
Par exemple, il y a une colonne, rapportée par
Norden, & au (fi par M. Denon, dont le fût offre
une imitation très-fenfible du tronc du palmier.
(Voy. fig.ci-dejjus'). Si quelque méthode avoit dirigé
les conceptions des architectes, il y avoit fur un tel
motif de quoi établir une ordonnance régulière. Il
ne paroîc pas cependant que cette colonne ait été
fort répétée ; & l’on ne fauroit même fonder fur
cette autorité la préfomption que c’ait été un mode
en ufage.
Les colonnes circulaires ne recevoient d’autres
acceflbires à leur fût que les hiéroglyphes dont on a
parlé. On les en couvroit quelquefois du haut en
.bas fans aucun ordre ni aucune fymétrie relativement
à l’ art de décorer. Il en eft pourtant telles
que celles du temple de G av a, fur le fût defquels
les hiéroglyphes fe trouvent diftribués par compar-
timens réguliers, on diroit prefque par encadre-
mens.
Pococke a rapporté un frontifpice de chapelles
taillées dans le roc , près de ce qu’il appelle la pierre
de la chaîne à Tshibel EJJdfel, dont la partie inférieure
fe termine en une efpèce de culot fléuronné.
I l faudroit des renfeignemens plus ppfitifs fur toutes
ces variétés. Mais tout annonce que leur réfultat
feroit qu’aucune règle ne préfidât à la plupart de
tous ces embelliffemens, & que fuggérés par divers
motifs puifés à la vérité dans certaines formes naturelles,
ils ne furent trouver dans le génie égyptien
& dans l’état de la fculpture, cette alliance de goût
& de raifonnement, & ces modifications heureufes
qui peuvent fixer & perfectionner de femblables
inventions.
Chapiteaux.
Si quelque choie prouve cette flérilité des vraies I
refiources de l ’a rt, c’eft le grand nombre, c’eft
cette abondance de motifs dans la décoration des
chapiteaux ; car l ’invention en architecture ne devient
un mérite qu’autant qu’elle produit des im-
preflions différentes. Il eft une fécondité ftérile .
c ’eft celle qui ne produit que pour changer, & ne
change que pour paroître produire, fans qu’on aperçoive
la raifon de ces variétés. On trouve ce
genre de fécondité dans les édifices gothiques, dont
tous les pilliers font décorés de foi-difant chapiteaux,
tous différens les uns des autres. Le bon
goût appelle ces différences des difparates. O r , l’on
fait que fi en fait d’art & de goût on' veut parvenir
à fe former une idée précife de ce qu’on appelle
bifarrerie , irrégularité & arbitraire , c’eft dans les
édifices gothiques qu’il faut l’aller puifer.
La même efpèce de difparate & d’irrégularité
décorative exifte dans les mon urne ns de l’Egypte.
Tous les voyageurs anciens & nouveaux
font d’accord fur ce point. A Edfou , qui eft 1 *Apol~
linopolis magna, M. Denon a defîiné l’intérieur d’une
cour environnée de colonnes au nombre de vingt de
chaque côté. Les chapiteaux de ces colonnes ne fe
reflemblent entre e u x , ni pour la forme ni dan
leur décoration. Il a remarqué toutefois que le-
mêmes formes correfpondent entre elles, 6c qu’aJ
milieu de cette diverfité , le chapiteau de tel genre
d’un côté eft en rapport avec le même chapiteau
d’un autre côté. Et félon lu i, l’effet de cette cliver-
fité n’a rien de déplaifant. Si l ’on en croit, fur J.
même article, Pococke Ô£ Norden, ces variations
n’auroient pas été par tout foumifes à ce hiême
efprit de lymétrie. Dans cette longue allée <U
colonnes qui conduit au temple de Philoe, on trouve
félon Pococke, les chapiteaux tous différens entre
eux. Norden obferva la même chofe au temple
d’Efné , oh l’on doit remarquer , dit-il, qu’un
chapiteau d’une colonne ne reflemble pas à celui
d’une autre, & que bien que fa proportion foit dans
tous la même, leurs ornemens font pourtant dif.
femblables.
Cette particularité, qui fert à cara&érifer le goût
égyptien , nous donne en même-temps la raifon de
cette multiplicité d’ornemens qui différencient les
chapiteaux.
