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de tous les plans. On bâtiffbit de« élévations au
gré des dimenfions preferites par les couvertures.
Delà la fréquence des colonnes, delà encore le peu
de largeur des entre-colonnemens. De grandes
beautés réfultèrent, fans doute, de ces fervitudes
dans plus d’une partie de difp.ofition des temples ;
il faut avouer qu’il y règne une grandiofué extraordinaire
, & une fy mé trie parfaite. Mais en revanche
on peut douter que le génie ait eu beaucoup de
part à des plans qu’on retrouve affujétis uniformément
à des données toujours les mêmes, fy qui »
dans leur immenfité , n’offrent que de continuelles
redites, des maffes toujours femblables. Les plans
d’ailleurs n’ont de mérite que dans leur rapport
avec les élévations. Il n’y a perfpnne , il n’y a pas
d’enfant qui ne puiffe faire un beau plan fur le
papier, abftra&ion faite de l ’élévation. O r , nous
avons vu que les élévations égyptiennes n’étant
fubordonnées à aucun fyftème , fa çonftru&ion à
aucune difficulté , fa décoration à aucune raifon
imitative, le mérite des plans & la fymétriç des
difpofftions furent plutôt le fruit de I’abfence de
toute combinaifon que le téfultat de l’art de d,U_
génie.
■ Défaut de ftçours de la part des arts d’imitation.
C'eft dans la partie décorative que l’architefiurc
égyptienne eft le plus foible. Nous nous dilpenferons
de le répéter. La décoration eff trop dépendante
de la peinture & de la fculpture pour qu’on puiffe
foupçonnçr que ces arts, reliés dans l’état d ’enfance,
aient jamais pu fournir à l’arcbiteébure la moindre
de ces reflources qu’on eft habitué à attendre d’eux
dans celle des Grecs. Mais il faut répéter ici que
le véritable légiflateur de la décoration, le goût ,,
c’eft-à-di re , le fentiment éclairé du beau & de la
convenance, ne peut jamais fe développer chez un
peuple qu’à l’aide du perfectionnement de rimita-
rion. L ’imitation eft le prifme qui décompofe la
nature. Là jouiffance des beautés de cell.e-ci eft en
rgifon directe du plaifir qu’on trouve dans les oeuvres
de celle-là. Qui nefent rien dans lesouvrages
de l’art, n’éprouye rien .à l’alpe# de ceux de la
nature. Mais lorfque la manière de repréienter cette
nature fe trouve chez un peuple, ou imparfaite ,
ou altérée, ou trompeufe, U ne fe peut pas que le
jugement & le goût ne s’en trouvent altérés eux-
mêmes. Or l’imitation, par toutes les caufes çi-
deffus détaillées, refta conftamment, en Egypte,
à ce point d’imperfe&ion que tout le monde con-
noît. La feule force de l’analogie.«ut maintenu l’architecture
dans un état femblable. Comment, en
effet, concevoir des proportions, de l’élégance , de
l ’harmonie, du précieux & du rendu dans les formes
d ’un périftyle, à côté des ftatues, termes , gaines
ou momies des Offris, des Ifis , des Anubis groffiè-
rement enveloppées dans leur matière , ébauches
avortées d'un art que toutes les inftîtutions ten- I
dirent à paralifer. Si l ’on vouloit formçr ic goût, [
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c*eft-à-dire ï développer dans un homme le fentî,
ment du beau & du v ra i, on ne fauro.it mieux fai J
que de familiarifer fes yeux aux hejle.s formes des
ftatues grecques. Il femble que fi l’on vouloit emp?.
cher ce fentiment de naître en lui , o,n en viendrojt
à bout par la vue des ftatues égyptiennes. 0 n ncut
prononcer que ce fentiment n’exifta jamais en
Egypte, & que jamais le goût n’entra pour rien
dans la décoration de fon architecture.
Des rapports de /’Architecture Egyptienne avec U
Grecque.
Il eft une queftion fur Varchitetiure égyptienne
& qui eft entre les favans & les arriftes, un fuie!
affez habituel de difeuffions fy de conjectures. On
demande çe que Içs Grecs ont emprunté de l’arçhi-
teCture de l ’Egypte. Cette queftion faite il y a
quelques années par l’académie des inferiptions &
belles lettres, étoit difficile à réfoudre, vu le peu
de renfeignemens pofitifs qu’on ayoit fur les mqnu-
mens égyptiens. Le moment de fpn entière folutfon
n’eft pas éloigné. Je crois pouvoir , d’après les
lumières nouvellement acqqifes fur cet objet, prédire
ce qu’elle fera. Je ne doute pas que l’opinion
de tous les critiques ne foit d’accojd ayee ççjlç des
YPyageurs anciens & modernes, „pour pronpnçer
que les deux architectures font originales.
