par le promontoire granitique du Hoa chan, qui domine le
triple confluent du Hoang ho, du Weï ho, du Lo ho, et dont le
sommet servait d’autel à l’empereur Chun, il y a quatre mille
ans déjà; de tout temps, ce fut l’un des « gardiens de l’Empire
». Vis-à-vis, de l’autre côté du Weï ho, se dresse un autre
mont superbe, le Foungtiao chan, que la légende dit avoir été
séparé du Hoa chan par un tremblement de terre.
Gomme les Pyrénées, auxquelles le Tsing ling est comparé
pour la hauteur des cimes et l’aspect général, les Montagnes
Bleues s’élèvent sur la frontière de deux aires végétales et
animales.
Le naturaliste est émerveillé d’y voir juxtaposées des
espèces de régions différentes ; le palmier chamærops ne se
montre que sur les pentes ; mais sur le versant du nord mainte
espèce arborescente est de provenance méridionale : les paulownia,
les catalpa, les magnolia s’entremêlent aux sapins et
aux chênes. On retrouve aussi dans la flore du pays les bouleaux
à écorce rouge, et parmi les rhododendrons, une espèce
qui atteint les dimensions d’un arbre.
Les animaux sauvages n’y trouvent plus de retraites assurées
que dans la profondeur de quelques forêts ; pourtant la
faune comprend encore de nombreuses espèces du nord et du
midi, parmi lesquelles des chamois, des antilopes, des singes,
des panthères, et un boeuf que les gens du pays n ’osent
chasser par respect religieux.
Les arêtes parallèles du Founiou, qui continuent le Tsing
ling à l’orient et par lesquelles le système du Kouenlun va se
terminer dans la plaine basse, atteignent çà et là 2 000 mètres
d’altitude, par quelques-uns de leurs pics, mais leur hauteur
ne dépasse pas 800 mètres en moyenne. Pas un arbre ne
se voit sur leurs pentes, les habitants du Honan, les plus
anciens agriculteurs de la Chine, ayant arraché jusqu’à la
moindre broussaille depuis des milliers d’années.
Ces arêtes du Founiou, comme le Tsing ling, forment une
ligne de démarcation fort nette entre les deux zones du Fleuve
Jaune et du Fleuve Bleu.
Une seule journée de marche transporte le voyageur de
l’une dans l’autre région, et tout ce qu’il voit, tout ce qu’il
entend marque ce contraste. Aussi bien que le sol, le climat, la
culture, l’alimentation, les moyens de locomotion, l’ensemble
des moeurs, les dialectes et jusqu’aux termes de la langue officielle,
diffèrent de chaque côté de la ligne de faîte des « Pyrénées
chinoises ».
Au midi, les cultivateurs ont à craindre les pluies trop
prolongées, tandis qu’au nord le grand fléau est la sécheresse.
Les céréales du nord sont le blé, le maïs et le millet, tandis
que celle du midi est le riz, et, les Chinois du midi n’ayant
guère à se plaindre des rigueurs du temps, les Chinois du
nord ne savent comment se garantir des froids de l’hiver, et
de même les Kalmouks et les Russes, ils se couchent la nuit
sur des hang ou grands poêles en terre.
Enfin, ils se rappellent que jadis ils eurent à se défendre
contre les Mongols, et chacune de leurs villes, chacun de leurs
villages est protégé par des murs ou des terrassements ; tandis
que leurs voisins méridionaux n’ont dans leur mémoire que
des luttes contre des peuplades de montagnards impuissants
et, malheureusement, les atrocités de la révolte des Taïping.
Parallèlement au Tsing ling, d’autres arêtes
11 de montagnes s’élèvent au nord de la vallée du
m o n t s Weï ho, dans la péninsule limitée par les deux
du grands coudes du Fleuve Jaune; mais elles sont
k a n so u croisées par d’autres arêtes qui se dirigent du
sud-ouest au nord-est et forment avec elles une
sorte de labyrinthe, découpé par des vallées rayonnant dans
tous les sens.
Quelques-unes des brèches qui s’ouvrent aux angles de
croisement entre ces diverses chaînes ont une haute importance
comme lieux de passage nécessaires entre le Hoang ho
supérieur et le cours inférieur du fleuve : c’est le chemin qu’ont
dû prendre de tout temps les caravanes et les armées qui se
rendent de l’une à l’autre partie de l’Empire, et récemment
encore, c’est là, sur la voie stratégique tracée par la nature,
du Weï ho au méandre de Lantcheou fou, que se sont heurtés
les Dounganes et les Chinois. Entre le King ho et le Weï ho,
un massif, jadis connu sous le nom de Yo, fut, comme le Hoa
chan, l’un des « gardiens de l’Empire ».
Au nord-ouest de Lantcheou, entre des torrents du bassin
de gauche du Hoang ho et des courants d’eau formant, sur le
versant septentrional, le Heï ho, rivière qui finit dans la steppe
mongole; on a donné le nom de Richthofen à l’une des six
chaînes des Nan chan ou « Monts du Sud » — dénomination
banale qui se retrouve autre part en Chine. Au nord de cette
rangée de Richthofen, qui a des cimes de S 000 mètres, même,
croit-on, d’au delà de 6 000, la crête parallèle des Loung chan
ou Loungtou chan sépare la Chine, au midi, de la Mongolie
au septentrion, et se prolonge par l’Ala chan au-dessus du