
toute la gloire. Tout eft à e u x , le fa ire / le
coloris, le deffin, la touche même, comme la
difpofition des groupes ôc des plans , le choix des
fîtes, des coftumes ôc des expreffions. Plus variés
Ôc plus divers, les moyens de l’architede tiennent
à des arts différens, & exigent un concours
d’hommes 8c de chofes dont- l ’artifte n’eft pas
également le maître. L ’architè&e compofe, en faisant
fon efquiffe, fon deffin, ion modèle même;
mais ce n’eft point lui qui exécute. U exécution
pour lu i , tient à des moyens, fubordonnés , fi l’on,
veut , à fa direâion cc à fa furveillance , mais
dont il n’eft pas auffi directement refponfable, &
qui ne lui appartiennent pas auffi immédiatement
que les deffins d’après lefquels il les dirigera.
Ces deux parties, la compofition ôc Y exécution
font donc plus diftinCtes & plus féparées en architecture
, qu’en peinture ou en fculpture mais il
faut bien fe garder d’en conclure que les études ,
relatives à la féconde foient indifférentes à l’éducation
de l’artifte.
Il ne fuffit pas pour favoir compofer d’être en état
dédeffiner d’imagination , une efquifle ou un projet ;
le fuccès de ce projet, ce qui peut e/i faire ou
un monument digne d’honorer l’a r t , ou une production
foit médiocre, foit vicieufe, tient à la
recherche des détails, à l’examen des convenances,
aux moyens phyfiques ÔC économiques d’exécution ,
à l’étude des plans, à des effets d’optique , de
perfpeCtive, de lumière, dont le deffin le mieux
fait n’eft pas en état de rendre compte , au ftylë
même| ainfi qu’au càraCtère à affigner , de préférence
, aux fculptures, peintures , ou autres
©rnemens qui doivent entrer dans fa décoration ;
tout cela doit être prévu en compofant, 8c le
choix à faire pour l’emploi de tous ces détails,
fait réellement partie de la compofitiùn.
' Ainfi., ce feroit favorifer d’une manière bien
dangereufe , la pareffe d’un élève , que de lui per-
fuader qu’il fait compofer , lorfqu’il a appris à tirer
des lignes ou à laver des deffins ; ces deffins ©nt
beau être d’imagination, ils peuvent meme r en
ce cas, honorer le talent d’un deffinateur , mais
ils ne fuffifent pas pour conftituer celui d’ un archi-
teCle. Cet art de deffiner l’architeChire, ou , fi
l ’on veut, celui de compofer ce qu’on appelle des
projets -académiques | eft malheurçufement affez
étendu , allez compliqué pour féduirê. Les détails
en font attrayans, ils fixent toute l’attention d’un
‘ é lè v e , ils l ’occupent tout entier. Une fois engagé
dans cette route, il s’abandonne à des recherches
purement relatives à ce genre d’études, & trop
-JbuYént indépendantes des. convenances morales, des
&ëïbins 'de la fociété, & des moyens d’exécution.
De là, ces projets bizarres qui donnent à dès loges de
commis, le câraélère des temples de-la Grèce,
àT ’efcaiier d’une petite maifon, toute détendue &
la magnificence d’un veftibule de palais ; en un
mot, toutes ces produnions, plus dignes d’un peintre
de décorations que d’un archite&e, dans lefquelle*
formellement épris de quelques combinailons de
plans, ou de quelques effets de colonnes, Fartifte
oublie pour eux , la convenance, la commodité ,
& les bornes pécuniaires que la fagefle eût du
lui preferire.
De-là encore ces plaintes trop fréquentes contre 1«
danger d’employer des architeâes, cette répugnance
à fe fervir d’eux, 8c cette prétéVence fâcheufe qu’obtiennent
trop fou vent fur eux des hommes moins
inftruits ôc fans goût, mais qui ont du moins le
mérite de ne point ruiner ceux qui les emploient
par les écarts de leur imagination. I l n’eft pas
d’édifice fi fimple, où un homme de goût ne
puifle fe faire honneur de fon talent, fans bleffer
la convenance , ni l’économie ; c’eft donc abuflfe-
de ce talent, c’eft même en manquer, que d’en
prodiguer les récherches, lorfque la fageffe & la
fobriété des idées l’ eût fait valoir davantage.