Le chapiteau que nous avons appelé à campane,
fe trouve, d’après le peu de deflins que nous avons,
orné de fept ou huit manières diverfes. ( Voyt^ les
fig. 274 & Juiv.) On y voit un chapiteau, dont le nud
n’eft orné que de quelques traits gravés en creux,
& de quelques figures purement linéaires, dans lef-
quelles on croit apercevoir que l ’intention fut d’y
repréfenter des plantes. Ce genre de gravure ne
pouvoit guères parvenir jufqu’à l ’imitation. Un
chapiteau d’Affouan ou Syenne,offre une imitation
en relief beaucoup plus pofitive. On y diftingue
clairement des feuilles du Nymphéa & des tiges de
plante. Un chapiteau de Gava eft environné de
femblables tiges, qui ont l ’air & la forme de baluf-
tres. Ce même ornement fe, retrouve dans Caylus
( /. 4 , p» 5 ) fur la coëffure de quelques ftatues
égyptiennes. Le chapiteau d’Efné eft décoré de tiges
de fleurs , & forme une compofition que l’art de
l’ornement auroit pu rendre très-agréable. Celui de
Philoe eft à trois rangs de plantes , celles d’en haut
font des palmettes On en voit un qui eft évidemment
l’imitation d’un palmier. Le roi Amafis,noua
dit Hérodote ( l. 2 , c. 171 ) , fit faire des colonnes
à lareffemblancede cet arbre çtvkouti t e foiyiMf
tct S'tvS'pea ue/xip.nvoi<ri.
Norden arapporté plus d’un chapiteau qui,fans
être auffi fidèlement l’image du palmier , nous fait
voir cependant que les branches de cet arbre, ainfi
que leur courbure , furent fou vent appliquées à la
décoration du chapiteau à campane.
Le chapiteau à renflement reçoit fouvent, comme
on l’a d it, pour tout embelliflement, des hiéroglyphes.
Mais le motif le plus ordinaire de la décoration
de fa forme, eft la fleur même du lotus. Les autorités
des voyageurs aéluels confirment cette conje&ure.
Le calice de cette fleur , plus ou moins épanoui ;
forme les variétés qu’on découvre dans la configuration
de fon ornement. Les deflins que nous e*
iufau’à ce moment, ne permettent guères de
détailler ces variétés. Il fuffit de favoir que c’eft là
le tvpe de ces cannelures qu’on apperçoit dans ces
dtffins & cette étymologie eft fort fatisfaifante.
Le chapiteau carré, c’eft à-dire, celui qui confif-
toit en un dé ou en un plateau, ne pouvoit présenter
à l’ornement ou à l’imitation analogique des produirions naturelles aucun emploi fort heureux. On ne voit pas qu’on y ait fculpté autre chofe que
des hiéroglyphes. . . . . . ,
Il eft une autre efpèce de chapiteau ou de couronnement
de colonne , dont on n’a dû faire mention
qu’à l’article de la décoration, vu que fa forme très-
indécife & peu facile à définir, fur-tout d’après les
deflins que nous avons , offre une allez grande
complication de parties : c’eft celui que j’appellerai
chapiteau à têtes d’Ifis.
Paul Lucas l’avoit déjà defliné dans fa vue du
temple de Tentyra ; mais fon deflïn repréfente
comme quatre têtes de ronde boffe adoflees les unes
aux autres.Selon le deflin de Pococke,au contraire,
& félon les deferiptions récentes, ces têtes ne font
fçulptées que de bas-relief fur chacune des faces
d’un dë de pierre, au-deflus duquel s’en élève
i un autre, dont le champ eft fculpté en compar-
timens ou encadremens d’hiéroglyphes. La même
[tête fe voit placée au-deflus d’un chapiteau à
[campane du temple de Philoe. On la retrouve
également fur les chapiteaux du temple de Balbait
flans la Baffe-Egypte. Dans un temple égyptien ,
flont on vient de faire à Paris un modèle poftiche
! à la place des Victoires , on a fait choix du genre
de chapiteau dont on parle. La tête d’Ifis y eft re-
[préfentée avec des oreilles de vache.
Tailloirs,
[ Nous avons dit qu’à proprement parler, il n’y
| avoit point de tailloirs dans Yarchiteft'ure égyptienne.
