
privation de voûtes, ou la forme imparfaite de celles '
qu’on y remarque , l’ ufage confiant des plafonds ,
plats. Qui fait jufqu’à quel point l'obfervateur at- j
tentif ne retrouveroit pas encore dans l’excavation ■
des carrières, & l’origine des labyrinthes, & la dif-
pofition des plans,& cet ufage (i) d’élever, fans
aucune méthode , & fpeut-être fans aucun deflin
préalable , des montagnes de pierre qu’on travail-
loit après coup & à vue d’oeil, de la même manière
qu'on opéroit fous terre.
De Pufage du bois dans /’architeélure égyptienne.
A fuivre ce fy flème dans toutes fes copféquences,
il eft plus que vraifemblable que jamais le bois
n’entra pour rien dans les .élémens dont fe forma j
l ’architecture égyptienne. Autant, comme on l'a dit
à plufieurs articles de ce dictionnaire ( voye^ architecture
, arbre , dorique) le caratftère propre
aux conftruélions en bois, les types de la charpente
avec fes parties conflitutives, fe trouvent empreints
dans toutes les formes & dans les membres de l’ar-
çhitedlure grecque dont ils font l’effence & le fyf-
tème, autant on en remarque peu d’indices dans
l’ archite£lure de l’Egypte.
Il ne s’agit.pas ici.de fav.oir fi les Egyptiens eurent
ou n’eurent pas de cabanes ou de maifons dans lef-
quelles des lolives de bois firent des planchers, ou
dans lefquelles des poutres fervirent de fupports.
De tels faits font indifférens en eux-mêmes, &
Gomme il eft hors de notre portée de les avérer, il
eft hors de l’efprit de ce genre de critique de s’ en
occuper. La nature des premières habitations de
l ’Egypte , de celles qui durent influer fur les habitudes
& les formes de l’imitation architecturale, fut
la pierre & non le bois/ Le caraCtère fpécial &
propre de fon architecture ne retrace aucune des
formes de la charpente ; on peut donc afïurer que
cette architecture fe modela fur un type différent de
celui des Grecs, & ce type fut celui des fouterrains.
Cependant les colonnes de l ’E gypte, du moins
certaines d’entre elles, fembleroient, comme on le
verra par la fuite, dépofer contre l’univerfalité de
ce f y flème. On verra toutefois que le génie de la
décoration a pu tranfporter.à la configuration des
des colonnes, des formes , & des idées empruntées
des arbres & des plantes, comme il le fit à l’égard
des chapiteaux , fans que cette analogie emporte
avec foi |r néceffi.té d’un modèle pofitif dans les habitations
primitives. D’ailleurs rien ne fauroit fêtre
abfolu en ce genre, & rien n’empêche qu’on ne croye
que l’idée de quelques colonnes.fût fuggérée par des
arbres , & par. des fupports de bois taillés & façonnés.
Cette exception ne changeroit „rien au refie du
fyflème général de cette architeClure.
Ce qui paroît encore certain , c’efl que l’Egypte
n’ eft pas un pays riche en bois . & furtout en bois-de
charpente ; on aura occafion de le dire & de le
prouver par la fuite , & cela contribue encore 1
renforcer ce que j’avance fur le principe original
de Varchitecture égyptienne. Car Fart prend néceflai-
rement pour modèle, non ce qui eft rare, mais ce
qui eft général dans un pays, non ce qui tient à des
exceptions, mais ce qui repofe fur les habitudes.
