
dans cet art. C’eft, dit-il, pour qu’il facile arranger,
dans un théâtre, les vafes répercuteurs de la voix des
a fleurs, c’eft pour qu’il connoiffe parle l’on, l’égalité
& le degré de tenfion des cordes, des baliftes ou autres
machines de guerre. ( V o y e z au mot Architecte,
la fuite de ce paffage de Vitruve. )
Faute peut-être d’avoir été jufqu’au bout de ce
paffage , quelques-uns ont confidéré ce précepte
comme abfolu, & ne fe font pas rendu compte des j
modifications 8c des limites que Vitruve lui avoit
données lui-même. Epris d’uneidée qui nepouvoit !
exercer qu’une imagination déréglée , ils ont bâti
des fyftèmes harmoniques pour l’arehiteêlure, en
fingeant les proportions de l’harmonie muficale.
Quoique ces théories foient aufli vaines dans !
leur principe que dans leurs applications , & bien
qu’eiieêlivement le bon fens & le .temps aient fait
juftice de ces paradoxes , il nous paro.it que, dans
un ouvrage qui embraffe l’hiftoire entière de l’ar-
chiteêlure, on peut donner place à une des plus
fingulières aberrations de l’e fprit, furtoul lorf-
qu’elle a trouvé du crédit auprès de quelques
hommes faits pour influer fur l’opinion.
Ouvrard , maître de mufique de la Sainte-
Chapelle , à Paris , publia vers 1676 un ouvrage
qu’il intitula : A r c h i t e c t u r e h a r m o n i q u e , ou A p p
l i c a t i o n d e l a d o c t r in e ' d e s p r o p o r t io n s d e l a
m u f i q u e à l ’a r c h i t e é lu r e . Cet ouvrage, rempli de
paralogifmes & de contradiétions dans les préceptes
qu’il donne, plut cependant beaucoup à François
Blondel, architeéle de la porte Saint-Denis ,
mathématicien de l’Académie royale des Sciences,
maître de mathématiques du Dauphin, &c. Ce
célèbre architeéle, à la fin du Cours qu’il a publié
8c qu’il donna, comme membre de l ’Académie
royale d’architeélure , fait l’éloge de l’ouvrage du
eompofiteur Ouvrard ; il en donne une analyfe, 8c
il va jufqu’à propofer un dés. exemples de cette
théorie. Selon cet exemple, la bafe altique (qui
pourroit s’en douter? ) elt un J î m i f o l J i . En y
joignant un focle , il faudra que celui-ci foit en l a ;
d’où il réfultera l ’accord l a f i m i f o l J i . Refient les
deux filets qui terminent les parties fupérieure &
inférieure de la fcotie.'-Ces deux moulures-embar-
raffent ici comme ailleurs la marche de ce fingulier
fyftème. Mais Blondel & Ouvrard leur affignent
les fonctions de f i à f e s 8c d e m i - f u j e s , qui f e r v e n t ,
difent-ils, à f a i r e d e s p q f f a g e s q u i , p a r l e u r
m o d u l a t i o n , f o n t g o û t e r le s n o t e s e f f e n t i e l l e s d e s
a c c o r d s a v e c p l u s d e d o u c e u r .
Après Blondel, vers le milieu du dernier fiècle,
un architeéle appelé Edmond Brizeux prétendit
mettre en vogue le fyftème d’Ouvrard & de Blondel.
Il publia deux volumes grand in-4°-, qui ne
prouvent malheureufement qu’avec trop d’évidence
, jufqu’où de fauffes analogies & l’ignorance
de la nature particulière du génie 8c des procédés
de chaque art, peuvent égarer la raifon dans cette
matière.
■ Camus deMézières, architecte de la Halle aux
blés , dans fon G é n i e d e l yA r c h i t e c t u r e , ouvra ■
où l’abus des applications delà pnéfie à l’architec I
ture eft portée jufqu’au ridicule, a prétendu ■ ■
donner de l ’exiftence aux vifions d’Ouvrard & dè|
Brizeux , 8c prouver , par le clavecin oculaire du|
Père.Caftel, qu’on peut ouïr par les yeux & voir I
par les oreilles.
Que .conclure de tout ceci ? Rien , (îuon que de 1
tout temps on a confondu , foit par méprilè f0H 1
par fyftème , les limites naturelles de chaque ait H
Parce qu’ils ont un principe abftrait qui leur eft I
commun dans l’imitation de la nature, & une fin ||
morale qui leur eft commune dans le plaifir que |
nous en recevons, onav.oulu aufli que leurs moyens I
fuffent communs, comme f ila nature feule des j
organes , auxquels chacun s’adrefî’e , ne metioit J
pas entr’eux des barrières infurmontailles.
