
fera pas aflez pauvre , ni le plus riche affez riche ;
à moins qu’on ne fuppofe de l’argile mis en op-
pofition avec de l'or , comme cela le pratique quelquefois
dans ces chaumières de luxe & de caprice
'qu’on place dans les jardins anglois ( voye{ CHAUMIÈRE.)
; mais qui ne font que des jeux de la fan-
taifie : Ôt puis fi l’on pouvoit fuppofer, dans le
rapprochement des extrêmes de l architetlure, la
valeur d’un contrajlece raprochement ne feroit
qu’un vice ou un ridicule gratuitement prononcé.
Comme la raifon demande compte de tout à l’ar-
chitedure, elle ne lui pardonneroit pas ce facrifice
inutile des convenances, à une combinaifon qui
n’auroit d’autre objet que d’amufer les yeux. En
définitif l’.architeétiire n’imite la nature que dans fa
marche & fes principes d’ordre ; tout chez elle doit
tendre au plus grand ordre poffible, & les contrants
étant des exceptions à l’ordre , on ne fauroit
prévoir les cas ou cet art pourroit le permettre
de femblables licences.
II /réfui te de tout ceci, que le contrajle, proprement
d i t , confidéré comme moyen de plaire, &
de remuer l ’ame par des fecouffes imprévues, n eft
pas de l’eflsnce de l’architedure, c’eft-à-dire , d’un
art "qui procède plus par raifonnement que par
émotion, qui parle à l’intelligence plus qu aux affections
, & qui, foit par la différence de fes moyens,
foit par l’efpèce d’imitation qui lui eft propre, foit
par les relations qui l’uniffent plus ou moins directement
aux befoins de la fociété, ne fauroit fe permettre
de ces .écarts , dont la nature donne bien
quelquefois l’exemple aux autres arts , mais qu elle
femble interdire à celui qui prend pour modèle,
moins la nature, que-l’ordre qui règne dans la nature
, qui doit enfin en fuivre les réglés , &non
les exceptions.
' Si l’on veut appeler en preuves de ceci les ouvrages
de l’art, on verra à quel point fe font égares
les architeÔes qui fe font imagines faire des contra
ts dans leurs plans'ou dans leurs élévations;
ils n’ont produit que des contradictions.
Suivez, fi vous le pouvez, dans leurs plans,
foi-difant contrajlés, Boromini, & tous ceux qui
-forment fon école, fuivez-les dans leurs contours
mixtilignes , qu’y éprouvez-vous ? Aucune émotion
du genre de celles que le contrajle produit
dans les arts où il peut fe montrer. Etes - vous
étonné, votre ame éprouve-t-elle de ces fufpenfions
imprévues qui lui donnent au moins le plaifir de la
nouveauté ; de ces coups fubits qui la tirent de la
monotonie des fituations ordinaires ? Non -, vous
n'éprouverez que l’embarras qui refaite d un dif-
tours fans fuite, produit par la folie ou l’ignorance,
& non par la paflion. Vous fentez la peine de
mal voir, votre oeil fe tourmente., votre ame fe
fatigue, vous vous trouvez comme dans une difpo-
fition maladive; c’eft qu’il y a dans tout cela du de-
fordre , & que votre ame veut de l’ordre, que c eft
pour elle un bçfoin d’en jouir dans les ouvrages
enfans de la combinaifon, & qu’elle fait mauvais
gré à celui qui lui préfente des rapports à faifir,
lorfcfu’il lui donne de l’embarras à démêler, ou de
la confufion à débrouiller.
Si le plaifir des contrajlés ne fauroit fe trouver
dans cette archite&ure qu’ on appelle contrajlée, où.
donc le chercher. Eh par quels moyens l’art par-
viendroit-il à le rencontrer ? Croiroit-on, par exemple
, le produire, en oppofant dans les combinaifons
ardiite&urales, les dimenfions extrêmes, comme
en vous faifant palier d’un lieu bas , étroit, à un
local immenfe & élevé ; i l pourroit y avoir là du
contrajle ; car fi l’archite&ure a la faculté de trouver
des extrêmes & d’en produire le rapprochement, ce
ne peut être que dans ce qu’on appelle les dimenfions.
