il eft facile de voir, par les deflins^ que ces tours
pyramidales ne font guère plus hautes que celles
de Madoureh, & qu’elles reffemblent très-peu à
une pyramide proprement dite. «Jl
La forme pyramidale eft plus fenfiule à la pagode
de Chalembrom, fi nous en croyons un delfin
au-deffous de l ’opinion quon a de la conftrnftion I
des pyramides d’Egypte.
Ainfi, les voyageurs font d’accord qu’à Châle
mb rom , par exemple , les maff'es pyramidale» I
dont on a parlé, ne lont cohftruites que jufqu’àla I
hauteur de trente pieds , en pierres de taille. Tout J le refte de la conftruCtion, jufqu’au fommet, eft en I briques. Ge maflif eft revêtu d’ornemens incruftés I
loit en pierres, foit en terre cuite, laquelle eft re-1
couverte de ce ciment b lanc, nommé dans le pays
tchouna. Il en eft de meme à Madoureh. 11 n ’y a ae I
quiparoît exaCt avec une échelle , delfin rapporté j
par M. de Caylus , tom. XXXI, Mémoires de l}A~
cadémie, page 4$, & qui eft dé M. Durocher de la
Perigue. La maffe pyramidale dont il s’agit, s’élève
également au-deffus d’une des portes de l’enceinte
de cette pagode. Ces portes font percées
dans un maflif haut de trente-deux pieds , & qui
femble fervir de foubaffement au corps pyramidal
qui les furmonte. L ’enfemble de ce monument,
d’après les différentes mefures des voyageurs, ne
peut pas s’élever à plus de cent vingt pieds , & la
baie de la pyramide auroit environ quatre-vingts
pieds de large. Cette maffe ne fe termine pas en
pointe , & offre, au contraire, à fon fommet, une
plate-forme de trente-fix pieds de lage. Du relie ,
les quatre faces de la pyramide font inégales j leurs
façades latérales font beaucoup plus étroites que
les deux autres. s .
On rapporte ces détails pour faire voir combien,
fous tous les rapports, il y a de différences
entre ces tours pyramidales & les. pyramides de
l’Egypte 5 8c quant à ce qu’il a plu aux voyageurs
d’appeler des étages dans la plupart de ces monu-
mens, nous verrons, dans l ’article-fui vaut, que
ce ne font le plus fouvent que des bandes d’or-
nemehs.
Pour abréger cette difcuffion, nous pafferons
de fuite à la mention du plus grand de ces monu-
mens dans l ’Inde , la pagode de Tanjaour , que
jlord Valentia ( Voyage and travels in India,
tome I , page 356 ) regarde comme le plus beau
modèle d’édifice pyramidal qu’on pùiflè voir dans
toutle pays, qui, dit-il, étonne les regards & juftifie
le furnom de grande fous lequel on défigne cette
pagode. Elle a deux cents pieds d’élévation , en
comptant fa bafe , c’efl-à-dire , quelle égale, en
hauteur , les tours de Notre-Dame.TElle eft afîife
fur ( un foubaffement carré de plus de quarante
pieds de haut. Elle fe termine par une plate-forme
que furmonte une efpèce de petite maffe en coupole.
Toute cette maffe pyramidale s’élève par
petites retraites, au nombre de douze, c’eft-à-
d ire , forme douze bandes diverfement fculptées.
La conftruction de ce monument, ditM.Hodges,
a été fort fimplej il a fuffi d’y entaffer pierres fur
pierres, & la forme pyramidale & par retraites a
fingulièrement facilité les moyens d’exécution.
Au refte, il ne faut pas croire que ces monu-
mens, dont le maffif eft de maçonneriè, aient
. exigé de prodigieux efforts dans la taille & le
tranfport des matériaux. Plus d’ un renfeignement
fur la conftruCtion des édifices de l’Inde tend à
rabaiffey l’idée qu’on peut s’en faire, beaucoup
bâti en pierres de taille que le premier étage de la maffe pyramidale. Le refte des zones fupérieu-1
res eft en briques, revêtues du ciment dont oui
• vient de parler.
