
décrire ; trois étoient de la main de Briaxis j "ar-
rifte d’une grande réputation.
Les ftatuaires les plus célébrés de la Grèce fe pi-
quoient d’émulation dans la fabrication de ces énormes
fiat lies. Phidias s’immortalifa dans le fouvenir
des hommes par plusieurs de ces prodiges de l’art.
Le beau colojfe de Tarente, haut de quarante coudées
, avoit eu Lyfippe pour auteur ; la difficulté du
tranfport, plus que la modération du vainqueur ,
empêchèrent Fabius de le tranfportervà Rome avec
l’Hercule de la même ville. Praxitelle fut l’auteur
du colojje érigé à Platon, près du temple de Junon.
Il appartenoit à Alexandre d’infpirer à Part, des
conceptions d’une nature encore plus gigantefqué ;
toutes les reffourees de Tinduftrie humaine panèrent
trop foibles à Tarchiteéle Straficrates , &. tous
les moyens d'immortalité jufqu’alors en ufage, lui
iemblèrent trop périflables & trop peu dignes- d’un
homme tel qu’Alexandre. « J’ai réfblu , lui d it-il,
» de fabriquer l’image de ta perfonne, en une ma-
» tière vive qui a des Racines immortelles, & une
„ fiabilité immuable. Je veux former du mont
» Athos une flatue digne de t o i , dont les' pieds
» toucheront à la mer ; l ’une des mains portera
»’ une ville de dix mille habitans, & de l’autre
» fortira un fleuve qui fe jetera dans la mer. «
L ’ hiftoire qui nous apprend cette monflrueufe
flatterie, nous apprend auffi que plufieurs difficultés
d ’exécution empêchèrent celui qui en étoit l’objet
de l’accueillir , & fur cela il femble que le refus
d’Alexandre doit prouver plus que l'offre de Straficrates.
Si l ’on en croit cependant quelques voyageurs ,
de telles entreprises ne feroient ni fans exemple-ni
hors de la poffibilité. On afl’ure que la montagne
de Fokieu, dans le Katai, eft taillée en forme d’idole,
dont, à deux milles de diftance , on diftingue les
yeux, la bouche & le nez. Les habitans de Katai
adorent cette montagne ainfi déifiée. On ne fauroit
dire auffi jufqu’à quel point les difpofiticns fortuites
de la nature , & un concours fmgulier de combi-
naifons dans la formation des rochers , pourroient,
par les jeux du hafard, faciliter le« opérations de
l ’art.
Les ftatues coloflales furent d’ufage en Italie ,
avant que Rome- eût contraélé celui de dépouiller
de leurs monumens les peuples qu’elle privoit de
leur liberté. Le Jupiter des Léontins avoit, fept coudées
de hauteur, & l’Apollon de bois tranfpofté
d’Etrurie & olacé dans la bibliothèque d’Augufte ,
étoit de cinquante pieds. On voit à Portici deux
ôatues de mefure colofiale, que l’attitude affife ,
l’aigle qui eft aux pieds , la barbe & le diadème
font préfumer être des répétitions du Jupiter Olympien,
tel qu’on le voit fur les-médailles. Une tête
eoioffaie du même Dieu , trouvée dans, les ruines
de Puozzolo, fait juger qu’il y avoit là une pareille
ftatue.
Le prenrer monu lient de cetre nature qui ait été
fabriqué à Rome, fa t la ftatije du même Dieu'que
Sp. Carvilius plaça dans le capitole après fa viéloire
fur les Samnites ; mais Rome vit augmenter dans
la fuite le nombre des colojjes. On en eomptoit
cinq qui étoient les plus remarquables ; favoir,
deux d’Apollon’, deux de Jupiter, & un du Soleil.
On a déterré à Monte Çavallo une flatue colofiale
de Rome qui étoit au nombre des divinités tutélaires
de l’empire.
Les fuperbes coloffes.de Caftor & Pollux qui
ont donné à la place de Monte Çavallo le nom
qu’ elle porte, font des ouvrages grecs & étrangers
à l’art des Romains. Ils prouvent feulement que
l’honneur des ftatues coloflales palTa des grands dieux
aux divinités fübalternes.
