la ftatue placée à propos ne termine ou ne com-,
jllette heureufement les compofitions, fous le feul
aljDeél de richefle, de variété & d’amortiffement.
Mais fi vous vous accoutumez à ne les regarder que
edmme objet de variété, vous accoutumez auiïi le
public à ne plus s’embarraffer de ce qu’elles repré-
ientent, & bientôt ce langage ufé n’aura plus ni
fens, ni lignification. Tel eft l’inconvénient attaché
à ces figures placées hors de la portée delà vue,'
à ces ftatues nichées, ilolées ou adôffées, dont
i’.eeil cherche en vain la forme & le motif. •
Il eft une convenance à obferver aufti dans ce
genre, c’eft de réferver ce grand luxe de décoration
pour les monumens publics & les édifices de
quelqu’importance.' L ’architeéle habitué a en prodiguer
l ’emploi dans fes projets &. dans fes deffins,
necompte alors pour rien ht dépenfe qu’entraîneroit
l'exécution de toutes ces ftatues ; il multiplie les
niches propres à les recevoir, &. l’impoffibilité de
les remplir lai fie toujours dans un édifice un vide
défagréable à l'oe il, & dont la raifon murmure.
Ce n’eft pas un des moindres avantages dus au
goût févère & au raifonnentent dans ^architecture,
que cette économie de travail & de dépenfe.
I l importe que l’accelToire ne foit pas dans un édifice
plus dispendieux que le principal. Il convient
que la décoration n'emporte pas toute la dépenfe
d’un édifice. Car alor; il faut que l’un des deux
refte imparfait. S’il fàlloit mettre des ftatues dans
toutes les niches qui forment une partie de la décoration
extérieure de Saint-Pierre de Rome, cette
exécution abforberoit peut-être autant de dépenfe
qu’en a exigé la cônftruéHon de fes murs. S’il falloir
achever le Louvre avec toutes les figures qui entrent
dans le fyftême général de la décoration , on
peut douter que la dépenfe de ce luxe ne balançât
pas celle de fa conftru&ion.
Les anciens ont été plus économes en ce genre
que les modernes ; aufti parmi les reftes de leurs
monumens on en trouve aufti peu qui foyent demeurés
imparfaits dans leur décoration , qu’on
en compte.parmi les modernes qui ayent reçu leur
complette exécution.
C ’eft fur-tout dans la troifième claffe des fujets
d’allégorie que-les modernes ont cherché à fur-
paner la magnificence antique; je parle -des grandes
compofitions de figures peintes ou fculptées.
Il n’eft pas probable que jamais les anciens ayent
employé la peinture à traiter dans leurs édificesd’auf-
fi vaftes compofitions allégoriques qu’on en trouve
chez les modernes. La peinture avoit bien accès dans
les temples & dans tous les édifices, mais on peut
affirmer qu’elle ne traitoit que des fujets propres à
être facilement faifis par l’oeil & par l’ afprit. Il n’en
eft pas de même des compofitions modernes, fur-
tout dans la décoration- des coupoles de d'es pi afonds.
Ce» grande* machines n’ont de valeur qm
par l’effet des couleurs & la magie de la perfpec-
tive. Aufti eft-il difficile d’y développer un goût
fage & les vrais principes de l’imitation.
Lorfqiie Raphaël voulut orner de fujets compo-
fés les plafonds de la Farnefina, il y fuppofa une
forte de toile attachée à la voûte, ce . qui le dif»
penfa d’y obferver les règles de l’optique, les ra-
courcis, & tous ces effets fi nuifibles à la cotnpt.
fition. Ce modèle peut être imité parles décorateurs
qui préféreront, dans les fujets de peinture,
le plaifir de l ’efprit aux imprefiions de la couleur
fur les yeux.
Une trpp grande étendue dans un fujet peint
offre au décorateur le défagrément de ne plus pouvoir
s’adrefier à la raifon du fpeélateur. Comment
celui-ci peut-il faifir, à trois cents pieds d’élévation
& dans une circonférence aufti de trois cents pieds,
l ’enlërnble & la .connexion d’un fujet? Lorfqu’ii
faut écrire à une telle diftance , il vaut mieux
prendre les caractères de l’allégorie fimple, & l’ornement
en fournit à l’architeéture qui conviennent
mieux à de pareils emplacemens.