Ainfi. un très-petit ordre, oppofé à un ordre
très-gigantefque, va produire matériellement un
contrajle. Mais d’abord nous donnons pour règle de
l’art dçs contrajlés, la vraifemblance, fans laquelle
ce genre d’effets perd tout fon mérite. O r , qui ne
voit pas que ces rapprochemens greffiers trahiroient
d’eux-memes le fecret de l’artifte, & que le contrajle
ici ne feroit plus que difparâte ? L’art fans doute
emploie pour faire valoir fes dimenfions & en donner
la mefure, des moyens de comparaifon , j$es points
d’oppofitions ; mais encore un coup, il ne faut pas
confondre cela avec le cçntrajle ; que les petites
colonnes du périftile de Saint-Pierre, fervent à
faire valoir & difcerner la hauteur coloffale du
grand ordre, ( je laiffe à part ce qu’on peut dire
&penfer de cette ordonnance ) je vois là un moyen
d’oppofitton fort bon & fort ingéniéux ; mais pour
opérer le contrajle, il eût fallu que les petites
^colonnes n’euffent pas trente pieds de haut. Voulez-
vous voir ce que vous donnera l’effai de pareils
contrajlés, où le plus petit fe trouve à côté du plus
grand ; entrez dans une églife gothique , c’eft: là
que vous verrez à côté des dimenfions, les plus
gigantefques, les découpures les plus exigues, des
coionnes qui font des. ro.feaux, fur des pilliers qui
font des tours, des ornemens qui ne font que des
broderies ou des dentelles, à côté de maffes énormes
, & à des hauteurs où l’oeil les perd de vue ; enfin
définiffez bien, fous tous les rapports, le contrajle
dans l’aichiteâure, & vous aurez le gothique
ou l’arabefque*
Contraste , - ( jardinage ). C ’est une espèce
d’oppofition qui résulte de la comparaison d’un
objet avec un autre diffemblable , le contrajle eft
un moyen de produire des émotions très-vives ,
& de rendre^ plus énergiques les impreffions des
objets ; la nature s’en fert dans fes plus superbes
paysages , & d’habiles .peintres l ’ont imite avec
fuccès dans des tableaux d’une certaine étendue.
On trouve Un exemple du contrajle dans la description
que fait B rydonne des environs de Naples.
« Vous y apercevez, dit-il, un mélange furpre-
» nant de l’aotique & du moderne ; des édifices
» qui s’élèvent, & d’autres qui tombent en ruines ;
,» des palais élevés fur le faîte d’autres palais, & la
» magnificence des anciens foulée aux pieds par
» l’extravagance des modernes ; on y voit des mon-
» tagnes & des îles, célèbres autrefois par leur
53 fertilité qui ne font plus que des déferts fteriles ;
» des champs jadis incultes, qui ont été convertis
» en prairies fécondes &~en riches vignobles ; des
» montagnes changées en plaines, & des plaines de-
» venues des montagnes ; des lacs deffechés par des
» volcans, & des volcans éteints qui ont formé des
» lacs ; la terre toujours fumante en plufieurs en-
» droits, & en d’autres vomiffant des flammes. »
Il n’est prefque point de pays un peu étendu où
la nature n’amufe par quelques dégrés de contraste ;
l ’artifte jardinier doit imiter le payfagifte, en fùi-
vant cet indice, il fera attention aux remarques
fuivantes, touchant la production des contrajlés.
i. Ce n’est proprement que dans de grands
payfages, non dans une contrée champêtre circonf-
crite, que la nature nous charme par -le contrajle des
objets ; le jardin où l’on en voudra ménager, ne
fera donc pas d’une médiocre, étendue ; & il faut
que la nature l’ ait déjà préparé d’avance, ou que
du moins on y puiffe faire aifément les difpofitions
néceffaires; chercher à produire du contrajle dans
un petit emplacement, ce feroit le furcharger &
par conféquent l’embarraffer. -
a. On ne s’occupera pas péniblement du foin de
pratiquer le . contrajle dans les jardins, ni de le
pratiquer par-tout ; en observant la natûre, on
s’aperçoit qu’elle s'abandonne à une efpèce de
négligence réfléchie, quand elle fait contrajler des
objet?, & qu’elle ne fe fatigue pas à mettre partout
de.[’inégalité & des oppofitions frappantes,
mais que plutôt elle fait fouvent fe fuccéder une
fuite de décorations femblables , le contraire mènerait
à la bizarrerie & à l’affe&ation.
