
grande & prefqu’exclufive aux largeffes de leurs
fié cl es ôc de leur pays ? comment, fous le régime
de «tous les gouvernemens abfolus & fous le régime
des cours, c’eft-à-dire , fous l ’empire de la faveur,
voyons-nous chez tous les princes d’Italie les plus
habiles hommes appelés à la direâion des grands
travaux. Autrement compterions-nous en fi grand
nombre les ouvrages & les monumens des grands
maîtres.
* Je ne veux point pouffer ces preuves jufqu’à la
démonftration minutieufe qui réfulteroit d’un relevé
exaél des faits en ce genre. La notoriété fur ce
point fuffit ; elle fuffit fur-tout au réfultat que
j’en veux tirer. Ce réfultat n’eft point contraire à
l’inftitution des concours ; mais il me femble qu’il
nous ramène au feul & véritable efprit de l’inftitu-
tion , 6c à la feule théorie raifonnable en ce genre.
Il faut que je parle cependant de deuxoccafions
oh une efpèce -de concours a produit dans les
arts des effets fur lefquels s'appuie la demande
des concours , ôt dont je tirerai aufli des conféquen-
ces utiles.
Perfonnè n’a oublié que les portes' fameùfes du
baptiftète de Florence font le fruit d’une efpèce
de concours ; je dis d’une efpèce, car d’abord le
nombre des concurrens fut réduit à fept, 6c puis ces
concurrens avoientétéchoifis parles corn miliaires de
là fabriq ue,ce qui s’éloigne fort de ce que l’on exigeroit
aujourd’hui d’un concours régulier. Le fameux bas-
relief d’Algardi qui décoré un des autels de l’églife
de Saint Pierre, ne fut pas non plus commandé à
cet artifte. Son génie prévint les demandes du pape.
Il expofa fon modèle, 6c , fur le-champ , l’opinion
publique fe déclara pour un homme jufqu’alors
ignoré ; le choix du pape ne pût réfifter à l ’ex-
prefiïon du voeu des connoiffeurs. Voilà les plus
. notables exemples , 6c, l’on peut dire, les feuls
queThiftoire des arts puiffe citer^ d’ouvrages obtenus
par la voie de l’ approbation publique 6c par
une efpèce de concurrence.
Nous voyons donc que ces concours n’ont été
aftreints à aucune des formalités qui pouvoient
' donner à leur jugement toute l ’authenticité légale
fur laquelle on voudroit faire repofer aujourd’hui
l ’inftitution dont il s’agit ; -6c cependant le véritable
talent en eft forti vainqueur, 6c cependant Lorenzo
Ghibèrti fut proclamé par fes rivaux avant d’avoir
été jugé par fes juges.
J’infère de-là que toute la force d’un concours
eft dans l’effet moral qui en réfulte , plutôt que
dans les formalités légales dont on voudroit l’appuyer
j j’infère aufli de tout ce qui a été d it, qu’en
ce genre, comme en beaucoup d’autres, il faut
prendre garde de fubftituer une force à une autre.
Que le véritable point d’appui de f inftitution
étant l’opinion publique, on aura fait allez fi on
lui procure fon libre cours, que rien ne pouvant
réfifter à fon jugement, la feule c’hofe à régler;eft
la manière dont il fe prononcera.
Si le jugement qüi doit établir les différens
degrés entre les artiftes 6c leurs ouvrages eft celui
de l’opinion publique ; ce qu’il faut chercher , c eft
de lui donner un organe. Car encore que le juge-
mentToit porté dans tous les efprits , faut-il bien
cependant que l’arrêt fe prononce ; 6c de quelque
façon que l’on s’y prenne, il faut des hommes pour
le.prononcer.
La feule précaution a prendre en ce genre eft
de faire que les hommes chargés de prononcer le
jngement de l’opinion publique foient aufli défin-
téreffés que l’exigeroit la million dont ils feroient
chargés. A cet égard, les moyens à employer feront
de plus d’un genre ; l’âge , le fo r t , une efpèce de
tour de rôle, bien d’autres combinaifons fort Amples
pourront procurer l’objet qu’on fe propofe ;
i’effentiel fera que le nombre de ces juges #fait
très - peu confidérable, 6c même fi l’on entendoiü
bien les intértês de cette refponfabilité, il fspdroit
que le juge fût unique.
