
D É CO R A T IO N , f. f. Ce mot dans le langage '
des arts, comporte plus d’une acception & exprime
des idées qui, pour être limitrophes, n’ en font
pas moins diftiîiéies.
Dans le genre, ce qu’on entend par la dko-
ration , c’eft la combinaifon de tous les objets &
ornemens que le befoin de la variété réunit fous
toutes lortes de formes, pour embellir, enrichir,
expliquer les fujets qui font le domaine de l’ art &
de l’induftrie humaine..
Dans l’efpèce, une décoration eft un affemblage'
particulier de certains objets & ornemens, qui
compofent i’embeiüffement de certaines parties de
l’art ou de l ’induftrie.
Ainfi, fous le premier rapport, le mot décoration,
dans la langue des artiftes, lignifie la fciénoe de la
décoration ou l’ art de décorer.
Sous le fécond rapport, le-mot décoration lignifie
un ouvrage quelconque , dont l’objet eft de
fervir d’embelliffement à un autre ouvrage.
Sous la première lignification dê ce raot> nous ■
comprendrons donc les notions théoriques les
principes , les règles dé goût, qui font de Iîl. décoration
prife en général, une. fcience afiez particulière
, une branche fort étendue du domaine
des arts, & une partie très-importante de l’ art
de l’archite&ure.
Dans la fécondé acception , décoration , comme
T-éfuitat fpéciaî & particulier de l ’art de décorer ,
dépendant deiTarchiteélure combinée avec la peinture
& là feulpture , nous préfenterâ trois divisons
qui ont été déjà indiquées au mot décorateur.
( Voye^ cet article. )•
Déeoration, comme affemblage & compofiticn de
monumens & d’objets propres aux grands fpec-
tacles publics, qui forment l’enfemhle des fêtes,
des cérémonies & des pompes nationales qui ont
lieu à l ’occafion d’événemens remarquables , ou de
cérémonies civiles & religieufes.
Décoration, comme alfemblage des moïmaiens
divers, dont la peinture fait embellir l’intérieur &
l’extérieur des édifices.
. Décoration ( & dans ce dernier fens le mot s’eai-
ploye plus volontiers, au pluriel ) , comme repré-
fentation des p a y s , des lieux , des monumens,
des intérieurs, où s’eft palfée l’aélion que le poète
dramatique met au théâtre sous les yeu x du fpee-
tateur. '
Ainfi cet article fe divifera en deux parties : dans
la première on traitera de la décoration fous fon rapport
général & théorique , & de fon application
particulière à l’architeélure. Dans la fécondé , on
■ traitera de la décorationcomme peinture & im itatioft
de tout ce qui peut embellir les édifices ,
les fêtes publiqnes & les repréfentations théâtrales.
P R E M I È R E P A R T I E .
De la décoration fous le rapport général du goût,
& de fon application à l'architecture.
Quand on cherche l’origine, de la décoration , la
première observation qui fe préfente,.c’eft que l'amour
ou le goût de cete espèce de plaifir eft commun
à tous les peuples. On le retrouve imprimé
sur les plus grands monumens de la plus haute
antiquité, comme fur les plus légers détails de l ’industrie
de fes peuples. À quelque point de civiü-
fation qu’on s’arrête.,, dans les progrès ou la décadence
des sociétés, quelque partie du globe que
l ’on parcoure entre un pôle & l’autre , par-tout on
voit le même inftinâ: le reproduire par des réfnj-
tats semblables , & la main d u plaifir & de; la variété
façonner & modifier les marbres de la pompeuse
arehiteélurè des cités , comme .le fragile
inftrument des befoihs du fauvage.
Le goût de la décoration tient à la naturemême
de i’elprit humain & au principe des affe&ions de
l’ame. Le befoin fucceffif du’ repos- & du mouvement
, eft une des caufes générales, par lesquelles
on explique le ^lus grand nombre des aérions &
des anémions de l’homme. La nature le condamne
à paffèr fans-eeCe de l’un à l ’autre. Trop de repos
eft aufli contraire au corps & à la fanté que le
trop de mouvement. Ce. que l’homme éprouve au
phyfique s’ofefe.rve avec autant de précifion dans
l’ordre moral. L ’ame n’a pas moins befoin que le
corps de changer d£ fituation. La monotonie eft
pour elle le repos prolongé Une fucceffion non
interrompue des mêmes imprefïions & des mêmes
fenfations, amène avec-foi l’ennui, qui, comme
l’a dit un poète , naquit de l’uniformité.