Mais l’orgueil & l’ambition des Empereurs en
fit bientôt des attributs de leur puiffance. Néron
voulut avoir une flatue qui furpafla toutes les autres
en grandeur. Ce coloffe qui, fuivant l’expreffion
d’un écrivain, fembloit être plutôt le dernier terme
de la folie, que des efforts de l ’art devoit avoir cent
pieds d’élévation : il avoit donné fonnomà l’amphithéâtre
appelé Colojfeum , Colifée. Dbmitien ambitionna
auffi une flatue coloflale , avec la tête
d’Apollon. Près du temple de laxPaix s’élevoit celle
de Vefpafien à la hauteur de trente coudées. Il eft
parlé d’une flatue curule d’Adrien, placée fur fon
tombeau ( aujourd’hui le château Saint-Ange ) : eüe
étoit d’une grandeur prodigieufe & proportionnée
au monument. Cetempereur en fit lui-même ériger
une à Lucius Verus , &'de plus ordonna qu’on
- en exécuterait de pareilles dans tout l’empire. On
fait qu’Alexandre Sévère érigea plufieurs colojjes.
dans Rome : les indices "en exiftent encore, &. fe |
voient dans les fragmens de quelques doigts &
membres mutilés qu’on contemple avec étonnement
au capitole. Comme fi. l ’orgueil des empereurs eût
crû en raifon inverfe. de la grandeur & de la prospérité
de l’empire , Galien voulut encore enchérir
fur toutes les bourfouflures de la vanité de fes pré-
décefleurs. Son ambition trouva cette fois un terme
dans les reffourees de l’art. Il paroît que la proportion
démefurée de colojfe fit avorter l ’ouvrage.
L’ambitieux tyran devoit dominer fur '-rie mont
Efquilin: fon effigie devoit avoir les- emblèmes du
Soleil: fa main au roi t tenu une*-pique creufée de
manière à recevoir un,efcalier par lequel un enfant'
eût pu monter jufqu’au fommet. Un char magni- .
fique , pofé fur une bafe affortie à la grandeur du
tout, devoit recevoir cette prodigieufe figure.
Le goût des colojjes avoit auffi gagné les provinces
de l’Empire ; un pouce d’une groffeur prodigieufe,
trbuvé dans les ruines de Nîmes , y
attelle Texiftence de quelque figure coloflale.
On- fait que Zénodore avoit fabriqué en Auvergne
un firr.ulâcre de Mercure, haut de quarante pieds,
compofé d’ofier.& de plâtre. Nicephor-parle d’une
flatue équeftre qu’en voyoit à Conftântinople au
veftibule de Sainte-Sophie , & que l’on croyoit
représenter l’empereur Juftinien. Les dimenfions
qu’il donne de cette figure peuvent la faire ranger
au nombre des plus grands co'lojfes.
Les fiècles modernes ont bien peu à oppofer
en ce genre aux prodiges de l’antiquité. Les feuls
ouvrages qu’on puiffe leur comparer font quelques-
unes des ftatues qui décorent Teglifc de S.Pierre, &les
figures équeftres que plufieurs nations de 1 Europe^
ont élevées à leurs rois. Cependant, comme on
l’a dit au mot C olossal ; ce feroit improprement
que ces figures, affezgigantefques, vou-
droient fe comparer aux colofles dont l’antiquité
nous a fourni tant d’exemples. Il eft bien vifible
que les dimenfions de toutes ces ftatues, n’ont
été ainfi augmentées que pour établir une proportion
entre elles & le local dont elles dévoient faire ;
l’ornement, & nullement pour paroître ce qu’elles. I
font. On voit cependant en Italie deux véritables
colojjes. L ’un eft une flatue allez médiocre de
Jupiter dans les jardins Doria à Gênes ; l’autre eft
l ’effigie de Saint-Charles-Boromée à Arona', dans
l’état de Milan, pette figure de foixante pieds de
haut eft en bronze , & dans fon intérieur eft
pratiqué un efcalier, par lequel on monte facilement,
pour opérer toutes les reflaurations dont de
tels ouvrages, faits de morceaux rapportés, font
ordinairement fufceptibles.
COLOSSICOTERA ( Opéra. ) C ’eft. un mot
employé par Vitruve pour exprimer des- ouvrages
d’une grandeur coloflale.