On a vu, par une bien plusfaufle sombinaifon,'
placer dans des coupoles & dans des voûtes des
figures fculptées & des fujets de. relief. Rien n’eft
plus impropre que cet emploi de la fculpture,
dont la pelante réalité menace le fpeâateur d’une
chute dangereufe , & porte l’invraifemblance des
ornemens à fon plus haut degré.
Autant la fculpture , inconfidérément placée dans
la décoration , eft fatigante pour les fens & pour!e
bon fens, autant cet art offre des reffources pré-
cieufes à l’architeélure dans le langage allégorique
des fujets.çompofés. La fculpture eft le décorateur.
naturel & propre de l’architeélure. Tous
les monumens antiques & quelques - uns d’entre
les modernes, attellent à quel point d’éloquence
peut parvenir ,1a décoration dans les édifices par
le moyen de la fculpture en bas-relief.
Les Grecs & les Romains' fe montrèrent-fur-
tout prodigues des richeffes de la fculpture dans
les frontons de leurs monumens. Le Parthenon
d’Athènes femble n’avoir cdnfervé quelques fragment
de la compofitiondé: fôn fronton, que pouf
nous apprendre que la perfeélîon de l’art s’y étoit
trouvée réunie à la .magnificence du; fujet. Des
crampons de métal nous indiquent - qu’un bas-
relief en bronze ornôitTe. frontifpiçe duPanthéon
d’Agrippa à Rome. Les colonnes Trajane & Anto-
ninë, les arcs de triomphe l ’emportent encore fur
les monumens qu’on vient de c ite r , en luxe #
fculpture. ,
On doit cependant diftinguer ces derniers ouvrages
comme appartenant plutôt à la claffe des
c'eft-à-dire, ferrant en
forte de fifte» ou d'imcripttonx .
q O , V eu occafion de remarquer a ce fuieî
' Bas-relief ) qu’il y droit un genre de
Ü ln tu rep lu s particulièrement convenable a l ar-
■ k S i e f & que ce genre étoit celui des -anciens
leurs bas-mlicfs. Quelque critique que 1
i_a*. l’accord Knorance entre les ceux arts ait pu
«lew contre ce fty le , il n’eft perfonne qui ne.
îente que la fimplic.té dans la compofition, la fer-
dans l’exécution, & une forte de ro.deur
K dans le ftyle, ne fervent a mieux faire lire
S e t s que la fculpture raconte aux yeux Le
genre de fculpture pittorefque, quand il ne feroit
£ vicieux en lui-même, le dev,endroit dans fon
application à l’architetlure. ,
K i e décorateur aura donc foin de n admettre la
ïculpture à traiter des compofitions & des fujets
allégoriques ouliiftoriques, qu’avec les feuls moyens
propres à cet art. Tout empieteme.it fur le domaine
de la peinture, foit dans la diveti.té & la
{dégradation des plans, foit dans une rigide obfer-
Irance de la perlpettive, foit dam t art des ra-
icourcis, foit dans les conttaftes des maffes & des
^effets, doit être févèrement prolctit des bas-reliets
qui prétendent à la décoration de 1 architecture.
R Les règles de goût relatives au bon & judicieux
.emploi de la fculpture foit allégorique , ioit hii-
■ torique dans les monumens, rentrent d elles-mêmes
»dans le cercle de tous le's préceptes & de toutes
■ ■ :.Ies obfervations qui précèdent. Je n’allongerai donc
vpas cet article par un détail minutieux d applications.
Cette partie lur- tout_ eft plusfpécialcment
|du reffort du géviie & de l’invention , & .par conséquent
moins dépendante des réglés. Rien en effet
' de plus inutile que les règles pour ceux qui ont
du génie, fi ce n’eft pour ceux qui n’en ont pas.
