parallèle au sol. Vie d’éternelles tribulations sans doute, mais
vie libre, en plein soleil, faite de durs travaux, mais aussi de
repos délicieux avec sommeils profonds; et surtout c’est la
vie qu’ont menée les ancêtres depuis de lointaines, d’obscures
générations.
Aussi la civilisation européenne qu’on leur prône à tout
venant n’a-t-elle pas de plus sincères ennemis que les tireurs
à la cordelle qu’elle prétend délivrer.
De Koeïtcheou à Itchang, la série des principaux tan ou
rapides n’a pas moins de 189 kilomètres de longueur; elle se
termine par des gorges grandioses, telles que le Lon kan et
le Mi tan.
Tout à coup les collines s’abaissent de part et d’autre,
le fleuve prend une largeur de 800 mètres, et, comme dans la
mer, on voit les marsouins se jouer à côté des embarcations.
Ici, à Itchang, commence le Kiang maritime,
vii auquel les Chinois appliquent le dicton : « Sans
le tangtze bornes est la mer, sans fond le Kiang. »
inférieur : Du moins est-il « sans fond » pour les jontoungting,
ques ordinaires, puisqu’aux seuils les plus
han élevés, pendant les maigres, il offre, excepté sur
et poyang un seul point, 6 mètres d’eau dans le chenal, et
presque partout beaucoup plus ; mais les inondations
élèvent le niveau fluvial à une moindre hauteur que
dans les gorges, et l’écart est de moindre en moindre à mesure
que le Yangtze se rapproche de la mer.
Mais, tout au contraire, les dangers d’inondation augmentent
pour les campagnes riveraines en proportion de
l ’abaissement graduel des rivages : c’est pourquoi des levées,
pareilles à celles du fleuve Jaune, bordent le Yangtze kiang
de part et d’autre.
Des marécages, dans lesquels se déverse l’eau d’inondation,
allégeant ainsi les crues, commencent à se montrer de
chaque côté du fleuve; de grands lacs même s’étendent dans
les plaines voisines et reçoivent des affluents qu’ils reversent
au Yangtze par des canaux changeants.
Le Toungting, qui communique avec la rive droite du Yangtze
par la courte rivière Toungting ho, chenal d’une dizaine
de kilomètres de longueur, est le plus vaste de ces lacs.
Long de 120 kilomètres, sur 30 à 60 de largeur, et vaste de
5 000 kilomètres carrés au moins pendant les hautes eaux, il sert
de réservoir d’écoulement à un bassin de plus de 200 000 kilomètres
carrés, comprenant presque toute la province du Hou-
nan; il change de forme, d’étendue, de saison en saison, suivant
l’abondance des rivières qui s’y jettent, le Yuen, le Sou,
le Siang ou Hé, et suivant la hauteur des eaux dans le Yangtze,
qui refoule parfois le courant de Toungting ho et reflue dans
le lac. Lors des grandes crues, les riverains abandonnent leurs
villages pour chercher un refuge temporaire, les uns sur les
collines des alentours, les autres dans les barques et sur les
radeaux.
A le bien considérer, en dehors de sa cuvette centrale et
sur la plus grande partie de son étendue, le Toungting est
moins un lac qu’une inondation qui s’avance au loin en été,
saison des pluies, qui se retire d’autant en hiver, saison de
sécheresse, et devient alors une plaine basse, humide, fourragère,
avec arbres, roseaux et joncs. A cette époque les troupeaux
y broutent au bord des rivières qui se confondent dans
le bas-fond ; puis, dès l’arrivée des eaux de la fonte des neiges,
et surtout dès la régurgitation du Yangtze, quand elle a lieu,
la plaine aux herbages se noie, le Toungting se reforme et
communique avec le fleuve, non seulement par le Toungting
ho, mais aussi par maintes coulées.
C’est ce lac, ce faux lac, pourrait-on presque dire, qui vaut
leur nom à deux provinces riveraines du Yangtze : Houpé, le
« Nord du Lac », et Hounan, le * Sud du Lac ».
Le principal affluent du bas Yangtze kiang, à la fois par
l’abondance des eaux, par l’activité commerciale, par le rôle
historique, est le Han kiang, tributaire de gauche dont la
vallée est la route naturelle pour les hommes et les marchandises
entre les deux grands fleuves de la Chine, et dont le bassin
est l’une de ces régions du Royaume Central où tous les
avantages se trouvent réunis pour le bien-être et l’accroissement
des populations : climat salubre et tempéré, terres fertiles,
eaux abondantes et saines, flore des plus variées, marbres,
plâtres et pierres de construction dans les montagnes
voisines, grande richesse en combustible minéral.
C’est un fils des Montagnes Bleues qui fait du nord-ouest
au sud-est un pèlerinage de 2 000 kilomètres environ, du pays
qui se hérisse au sud-ouest de la vieille métropole, Singan,
jusqu’à l’énorme emporium de Hankoou. Dès qu’il est descendu
de ses sierras natales, non sans violents rapides et sans cascades,
il devient navigable sur presque tout son parcours pour
les jonques chinoises, même dans la région moyenne de son
cours, entre les monts schisteux et houillers où il se brise,