Auffi les yeux une fois habitués au genre liffe &
monotone des fouterrains, ce goût donné par la matière
oh ils furent creufés, leur caraélère uniforme &
fans effet dût fe communiquer & à tous les édifices ,
& à toutes les matières qui purent entrer dans leur
cômpofition, fans en excepter le bois. Les maifons
n’eurent point de toits, & fe terminèrent en terraflç;
Les toits ou les charpentes dont ils fe forment
avoient produit les frontons en Grèce ; mais les
voûtes en pierre durent\être aufli fuggérées parles
toits, car quiconque recherche les caufes de l’ar-
chitèèlure , voit fans peine que la voûte faite pour
fuppléer au toit, en eft aufu l'imitation. Cela n’ex-
pliqueroit-il pas pourquoi les Egyptiens ne firent
point de véritables voûtes. Quoiqu’il femble que
les antres ou les cavernes en fourniflent l’idée,
toutefois je penfe que dans les conftruôlions fou,
terraines on n’eft jamais tenté d’aller au-delà du
befoin ; que la dépenfe & la difficulté de creufer &
de fouiller des maffes de pierre, doit arrêter beaucoup
plus qu’on ne fauroit dire , l’effor de l’imagination
, & qu’on doit s’y borner au plafond plat,
La charpente, a u contraire, produit de grands vides
dans l'intérieur des habitations , & il fut naturel
de chercher à produire en matériaux plus folides,
lajmême élévation ; de là l’art des voûtes.
Il ne s’en trouve nulle part en Egypte ; tout y eft
plafond, & plafond iiffe, fans indication , comme
en Grèce, des.folives qui, en fe croifant, produis
firent les caiffons. Cette indication de l’emploi du
bois caraélérife particulièrement dans cette partie
l’architeélure grecque. L’abfence de toute indication
femblable démontre affez bien l’abfence de cette
matière dans le modèle de 1 ''architecture égyptienne
Du climat de l'Egypte.
Comme le climat de l’Egypte s’étoit trouve
d’accord avec l’habitude des premières excavations,
il fe trouva de même très-propice aux conftructions
fouterrain.es , & à celles qui en empruntèrent ou
en confervèrent le goût. La méthode des terralfes,
donnée par les caufes ci-deffus énoncées, fe trouva
autorifée encore par la douceur du climat, par la
pureté d’un ciel prefque toujours fans nuages,&
par la propriété d’ un pays ou le débordement périodique
du Nil eft chargé de fournir à la terre
l’humidité que le ciel lui refufe. Toutes les. caufes
phyfiques les plus favorables concoururent aux
grandes entreprifes de cette nation. Des matériaux
variés, & propices aux conftruélions foutsrramesj
des pierres de la plus grande dureté ,. tels que les
grès & les granits de la Haute-Égypte, qui fournii-
foient des fupports inébranlables CO Cette idée si’a été communiquée par M» Pengn,. > & des couverture»
feuJ bloc qui difpenfoient de voûte, & tenoient |
M l charpente : par deflûs tout c e la ..un climat
conservateur qui n'éprouvant pas ces v.cjffitudes de
faifons & de température, dont la fuccemon & les
■ rontraftes endommagent fi fort les édifices, tout per-
I mit en Egypte de confier auplusfimple appareil les
! „lus grandes conftru&ons, ôt permit encore d’é- I crireTur les pierres même les plus tendres, avec
ces caraftères fins & légers dont la penfée a difparu
I pour nous, mais dont la figure a confervé fa pre-
I Jnière fraîcheur. Rien ne porte plus les hommes a I entreprendre de grandes chofes en architeêlure, que
[ Lg efpoir fondé de la confervation des monumens;
[ &fous ce rapport, le climat de l’Egypte fut une
I des caufes principales auxquelles eft due la création
E de tant de vaftes & prodigieux édifices*
! Dès que les Egyptiens eurent formé des fociétés,
! 6c établi des villes , ils durent devenir extrême-
I fhènt induftrieux. Les travaux de 1 agriculture, en I apparence plus inâ&ifs , exigèrent pourtant d’eux
I plus de foins, & furtout plus de prévoyance, qu’ils
| îi’en demandent en d’autres pays. L ’inondation du I ÿlil qui confondit les propriétés , leur fit- trôuver
I la géométrie. Bientôt, ils apprirent à étendre les I bienfaits du fleuve pat des canaux dont ils cou- I pèrent tout le pays. Tantôt il leur fallait élever K des digues pour défendre certains terrains, & les I mettre à couvert de la crue des eaux ; tantôt ils I dévoient creùfef ou conftruire des réfervoirs pour
! mettre ces eaux en dépôt, 6c remédier à la difette
■ que caufoient de foiblès accroiffemens. Ce peùpie'
1 ne pouvoit pas , comme d’autres, s’endormit fur
liés préfens de là nature; une perpétuelle inquiétude
devoit toujours le tenir en aélîvitéi C’eft à cet-te
grande habitude du travail, infpirée fans doute par
la nature du pays 6c du climat , mais aügnientéé
encore & par la fage politique des prêtres, ôc par
l’ambition des rois, qu’il faut attribuer en bonne
partie le goût de cette nation pour ces grands ou-
• vrages dont la durée feule eft un‘prodige à nos yeux.
