
plaifir à .coté du : Kefoin), & de faire toujours ré--
iuiter le premier du fécond;
II paroît donc confiant que tout ce à quoi
l'homme attache du plaifir, tout ce que l’homme
appelle dans la nature ornement ou décoration , efl
ou le rélultat de quelque befoin plus ou moins
connu , ou un agent néeefîaire à la conservation
de l’être , ou le principe même de Son effence.
Sans étendre plus loin une théorie , qui nous
écarceroit trop de l ’objet de cet article.., il nous
iuffit d’avoir apperçu la caufe du goût que l’homme
a pour la décoration dans la conflirution même de
fou ame , & les1 principes de ce goûi: dans les ouvrages
de la nature.
Il doit donc réfulter de ceci trois confequences..
La première, que le goût de la décoration étant
naturel a l'homme , il convient que la raifon qui
peut fou vents’en trouver offenfée, cherche moins
à le combattre qu’à le régler.
La fécondé, que ce goût ayant Ses racines dans
la nature même de l’ efprit humain & dans les af-
feélions de l’a me, c’ efi fur la conndiflance dè ce
qui flatte ces afibélions, -de ce qui convient au
plaifir de Téfprït ^ que repofent les règles & les principe
« de la décoration. ' ■ J
La troifième, que . la .fqurce du goût de la décoration
étant dans {qs_ .:>ouvr^ges de la natme, ce
modèle uniyeffel deTart, c’efi à opérer
dans les décorations , conjme.la -pat.pre opère elle-
même ,q*$e i’art doit tendre yp’eft-à-dire , qu’il doit
toujours faire repofer; fur un.befoin plus ou moins
abjpîu & fur quelqu’utilité plus o,u moins direéle ,
les m o t i f s ■ i’enfemble, de fes inventionis.
Si le goût de la décoration efl tellement naturel
à l’homme , qu’on en trouve le germe & les élé-
mens dans. tous:Ies degres.de la civililation , dans
tous les âges de la vie ; il ne faut pas fe flatter
qu’on, puilfe réduire à un fyflême régulier & complet
de règles & de principes Tenfeignement de
la décoration. Dans le penchant qu’ a l ’homme à imite
r , il y a une partie qu’on peut appeler machin
ale,, il y en a une autre qui fe .combine & fe rai-
fonne. 11 y a ce qu’on appelle inflinél; il y a ce
qu’on appelle fentiment réfléchi. Le premier adopte
comme bon & comme beau tout ,ce qui lui plaît,
le fécond veut foumettre le plaifir même à des règles,
c ’efi-à-dire , à la reèherche des catifesqui lui procurent
ce plaifir.
Ainfi, dans tous les tem p s l ’homme, par un pur
inflinél d’imitation, & par le fimple befoin de mettre
de la variété dans les fenfatiens, a orné de
couleurs & de teintes diverfes fa cabane, fes armes,
fes uflenfiles , fon propre corps. L ’homme orne fa
tête par l’arrangement de,fes cheveux, fes vête-
«er.» par des broderies ou des couleurs} il pare
j| fes animaux, fa maîtrefle , fon logis. II fait tout
I Cela par le fimple inflinél.
Bientôt l’amour - propre fe mêle à cet inflinél ;
il veut paroître plus beau ; il cherche à plaire.
Vient enluite l’amour de la domination, iL veut
erre plus riche, il veut qu’on fâche qu’il l’efl plus
que les autres ; il appelle autour de lui le luxe des
ornemens , comme des témoins qui déposent de là
fichefle. Lorfque celle-ci l’a rendu plus puiflant, il a
befoin encore du fecours des ornemens , comme
figne de fon autorité, comme moyens de refpeél,
; comme attributs de ce qu’il appelle fa dignité.
Ainfi les ornemens dont le plaifir & le goût de la
variété avoient d’abord fait les frais, deviennent eux-
mêmes des figneSj'plus ou moins Conventionnels,
qui fervent à expliquer les qualités des chofes , & les
rapports qui exiflent entr’dles. Voilà pourquoi j’ai
décoration> fous fon point de vue général, la
combinaifcn dés objets qui peuvent embellir , enrichir
& expliquer les fujets auxquels ils s’appliquent.