11 eft toutefois quelques préjugés qu’il faudra
écarter dans cette matière, fy qui pourront encore
s’oppofer quelque tems à l’unanimité de cette opi-
nion. Par exemple, on trouy.e dans la defeription
af régie des monum,ens de la fraufe Égypte, dont il a
ete fait plu,* d’une fois mention cette p.hrafe ;
-4 lûfi pourroit fe détruire la fable ingénleufe dt
Vitruve^ , qui attribut l’orfgi/ie de f architecture
limitation des cabanes en bois qui ont habitées les.
premiers peuples dtt la Grège. L’auteur donne à
entendre que les Greçs furent habilement effacer
en ce^enre les indices de leur larcin,’ fy ^éguifer
fous çette fable les titres originaires de i’atcjii*
tellure, J’pbferverai, en général, que félon ipoi
1 erreur principale de cette opinion, erreur partagé
par prefque tpus ceux qui rai Tonnent , ou .écrivent
lpr l’architeCture, eft de croire & de prétendre qu’il
exifte une architecture commune à tous les homme*
qui a une origine locale, & dont il ne s’agit que de
démêler la généalogie.
Rien n’eft plus faux. Il n’y a pas d'ajehitefture
humaine, parce qu’il n’y a jamais eu de bofoin
uniforme entre les hommes fur le fait des habitations
qu’ils ont dû conftruir.e au gré d’une multitude de
convenances locales, particulières & fort différentes
lçs unes des autres. Le feul point par lequel les
diyerfes architeâures peuvent se rapprocherait
intellectuel ; c’eft . celui des impreffions que les
qualités dont l’art de bâtir fait mettre en oeuvre le®
effets, peuvent produire fur l’ame de tous les botn'
mes de quelque pays qu’ils foient. Quelques-unes
de ces iroprçffions peuvent réfulter de toutes 1«
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mÊSSÉSUi H «« tncore des P/iBC'P” de 11®
à tous les peuples, & qui tiennent aux
lois générales de la phyfiîUle.
U i s quant à ce qu’ dh entend bat fyftème, goût,
ftyle, gente d’arehiteaUre | fi les fa.ts que nous
I f i obférvés (voytî le mot architecture ) & fi
te orincibès que nous en ayons déduits font mcon-
tpftablès il elt fort inutile de fe tourmenter pour
trouver entre les formés des diverfes archite&ures
des râpprbche’mé'Ùs qui ne peuvent etre que l ’effet
dübâfaM. L'atchiteaute n’a pas eu un berceau.
Elle n’eft née nulle part par cela qu elle eft nee partout.
Elle a pu fortir des cabanes de la Grèce , des
foufèrrains de l’Egypte, dfes tentes d e lA fie &
de divers principes mixtes » nous inconnus. Am li,
c’eft un abus ordinaire du langage que d . dire
l'arèhluBmc. On devroit dire telle ou telle archi-
tedure. Entre' l’idée générique d architeaure &
l’idée fpéciale de telle architeaure, il y a la difte-
rence qu’on trouve entre le langage & une langue.
Chercher une origine fimple a l ’architecrure, èft
une entreprife auffi ridicule que la recherche de la
Tariéue primitive. , , »
Ainff 9 les points de reflemblànce qu on pôiirroit
trouver entre quelques parties de 1 ’'àrchite&ure
'égyptienne & quelques parties de l’architeéture grecque,
ne détruirôient d’aucune manière 1 originalité
de cette dernière, parce qu’ il faudroit que ces ffmi-
litud.es fe rapportaffeiit au fyftème, aux types generaux
, à la configuration générale, à la phifionomie
de cétfe ârchitéélure. O r , fous tous ces rapports, il
règne entre les deux une différence qui n’a befoin
d’autre preuve que dé la fimple infpe&ion.