C ’eft donc un befoin pour Pâme de changer de
fituation , comme pour le corps de changer de
place. Comment l ’ame change-t-elle de fituation?
c’èft en palTant d’une fenlation à une autre, fen-
fation. Plus le nombre des fenfations qu’elle peut
parcourir eft multiplié, plus l’ame eft fufceptible
d’éprouver de plaifirs. Les arts font les miniftïes de
ces plaifirs. L’homme les appelle autour de lui,
précisément pour multiplier le nombre des fentâtions
qu’il peut éprouver , & pour en modifier les
oombinaifons.
La civilifàtion , en rapprochant les hommes, multiplie
leurs befoins,. & par conféquent leurs plaifirs.
Elle augmente le défir de la variété ; elle rend
plus pénible à fupporter le fardeau de l’uniformité
& de la monotonie. .Elle produit enfin au moral les
mêmes effets qu’au,phyfique.
Dans l’état qu’on regarde comme le plus approchant
de ce qu’on appelle , fans favoir pourquoi ,•
l’état de nature, l’homme, change peu de place, le
cercle de fes befoins eft peu étendu , fes rapports
font peu multipliés, il ne change 'que parla fimple
laflùude du repos où du mouvement. Son efprit dans
cet état éprouve peut-être encore moins le befoin
de la mobilité. Le fpe&acle feu! de la nature ;y
produit, par la variété ; de! fes imagés L.les feüls
jjVouvemens qui en btfnniffent l'ennui. C’eft même
encore un problème , fi l’ennùi, cette maia'âléfc-
ciale, eft bien connü dans cet état de fenfânèe des; ,
focrété^. * ' . W';. .„""b. ’
Plus les rapports fe multiplient, plus aufli i*.éf-
prit contrarie l ’habitude' de changer de fenfations.
Celles de la nature ne fuffîfent plus. L'imitàtiou
vient au fecours: de. la ‘n'ai:ure. • L ’rmitaf'itrn “de lâ‘
nature'a fur célle-ci même un avantage’ / ‘c eft de
pouvoir choifir , 'combiner & réunit Üâns uh fdjjft
fès fenfatiôns & les' i‘mpreffi'én$ 'qùi‘_ font épWrfés^
da;îis les objets qui 'lui fervent <i'é fhô'dèle. L ’imitar '
tion a encore cet itentagè’, qu’elle difpofé ;à fon.'
gré des changentens de fenfations, & q u e 'd ’après*
la connoiffancé' de l’efprit hxirïîain,- èlléj peu£ lui '
faire, parles illuftons-'qu’elle fait produire ^éprouver
en ün petit nombre^de momens Une foulé de 'fen'-
fktiotïs, qui, petit^êtae , dans le cours de pltifiears
années', ne* fèifêr'éient ni préfentées s ip d é v e lo p pées.
Telle eft fur-tout la fourcè du 'plaifir cpae
produit- l'imitation- dramatique., G e, principe-.- n'êft
pas moins , commun ., à tous - .leSj .arts d’ifnip-uiorn ,
que j’appelle les décorateurs- par- excelleriez de la
fOeiété,.,- ^ ;
■ Décoder où embellirnû' objet, c’ëft dbnb'y d’év'é-;
loppèr dés fujets ;àè feniktidnsoû d’immefijofis'-'qiii‘
ajoutent a'UxYéhf^tjôn4 oit iitr^çëfliôtis d'éja. pfodiiîtés
par l’objec lur-rfiêfne. C ’Vft iiitiltipliér les rapports
d’une chofe. C’éft- procuî-èr'à' l’efprit des rappro- ,
chemens on dés analogies, qui augmentent, par une
combiriaifon nouvelle, la maffe dé fes'idées." C’eft
lui préfenter de'nouvelles imagés, c’êft lu i donrier
dés occafiOn's dé changer de fituation', 'c’eft lui
préfenter de nouveaux préferVâtifs contré l’uflifb'f-
mité & la mori'otorfie', e’éft le garantir de l’ermm ,
c’eft lui procurer- de la' variété, c’eft lui donner
du plaifir.-
Si labafe du goût de l’homme peur la décoration
eft dans la conicitution niême de i’efprit humain,
fiée goût eft dans la nature,'- c’eiT dans ia nature
aufli que l’art trouve les modèles de ce qti’il fa'ut
taire pour contenter ce; goût.