I N ’ayant réfolu aufti dp traiter de la décora-
Wttion dans cet article que fous le rapport de théo-
|l.rie générale, je ne m’étendrai pas fur la manière
de décorer, foit les diverfes parties des
■ ■ bâtimens, foit les divers membres de i architec-
;|ture. La décoration conftiruant prefifue la moitié
rM de rarchiteéiure, il faudroit fortir des bornes que
B c e t ouvrage nous preferit. Tout ce qui eft re-
wlatif à l’ornement de tous les détails dont fe com-
Wpofe l’architedlure, trouve fa place naturelle aux
■ articles particuliers qui en traitent, tels que
Kh/t , chapiteau , colonne, croifct, niche, frife, &c.
BFy renvoie le ledeur.
| S E C O N D E P A R T I E .
I J’ai divifé en trois i estions cette ieconde par-
11*1 , où l’on traitera de la décoration , comme pein-
■ tu e & imitation de tout ce qui peut embellir les
lédifices , les fêtes publiques, &. les repréfentations
»théâtrales.
De la décoration , comme peinture & imitation des
objeti qui peuvent crabe lir les édifices.
Les Italiens appellent quad attira cette partie
de la décoration, qui confifte dans l’imitation d’une
autre imitation.
On fe -fert affez volontiers en France du mot
décor , ou décoré, pour défigner cette branche de
la peinture qui a pour objet fpéeial d’orner les
intérieurs & quelquefois auffi l’extérieur des mai-
fons & des monumens.
J’ ai dit que cette partie de la décoration con-
fxftoit dans l’imitation d’une autre imitation. En
effet, fi l ’ on en excepte les figures, les payfages , les
fleurs & quelques autres objets qui fe mêlent quelquefois
aux combinailons du décorateur , le principal
de cet art fe compofe des vues perfpedives
ou géométrales d’architedure , des ornemens en
reliefs, des ftatues, niches val es , autels, monumens
, que le peintre fait reproduire fous toutes
fortes de' formes. . '
La décoration imitative dont il s’agît , aura
donc les mêmes principes & recevra la plus grande
partie des règles que nous avons trouve appli-
quables à la décoration originale qui lui fert de
modèle. < . ' . | ^
Si l’objet de cette décoration eft de vous donner
par le moyen des couleurs l apparence d un
édifice ou d’une partie d’architecture réelle, il eft
difficile de füppofer comment il y aurbitpour l’objet
imitant, d’autres principes de beau ou de convenance
que pour l’objet imité. On 11’ignore^pas
cependant combien de préjugés fe font répandus dans
- les écoles de décoration de l’Italie, & à quels excès
de mauvais goût la déviation des vrais principes
avoit fait arriver cette branche intéreffante de
Limitation.
Le favant amateur Algarotti, s’étoit complu à
la ramener aux vrais termes qui lui conviennent.
Ses écrits , fes préceptes , Içs foins qu’il s’eft donné
de former des artiftes fur les modèles des ancien»
maîtres,ont.peu à peudéfabufé Tltalie de ce goût
corrompu , & l’étude de. l’antique en fe ranimant
ne peut que purger tout-a-fait la décoration de®
préjugés des décorateurs.
Il y a une action & rcaâion de l’architeélare
lur la décoration & de la décoration fur l’architec- .
ture. Par une inconféquence affez ordinaire à cette
efpèce de fentiment irréfléchi qui mène les artiftes»
les imitations décoratives de l’archite&ure en devinrent
à leur tour les modèles. Il étoit affez naturel
qu’il fe gliffât des abus , des licences & un
défordre d’ornemens & de difpcfition dans' ces re-
préfentations d’édifices, qui n’étant que des tableaux»
fembloient n’avoir d’autre objet que de divertir
les yeux. On devoit s’attendre que la néceffiré de
produire de l’effet & de l’illufton fur une furface
platte, introduiroit des contraftes dans les lignes, des
oppofitions brufques & peu de régularité dans le*
plans ; mais ce qu’on ne pouvoir pas imaginer 9
c’eft qu’il fe trouveroit des architeéies d’un goût
affez perverti pour ambitionner, dans des édifices
réels, la gloire de rivalifer avec les licence® du
peintre décorateur.