Cette faute eft d’un jeune homme à demi-formé,
preffé de paraître, qui ne connoît encore de fon
art que ce que l’en apprend à l’école , 8c qui ,
compofant toujours coiùme au temps de fes premières
^études , fait comme ces médecins qui ,
pratiquant avant de favoir , hafardent aux dépens
de la vie de leurs malades des expériences & des
recettes perilleufes.
Il eft donc utile de laiffer le moins poffible les
élèves à la merci de cette fureur de compofer qui
devient trop facilement, une paffion féduifante ôc *
irréfiftible , ou plutôt de mêler d’auffi bonne heure
qu’on le puifle faire , à leurs études, les leçons de
l ’expérience, de l’obfervation 8c du calcul. Je vou-
drois , par exemple , qu’aux programmes qu’elle
donne pour le concours au prix, l’académie d’ar-
chiteélure joignît l’indication de la dépenfe à laquelle
les élèves devroient fe borner ; qu’a leurs
deffins rendus, ceux-ci joigniflent un devis calculé
de cette dépenfe , la delcription des moyens nouveaux
ou recherchés de conftru&ion, dont ils feraient
dans le cas de fe fervir, 8c les traits un peu
en grand de leurs profils ou détails principaux.
Alors , les archite&es ceffant de regarder ce travail
comme un travail fubalterne, le regarderoient
au contraire comme une partie d’autant plus eflen-
tielle de l’art, que la convenance eft une beauté
réelle, & qu’il y a plus de mérite à faire facile-
lement de bonnes chofes, qu’à facrifier à fon imagination
la poffibilité ôc l’économie. On admirerait
un peu moins ceux qui ne favent que compofer
des projets, ou p lu tô t, on ne fe vanterait de
favoir. composer, qù autant qu’on feroit en état de
bien faire exécuter fes idées, & de mériter la confiance
publique par la fagefle de. fes moyens 6c .
l’économie de fes reffources. L ’art y gagnerait, car •
le public le redouterait moins 8c s’en ferviroit
davantage ; & loin de craindre le talent que l ’on-
acquiert dans les études académiques, il le regarderait
au contraire comme le plus fûr garant delà
fageffe de l’artifte ,& comme la principale bafe d«
fa confiance.
COMPOSTO. fubft. mafe. ( C onstruction. )
Mot italien dont OU fe fert pour indiquer^ une
compofition avec laquelle on forme le payé des
appartemens , en plufieurs endroits d Italie ,, 6c
fur-tout à Venife, où on l’appelle auffi Terra^a.
Ces efpèces d’aires fe font, i° . furie fol à rez-
de-cbauffêe ; 2°. fur des voûtes ; fur des planchers.
Les compofio qui fe font à rez-de-chauffée
s’établiflënt. fur des m^ftifs de maçonnerie en blocage,
bien garnis de mortier 6c battus à plufieurs
reprifes ; on fait un fémblable maffif pour les
compofio qui doivent être établis fur des voûtes ;
il faut que ces maffifs foient arrafés bien de
niveau.
Lorfque ces efpèces de pavés doivent fe faire
fur des planchers, il faut que les folives foient un
peu plus fortes que pour les planchers ordinaires,
c’eft-à-dire, qu’elles doivent avoir 7 ou 8 pouces
de gros fur 12 pieds de portée, 6c être elpacées
tant plein que vide ; ces folives doivent être recouvertes
par des planches pofées en travers 6c
clouées fur chaque folive ; il faut avoir foin d’y
employer du bois bien fec , qui ne foit pas fujet
à fe tourmenter ; dans plufieurs circonftances, ce
feroit le cas de pofer un fécond rang de planches
qui croife le premier, comme le pratiquoient les
anciens. ( Voye^V article A ire.)
Les matières dont On fait le compofio en Italie,
font des tuileaux 6c des morceaux de briques bien
cuites , le plus fouvent de l ’ un 6c de l’autre mêlés
enfemble ; pour le préparer , on met fur trois
parties de ce mélange, une partie de chaux ; on
breye bien le tout , jufqu’à ce qu’il- forme un
bón mortier moyennement gras.
