tants du Koeïtcheou; l’élément « national », fourni par les provinces
voisines, surtout p ar le Setchouen, habite principalement
le nord du territoire. Au total, c’est jusqu’à présent la plus
arriérée des dix-huit provinces : elle ne suffit pas à ses dépenses
et le gouvernement central la subventionne de 750 000 taëls ou
2 700 000 francs par an.
La capitale du Koeïtcheou, Koeïyang, se trouve à peu près
au centre de la province, à 1 075 mètres d’altitude, au-dessus
d’un affluent droit d’une rivière qui atteint le Yangtze à Fou-
tcheou en Setchouen : rivière navigable à la chinoise, comme
plusieurs de ses affluents, tout cela formant un réseau de communications
précieux dans une contrée aussi dépourvue de
bonnes routes, voire de bons routins, que l’est le pauvre Koeïtcheou.
La plupart des barques remontant ce cours d’eau central
de la province, le Wou ou bien Ou (avec autres noms locaux),
s’arrêtent à côté de la frontière du Setchouen et du Koeïtcheou,
dans la ville de Koungt’an, mais les bateaux à fond plat poursuivent
leur route jusqu’au bas de la capitale : celle-ci a l’avantage
de communiquer par des seuils peu élevés, d’une part avec
le bassin du Si kiang, de l’autre avec celui de la rivière Yuen,
affluent du lac Toungting, ce qui aide aux relations de ce pays
reculé.
On est par ici dans un fouillis de montagnes qui ne ’sont
un peu connues (ou soupçonnées) que depuis le passage de la
Mission Lyonnaise parmi des Miaotze dont un assez grand
nombre ont été convertis au catholicisme par des missionnaires
français. On se demande comment ces prédécesseurs des Chinois
en Koeïtcheou ont pu se maintenir jusqu’à nos jours dans
leurs « repaires », tant ils ont dû lutter longtemps et souvent
contre les envahisseurs, tant ils ont été pourchassés depuis des
siècles ; et surtout malgré la dernière et plus que terrible répression,
il y a une trentaine d ’années, à la suite du soulèvement
à peu près général de tous les Miao de la province.
Combien le Koeïtcheou a perdu de vies dans ces guerres
» inexpiables » on en a mille exemples : il suffira de dire qu’à
Tchenlin, ville au sud-ouest de Koeïyang, sur le faîte ou près
du faîte entre Yangtze et Si kiang, il y avait trente mille habitants
avant le soulèvement des Taïping, « compliqué de celui
des races non chinoises, bien aises de prendre leur revanche
d’une cruelle oppression » ; il n’y resta que six familles. Maintenant
la population est remontée à dix mille âmes. En dépit
de ces haines, égorgements, représailles, la miscégénation fait
son oeuvre, et le nombre des métis de Chinois et de Miao ne
cesse d’augmenter dans le Koeïtcheou.
Koeïyang n’est pas une grande ville et pas une des préfectures
et villes de district de la province n’a d’importance réelle,
par sa population ou son industrie.
On admet généralement que dès que le Koeïtcheou, cette
région si retirée, sera reliée au réseau des chemins de fer
de la Chine, elle prendra rang très vite parmi les grands
pays industriels. Parmi ses mines, celles de mercure sont probablement
les premières du monde entier ; il y a tant de vif-
argent dans le haut Koeïtcheou qu’en beaucoup d’endroits la
charrue ramène du sous-sol des fragments de cinabre. La
révolution de 1848 mit un terme à l’exploitation des mines :
en 1872 elles étaient encore submergées.
Il y a bien une ville du nom de Koeïtcheou, donc homonyme
à la province, mais elle est fort éloignée du territoire, à
quelque 250 kilomètres au nord-est de ses frontières, dans le
Setchouen : à la gauche du Yangtze, elle commande l’entrée
des gorges dont Itchang garde l’issue dans le Houpé.
En entrant dans le Houpé le long du grand
r fleuve, on arrive à la Chine la plus chinoise, à la
d a n s plaine opulente, exubérante, et plus que peu-
le plée : surpeuplée.
h o u p é . Le Houpé n’atteint pas comme surface la
moyenne des provinces chinoises et ses 185 000 kilomètres
carrés, un peu plus du tiers de la France, ne répondent
qu’au vingt-unième ou au vingt-deuxième de 1 Empire;
mais le seul Setchouen, trois fois plus vaste avec son Tibet
presque désert, deux fois plus sans ce Tibet, le seul Setchouen
est plus peuplé. On accorde en moyenne 30 millions d hommes
au Houpé, c’est-à-dire au « Pays au nord du lac », sous-
entendu : de Toungting, par symétrie avec le Hounan ou
« Pays au sud du lac ».
Trente millions d’habitants sur 185 000 kilomètres carrés,
cela fait 162 personnes pour 100 hectares, bien au delà de deux
fois la densité de population en France. Mais aussi le Houpé
se trouve en possession du plus beau fleuve de l’Extrême
Orient, et de l’une des « uberrimes » plaines du monde, cultivée
avec un soin méticuleux par les paysans les plus patients
qu’on connaisse. .
Le plus plantureux, le plus habité de cette plaine, la fourmilière
humaine n’est pas aux bords du Yangtze même comme
on le croirait tout naturellement : on le trouve autour des lacs,
dont plusieurs très amples, qui miroitent au nord comme au