le mouvement du port avait été de 7 002 bâtiments et de
7 964 036 tonnes. Le pavillon anglais et le pavillon chinois
flottent sur la plupart des navires : l’anglais sur près des deux
tiers du tonnage, le chinois sur un septième, la France sur
3 pour 100; on signale un acroissement du tonnage allemand et
du japonais.
Il va sans dire que des services réguliers de bateaux à
vapeur ont leur siège à Changhaï, qu’ils mettent en relations
avec le reste du monde par mer et avec les provinces du
Yangtze supérieur par la voie du fleuve. En 1901, ces lignes de
navigation étaient au nombre de dix : cinq anglaises, deux
japonaises, deux allemandes, une chinoise.
C’est dans les entrepôts de la rivière de Changhaï que les
navires débarquent les cadavres des Chinois morts à l’étranger.
C’est dans son faubourg de Pountoung, sur la rive droite du
Hoang pou, que des ouvriers chinois construisent des navires
de commerce sous les yeux d’ingénieurs européens; navires
dont un grand nombre (ceux qui remontent le fleuve) se servent
de la houille indigène, qui, avec le charbon japonais,
remplace de plus en plus le charbon d’importation étrangère
dans les entrepôts de Changhaï.
Des chemins de fer à traction de chevaux, ou autre mode
de propulsion, traversent la ville; de belles allées contournent
le champ de courses à l’ouest de Changhaï et vont jusqu’au
« Bouillant », le Bubbling vieil des Anglais, et le Haï yan des
Chinois ou i l’OEil de la mer », fontaine d’où s’échappent des
gaz d’hydrogène sulfuré. Au delà, de larges routes empierrées
rayonnent jusqu’à une dizaine de kilomètres, vers les maisons
de plaisance des négociants chinois et étrangers, mais le gouvernement
n’a pas encore permis de continuer ces routes ju s qu’aux
cités de l’intérieur.
Une mésaventure bien plus grave est arrivée à propos de
la ligne de chemin de fer, longue de 15 kilomètres, qu’une compagnie
anglaise avait fait construire entre Changhaï et son
avant-port de Wousoung, sur le Yangtze. Cette voie ferrée,
alors la seule de Chine, ne subsista que seize mois, quoiqu’elle
rendit les plus grands services au commerce local et que les
wagons fussent toujours remplis. Le gouvernement en ordonna
la destruction, et les rails furent transportés à Formose, sur
une plage où le flot de la mer les recouvrit bientôt : des fortifications
armées de canons de siège et protégées par des blindages
en fer ont remplacé la gare et les entrepôts de Wousoung.
Plusieurs prétextes furent mis en avant pour justifier la
destruction de ce chemin de fer; la principale raison en était
certainement la crainte qu’avaient les mandarins de voir les
résidents étrangers, déjà souverains dans l’enceinte de leurs
municipalités, et très influents même dans les affaires chinoises
par l’institution du tribunal mixte, s’emparer peu à peu
du pouvoir et devenir les maîtres du pays plus que le gouvernement
lui-même.
Le gouvernement de Peking n’étant plus maître chez lui,
il lui faut bien se résigner à la reconstruction du chemin de
fer. de Wousoung et à la construction de maintes lignes dix
ou cent fois plus longues que celle de Changhaï à Wousoung.
Nul doute que dans peu d’années le grand port du Hoang pou
sera réuni à Peking par une voie ferrée qui gagnera Tching-
kiang, et de là, suivant le parcours du canal Impérial, ira
traverser le Hoang ho et atteindra la métropole après avoir
traversé beaucoup de « terre jaune »; à Tchingkiang se détachera
la ligne qui remontera le Yangtze jusqu’à Hankoou, où
elle tombera sur le chemin de fer de Peking à Canton ; enfin,
une ligne unira Changhaï à Hangtcheou et à Ningp'o : sans
compter d’autres lignes encore.
Dans l’immense jardin qui entoure Changhaï et que des
canaux d’assèchement découpent dans tous les sens, les bourgades
et les villes populeuses s’élèvent de toutes parts. Un de
ces bourgs, que signale de loin une pagode voisine, la tour
de Long-houa, est Zikaveï (Sukia hoeï), qu’on peut considérer
comme appartenant encore à Changhaï, dont il est éloigné de
7 kilomètres au sud-ouest. C’est là que se trouve le collège
des Jésuites, fondé au xvne siècle, rétabli au xix® et pourvu
depuis 1840 d’un observatoire météorologique, fondé par la
France et où se trouvent les meilleurs instruments, grâce aux
subventions des États-Unis : les jeunes gens qui sortent de ce
collège peuvent se présenter aux examens du mandarinat
comme les étudiants des écoles indigènes. On doit de récents
et précieux travaux géographiques et cartographiques aux
« pères » de cette mission de Kiangnan, car tel est son véritable
nom, qui fait revivre l’ancienne province de Kiangnan,
dont on a tiré le Kiangsou et le Nganhoeï.
Les campagnes de Changhaï, Hollande très coupée de
canaux, sont d’une extraordinaire fécondité. Les villes y sont
légion, dans toutes les directions : vers le nord, où les îles du
Yangtze ne sont pas moins populeuses que la terre ferme, et
où la péninsule de Tsoungming est couverte de cités, de bourgs,
de villages défendus contre les tempêtes du large par d’épais
rideaux de bambous; vers le sud, où les villes se pressent ju s qu’à
la baie de Hangtcheou ; vers l’ouest, à travers le pays à
demi lacustre qui mène à Soutcheou fou.