L’on verra cout-à-l’heure comment.cette définition
efi fur-tout applicable à l’architeélure, .
Si le goût de la décoration tient au; befoin qu’a
l’ame de changer de fituation, c^fl-à-dire de varier
& de mulriplier les fenfations , les. principes de cet
art feront fémblables à ceux des autres arts, qui ont
auili lé même but.
L’ame ainfi que le côrps veut palier alternativement
du repos au mouvement &du mouvement au
repos. Mais les tranfitions de l’un à l’autre de ces
états font très-nombreufes. En général ce qui répugne
le plus à l’ame, c’efi unertranfition brufque &
rapide, il faut donc que celui qui veut lui faire éprouver
des change mens de fenfations, fç prête à fa marche
naturelle. Ces paflages forcés, qui produifent
chez elle Téropnement, ne peuvent s’employer que
rarement. Çes fortes de pillages, s’appellent des
contrafles. ( Voye{ contraste. ) Comme le poète,
l’orateur le muficien les emploient quelquefois
aveçfucçës, de même l’^rt de la décoration en pourra
faire un utile , mais lobre ufage.
Ces déplacemens fubits , que le contrafle occa-
fipnne à l’amc, s’ils font prodigués, ont l’inconvénient
, ou de la fatiguer , ou de ns produire que de
: foifiles effets, parce que l’efprit qui s’y attend, n’en
reçoit plus l ’étonnement qu’ ils dévoient exciter.
L’art de la décoration fuivra donc cette règle de
procéder.avec vraisemblance dans l’emploi des variétés
qu’il efl chargé de mettre en oeuvre, La déco-
i ration parle à l ’efprit par le fecours des yeux , ilfauc
aufii qu’elle confûite les-facultés dè l’intermédiaire
auquel elle s’adrefle pour parvenir julqu’à-l’ame.
Trop d?oppofttions , ou de trop marquées dans le?
configurations ou les couleurs, fatigue les facultés
vifuelles, & le plaifir qu’on a voulu faire palier à
l’ame fe convertit en peine par la fatigue de l ’organe
qui de voit le tranfmettrc.
Ainf., quoique le gofit de la dccor.uon a,t peut
nrincipe le g°ût de U vatiéte ’ comoee la Var:é ■
S!ffTrePdu contrafle , l’art du décorateur manquerait
fo fb J t , fi une trop grande affedation de variété
s’y faifoit fentir.
H efl un fecret commun à tous les arts & a toutes
les parties de ces arts, c’efi que l’envie ou le defir
de plaire ne s’y montre jamais. L’ame fe refufe au
plaifir, dès qu’elle en apperçoit la préparation.
Beàucoup de décorateurs fe font imagines que
r 0biet de leur art étant de plaire par la variété,
: ils n avoient plus qu’à chercher tous les moyens de
diverfifier. L’art n’ eft plus devenu entre leurs mains
que la faculté de^combiner de nouveaux rapports
de forme & de couleur, ils ont cru produire bar là
beaucoup & de nouvelles fenfations. Ils ne fe font
pas appsrçus que les extrêmes en ce genre font tres-
limitrophes , que l’habitude de la variété efl aufli
' une efpèce particulière de monotonie & d’uniformité,,
de manière qu’ ils ont mené par une route, à
la vérité contraire , l’ame au point même qu’ils you-
loient éviter , c’efl-à-dire l ’ennui ou la répétition
des fenfations uniformes.
Trop de variété efl donc aufîi uniformité. La
décoration qui employera trop l’artifice de la variété
manquera fçn objet, comme celle qui refteroit dans
les redites de l’uniformité.
Si la décoration , dans fes moyens , doit être
fimple pour être claire, & facilement faifie par 1 ef-
prit ; fi elle doit être variée fans trop de contrafle ,
elle doit plus particulièrement encore éviter la monotonie.
