L’Errhaï est très poissonneux, de même que les rivières
et les ruisseaux qui s’y jettent. Plus habiles encore que les
pêcheurs du Yangtze kiang, ceux de Tali fou ont su s’associer
les oiseaux des bois pour la capture du poisson. Ils partent de
grand matin et avec bruit, pour éveiller les oiseaux pêcheurs
qui dorment dans les fourrés du bord, et laissent dériver leurs
barques le long du courant en émiettant des boules de riz dans
le sillage. Les poissons montent du fond pour happer la nourriture;
de leur côté les oiseaux se mettent enchâsse, et viennent
déposer leur proie dans le bateau. En échange de leurs services,
l’homme leur laisse une faible part du butin.
Les deux villes les plus importantes, les plus réputées du
Yunnan relèvent donc, Tali fou du bassin du Mékong, Yunnan
sen de celui du Yangtze kiang. Terre haute, montagneuse,
sauvage, la région dont les eaux gagnent le fleuve Bleu ne
montre aucune cité maîtresse; les bourgades même y sont
rares, aucune route praticable ne suit la vallée dans toute sa
longueur; le grand fleuve, obstrué de rapides, coule dans de
« noires » profondeurs et la route commerciale ne le rejoint
qu’à 400 kilomètres en aval.
Au delà d’un col ouvert à plus de 3 000 mètres dans la montagne,
ce chemin passe parToungtchouan, peuplée de 20 000 habitants,
dans une région i bourrée » de cuivre et autres métaux.
A 20 ou 25 kilomètres, dit un rapport de la Mission Lyonnaise,
un énorme bloc de cuivre natif que les indigènes s’efforcent en
vain d’entamer, est enfoui près du lit d’un torrent. L’amiral
Doudard de Lagrée, le chef de la grande expédition française
du Haut Mékong, y mourut en 1868 : son monument s’élève
près de la ville, dans une cour de la pagode de Kouangouang.
Toungtchouan, qui fabrique en grand les sapèques, a son site
à 2 200 mètres d’altitude, à 30 kilomètres seulement de la rive
droite du fleuve Bleu, mais à une hauteur • prodigieuse »
au-dessus de ses eaux. Sur le froid plateau du Yunnan c’est
une véritable oasis que le bassin de Toungtchouan, « tellement
bien abrité des vents, dit Monnier, que les rayons solaires
réverbérés sur les parois rocheuses y maintiennent une température
d’une douceur exceptionnelle, une végétation demi-
tropicale, des lauriers-roses, des figuiers, voire quelques palmiers
», très inattendus à pareille altitude.
Plus loin sur cette même route, à 2 120 mètres, Tchaotoung
fou, que les uns dotent de 50 000 habitants, les autres de 70 000
à 80 000, s’élève dans une plaine entourée de monts, en un pays
de mines de plomb, d’argent, d’étain, de zinc; elle fait le
commerce de ces métaux, de sel, de coton, de cotonnades,
d’opium ; victime de la révolte des Mahométans, « elle contient
moins d’habitations que de décombres.... piteuses, sans caractère
et sans grandeur ».
Plus loin cette route, que suivra certainement une voie
ferrée continuant le chemin de fe rd ’Hanoi à Yunnan sen, cette
route emprunte les gorges sauvages de la rivière de Takouan
ho, appelée aussi Hoang kiang ou « rivière Jaune », qui se jette
dans le Yangtze entre Pinchan et Sutcheou. Le port d’embarquement
auquel un rapide a valu le nom de Laouan t'an, est
un bourg très animé, situé dans une contrée riche en mines de
plomb argentifère.
Sur la montagne entre le Hoang kiang et le Yangtze, à
1400 mètres d’altitude, Longki est un évêché catholique, avec
une « cathédrale, un séminaire et une école », ensemble de constructions
dont les missionnaires catholiques ont fait une véritable
forteresse pour se mettre à l’abri des incursions des
Mantze.
Le Yunnan septentrional ayant été si malheureusement
ravagé par les Panthé, au nord de Yunnan sen et de Tali, il en
est tout autrement du Yunnan oriental, sur les Leang chan ou
montagnes Froides, dans les lieux de contact de la province
avec le Setchouen et Koeïtcheou. Ici pas de villes éventrées,
de campagnes flambées, de populations fauchées : pendant les
dix-sept ans de guerre civile, les habitants de la contrée, bouddhistes
et mahométans, Chinois et I jen, ne cessèrent de vivre
en parfaite harmonie et les travaux des mines ne furent pas
interrompus. L’un des principaux produits de l’exploitation
minière est un sel de plomb que Ton emploie pour la peinture
sur porcelaine et que Ton expédie à dos de mulets au Yangtze
kiang, d’où il est porté en barque aux fabriques de Tchingte
tcheng, dans le Kiangsi.
Cet orient de la province appartient au bassin du fleuve
de Canton ; les vallées supérieures du Houng Choui et de ses
affluents y entourent les promontoires avancés du plateau central
du Yunnan. La principale ville de ce versant, Kouangnan
fou, renferme de 15 000 à 20000 personnes.
Au midi de la mer de Tien ou lac de Yunnan sen, une
rangée de lacs moindres se prolonge dans les dépressions du
plateau ; lac de Tchingkiang ou de Fouhien, à 1700 mètres
d’altitude; lac de Kiangtchouen, un peu plus élevé; lac de
Tounghaï ou « mer Orientale », à 1600 mètres environ, près de
la ville homonyme, peuplée peut-être de 20000 personnes ;tlac
de Leang, à moins de 1 800, lac de Cheping, à 1377 ; d’autres
encore sont emplis d’eau douce, quoiqu’ils n’aient pas d’écou