La caufe de ces méprifes lient aufli bienfouveut-
aux mots , prefque tous métaphoriques, dont oui
eft forcé de fe fervir dans là langue des" arts I
pour définir, foit leur régime, foit leur aclion ]
foit leurs effets : 8c de ce nombre eft le mol har-H
m o r n e . De ce qu’il figmfie au fens fimpie comme 1
au fens figuré, union , liaifon des parties, s’enfuit-1
il que le geme de liaifon foit le même entrelesl
i parties des di fié rens arts, lorfque les parties quel
chaque art eft tenu de réunir, ne fe reffembleni en
rien ?
Pour démontrer en un feul mot l ’aLfiirdité de et
fyftème, il fuffit d’examiner l’idée de liaifon &j
d’union dans le fens fimple 8c pofitif que lui don-j
.nent les arts mécaniques. Qui doute, par exemple;!
que les ouvrages de maçonnerie, de charpente, de
ferrurerie,, de menuiferie , foient autre ebofeque
les réfultats de l’affemblage 8c de la liaifon des par-1
des? Cependant ne feroit-ce pas le comble defei-j
j travagance que de prétendre lier enlr’elles des ||
pierres par les mêmes procédés d’afl’emblage que!
ceux qu’on emploie à lier des pièces de bois, ou
de prétendre réunir les pièces de charpente, pari
les moyens qui fervent à lierles pierres entr’ellesrl
Il n’y a de commun dans tous ces arts, q u e l'idée
d’afl’emblage 8c de liaifon. Chaque matière comporte
enfui le une efpèce de liaifon particulière. I
De même dans les arts d’imitation.. Tous tel
compofent de. parties qui doivent être réunies J
en îr’elles, 8c former un cniemble qui plaifc. Le
hefoin de ce mérite d’enl’emble eft commun à tous;
mais le moyen de produire cette unité de l’eulem- I
ble varie dans chaque a r t, 8c de la même façon que ■
des couleurs 8c des formes varient entr’elles, quec*es-
rapports de Ions, 8c des rapports de formes, dille-l
rént entr’eux. .
C’en eft affez , fans doute, .contre: un ffvyjflème I
qui n’a rien de dangereux en fi, » pu11^u ’e u définitif
il n’ofl’re point d’application poflibîe , & CP J
n’éft qu’une vaine création dans la région pi I
chimères.
Cette confufîon, produite par le mot harmonies
a fait croire à quelques pei’fonnes que l’on devroi
cë mot de la langue de l’arclilleanre & de
I" ^ la, peinture ; que celle-ei devrait le con- |
I 1er du mota c c o r d pour defiguer l’union conve-
ile ble des couleurs entr’elles , 8c que l’architeflure
r* roit n’employer que le mot p r o p o r t i o n , pour
r paner le rapport, des parties d’un édifice avec
tr nenfemble. Mais, il en ell de la langue des arts
■ Ü B du langage en général j personne ne le
Ifait' il l*e lait de lui-meaie. Il n elt guère au
Lnoavoir de qui que ce foit de créer ou d’exclure
(des mots. Si d’ailleurs il n’y a réellement pas de
(véritable fynonyine , lorfqu’on trouve pluGeurs
[ mots lèaibkbles en apparence, 8c que l’ufage a
| introduits, le devoir du lexicographe eft d’en
| décerner les nuances, 8c d’en faire connoître les
variétés. 1
I Aiuû rien ne peut faire que le mot 8c lidee
[.^harmonie ne foient reçus dans la langue de
K architectu re j comme le font 8c le mot a c c o r d
\ U le mot p r o p o r t io n . ( V o y e z ces mots. )
t Nous croyons que le mot p r o p o r t i o n s’applique
(plus particulièrement aux rapports de mefure des
1 membres de larcin tecl are entr’eux, fans exclure
(toutefois leur corrélation avec le tout; que le mot
\accord défigne f’pécialement les rapports de con-
[venance, de ftyle, de goût 8c d’exécution de
[toutes les parties d’un édifice entr’elles $ que le
[mot h a rm o n i e exprime, confidéré comme prm-
[■ cipe, l’intelligence fupérieure qui préfide à la
j conception du tout ou des parties j 8c, confidéré
[comme effet,, le réfuiiat des proportions 8c de
l’accord de chaque ebofe 5 d’où, l’on pourroit con-
j dure que l’idée d'h a r m o n i e embrallant tout,
[comprend aufli celle d'a c c o r d , mais n eft pas com-
pnl'e dans celle-ci.