J’ai déjà dit ,6c je dois répéter que l’inftitutioti
dont il s’agit ne doit repofer que fur des moralités.
Si on la preffe du poids des formalités légales ; fi
on a la mal-adreffe de l’aftrelndre par un faux parallèle
à la rigueur des inftitutions judiciaires , un
malheureux efprit de chicane 6c S’intrigue s’y in-
finuera 6c y pervertira tout ; c’eft ici que les lois
fans les moeurs feroient infuffifantes. Qu’on fe
fouvienne d’ailleurs que de tels jugemens n’offrent
rien de pofitif, 6c qu’en,définitif tout jugement eft
toujours plus ou moins arbitraire. Certes, s’ il ea
eft quelqu’un oh le danger de l’erreur foit léger,
c’eft bien fans doute là oh elle ne produit que des
arrêts dont l’appel eft toujours ouvert au tribunal
fuprême de l’opinion.
Je penfe donc q ue , par-tout oh il exifte une
arène ouverte-à tous les artiftes , dans une expofi-
tion publique 6c périodique de leurs ouvrages,
on a les moyens naturels ôc fuffifans de concours
Que des prix, confiftans en travaux, fe diftribuent
à la fin de chaque expofition à ceux qui auront
mérité ces encouragemens ; qu’on laiffe l’opinion
publique s’exercer de toutes les manières pendant
un temps donné fur la prééminence relative des
ouvrages; qu’un ou trois juges, pris par le fort
parmi ceux des artiftes qui ne devraient point avoir
part à-bette diftribution, prononcent par écrit 6c
en motivant leur jugement fur ce qu’ils auront
eftimé être l’opinion publique ; que ce jugement
foit définitif, 6c l’on ayra ce que la railon , la
convenance 6c la juftice peuvent faire de mieux
dans cette,ordre de chofes.
Je fais toutes les obje&ions qu’on peut faire
contre ce fyftême ; mais je fais qu’il en exifte aufli
contre fe fyftême du mondé, 6c contre tout ce que
les hommes fe font accordés de tout temps à croire
jufte 6c vrai ; ce que je fais encore , c’eft que tous
les inçonvéniens qu’on m’objeétera, le céderont
beaucoup à ceux qui réfultent du jugement par les
concurens, ou par les juges qu’ils auront nommés ;
enfin
(enfin ; craoiqù-’on puiffe dire contre 1 inftitution
d’un petit nombre de juges 1 difpenfateurs de
la louange & du blâme public, je prétends qu une
telle fonüion , ayant pour garantie de ion impartialité
l’opinion publique elle-même , y trouverait
le plus fort contrepoids qu’on puiffe donner au
danger de l'arbitraire. Que chacun veuille 'bien
un moment fe fuppofer chargé de cette miffioni ,
fous l’oeil perçant de la cenfure publique , & qu il
dife s’il éprouverait d’autre interet que- celui d etre
impartial , d’autre befom que celui d'être jufte.
Si une fembkhJe inftitution fe réalifoit une fois
pour ces concours indéterminés , ou tous les artiftes
font admis à Te difpucer d’une manière générale
la prééminence du talent, je ne vois pas ce qui em-
pêcheroit d’appliquer ce -mode de .concurrence &
de jugemens aux ouvrages publics, pour lefquels
Quelques efprits fe font tourmentés à chercher
la folution, du problème des concours, 6c ont cru
la trouver, dans la formation d unè efpece de jury,
compofé d’un affez grand, nombre de perfonnes 9
parmi lefquels les concurrens choifiroient un petit
npmbre de juges. Tous ces rapprochemens ne lont
que fpécieux & illufoires. Comme il n’y a aucune
analogie dans la nature des chofes, on en chercheront
en vain dans- la reffemblance des moyens ;
6c puis je le foutiens , fl l’.oir veut à toute force
introduire ici des idées prifes de l’ordre judiciaire,
c’eft au public à faire en ce genre la fonftion de
jury. Qu’on ne croye pas que ce premier jugement
foit fl aifément récufable. Dans le temps meme ou
l ’opinion publique n’étoit que ce qu’on ne pou-
voit pas l’empêcher d’être, elle forçoit toujours en
ce genre les jugemens dés autorités les plus arbitraires.