Si le compofio doit être fait fur un plancher,
on commence par couvrir le bois avec de la paille ;
on étend enfuite, en une feule fois, une couche
de ce mortier à laquelle on donne environ 4 pouces
d’épaifleur ; après l’awoir bien égalifé avec un rateau
à dents de fer, on la laiffe repofer pendant un
■ jour ou deux , fuivant la faifon ; quand il a pris
une certaine confiftance, on le bat avec une barre
de fer coudée , dont la partie qui eft faite pour
frapper eft méplatte 6c arrondie en langue. On
commence abattre le long'd’un des murs, 6c on continue,
en fe reculant, jufqu’à ce que l’on foit arrivé
au mur oppofé ; chaque coup imprime une trace
perpendiculaire au mur le long duquel on a commencé
; après cette première battue, on le laiffe
repofer un jour ; enfuite on en recommence une
fécondé, dont les coups croifent ceux de la première
; lorfqu’on fent, par la réaâion de la batte,
que la couche a acquit allez de fermeté , on en
étend, une fécondé d’ un pouce d’épaiffeur , compo-
fée de tuileaux écrafés , beaucoup plus fins 6c pâlies
au tamis. On étend cette couche avec des truelles
longues 6C étroites dont le manche eft extrêmement
haut, afin que l ’ouvrier n’aye pas beloin de
tant fe bailler, fur cette couche, encore fraîche , on
fème des petits-morceaux de marbre de d ifferentes
couleurs , que l ’on fait entrer dans la couche de
ciment encore fraîche, en roulant deffus un cylindre
de pierre de deux pieds 6c demi de long fur
dix à onze pouces de diamètre. Pour faire cette
opération ,'les ouvriers marchent fur des planches,
eu des nattes , qu’ils étendent fur la couche fraîche,
afin de ne pas enfoncer les pieds dedans. Lorfque
cette dernière couche a pris un peu de confiftance ,
on la bat comme la précédente , en laiffant toujours
un jour d’intervalle entre chaque battue ; au
bout de dix à douze jours, on commence à travailler
le compofio , c’eft-à-dire , à le drefler avec une
pierre de grès enmanchée au bout d’un bâton ; en
jetant de l’eau à mefure que l’on frotte ; pn continue
ainfi jufqu’à ce que la face de tous les morceaux
de marbre foit bien découverte ; 6c comme
les joints fe dégradent un peu par cette opération,
on fait une efpèce de ciment, de la couleur que
l ’on v e u t, avec des terres colorées ôc de la chaux:
on en remplit bien les joints ; on emploie pour cela
une efpèce de pierre tendre qui fert de molette.
Pour donner le luftre às cette efpèce de ciment,
on ufe d’un outil de fer reflemblant à une
truelle , dont la lame eft plus épaiffe, plus étroite
6c un peu arrondie en deffous ; on finit le compofio
par une ou deux couches d’huile de lin qui , étant
appliquée très-chaude, pénètrejufqu’à une certaine
profondeur, 6c lui donne une confiftance favorable
au poli très-brillant qu’il reçoit.
On fait quelquefois de ces compofio avec d:s
compartiment très-riches, des ornemens, des
fleurs ;on dirait des tapis. Voici comme on s’y prend
pfcur les exécuter : après avoir fait la première
couche , comme il a été dit ci-dèfvant, on deffine
en grand , fur un papier un peu gras, un quart du
pavé que l’on veut faire ; on pique ce deffin, ÔC
après: avoir divifé le pavé en quatre parties , par
deux lignes qui fe croifent à angles droits , on
ponce avec du noir de charbon d’abord la première
partie, renverfant enfuite le deffin , on ponce la
fécondé, Ôc les deux autres idem , ayant attention de
bien faire raccorder chaque partie l’une avec l’autre.
Cela fait, on prend des éclats de marbres de toutes
fortes de couleurs que l’on cafte à la grofleur de
; deux ou trois lignes pour les avoir tous à-peu-près
de même grofleur, on les fait paffer au travers d’un
grillage de fil-de-fer , dont les mailles font a fiez
fines pour retenir les morceaux de grandeur convenable,
6c laiffer pafler ceux qui font trop
petits. Pour faire le triage de ceux qui font trop
gros , on jette ces morceaux fur une nouvelle
grille, qui retient tous ceux qui font trop
gros ; on les écrafe de nouveau jufqu’à ce qu’ils
foient réduits à la grofleur convenable ; on les
range en tas différens, félon leurs couleurs , 6c on
remplit les différens compartimens, d’après le