rémonie morale ou politique, eft un grand ftec-
trcl- dont toutes les parties liées.à’un motif unique,^
doivent retracer &, expliquer en caraéUres
très-intelligibles, le point dbnftruôion & la ‘ moralité
qui en font l’objet. Il faut que ie décorateur
dirige vers ce but tous les «emblèmes, toutes
les allégories, tous, les détails d’ornemens qu’il
emprunte aux différens* arts. 11 faut que l’oeil du
fpe&'ateur trouve une leçon pSr tout où il ne
croit trouver que c!u pîaifir. Malhiureiifement
les modèles manquent en ce genre. 41 elb de la
rature de ces fortes de décorations de ne pouvoir
1 ur vivre long-temps aux cérémonies qui les cçca-
fionnent.
Les fêtes delà fécondé efpèce, fans exiger moins de
talent, demandent peut être moins cle fuite & de
connexion dans les idées. Comme elles ne tendent
qu’à divertir les hommes, & à leur procurer
des motifs de réjouiffance , le décorateur ell le
maître, de fe donner fon fujet. Il peut le prendre
ou dans les fictions des poètes, ou dans les régions
de Faliégorie, ou dans des rapports d’imitation
de quelque peuple- ancien ou éloigné. Le
palais d’Armide, le temple du foleil, feront des
fujets de décoration très-conformes aux fêtes publiques
confidérées comme réiouiffance. Ces fortes
■ ^de décorations A-lient ordinairement aux illuminations
ou aux feux d’artifices, & alors elles ne
fauroient réunir trop d’élégance à trop de pittoresque
& de magnificence.
Paris a confervé le fouvenir des belles décorations
qu’exécuta le célèbre Servàndoni, pour les.
fêtes qui furent données en 1738, a l’occafion du
mariage de madame Louife Elizabeth de France
avec Don Philippe infant d’Espagne. Ce grand
décorateur choilit pour fon théâtre cet efpace que
parcourt la Seine depuis le Pont Neuf Jufqu’au
Pont-Royal. Heureufe fituation pour procurer le
fpeêhcle d’uné grande fête à un nombre prodigieux
de fpectateurs. Le fond de cette perfpeâive
offroit fur le corps avancé qui fépare les deux
parties du Pont Neuf, un vafie édifice. C’étoit
un temple de forme grecque , périptère & parallélogramme.
Quatre rangées de colonnes doriques dé
quatre pieds & demi de diamètre le foutenoient,
& pefoient fur un ftylobate continu. Son plafond
«toit en compartimens réguliers de grands' caif-
fons carrés, 'ornés de rofaces. Un grand entablement
couronnoit ce-premier ordre, & .au-deffus
étoit pofée une baluftrade imrerrompue par des
piédeftaux qui portoient des fiatues à l’aplomb
des colonnes extérieures; elles étoient au nombre
de vingt, & comme elles repréfentbient toutes,
les divinités du paganifme , ce temple, confacré à
l’hymen, devenoit une efpèce de Panthéon. A
l ’aplomb desvçolonnes intérieures, s’élevoit fur
la terrafie unattique dont les faces étoient décorées
d’ornemens & de figures en bas relief renfermées
dans des cadres. Le long de la plinthe
étoient pofés fur des acrotères , des vafes en-
tenrés de fêftons -& surmontés de flammes. Tel
étoit le couronnement de cette grande machine qui
s’élevoit à quatre-vingt pieds. ,
Entrée les deux ponts paroiffoit fur deux bateaux
accouplés ùn falon o&pgone. Ils étoient cachés
par des rochers qui fembloient fortir de l’eau,
Huit efcaliers par lefquels or. y arriveit, condui-
foient à une terrafie dont le falon ,occupoit pref»
que toute la fifperficie. 11 étoit percé de huit arcades
, du cintre deiquelles pendoient des lanternes
de toile• tranfparente. Au milieu du falon s’élevoit
unevcolonne ifolée , éclairée par de fenibla-'
blés lanternes rangées en éfager. L’intérieur delà
falie deftiné pour la mufique-, étoit garni de gradins
en amphithéâtre' occupés; par les müficier.s,
Plus de quatre- vingt mille fpeéîateurs, dit-on , affilièrent.
commodément à cette fête.
