Tribunal
des censeurs ou « grands dénonciateurs », qui ont le droit de
remontrance, tout en demandant comme une grâce d’être décapités
ou écartelés si leurs paroles ne sont pas justifiées ou s’il
leur arrive de les révéler.
On cite réellement des exemples de censures humblement
prononcées contre la personne impériale pendant le cours des
siècles; l’histoire raconte même que des conseillers présentèrent
au souverain le mémoire accusateur après avoir pris
soin de faire déposer leur bière à la porte du palais, sachant
qu’ils n’en sortiraient pas vivants. Mais le Tribunal des grands
dénonciateurs se borne d’ordinaire à faire surveiller par ses
espions la conduite publique et privée des mandarins et des
sujets; ses fonctions étant d’ « améliorer » les moeurs, il a le
droit d’espionnage universel et ses agents redoutables voyagent
incessamment dans toutes les parties de l’Empire. On comprend
quelles sont les conséquences de cette oeuvre de « moralisation
» : d’ordinaire, les places lucratives facilitent les
accommodements entre les fonctionnaires et les censeurs, et
les mandarins continuent de pressurer le peuple, à leur profit
et à celui de leurs surveillants.
On comprend que des théoriciens aient voué une sorte de
culte à la Chine, qu’ils aient vu dans sa constitution sociale,
son groupement par familles, sa décentralisation t profonde »,
sa raison pratique, son respect de la vie des champs, sa loi
de n’attribuer les fonctions qu’au seul mérite, le meilleur
exemple offert jusqu’à ce jour à l’humanité. Ce Fils du Ciel et
de la Terre, qui n’est pas le maître, mais le père de son peuple,
le contrôle sévère qui n’épargne même pas l’Empereur de quatre
cents millions d’hommes, ces lois qui sont une émanation de
la philosophie « vertueuse » du sage Confucius, ce peuple
immense régi en 1844 par moins de 13000 fonctionnaires, en
1852 par un peu plus de 20 000, aujourd’hui par 25 000 ou
30 000 fonctionnaires, avec une armée dont ne se contenterait
pas un État européen de troisième ordre, on dirait une machinerie
parfaite, bien heureusement imaginée pour durer des
millénaires; et vraiment elle les a duré.
Mais nulle part on ne constate mieux que dans le
« Milieu » la distance de la théorie à la pratique et du « faisable
» au « fait ».
Par vieillesse ou autrement, les rouages sont détraqués, et
Ton ne trouverait guère de pays plus mal administré que la
Chine, plus pillé à fond par ses savants, qui sont ses dirigeants,
plus pourri dans ses intellectuels.