Mais ce genre d’abus n’efl pas celui contre
lequel on doit le plus mettre en garde les décorateurs.
Nous avons vu que l’àrabefque , ( voye\ ce
mot ) que nous avons défini l’abus de l’ornement &
de la décoration 9 a engendré lui-même un goût
qu’on peut appeler l’abus de i’arabefque. C ’efl bien
particulièrement là , c’efi dans ces compofitions exagérées
de mélanges & de combinaifons de toute efpèce
, que l’ame éprouve cette fatiété de la variété,
qui dénote le point extrême du vice en ce genre.
Mais ce qui y conduit le plus fûrement le fpec-
tateur, c’efi peut être encore le fentiment de l’inutilité
, fentiment qui s’empare bientôt de nous a la
vue de tant d’objets, dont aucun befoin ne motive
la prélence.
L’art de la décoration ne reflemble que trop fou-
vent à l’art des fythphonies ou des fonates. Décoration
, que me veux-tu ? pourroit - on direfouvent,
comme le poète à la' fonate.
Comme nous avons vu que ce que nous appelions
ornement ou décoration dans les ouvrages de
la nature efl, ou le .rélultat de quelqu’ une des qualités
efTentielLs de ces objets , ou l’agent néeefîaire
de quelque befoin, ou l’indication d’ une utilité quelconque
y de même U décoration dans les ouvrage
de l’art manqueroit un des points eflentielsdelimi-
tation & du plaifir que celle-ci peut fa ire , fi elle
négligeoit de donner à fes productions un fujet ou
un motif quelconque d’utilité plus ou moins a ire
été, ou plus ou moins apparente.
L ’utilité de la décoration, prife en général , fe
tire , comme 011 l’a v u , du beloin qu’a 1 homme de
multiplier et de varier fes fenfations ; elle fe.tire aufli
du besoin d’expliquer les objets de 1 art, d en faire
connoître l’emploi , l’objet & la propriété.
De-là deux règles générales.
i° . La décoration doit être, ou du moins doit
paroître néeefîaire.
a°. La décoration doit employer des objets qui
fôient en rapport avec l’objet général auquel elle
s’applique.
J’ai dit que la décoration doit être , ou du moins
doit paroître néeefîaire. C’efl-a-dire qu’il ne faut
pas s’imaginer que toutes les parties des ouvrages
de l’art foient fufceptibles de recevoir des ornemens.
Le goût ou le fentiment des convenances confifle
à apprécier cette mefure*, il faut difeerner les cas
où la décoration doit être admife, & la mefure de
variété que comportent les objets qu on décore.
Souvent même l’abfence de toute décoration fera un
moyen de décorer. Selon la nature ou le caraétere
propre de l’objet à décorer, il conviendra de graduer
les reflources de l’ art. Comme la pompe du
langage, la rîchefle de la diélion & le luxe des
images ne conviennent pas à tous les genres ^ de
difeours , comme il en efl dont la fimpUcité fait la
feule parure, de même il efl dans les arts du deflm
des fujets que la décoration appauvrit & que les
ornemens enlaidiflent.
Confultez donc avant tout le cara&ère du fujet
auquel vous voulez appliquer une décoration quelconque
; & avant de lavoir quel genre de décoration
il comporte, fichez avant tout s’il lui efl nécef-
faire d’en avoir.
l ’appelle une décoration néeefîaire,celle dont l’abfence
produiroit un vide pour l ’efprit, & celle dont
la préfence explique l’objet auquel elle s’applique
en renforce les fenfations, & en développe le ca^
ras&ëre.
Tappelle encore une décoration néeefîaire celle
qui prend les- motifs de fes inventions ou combinaifons
dans le fond du fujet, ou dans les circonf-
tances* qui T'environnent.
L’hifloire nous a confervé la méprife de ce
décorateur qui a voit placé au fénat de figures
d’athlères, &des flatues de fénateurs dar s lè gym-
nafe. Combien de décorateurs modernes font tombés
dans de plus lourdes inconséquences L