Tous les voyageurs, toutes les defcripfions & |
tous les deffins que nous avons des monumens conf-1
truits de l’Inde, font d’accord fur un point; c’eft |
qu’on n’y trouve aucune indication de voûte, aucun
refte de partie cintrée ou d’arcade. I c i, comme I
en Egypte, on voit que l’art de bâtir, né dans des I
fouterrains ou dans des excavations de carrière,!
qui ne préfentent jamais que de véritables pla-l
fonds , c ’eft-à*dire, des couvertures horizontales,!
a reçu de ce type originaire, des habitudes qui ont!
fingulièrement contribué à rétrécir la forme &le»l
dimenfions des intérieurs. De -là , la multiplicité!
des piliers ou fupports , deftinés à foutenirlesl
pierres horizontales, quiconftitnent exclufivement!
8c d’une manière toujours uniforme l’art de coir-1
v r ir , 8c ne purent jamais fuggérer celui des!
voûtes.
Nous lifons dans quelques defcriptions, queeer-1
taines allées de colonnes o n tp o u r couverture!
plate, tantôt des briques liées enfemble parusI
ciment impénétrable â l’eau , tantôt des cailloux:I
qui forment, avec ce ciment , des plafonds fort!
folides. O r , de pareilles couvertures ne peuvent!
avoir lieu , qu’âvec de petites dimenfions & dans j
une très-moyenne portée. Du refte, tous les inté- j
rieurs font plafonnés par d’énormes pierres poféesl
à plat, 8c qui portent, parleurs deux extrémités,!
fur les colonnes ou fur les chambranles, félon!
qu’elles fervent de plafond aux folles , ou de lin-!
teaux aux portes d’entrée.
On voit que toutes ces pratiques, nées de cetini-
tinCt qui difpenfe d’art 8c de fcience, font reliées,I
dans l’Inde, beaucoup au-deffous de ce qu’elles!
furent en Egypte. Dans ce dernier pays, la Icience
de la conftruCtion fut bornée fans doute par h
force des habitudes 8c par l’empire des inflitutions-1
Mais quoique rien de hardi dans les opérations!
de la coupe des pierres ne s’y faffe remarquer d
cependant on eft contraint d’y admirer une grande
habileté dans l’emploi des matériaux, dans laméthode
de joindre les pierres 8c dans la ■ jufteflè de
l ’appareil. Les monumens de l’Inde dépofent, an
contraire, d’une fort grande ignorance ea ce
genre. On diroit que les architectes de ce pàjs
n’auroient yifé qu’à fe paffer de l’art de tailler &
,, „flareilleï les pierres. Habitués ( comme on l ’a j
r a| | des monumens d’une très-petite élévation
dans leur intérieur , il ne leur fut pas difficile de .
h uver & de raffembler des blocs de pierre, pour
If mer d’un feul morceau les fupports de leurs
îafouds, & c’eft ainfi que nous voyons, dans l ’ou-
! I âge de M. Daniel, qu’a été conftruit un des
L^f o-rands 8c des plus beaux intérieurs que l ’on
Iconnoiffe parmi les monumens de l ’Inde, 8c ce
[ -on appelle, à Madoureh, \e tschoultry , affez
1 j011oUe galerie , qu’on (croit avoir été un hofpice,
& oii brille le plus grand luxe de décoration. Elle
I eft formée d’une réunion de piliers q u i, au lieu
I d’avoir été conftruits, font tout fimplement de
oroffes pierres d’un feul morceau, lefquellesontélé
I tranfportées 8c enfoncées en terre , puis fculptées
en place, à l’inftar des piles des fouterrains. Quel-
[ques critiques pênfent que cet édifice n’eft pas
[ d’une fort grande antiquité. S’il en eft ainfi , fou
[ „enre de conftruCtion ou le fyftème dans lequel il
| a été bâti , prouveroit mieux que tous les raifon-,
Inemens , comment les pratiques ufitées à l’égard
| des monumens fouterrains, fe font perpétuées
t dans l’ïnde, comment elles furent appliquées à
[la conftruCtion des édifices poftérieurement éle-
l'yés, 8c comment l’art de bâtir en ce pays, n’auroit
| été que l’héritage des groflières pratiques de l’inf-
Itinél primitif 8c de l’habitude.