Âïnfi, là cabane de Vitruve ne feroît pas une
féble ingénleufe , "mais feroit un groffier menfonge,
fi Vitruve àvôit prétendu en faire le type de toutes
les àfchitê&ures. Mais Vitriive ne parloit que de
l’architediire grecque. Et s’il exifte en Egypte un
autre type d’archi'téélùre, cela rie prouve pas que
Vitruve ait débité une fable. Céla prouve que la
cabane rie fut pas le type de Yarchitedure égyptienne^
iriàis le fut de la grecque. Céla prouve que
la feule théorie fabuléufe en ce genre feroit celle
qûiprétèndroit être ou devenir univerfelle.
Comme il y a des langues filles l’une de l’autre ,
&. dont la filiation fe démontre par la communauté
d’étiniologie &. de racines, il en eft aufli qui, fans
avoir fin rp or#»nr® oiinin rmnnrt nri^inaîre . s’emétrangeirient
que de tirer de femblabtes emprunts ,
la conféquénce qu’une langue dérive d’uric autre.
Il en* eft de même dans la génération des arts9 &
furtout dc l’architeélure. Des parties d’ëmbelliffe-
ment, quelques formes d’ornement, quelques détails
empruntés par une archite&ure a une autre ,
peuvent feulement prouver qu’il y eut entre les
deux peuples, auxquels chacune appartient, des
,aPP?rts dé liaifon, de commerce, de communication
, qui ne faurôient avoir lieu ni fubfifter long-
ÎCmPs lan» qu’une filtration necéflaire rie' faire* pêne-
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trer chez Vu'H quelques inventions ou habitudes de
l’autre. . .
O r , il eft indubitable que les communications
politiques & commerciales furent établies de toute
antiquité entre l’Egypte & la Grèce. Il eft , par
conféquent, hors de doute qu’avec un grand nombre
de croyances, d’opinions & d’inftitutions qu on fait
avoir été tirées des Egyptiens, les Grecs, le peuple
le plus imitateur qui fut jamais, aura tranfporté
chez lui quelques-uns des cara&ères de leur architecture.
Par exemple, nous avons dit déjà plus d’une fois
( voye{ corinthien , callimache ) que la forme
du chapiteau à campane de l’Egypte, & les motifs
de fon embélliflenient, ont donné l’être au chapiteau
corinthien des Grecs. L a reflemblànce eft telle
en ce genre, qu’on ne fauroit foupçonner qu’ elle ait
été le réfultat du hafard. Pour fe figurer l’ entiere
conformité de ces deux chapiteaux dans les deux
pays, il faut confronter à celui de l’Egypte certain«
formes de corinthien ou dépouillé de fes ornemens ;
ce chapiteau ne fe montre qu’avec la forme nue
de fon tambour.
Tel on le voit dans un temple qui fert de foifli
à un grand fy remarquable bas-relief de la ville
Albani, lequel dénote, par fon ftyle & fon exécution
j être un ouvrage de l'ancienne manière grecque.
On retrouve la même forme de chapiteau nue
& fans ornement à une des caryatides de la ville
Albârii , & cette forme tient ,1e milieu entre lès
chapiteaux à campane & les chapiteaux à renflement
de l’Egypte. La décoration du même chapiteau fe
retrouve en Grèce avec les variétés qu’on y obferve
en Egypte. L’acanthe ou l’olive qui en ontfixéi’em-
belliilément, ne furent que des plantes fubftituées
aux branches du palmier ou aux feuilles du lotus.
Quoique les temples des Grecs portent un ca-
ra&èrc original dans les formes fpéciales de leur
architeâure, il feroit difficile de fe refufer à croire
qu’à l’égard dé leurs plans & de leurs difpofitions
générales, il n’y ait pas eu une imitation des iifages
égyptiens. Les Grecs ayant particulièrement puifé
dans la mytologie de ce peuple leurs dieux & leurs
dogmes, ils durent aufli très-naturellement en emprunter
cette configuration & ces diftributions qui
font le réfultat néceffaire des pratiques du culte. Il
s’agit ici fnrtout des grands temples & des vaftes
enceintes qui les environnoient. Ën Grèce comme
en Egypte, le temple , proprement d it , n’en étoit
que la plus petite partie. Le facrarium répondoit au
fécos des Egyptiens, l’enceinte correfpondèit au
dromos.
On pourroit faire ainft plus d’un parallèle entre
les deux archite&ures qui indiqueroient des points
de contaâ entre les caules qui influèrent fur elles.
Quant à la décoration & à l’ornement, beaucoup
de leurs motifs doivent leur origine à l’tfr-
chitefture égyptienne. On reconnoît les caryatides,
les fphinx des Grecs pour des émanations du géide
de l’Egypte. L’ornement furtout lui dut use boni*«