Peu d’artiftes' font parvenus à la célébrité eue
Servàndoni s’efi acquife dans prefque tous les genres
de décoration. Peu d’hommes auffi ont réuni à
un plus haut degré la mefure & la nature des
qualités & connoiffanc.es que comporte ce genre,
Peintre à la fois & •architeéle', il dut au célèbre
Pannini, dont il fut l’élève, le goût pour lar-
chiteélure pîttorefque dont les compofitions de ce
maître offroient des modèles fi variés'11 dut à l’étude
des monumens antiques & des ruines de
Rome, cette nobleffe de formes, ce choix'de
déveioppëmens riches & nombreux, cette fécondité
d’invention qui le cara&érifent.
Mais il faut le dire. auffi, ,Servàndoni fut peut
être redevable de fon talent , aux fréquentes occa-
fions qu’il eut de, le. mettre en oeuvre. Il n’eft
pas de branche des arts plus dépendante.des cir-
conftances politiques', que celle de la décoration.
Si la religion ou ie gouvernement ne l’ali?
mente, elle fe defsèçhe promptement, i a tradition
des, chefs-d’oeuvres de ce genre fe perd. Les
maîtres ceffent.de former des élèves, & lorfque
quelqu’événement veut faire revivre de femblabies
fpeélacles , la dépenfé nécefïaire pour les monter
de nouveau, détourne de les entreprendre.
Ce n’eft pas que je penfe qu’il foit néeefiàire
de former des hommes exprès pour ce genre d’art.
C ’eft fans doute parmi ceux qui profefient les
trois arts^du defiin, qu’on en trouvera toujours
la véritable pépinière. Mais ce genre , quel que
foit l ’art qu exerce fpéciaiement le décorateur,
exige 'dans l’emploi de tous les arts , une expérience
que les occafions feules peuvent donner.
Si le décorateur n’eft que peintre, il fera force
d’abandonner l’exécution & la furveillance meme
de fes deffins à dés artift.es. étrangers. S’il ne»
qu’architeéle, fes compofitions manqueront d’u«e
forte de brillant, de riche, de varié, fans .lequel
la décoration ne préfente que des effais oa
des modèles d’archite&ure.
I Au r4fte il eft peu de règles à prefei'ire à la
\ décoration dont nous parlons, qui ne loienr com-
Innmes à l’architecture, Il ne peut y avoir entre
fclles due la différence de l’imitation à la réalité.
Ipeut-être le goût admet-il en faveur du genre
■ de là copie , quelqü’indulgence,Ipofition foit dans la com- de l’enfemble, foit dans les formes de
«détail. Il demande même un je ne fais quoi d e-
ilé^ance, de parure, de ce que les Italiens appel-
Kent brio, qui réponde à l’emploi de la chofe,
1& foit en harmonie avec l ’idée de fête, de pompe
■ & de réjouiffance B C’eft fans doute aux décorations des fêtes & des
■ 'cérémonies publiques, que l’on doit cette pro-
■ fafion d’ornemens que l’archite&ure Italienne a
»ait fi indiferettement palier dans des monumens
Itfop durables pour le goût frivole qui y règne.
■ Mais ce luxe de parure fied bien aux moncunens
Wdécoratifs des fêtes publiques. On ne fauroit y
1 défapprouver cês. feftons qui entourent le fnft des
1 colonnes, ces guirlandes naturelles ou fa&içes,
I ces feuillages qui donnent à l’enfemble un air de
■ gaieté & de plaifir. Les étoffes riches & pré-
■ cieufes, les broderies d’or & d’argent figurent
■ bien auffi dans certains cas. Il ne faut qu’avoir
I vu la magnificence de ce genre d’appareil dans
■ la décoration des fêtes civiles ou religieufes en
■ Italie, pour fe convaincre du bel effet quelle
■ goût fait tirer de tous ces objets de ^parure dans
B,ce qu’on' appelle gli Jiochi.