De Vordonnance & du goût de décoration de
Varchitecture indienne.
cette partie importante de l’architeCture. Nous ne
faurions en douter, foit par la nature même
de leur a r t , qui fut un réfultat des plus ingé-
nieufes combinaifons, foit par la connoifîdnce
que l ’biftoire nous donne de toutes les fortes d’en-
treprifes "variées qui entroient dans les befoins
On réunira i c i , fous le nom d’ordonnance, deux ,
[ chofes que l’on diftingue dans l ’architeCture regu-
I lière : favoir, la difpofition qui confifte dans l’emploi
de ce qu’on appelle le s ordres , 8c enfuite l’invention
même des ordres ou des difïérens genres
I de colonnes, qui font les modes qpe l’art emploie
| pour donner à chaque édifice un caraCtère particulier^,
une phyfionomie propre , fuivant le genre
de fa deftination, fuivant l’effet qu’on veut lui
I faire produire, 8c les impreflions qui doivent ré-
fulter de cet effet.
[• L’ordonnance entendue dans un fens encore
plus général, fignifie la compofition d’un bâtiment
& l’arrangement de toutes fes parties. A dire vrai,
ce mérite ne brille 8c ne fe fait remarquer que
dans les pays où l’art de l’archi teCture s applique
avec toutes les variétés qu’il comporte à tous les
genres d’édifices, qui entrent dans les nombreux
Moins d’une fociété, 8c ces befoins comprennent
nue multitude d’établiffemens publics àffeCtés -à
toutes fortes d’ufages, auffi bien que les palais des
grauds ou des riches , ou les demeures des particuliers
qui, félon le rang , la fortune ou le goût de
ceux qui les font bâtir , comportent toutes fortes
de difpofitions. C’eft dans les difpofitions variées
de chaque genre d’édifices ,. que fe montre le
génie de l’ordonnance dont on parle.
Les Grecs 8t les Romains ont porté très-loin
de leurs villes, foit par les reftes multipliés
des édifices qui fe font confervés, édifices où l’on
découvre les refl’ources de l’efprit le plus inventif
dans la combinaifon des parties , des maffes, des
ordres , 8c des ornemens applicables à chaque
objet. • '
Rien de femblable ne fe préfente à nous , dans
l’examen 8c l’analyfe qu’il nous eft poflible de
faire de l'architecture indienne, d’après les deffins
qui font fous nos yeux.
D’abord, il paroît affez confiant que tous ces
anciens monumens dont nous avons déjà parlé,
foit ceux qui furent creüfés, foit ceux, qui furent
conftruits , ont eu tous une feule 8c même deftination
, 8c que cette deftination fut religieufe*. Quoique
des traditions populaires aient autorifé des
voyageurs à donner le nom de palais à certaines
de ces ruines, les critiques les plus récens, 8c par
conféquent les plus inftruits, s’accordent aujourd’hui
à penfer que ce furent des temples, 8c les
figures des divinités qu’on y trouve partout fculptées
, ne permèttent guère d’embraffer une autre
opinion. Dès-lors on peut affirmer que les architectes
de ces temples, aftreihts à certaines routines
confacrées, ne furent jamais libres de donner un
1 efl’or à leur génie , quand le fyftème des caftes,
propre encore à perpétuer l’uniformité de pratiques,
n’eût pas fuffi pour y éteindre toute faculté
inventive.
Rien enfuite ne fut moins propre au développement
du talent de la difpofition, ou de l’ordonnance
en architecture, que l’ufiige des édifices
fouterrains qui pvefcrivent la plus grande .économie
de variété dans les plans , qui ne permettent
que des élévations très-bornées , 8c ne fe prêtent
à aucune de ces conceptions que le goût de l ’ar-
chiteCte fe plaît à former, quand il difpofe du terrain
, de l’efpace, des matériaux 8c des moyens
qui les raflemblent. Auffi rien de plus monotone,
rien de plus privé de combinaifon, que les temples
fouterrains de l ’Inde. S’il y a de l ’ar t, c’eft
un art refté aux élémens, 8c borné à l’aCtion de
l’inftinCt.
Cette influence de l ’inftinCt, principe de toute
méthode routinière , fe fait fentir de la même
manière fur ces pagodes conftruiles dans des plans
également uniformes. C’eft toujours un grand mur
d’enceinte , avec des portes, uu-deffus defquelles
s’élèvent les tours qu’on a déjà décrites- L intérieur
de ces enceintes eft. irrégulièrement rempli
de petites chapelles, de petits bâtimens placés
fans fymétrie, fans côrrefpondancéentr’eux , tous
inégaux dans leurs formes 8c leurs dimenfions.
Sans doute il y a des diverfités entre les plans d»«