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 ressources vient  de dotations publiques  anciennes et  des dons  
 qu’on peut faire à l’institution des Hanlin. 
 « Et, ajoute cet écrivain, certainement le plus  sympathisant  
 avec Chine  et Chinois  parmi  tous  ceux qui  ont  traité  de  l’Empire  
 Jaune  avec  connaissance  de  cause,  malgré  l’aide  qu’elle  
 reçoit  de  l’État,  l’Académie  des  Hanlin  est  absolument  indépendante  
 :  à  certains  égards  on  pourrait  la  comparer  à  nos  
 vieilles universités; c’est  elle qui  supplée à l’absence du ministère  
 de  l’instruction  publique  et  qui  pourvoit  aux  besoins  de  
 l’enseignement  supérieur  et  de  celui  du  deuxième degré,  avec  
 la  réserve  que  cette  mission  ne  lui  confère  aucun monopole.  
 Personne  n’est  obligé  d’aller  recevoir  l’instruction  dans  ses  
 collèges,  et  tout  le  monde  est  libre  d’ouvrir des  écoles  semblables  
 aux  siennes. Cependant ceux  qui  veulent  entrer  dans  
 les  carrières officielles  doivent se  soumettre  à  ses  examens,  et  
 ses  dignitaires,  aussi bien  que ses  agents  principaux,  sont les  
 seuls  qui  aient  le  rang  et les  prérogatives  honorifiques  des  
 fonctionnaires  de l’État. Mais  au  point  de  vue  spécial de l’enseignement, 
   son  unique objectif  est  de  stimuler  l’instruction  
 dans  la  nation,  et  l’on  est  fondé  à  croire  que  ses privilèges  
 n’ont d’autre but que de  faciliter sa tâche.  » 
 Enfin et surtout elle  fournit  à  la Chine  une  institution  qui  
 n’a  rien d’équivalent  dans  aucun  autre  État  civilisé.  La Cour  
 des  censeurs  est formée de cinquante-six membres pris au sein  
 de l’Académie,  dont  plusieurs placés près  du  souverain  et  surveillant  
 non  seulement les  actes  de sa vie  publique, mais  ceux  
 mêmes  de  sa  vie  privée  qui  pourraient  être  des  infractions  
 aux  principes  fondamentaux  de  l’État.  Parmi  ces  dernières,  
 les plus grandes,  celles qui  sont le plus sévèrement censurées,  
 sont  ses  manquements  aux  devoirs  du  culte  des  ancêtres et  
 de la famille,  et  il  n’est guère de  fautes  que  les  censeurs  ne  
 trouvent moyen d’y ramener. 
 Tout  compte  fait,  s’il  n’y  a  pas  40 000  fonctionnaires  en  
 Chine,  on y dénombrerait plus d’un million  de lettrés. 
 En  rapprochant  ces deux nombres, et  en admettant comme  
 démontré  d’avance  que  la  plupart  des  lettrés,  sinon  tous,  ont  
 en vue  les  fonctions  bien  rétribuées, on voit quel  danger peut  
 faire  courir  à  l’Empire  l’innombrable  légion  des  déçus,  des  
 aigris  et  «  fruits  secs  »,  de  tous  ceux  qui  n’ont  pas  réussi à  
 prononcer officiellement  de  «  grandes  paroles  »,  c’est-à-dire  à  
 mentir  :  chose qui  n’a  rien de déshonorant en Chine— au  contraire, 
   on y voit une preuve d’intelligence et d’habileté. 
 Il  y  a  quelques  années,  on  comptait  près  d’un  millier  de 
 ces lettrés  déclassés, vivant au jour  le jour,  dans la  seule  ville  
 de Lantcheou  en Kansou. 
 C’est  ainsi  que  de degré  en  degré  se  constitue la  hiérarchie  
 gouvernementale. La  corporation des lettrés  se maintient  
 régulièrement  déjà  depuis  trente-deux  siècles ;  mais  avant  le  
 vnie  siècle  de  l’ère  vulgaire  les  magistrats  étaient  encore  
 nommés  par le  peuple. 
 C’est à cette époque  lointaine  que,  se  défiant  des  caprices  
 du  suffrage  public,  un prince de la  dynastie  des  Tang  voulut  
 que  les  fonctions  fussent  désormais  attribuées  au seul mérite.  
 Telle  est  l’origine  de  ce  gouvernement de  bacheliers  et  de  
 licenciés,  que  des  écrivains  d’Europe  ont  vanté  comme étant  
 la forme  idéale  de  l’administration  des  peuples,  si peu que  la  
 réalité  réponde au  brillant tableau que l’on a fait de  ce régime,  
 qui  a  pour  enseigne,  mais  pour  enseigne  seulement  :  c Tout  
 au mérite ».  Car,  où  est réellement le mérite? 
 Quand  même  il  serait  vrai  que  le  pouvoir  fût  toujours  
 strictement  réparti  d’après  les  résultats  du  concours  et  que  
 l’argent n’eût aucune part  à la distribution  des places,  on peut  
 se  demander  comment une  heureuse  mémoire  et  la  connaissance  
 approfondie des  classiques  peuvent  être  chez  le  mandarin  
 une  garantie  d’intelligence et  de  sagacité  politiques;  il  
 est  à  craindre  au  contraire  qu’en  restant  confiné  dans  ses  
 études  à plus de  vingt siècles  en  arrière,  au  temps  de  Confu-  
 cius,  le  futur  homme  d’État  ne  se  condamne  à  un  arrêt  de  
 développement  et  ne  devienne radicalement incapable de comprendre  
 les  choses du  présent. 
 Un  1  pinceau  élégant  »,  telle  est  la  première  des  conditions  
 imposées  au  candidat; mais  si  bien  que  le  magistrat  
 sache  former  ses  caractères,  il  n’en  reste  pas moins  soumis  
 aux tentations  d’arbitraire  et  de  vénalité  auxquelles  l’expose  
 sa  charge,  tel  qu’on  comprend  en  Chine  le  mandat  officiel. 
 Le témoignage unanime  des voyageurs,  aussi  bien  que  les  
 comédies,  les  chants,  chansons  et pamphlets populaires, nous  
 disent en effet  que le lettré  n’est point l’inférieur  de l’ignorant  
 mandchou dans  l’art  d’opprimer  ses  administrés  et  de vendre  
 la justice.  En  général, le  peuple  redoute moins les mandarins  
 qui ont acheté leur place que  les  fonctionnaires  arrivés par la  
 voie  du  concours  :  plus  riches,  ils  sont  moins  avides;  ils  
 connaissent moins de belles maximes, mais  ils ont l’esprit plus  
 ouvert et ils  traitent plus  rapidement les  affaires qui  leur  sont  
 confiées. 
 Nul  mandarin  ne  peut  remplir  de  fonction  dans  le  pays  
 dont  il  est  originaire. Cette  mesure  a  pour  but  d’empêcher le