3. Le contrajle peut avoir lieu entre des objets
d’espèce & de nature différentes, ou entre des
objets de même nature, & qui ne diffèrent que
par leurs propriétés;; le premier de ces contrafics
fait fans contredit Je plus d’effet, mais il ne fant
l’employer qu’avec beaucoup de précaution dans
un jardin, parce que l’artifte jardinier peut facilement
être induit à préfenter des objets qui ne
s’accordent pas avec l ’enfemble, ou même qui
troublent l’impreflion principale ; cette forte de
contrajle règne fur-tout dans les payfages , & peut
très-bien trouver place dans de vaftes parcs; l ’autre
est plus ordinaire dans des jardins moins grands,
& produit un effet plus foible ; on tâchera de
reunir habilement ces deux fortes de contrajlés,
autant que pourront le permettre l’étendue du jardin,
& fon caractère qu’on ne doit point perdre
de vue.
4■ A forçe d’être attaché au premier de ces
contrajlés, on est tombé dans les excès les plus
étranges ; on a voulu imiter quelques-unes de ces
fcènes romanefques que la nature crée quelquefois
en fe jouant, & l’on donna dans le ridicule,
principalement lorfqu’on commença à fe faire une
occupation capitale de ce que la nature n’offre
que rarement; tout objet de terreur ne s’accorde
point avec'la deftination des jardins, foit qu’on
l’emploie par pure fantaifie, foit qu’on le faffe par
amour pour la nouveauté & pour le contrajle ;
même dans un emplacement va fie , les objets qui
n’ont qu’une foîble teinte de terrible font fi difficiles
à lier heureufement avec l’enfemble, qu’il
vaut mieux ne les y point admettre.
Nous finirons cet article par les préceptes de
Home, lur le vrai contrajle , entre les objets du
reflort des jardins.
« Les éihotions, dit-il , caufées par l’art des
» jardins , font fi foibles de leur nature , qu’il faut
» employer tous [es artifices poflibles pour leur don-
» nerplus grand dégréde vigueur.On peut tüftribuer
« un terrain en fcènes majeftueufes , douces,
» gaies, élégantes, fauvages & mélancoliques; &
>> quand on les fait fuccéder l’une à l’autre, on
» doit oppofer le majeftueux à l’élégant, le régulier
» au fauvage, le gai au mélancolique , enforte
» que chaque émotion foit fuivie de fon émotion
» contraire. Bien plus on augmente lé plaifir en
».entremêlant cette fucçeffion d’objets, déplacés
» incultes & ftépilés, & de points de vue non ter-
» minés, qui en eux-mêmes font défagréables,
» mais qui dans cette fucceflion rehauffent le
33 fentiment des objets agréables ; ici nous avons
» pour guide la nature qui parfème fouvent.fes
» plus rians payfages de rochers raboteux, de
» marais fangeux & de bruyères nues & pier-
» reuses. »
CONTRASTER, v. aâ. C ’eft produire des con-
trajles ou des rapprochemens de formes, de couleurs*
de fituations contraires, & qui emportent toujours
avec elles l’idée d’extrême. ( Voye^ Contraste. )
Dans le langage habituel des arts, langage très-
peu perfectionné , parce que le fentiment qui le
créa, l’ a confié à la routine qui le défigure, 6c que
l’efprit d’analyfe ne s’y eft pas encore introduit,
on fe fert fouvent du verbe contrajler dans le fens
du verbe oppofer. J’ai fait voir cependant à l’article
contrajle la différence que l’étymologie de ces deux
mots indique , & le peu de fynonimie qui règne
entre eux. Oppofer vient de ob & po/itus pofé devant;
contrajler vient de contra & Jlare être contre,
ce qui indique dans ce dernier mot une nuance
d’inimitié,de contrariété beaucoup plus forte; ainfi,
en poéfie on met une grande différence entre une
oppofition & un contrafte. Pourquoi les arts du
defiin n’adopteroient-ils pas en ce genre la définition
grammaticale que les arts du ftyle leur donnent
?
Cependant, comme on a vu que dans l ’archi-
te&ure , ce qu’on eft convenu d’appeler contrajle ,
ne peut prefque pas avoir lieu fans y être un vice