Dans l’idée à ? h a rm o n i e fe trouve enfin celle
à devenir une loi de nécefîiité, q‘ui dût preferire
un emploi raifonné 8c confiant des mêmes formes
8c des mêmes données; 8c de fa it , on n y retrouve
pas cette vertu d’h a r m o n i e qui enchaîne les memes
parties dans un ordre invariable, à des rapports
Conftans. r
Pour que le plaifir de V h a n n o n i ç , conü-
dérée dans le fyftème d’une architeaure , pmüe
y devenir l'enfible, il y a une certaine condition
I d’unité, qiii eft le complément de tous les mérites
8c de toutes les qualités.
f Audi il y ^ .h a rm o n i e dans le fyftème du monde.
[Il y a accord dans les parties qui concourent à ce
Ifyltème;
I Sous ce point de vue , l ’idée d'h a r m o n i e s’ap-
pliqueroit avant tout à ce qu’on appelle l e j y f t è m e ;
\général d 'u n e a r c h i t e c tu r e . Il y a h a r m o n i e en ce ;
[genre, non pas feulement quand toutes les parties
[font de même ftyle 8c d’un goût uniforme, mais
[lorfque toutes les parties qui confia tuent le fyftème
I d’une archile&ure,. l'ont èntr’elles dans un rapport
[ tellement nèceffaire , qu’aucune ne puifl’e être
déplacée ou tranfpolée que le lien général , c’eft-
à-dire, la raifon qui a fixé leur place ou leur
emploi, ne foit rompu. O r , cette h a r m o n i e
' a’exifte peut-être dans aucune autre architeêlure
que l’avchileêlure grecque, ou du moins n’y
exüle pas au même degré. Il fuffit d’obferver tout
c® que préfènteijt de variable les parties élémentaires
dé certaines aïchite&ures , telles que V i n -
t ie n n e , la g o t h i q u e , 8cc. , pour fe convaincre;
que ce qu’il faut appeler leur fyftème , ne fut
jamais réduit, ni par la théorie ni par la pratique,
, que la définition même de ce^ mot
nous indique comme condition mdnpenlable. En
effet, f il ’h a r m o n i e eft une liaifon entre des parties
diverfes ou difcordani.es, il faut, pour que
cette liaifon fe fafle fentir , que notre oeil &
notre efprit puiffent' l’aifir 8c les parties 8c le noeud
qui les raffemblent. O rp o u r que cela arrive , il ne
faut pas que les parties foient trop femblables
entr’elles ou trop diffemblables. Trop d unillon
dans les formes qui confia tuent les éiémens u^une
architeaure, eft caufe que le principe de 1 h a r m
o n i e ou de liaifon générale de ces formes y
frappe peu les fens. Audi, dans 1 architeaure égyptienne
, dont le type eft le plus fimple de tous, 8c
dont l’imitation approche le plus de 1 identité, il
y a lieu à fi peu de variétés > que le mérite de
l’unité , qui eft la même chofe que celui de 1 h a r m
o n i e dont on parle, s’y fait très-peu fentir.
Quand tout eft fimple , tout devient monotone, &
on fait que la monotonie eft en tout genre 1-eflet
qui réfulte d’une h a r m o n i e trop fimple, de celle
ou l’art , n’entre prefque pour rien. Telle eft une
pfalmodie, ou -, en mufique , un chant qui marche
toujours fur un feul ton ou fur un feul rhythme.
D’un autre e s té , lorfque les parties élémentaires
d’une architeaure font trop diffemblables
ou trop difparates entr’e lle s , lorfque la raifon qui
a fait naître ou rapproché toutes ces parties, eft
1 trop peu l'enfible ou trop foible pour qu’une
1 forte de lien nèceffaire s’y établiffe , c efl-à-dire,
en un mot, lorfque le hal'ardfemble avoir préfidé
à la formation de cette architeaure , comme dans
le gothique, il n’y a prefque point de moyen que
Tellet de l’efpèee d'h a r m o n i e dont on parle s’y
produil'e. Dans celte forte de défordre élémentaire
, toutes les parties tendent à fe mêler fans
s’un r entr’elles. Les formés effentielles ou les
formes accidentelles, les objets prelcrits par le
befoin 8c les détails d’ornement fuggérés par le
plaifir , fe confondent à un tel point, .qu aucune
règle ne peut, leur aflignerde place fixe ni d’emploi
confiant. Dès-lors que l’oeil n aperçoit point,
entre-toutes ces choies , de rapport neceffaire, de
liailon diaée par le raifonnement, 1 efprit ne
fauroit y trouver le plaifir de 1 h a r m o n i e .
Ainfi , là où il y a , foit trop de fimplicilé, foit
trop de diverfité dans les éiémens d’une architecture
, il ne peut y avoir de véritable h a r m o n i e
dans fon fyftème.. .
L’elprit de Y h a r m o n i e , dans l’architeclure ,
eft celui qui préfide en grand à la conception gé