■ On diroit en effet que la nature ait eu en vue
de procurer à l’homme qui fait apprécier fes fenfations,
des jouiffanc.es , innombrables dans le fpec-
tacle fi varié d’objets créés , &. dans la formation
delquels le plaifir de la variété fembïe être entré
comme principe.
Quelle maiii prodigue en couleurs, en ccnfigur
rations, en compartimens, en deffins bifafres ou fy-
métriques, en cizelures ou broderies de toute ef-
pèce, s’ eft plu à répandre la variété fur toutes les
efpèces de reptiles , de coquilfâges , de pierres , de
p'óiftbns , d’ânimaux, cl’oifeaux, dé fleurs, de végétaux
, de plantes de tout genre , dont fe compofe
lè fpeélacle de la nature I
L’homme;.! en ’imitant dans fes. ouvrages les oeuvres
de la nature,, ideft-il pas porte^ a/y ,répandre
aufli ce ftixed’ ôfflëmlHs? O u i,
lie" fâuroir hier1 qùe fa fimple & naturel ! e infl uencé
i des èxepiplôs rébân'd.às autour de lüi', ù.e l’ait de fout
temps porté j'comnië par un inuindLiçraifolinè , a
! faire commb"!! voit que"fait la nâturé.
Ainfi , fans même fuppofer que beâucoup d ’or-
I nériién? ayefft‘ ciû à la’ ;néceffit*é', diffcréns be-
j foins dsùr;-origineg j oé <pie i’On, ne, -fateoit r.nie.g à
i lîégàïd. de bsaueQup-d-’ ufténfiles §5}ô’#nfi>iU.meos *-
\ il êft.indubitable; :que le goût d’cffrîér :, que je difq
l tingue du goût d’ofngm'ejnt, â „dûaprendre..naii-,
| fance dans une, imitation machinale des oeuvres .de
la nature.
Ç ’eft une queftion .çepépdftpt- pkilofbphö
& , ie ftudie.ux obfer^atgur do , }dje;fùvQiF
| fice lle -c i a.jamais p r o d u i t f f e r e qua
i ce fo ît , de véritables, ornemensru^^. ^é4i.t>e
-, ces objets ou acceffoires inutiles à la confervation
I ou æ- là- propagation de Findividù, St-qüi ^he lui
; fërvirôiënt que de décoration? A coup1'Sûr l ’idée1
d’ornement ou de dèéôrMfon'-’ qu’u n i 'idëe:reJ
lativé & feulerftént -reiativë' à t’frofùrtte. - ! l ' feroit
dôné - par t?ôp'riatetrie de’/Tpenfer que lé ’cdqiiii-1
j lage attaché -au Toùd de là-'-mer, Si qué l’ honinle1
! ne verra peut-être’, jàfnàis' ‘aurottUtë güttl&cfiëófrii'
| chamarré de- fa’ni'yë^maniërés fi- variées2, pôüHtf
feul plaifir de l’hprrjïie >. qui. ne fautoitÿqubd^co
pkifir.
I l paroif coiiftant au- çoritrairê que nous abbêlons
ornemerit où décoration danstrousTes êtrd^ccéc^
I ce dont nous, voyons moins- cla’iteb'eiit lë tapèért
| & la iiaifón.' avec i ’ûtilitëy fans qùf’ri ré^dit^é -lài
. qoe c e - ra p p e l‘u’édifte-point.
i niême ces- bbjètl ‘;idrorn-éînent Èvë'c " unèri ii&nHê
: d’autres , dbftt notts*'contioiffons -lés felatioftS'-av^ê
le- befoin ou Putilifé , noés ferons porté* k dém*
: dure que rieh dans là-’ tfètùr'e ii’e^Üre-5 fan à eérà?pV*
pór b pte1 'oif ïxîpics- direét >' qùé; cè qui- s’é'lôigae1
dey qette;*rè|lê;^ît"plmiôt uhe- fûpèr-fétatiôa q.urn*4
ötir&aeritï'
Si même nous recherchons avec un peu de pénétration
la caüfe du plâifir que nous procurent ces divers
ornemens répandus par la nature fur toutes
pr-0duéLkms , nous remarquerons qu’il réfide partie
cuiiëremè'nt dan b la iiaifon que iléus leur trou-
• voiïs avec la néèeilité où une utilité guelconqua,
• Nous lé-remarquerons d'autant plus , qu’il eft danA
» te fyftême général de lànattue de pkaer toùjérfi* l*