K C’eft donc'particulièrement en Italie, que doit
■ aller fe former l’artifte qui afpîreroit à devenir
Bun grand décorateur. C ’eft-là que tout lui offre
H des modèles. C ’eft-là fur-tout qu’il apprendra à
Bexécuter 'à peu de frais tous les détails de la âi-
B coration. Car n’en doutons point, c’ eft la dé-'
B penfe exceffive de ces fortes de fpeélacles, qui
j|| contribue à les,rendre de plus en plus rares. Il
k| faut favoir réunir à la folidiié qu’exige la fureté
Bpubliqug, la légèreté que preferit l’économie. Les
■ italiens excellent fur-tout dans cette partie. Les
»charpentes qui conftituent le corps des décorations,
■ n’ünt pas befoin de cette folidité des édifices du-
B râbles. Les peintures qui-fervent de revêtiffement
I doivent être traitées avec efprit ôç légèreté,, elles
I veulent de l’effet, ÔL ne demandent pas de fini. Les
§ ftatues ne feront que des mannequins , les, cor-
. niches & les entablemens ne feront que dés vo-
pl'ges, les colonnes des treillages.
I -” -u refte, fi , Farchitefte de ces fragiles & paf-
pirfgers monumens 11’a pas tous les avàatage? que
I tionne 1 exécution définitive (les ouvrages de l’art,
r B aura pas moins de reffources pour, bien ca-
ï rattérifer fon avchitèéfure. Peut-être même au moyen
|d e tous les preftiges de la peinture & d’une ef-
■ pece d’ameublement, fi l ’on peut ainfi parler,
■ qui entrent dans l’artifice de fa compofition, pàrle-
L v 1. énergiquement aux fens que ne le peut I aire 1 architeéle^ Qui n’a pas'éprouvé il la vue
d’une magnifique falle de banquet, de mufique
ou de b a l, ou à l'entrée d’un catafalque, des
émotions plus vives, & l.’impreflïoir de caractère
propre à la chofe , plus profonde, par les moyens
artificiels de la décoration, que ne le peut faire
l’architeâure ? C ’eft qu’aux reffources de cet art,
le décorateur ajoute tout ce qui ne fauroit lui
appartenir. C ’eft qu’enfuite il joint l’effet du fpec-
tacle à celui de la réalité. C ’eft qu il difpofe du
choix de tous les objets de la nature & de l’art,
de toutes les couleurs, des jours & des lumières
iqui s’affortiffent à fon fujet. Auffi peut-on dire
qu’une fête ou une cérémonie publique n eft aune
chofe qu’une efpèce de drame joue fur un va:fte
théâtre, & fur lequel le plaifir de la réalité le
combine avec les iliufions & les preftiges de tous
les arts.
D t la décoration de théâtre, ou repréfintatcon des
lieux oit s'ejl pàjfée Faction que le pacte met fous
les yeux du Jpeclateur.
Je définis ainfi la décoration théâtrale, & cette
définition eft la feule qui foit conforme aux ufages
modernes. Il eft vrai que chez les anciens, ce
qu’on appelloit véritablement la décoration du théâtre
ou de la fcène, étoit une ordonnance folide
& régulière, compofée de plufieurs ordres de colonnes
en marbre, en pierres preciéufes, & quelquefois
même de cryftal. Gette ordonnance qui
faifoit face à l’amphithéâtre, étoit percée de cinq ,
portes ou ouvertures par iefquelles entroient les
ââeurs fur la fcène, qui fe trouvoit en avant de
cette ordonnance, C’étoit au travers de ces cinq
ouvertures, que Fon appercevoit les décorations
mobiles qui fe' varioient félon le caraâèi'e & le
fujet de la pièce. Il paroît bien confiant que ces
magnifiques ordonnances d’archite&ure dévoient
aufii recevoir des changémens , d’après la nature
du drame & le lieu de la fcène , ' & que des
toiles peintes de diverfes manières" defcendoient
ou fe dépoulôient au befoin pour les mafquer 8c
affortir la devanture aujefte des décorations. ( Voye^
THÉÂTRE, SCÈNE ).
Ainfi chez les anciens, comme chez les modernes
, ©n a connu cet art de changer les scènes,
& de transporter, par ie moyen de ces çhange-
mens, le fpeélateur immobile, d’un lieu dans un
autre. On a connu les iliufions de l’optique, Ôç
. 1 les principes de perfpeélive, qui réduiieiïf à- ■ de« •’
• données certaines, les procédés propres à }a déco-*
ration théâtrale,
Non - feulement la pratique en fut connue, aux
anciens, mais plufieurs peintres ou décorateurs d e .
l’antiquité, avoient compclé des traités Iuj: cette
matière,
'Agatarchus, nous dit Yitruve , inftruit par Ef-.'.
chyle , à Athènes, de la manière dont if faut faire
> W . A a 3.