mystiques dans lesquels il faut voir peut-être les tourmentes de
neige. De même que les autres pèlerins bouddhistes de cette
époque, Hiouen-thsang contourna les plateaux du Tibet, où la
religion bouddhique venait à peine de s’introduire, et il
pénétra dans l’Inde par les plaines de l’Oxus et les sauvages
défilés de l’Afghanistan.
Vingt ans seulement après le retour d’Hiouen-thsang dans
ses foyers, en 667 et 668, des armées chinoises traversaient
déjà le Tibet et le Népal, pour descendre directement dans
l’Inde, où elles s’emparaient de plus de six cents villes. A cette
époque, l’Empire Chinois comprenait, avec les pays tributaires,
non seulement toute la dépression de l’Asie orientale, mais
aussi tous les versants extérieurs des monts et des plateaux
qui l’entourent, jusqu’à la Caspienne : c’est alors que la Chine
fut en relation avec la « Grande Grèce », la « Javanie » ou
Ionie de la Bactriane.
Fait à noter : c’est aussi pendant cette période de l’histoire
du « Milieu » que des missionnaires nestoriens introduisirent
le christianisme dans l’Empire.
Les progrès de l’Islam à l’ouest de l’Asie et
, v sur les rivages de la Méditerranée durent néces-
r e l a t io n s sairement isoler la Chine et rendre pour longa
v e c temps impossible toute communication avec
l e s l’Europe; mais, dans les régions du nord, au
e u r o p é e n s milieu des steppes de la Mongolie, des tribus
guerrières, véritables centaures, partaient pour
de vastes conquêtes, pour d’immenses razzias qui les conduisirent
jusqu’au fleuve du Dniepr, et même au delà. Ces Mongols
et ces Turcs ouvrirent ainsi, du fait même de leurs violences,
des routes aux voyageurs d’Orient en Occident, et
d’Occident en Orient, à travers tout l’ancien monde non latin,
grec, méditerranéen.
Fait connu de presque tous, c’est afin de se protéger contre
les peuplades des frontières septentrionales que les empereurs
de Chine avaient dressé, puis reconstruit et' doublé d’autres
murs parallèles le prodigieux rempart de la * Grande Muraille »
qui se prolonge entre la steppe et la région des cultures sur des
milliers de kilomètres de distance. Retenus par cette barrière
érigée entre deux natures différentes et deux sociétés hostiles,
les nomades s’étaient portés vers l’ouest, où l’espace s’ouvrait
largement devant eux, et de proche en proche toutes les populations
avaient fini par s’ébranler en marche tumultueuse à
travers les grandes plaines de la steppe, dans la direction du
soleil couchant.
Déjà, au iv® et au ve siècle, un ébranlement général avait
poussé vers l’Occident ces hordes conquérantes auxquelles on
a donné le nom de Huns; au xn6 siècle, un mouvement analogue
entraîna des « bannières » de Mongols commandés p a r un
nouvel Attila.
Ayant en son pouvoir les brèches de la Dzoungarie, par
lesquelles on passe si facilement du versant oriental de l’Asie
dans le versant occidental, Djenghiz khan aurait pu s’élancer
tout d’abord vers les contrées de l’ouest; mais il ne voulut
point laisser d’obstacle derrière lui, et ce n’est qu’après avoir
franchi la Grande Muraille et s’être emparé de Peking qu’il
entraîna ses armées à l’assaut des royaumes de l’Occident.
Lorsque l’Empire mongol, le plus grand qui ait jamais existé
d’un seul tenant, avant l’empire russe actuel, comprenait à la
fois toutes ses rapides conquêtes, il s’étendait des rivages du
Pacifique jusqu’aux steppes de la Russie.
Les Européens apprirent à connaître l’existence du monde
chinois grâce à ces nouveaux venus de l’Orient, avec lesquels
ils entrèrent en relations, non seulement p a rle s conflits armés,
mais aussi par les ambassades, les traités et les alliances
contre l’ennemi commun, qui était alors l’Islam. C’est même
sous le nom tartare de Cathay, encore employé par les Russes
sous la forme de Kitaï, qu’ils désignèrent longtemps l’Empire
de l’Asie orientale. Des envoyés du pape et du roi de France se
mirent en route pour aller visiter le Grand Khan dans sa cour
de Karakoroum, en Mongolie, et Plan de Carpin, Longjumel,
Rubruk, d’autres encore, racontèrent les choses merveilleuses
qu’ils avaient vues dans ces pays lointains. Des ouvriers
d’Europe, des marchands avaient précédé ces ambassadeurs à
la cour des khans mongols, et Rubruk en rencontra plus d’un,
notamment le jardinier Guillaume. Puis 1’ « immortel Vénitien
», un négociant animé de l’esprit d’aventure si commun à
cette époque, Marco Polo, devint pour l’Europe le véritable
révélateur de la Chine. Ce qu’il raconta des villes immenses de
ce pays, de sa richesse, de sa politesse, de ses moeurs, parut
incroyable aux Européens, alors peu nombreux et pauvres —
exactement comme aujourd’hui le Chinois ne croit pas à ce
qu’on lui dit des merveilles de l’Europe, -Smais tout ce que
nous savons aujourd’hui du « Milieu » montre combien le grand
voyageur italien respecta la vérité. Avec lui s’ouvre une ère
nouvelle : la Chine entre définitivement dans le monde connu
et commence à faire partie du concert de l’humanité.