L i l C k i n e - LIVRE
dans les plaines et les dentelures des montagnes. Certaines
cartes géographiques indiquent même des lieux où se trouvent
des dragons; elles signalent les endroits où il ne faut pas
creuser le sol, si l’on se soucie de ne pas déchaîner toutes
sortes de calamités ».
i-a religion chinoise qui reconnaît Laotze
pour son fondateur, et qui dans les premiers
m temps contrastait d’une manière absolue avec la
lb religion nationale représentée par Confucius a
tao ïsm e fini par revenir aux superstitions antiques et
par s accorder ou même par se confondre tout
simplement avec les pratiques du feng-choui.
Laotze, né en l’an 604 avant l’ère vulgaire, précéda d’une
cinquantaine d’années Confucius, qui vint au monde en S51.
oon nom veut dire : « le vieux maître ».
i Contrairement à Confucius, Laotze ne regardait point vers
. le passé de la nation chinoise pour y découvrir un modèle de
conduite dans l’avenir. Il ne cherchait que la vérité pure, sans
se préoccuper de trouver des précédents dans l’histoire des
empereurs, et même en les méprisant comme sans valeur.
Coniucius ayant visité le vieux maître, celui-ci dit brusquement •
« Je ne comprends pas que vous alliez à la cour. Le sage ne
recherche pas ces endroits; il les fuit... Je vous prie de m’excuser
: je sais que l’usage en Chine est d’offrir un cadeau à
celui qui vous fait visite, mais comme je suis très pauvre, ie
ne puis que vous donner un conseil. Profitez-en » (Guimet).
Insoucieux des esprits soit bons, soit méchants, et des
m-xieSj anc^ res> il essaya de reconnaître la raison pre-
mière des choses, et son langage, autant du moins qu’on parvient
à le deviner sous le texte obscur du Taote' king, rappelle
celui des philosophes de l’Occident : c’est le Platon, le Zénon de
1 Extrême Orient. Son enseignement nous a été conservé dans un
ouvrage qu’on dit sublime, en tout cas très difficile à comprendre
et que la tourbe des commentateurs a encore plus embrouillé |
c est le Taote' king, composé de 5 320 caractères seulement
Pour Laotze, « la matière et le monde visible ne sont que
des manifestations d’un principe sublime, éternel, inconcevable
» qu’il appelle Tao, c’est-à-dire « la voie, le chemin du
salut » ; 1 homme qui sait commander à ses passions peut
éviter après sa mort le châtiment des métempsycoses successives
et dès sa première vie, entrer par la contemplation dans
1 immortalité bienheureuse.
PREMIER Religion des Chinois.
Telle fut, dans sa simplicité, la doctrine de ce grand mystique
et de ses continuateurs immédiats ; mais bientôt les prédicateurs
et dogmatistes du tao, les moines taoïstes prétendirent
à la découverte de l’immortalité sur cette terre même, et
c’est par la préparation des élixirs et des breuvages qu’ils
surent obtenir les bonnes grâces des empereurs. Peu à peu la
religion du Tao se confondit avec la magie, et de toute la doctrine
de Laotze il ne resta plus qu’un vain nom, des incantations,
des pratiques.
Aujourd’hui les révérends prêtres taoïstes, dont la plupart
se vouent au célibat, comme les lamas bouddhistes, sont les
nécromanciens de la Chine, ceux qui font tourner les tables
et qui conjurent ou évoquent les esprits. Sans dogme précis
qui les unisse en corps religieux distinct, les uns sont de
véritables chanoines comme ceux des Toungouses, les autres
sont plutôt astrologues ou diseurs de bonne aventure. En
général, les lettrés affectent de mépriser le taoïsme ; cependant
certaines pratiques de ce culte sont imposées aux mandarins,
et même quelques cérémonies taoïstes se mêlent au culte
national en présence de l’Empereur.
Le grand prêtre du taoïsme ou « docteur céleste », qui
prétend descendre en ligne directe de Laotze, reçoit un traitement
de l’État en échange des amulettes, des objets de sainteté
et des mandements sur papier rouge ou vert qu’il fait
distribuer dans toute la Chine.
La religion bouddhiste, moins infidèle à son
ancienne doctrine que le culte du Tao, a su
iv mieux se maintenir; la très grande majorité des
l e enfants de Han se range parmi les sectateurs
bouddhisme de Fo, et presque tous les Chinois, sinon tous,
sont comme empoisonnés des superstitions
que cette doctrine a semées libéralement dans le Royaume
des fleurs.
Bien que d’origine étrangère, le bouddhisme est devenu,
du moins en apparence, la religion de la nation chinoise,
mais sous une forme qui le rapproche singulièrement du culte
primitif des génies et des mânes.
Les véritables commencements du bouddhisme chinois,
l’introduction réelle de la doctrine dans l’Empire du Milieu
sont relativement modernes : relativement, parce qu’il s’agit
de la Chine; en France ce serait du haut Moyen âge, sinon
du gallo-romain.