COLUMBARIA. 11 faut plufieurs mots françois
pour exprimer ce mot latin, parce que Columha
lignifie un pigeon, qui fait ordinairement fon nid
dans les trous qu’on a laiffés aux murailles , lorf-
qu’on a ôté les boulins ou folives qui avoient
fervi à faire les échafauds quand on les a maçonnés ;
c’ eft ce qu’on appelle trous de boulins.
f COLUMBARIUM. La fimilituds des trous oh
les pigeons font leurs nids, foit dans les murs ou
ils trouvent des afyles, foit dans les demeures
que la main de l’homme leur prépare, avec les
petites niches deftinées à recevoir les urnes d’une
même famille , fit donner ce nom, chez les Romains,
à l’efpèce de fépulcres qu’on va décrire.
L ’étymologie du mot, & l ’analogie qui la juftifie,
établifl'enf a l le z c l ai renient la nature de ce genre
de monumens funèbres,.pour difpenfer de preuves
relatives aune diftinélionquife prononce d’elle-même.
Le caractère propre du Columbarium eft d’être
un receptaçle d’urnes cinéraires ( ollce cinerarioe) , ‘
& non de farcophage's ou d’bffuaires ( ojfuaria ) ;
auffi dans un très-petit eipace, ces monumens
contenoient les relies d’un grand nombre de corps.
Parmi tous les édifices funéraires dont le temps
femble avoir dédaigné de .triompher au milieu de1
la défaite u ni ver fe lie de l’orgueil romain, il n’en
eft. point oh le voyageur porte avec plus d’intérêt
un pas religieux, que dans ces afyles de4a mort,
dont la violation même ajoute encore au fe«riment
de la profonde mélancolie qu’ils infpirent.
Toutes les idées d’union, tous ces doux feati-
mens qui font le_ charme dfe la vie , tous ces
fouvenirs touchans que retrace le nom feul de
famille, rappellent l’ame à cet état d’émotion que
la feule image de la mort ne fauroit produire. Ici
deux urnes faintement rapprochées fous le même
couvercle racontent -encore dans leur fidèle union
les douceurs du lien conjugal ; là cette urne veuve
& folitaire femble gémir des injuftices du fort.
Sous cette niche plus élevée j’aperçois la place
deftinée au chef de la maifon ; il femble préfider
toujours cette famille de morts : plus bas, ces vafes
d’argile , ces Amples briques qui leur fervent de
couvercle , m’indiquent une différence de rang
que me confirment les noms d’affranchis que j ’y
lis encore. Entrons dans quelqu’un de ces monii-
mens pour en décrire la forme.
Elle n’avoit rien qui la fît diftinguer extérieurement
: fermé comme tous les fépulcres à la lumière
du jour, le Columbarium rie recevoit que la lueur
des lampes religieufes qui éclairoient les cérémonies .
des funérailles. Ses murs intérieurs étoient percés
de plufieurs étages de petites niches formées ordinairement
par un, demi-cercle. La profondeur de
ces niches étoit quelquefois -capable de contenir
quatre urnes ; celles-cï variables dans leur forme,
leur mefure & leur matièrevarioient encore dans
leur difpôfition. Tantôt debout & ifolées, elles oc-
cupoient avec évidence l’ efpace entier de la. niche ;
le plus fouvent enfoncées dans la profondeur de
i’èfpace qui fépare les différées étages de niches,
elles ri&Taiffent apercevoir que leur couvercle \
plufieurs font tellement ajufiées & fcellées dans
les trous qui les. reçoiverit, que leur déplacement
ne peut s’opérer fans èffraâion. Lé nombre de ces
urnes , ainfi enclavées fous chaque niche , varie
depuis un jufqu’à quatre.
Le Columbarium de la famille Pompeia, eft un
des. plus beaux que le temps nous ait confervé:
cinq rangs-de niches en ornent le'pourtour : l’intervalle
d’un rang à l’autre eft garni de tablettes
oh fe lifent les épitaphes, qui confiftent dans les
noms & qualités de chaque mort. On obferve dans
la décoration* de ce Columbarium une progreffion
de richeffes, depuis, le rang de niches inférieures ,
jufqu’à l’étage d’en haut deftiné fans doute à des
morts plus qualifiés. Des figures d’hommes &. de
. femmes caryatides y forment un-genre nouveau
d’ordonnance dont-on a fait mention à l’article
Caryatide. ( Voyc{ ci mot. )
• Les anciens, dans leur langage, comme dans
leurs ufages, avoient pris foin d’écarter de l ’idée
de la mort tout ce qu’elle peut offrir de contrariant
pour l’imagination. S’ il falloit fournir la
• preuve de leur délicateffe en ce genre , on la
trouveroit non-feulement dans les pratiques de leurs