I Souvent ce qui en tient la place eft lui-même un
[chapiteau placé fur un autre chapiteau. Il feroit fort
I difficile d’alfigner à cette partie équivoque un genre
d ornement qui lui ait été propre.
^ Entablement.
I Dansl’archîte&ure grecque, où tout eft rapport
t & combinaifon , le goût vint à établir des règles &
i des principes d’harmonie relatifs à chaque mode entre
I chaque partie des ordres | de forte qu’il fuffit d’ün
■ Dlorceàu d’entablement ou d’un fragment d’orne-
| In^nt pour favoir & décider à quel ordre, à quelle
colonne, à quel chapiteau iis appartiennent. Au
I milieu de l’anarchie qui règne dans T architecture
> il paroît difficile d’a durer qu’il ait
[ • t e une relation, même de routine , entre les
oinemens de tèls chapiteaux & de telles colonnes,'
I es ornemens de leur entablement. On croit voir
Aç l’harmonie plus que
| re exion, établit quelquefois entre eux de ces
conformités. Du moins retrouve-t-on, fur plus d’un
entablement , les mêmes efpèces d’ornemens que.
nous avons indiqués comme propres à quelques
colonnes.
Sur un de ces entablemens, rapportés dans nos
planches ( Voye{ depuis la fig. 291 jufqu’à la fig.
306) font fçulptées les mêmes rangées de tores dont
on a parlé à l ’article des colonnes. Les filets qui
féparent les différentes zones de l’entablement-, pa-
roifient tantôt carrés & tantôt arrondis. Il y a des
corniches qui n’ont que des ornemens linéaires gravées
en creux. Il en eft qui fe trouvent découpées
à la manière des chapiteaux à campane, & ornées
de cannelures à deux rangs. Dans la defeription
abrégée des principaux monumens de la Haute-
Egypte, il eft queftion de corniches qui imitent la
courbure des branches du palmier. Ce qui figqifie
que cette partie du couronnement eft décorée de
la même manière que le font les chapiteaux où fe
trouve appliqué l’ornement tiré de cette produétion
naturelle du pays.
On fait que les Grecs appeloient Soçopos cette
partie de leur entablement, que nous nommons la
frife. On a cru qu’elle tira fon nom du Zodiaque ,
appelé auffi Zophoxos en grec, & dont on plaçoit
quelquefois les fignes autour des édifices. On pour-
roit v oir , de cet ufage., une étymologie plus'elaire
en Egypte. Souvent dans les entablemens il y a des
zones qu’on diroit avoir quelque analogie avec la
friTe grecque, qui font deftinées à la repréfentation
des animaux facrés,, & qui font de véritables
Socpopoî. Dans un entablement d’Affouan ( voye%
les fig. ci-deff. ) on voit une frife qui repréfente
des poilïons. Seroit-ce l’Oxirinchus qu’on adoroit
dans toute l’Egypte , & qui avoit donné fon nom
à une ville. Dans une frife deLuxor, ainfi que dans
beaucoup d’autres , font fculptés des oifeaux, qui
pourroient bien être des ibis ou des faucons d’Ethiopie.
Ils font tous repréfentés fur une feule ligne, les
ailes étendues. La plupart des entablemens dont,
jufqu’à ce moment, nous avons les deflins, font trop
peu détaillés pour qu’on puiffe prononcer avec certi-
tudefur la nature deplufieursdeleursornemens.Par
exemple, il s’y en rencontre fréquemment un qui
reflemble , jufqu’à un certain point, aux oves ou aux
perles allongées des Grecs. Je penferois que ce doit
être<i neimitatioti de quelque fruit ou de quelque
graine. Cette forme fe rapproche beaucoup du grain
d’orge qui fe voit fur les as des Romains , 6c que
Monfaucon a fi mal-adroitement pris pour des piques
ou des hallebardes.
Il eft affez difficile, fur des deflins légèrement
faits, d’apprécier ces analogies. La vue feule des
objets en place peut aider à porter des jugemens
tout au moins plaufibles fur des imitations de cette
nature. Encore fautr-il dire que l’état imparfait de
la fculpture égyptienne doit avoir laifle beaucoup
d’équivoque dans leurs formes.
Il eft une forte de décoration de frife à Tentyris qui
fembleroit un fou venir ou une intention de la frife