Dans les pays oh le choix des artiftes n’a
jamais dépendu que de ce pouvoir , nous le voyons
ployer toujours fous le joug de l’opinion. Alexandre
VII avoit juré de ne plus employer le Bernin;
celui-ci fait le modèle de la fontaine Navonne, 6c
le place fur le paffage du pape : il faudra donc ,
malgré moi, s’écrie le pape, employer le Bernin. Si
cette force d’opinion a jufqu’ici fait fléchir les
defpotes, comment imaginer que des juges y pour-
roient réfifter.
Je ne propoferois donc pour le concours des
ouvrages publics qui en font ffifceptibles, d’autre
forme "que celle dont je viens de parler, 6c qui fe
trouve déjà à moitié établie par la liberté d’expofi-
tionpubl-iqn.e.
C ’eft-là que fe préfenteroient les concurrens
fur les modèles ou efquiffes dont la nature auroit
été déterminée par lé programme ; c’èft-là que
le ferutin public s’exerceroit pendant une efpace
de temps donné ; ce feroit aux juges , que le fort
.auroit fait tomber pour l’année, à recueillir le
voeu de l’opinion publique ôc à le motiver par
.écrit,;
Ditt, d’Architeél, Tome l i t
Il faüdroit régler , fans doute , un grand nombre
d’objets de détail très-importans fur cette matière:
il faüdroit difeerner quels font les travaux
fufceptibles de concours 6c ceux qui s’y refufent ;
quels font les objets, tels que les parties d’une
décoration générale , qui doivent refter fubordon-
nées , pour l’exécution ÔC le choix des artiftes,
au goût de celui qui répond de l’enfemble 6c de
l ’harmonie générale, 6c quels font ceux qui
peuvent en s’ifolant devenir le fujet d’un concours
particulier? Il faüdroit déterminer dans quel cas un
concours pourroit s’ouvrir indiftinélement à tous les
artiftes, 6c dans quel cas il devroit être limité pour
le nombre ; quels font les .fujets qui, exigeant des
indemnités pour les modèles ou efquifes, exigeroient
aufli .que le nombre des concurrens fût réduit ; de
quelle manière cette rédhâion pourroit s’opérer ;
dans quelles occafions ceux qui par leur place font
refponfables de la réuflite des travaux, pourroient
propofer un nombre d’artiftes, entre lefquels le
concours auroit lieu, 6c auroient le droit de choifir
les concurrens ; dans quelles occafions le choix de
ces concurrens fe feroit néceffairement parmi ceux
qu’ une fuite de prix ou de viâoires indiqueroit
comme les plus dignes des fuffrages publics ?
Tous ces détails feroient l ’objet , ou d’une
théorie complète fur cette matière , ou d’une loi-
Je h’ai prétendu ici ni compléter, l’une, ni ébaucher
l’autre; j ’ai voulu feulement expofer les- avantages
du concours-, montrer les inçonvéniens- auxquels
une inftitution mal réglée pourroit expofér les arts ;
faire voir de quelle, manière Ample, 6c comment à
l ’ aide d’un petit nothbrede régLemens , on pourroit
confier à l’ulage, aux moeurs 6ç à l ’opinion publique
, le foin d’ accorder enfemble les pallions des
hommes , les intérêts des arts, 6c ceux de la natioa
qui les encourage,
CON DUIR E , v. aft. (conjlru&ion).C’eft diriger
les' différens ouvrages néceffaires à la conftruâion
d’un édifice. Son objet étant la perfe&ion ôc la
folidité , on peut le confidérer comme une des
parties les plus effentielles de l’art de bâtir. Cette
partie exige, de la part de l’architeéle, une con-
noi fiance générale de tous les arts qui concourent
à la çonftruélion des édifices 6c des différens
matériaux qu'on y emploie, de leur nature,
de leurs propriétés, 6c de la meilleure- manière de
les mettre en oeuvre, afin de ne rien commander qui
ne puiffe s’exécuter ,;ôc qui ne contribue en même
temps- à la folidité 6c à la perfeftion de chaque
partie d’ouvrage, comme.aufli à l’économie, en ne
faifant rien faire de fuperflu. Dans les grands
édifices, les architeftes ont fous eux des infpe&eurs
chargés de furveiller les ouvriers 6c de conduire
? les ouvrages.
Il faut cependant diftinguer deux manières de
conduire , l’une générale , - qui eft du reffort de
l’architeéie, 6c l’autre particulière, qui regarde les