vertes de forêts qu’il a fallu péniblement abattre. Il est certain
qu’elle a maintenant un peu partout de redoutables rivales, le
Terreau Noir des Russes, le pays des Grands Lacs et du Mississippi,
la Pampa platéenne, toutes régions plus amples que la
plaine chinoise, mais aussi, dans leur ensemble, moins douées
par la nature.
Car on ne peut qu’envier au Grand Empire l'immense
étendue, la fécondité de sa * Terre Jaune » qui est la région par
excellence pour l’agriculture et où devaient se développer naturellement
les habitudes paisibles que donne le travail des
champs. A cette région se rattachent d’autres territoires agricoles
ayant un autre sol, un climat différent, des formes animales
et végétales distinctes, et c’est ainsi que de proche en
proche la vie civilisée a pris possession du vaste domaine qui
s’étend des solitudes de la Mongolie aux rivages du golfe du
Tonkin. Une grande variété a pu s’introduire dans les cultures
; les échanges se sont faits de province à province ; toutes
les améliorations partielles ont profité à l’ensemble du pays ;
de conquête locale en conquête locale, la civilisation de tous
s’est accrue facilement chez les Chinois eux-mêmes et dans les
régions limitrophes.
En comparant l’Asie Orientale au monde occidental, on voit
sur-le-champ combien la Chine proprement dite se distingue de
l’Europe par l’unité géographique; des terres jaunes du nord
aux plaines que le Yangtze traverse, et de ces plaines aux frontières
de l’Indo-Chine, les populations ont un centre de gravité
commun. Leur civilisation ne pouvait donc manquer de se développer
largement dans cette a Fleur du Milieu » d’où elle a été
portée plus tard par mer au Japon et à Formose, tandis que,
par terre, elle s’infiltrait au nord vers la Corée et la Mandchourie,
au sud vers des pays qu’elle a transformés assez pour
qu’on les réunisse sous le nom commun d’Indo-Chine, nom
équitable, faisant égale part à deux grandes influences historiques.
En opposition, combien plus distinctes, plus individuellement
constituées les diverses régions de notre monde occidental,
de l’Asie Mineure à l’Angleterre et à l’Irlande! La
Grèce, que des montagnes longtemps restées presque inconnues
séparent du reste de l’Europe ; l’Italie, si bien limitée par le
rempart des Alpes; la péninsule Ibérique, encore mieux close
au nord par la barrière des Pyrénées; la France, au double
versant atlantique et méditerranéen ; la Grande-Bretagne,
qu’entourent les flots tièdes et les brouillards, ne sont-ce pas
là autant d’individualités géographiques ayant dû chacune
PREMIER
élaborer sa civilisation spéciale avant que pût se former une
culture supérieure à laquelle ont collaboré toutes les nations
européennes?
Sans être presque insurmontables comme des Himalayas,
des Kouenlun, des Karakorum, les obstacles naturels sont plus
grands entre les divers pays de l’Europe, qu’ils ne le sont entre
les territoires de la Chine orientale, et ce sont, pour une bonne
part, ces obstacles mêmes qui, en empêchant la centralisation
politique, tout en permettant les relations de pays à pays, ont
maintenu l’initiative des peuples de l’Occident et en ont fait
les instructeurs des autres races. C’est ainsi, par exemple, que
le morcellement extrême de la Grèce y fit naître une foule de
républiques turbulentes, passionnées, dont une, Athènes, influa
« prodigieusement » sur l’avenir des hommes.
Mais si, dans la zone du littoral, à 1 est des
ni monts Tsingling, les communications étaient
iso l em e n 7 faciles de la Chine du nord à celle du centre
graduel et l’on peut dire que la nature mena ici 1 homme
d e c e s comme par la main, à travers la Terre jaune —
d e u x p ô l e s faciles aussi, mais moins, du centre au midi, — et
d u si les populations de la grande terre pouvaient
v ie u x m ond e cingler sans trop de peine vers Formose et le
Japon par les étroites avant-mers du Pacifique,
en revanche le monde de l’Asie Orientale apparaît presque
entièrement fermé du côté de l’ouest; fermé présentement,
mais il ne semble pas qu’il en ait toujours été de même aux
sièclwan té ^ douteux que> dans pantiquité préhistorique, les
ancêtres des Chinois, des Hindous, des Chaldéens, des Arabes
durent être les voisins les. uns des autres et se trouver en_ relations
fréquentes, puisque ces divers peuples ont hérité aes
mêmes conceptions astronomiques et que la coïncidence aes
observations et des vues se poursuit jusque dans les détails.
Mais ces rapports de voisinage, impliquant une civilisation
commune, ne peuvent avoir eu lieu qu’à une époque de plus
grande humidité dans l’Ancien Monde, quand les régions actuellement
desséchées et désertes de l’Asie centrale permettaient
aux populations des versants opposés de se rapprocher davantage,
quand le bassin du Tarim, qu’assiègent maintenant les
sables et dont les oasis ne renferment qu’une faible population,
appartenait encore au monde aryen et que la civilisation de ses
habitants se rattachait à celle de l’Inde, tandis qu’au delà des