La forme du gouvernement y contribua çnepre.
Gouvernement monarchique.
Le gouvernement d’un feul paroît avoir exifté en
Egypte de temps immémorial; les incroyables chronologies
nous attellent au moins que cette nation
commencer, & fa fiabilité lui donne encore & le
temps & les reffources néceffaires pour les achever.
Dans la république , l'égalité qui en fait le principe
n’en connût jamais d’autre. Ce gouvernement, le
plus naturel de tous, fe trouvant tempéré par de
pages inftitutions, dut fubftfter fans altération chez
; «n peuple ou tout porte les cara&ères de i’immu-
! habilité. Depuis Menés, le premier roi dont l ’hif-
toire faffe une mention authentique, 6c le même que
le Mifraimde la Bible, jufqu’ à fon entière extinc-
[ tion, il ne connut pas d’autre forme politique de
i gouvernement. i
| Le gouvernement monarchique eft incontefta- i
I blement le plus favorable à la conftru&ion des
j grands monumens. Il eft doué des moyens de les
, tent) à niveler & les hommes 8c les chofes, 8c
l.es fortunes & les habitations. A peine per,met-elle
: aux demeures divines de s’élever au-deffus des
autres. La république d’ailleurs ne convenant qu à
de petits territoires, n’a que des revenus bornés ,
& ne peur faire que de médiocres entrep.rifes.
Quelles que grandes qu’ayent été celles de quelques
républiques grecques favorifees par des circonl-
tances extraordinaires, leurs plus grands ouvrages
n’approchent pas de la fomptuoftté du fimple palais
d’un monarque. Les plus grands monumens dont
l ’hiftoire ou le temps nous ont tranfmis le fouvemr
!ou les relies, furent faits dans les monarchies. Les
ruines de Perfepoiis le difputent à celles de l’Egypte,
& furpaffent de beaucoup tout ce que la Grèce peut
nous offrir fous le çapport de grandeur & détendue.
Les républiques grecques cherchèrent la beauté
dans leurs édifices plu? que l’itnmenfité , & cette
grandeur- qui vient de l’art ou des proportions, plus
que celle qui tiqnt à la maffe. Rome république n’eut
que de chétifs bâtimens; dès qu’elle eut des citoyens
dotés de là fortune des rois qu’ils avoiènt vaincus,
elle, commença à avoir de fomptueux monumens.
Ce ne fut que "fous le.gouvernement monarchique
qu’elle éleva ces prodiges ,de conftraâura & de de-
1 penfe qui n’appartenoient qii’à la grandeur démé-
furée'd’une telle monarchie, y j { ...- i.
Le monarque, en effet , tient dans fes mains les
tyéfots de. l’éta t, îc’.le» emploie a fon gré.- Il p eu t,
ou lever des contributions;, ou les appliquer aux de-
penfes-qu’il veut. Cet abus de pouvoir fe vit plus
d’une fois chez les fouverains même de l’Egypte.
Plufieurs d’entre eux, félon l’hiftoire, opprimèrent
leurs fujets, & commirent fur eux, pour laconftruc-
tion de leurs tombeaux, de nombreufes vexations ,
foit par des corvées exorbitantes , foit par la privation
des fêtes, des facrifices & la clôt ure des temples.
Il paroît néanmoins que plufieurs de ces rois furent
conftruire d’immenfes édifices, fans gréver la na-
: ,;on , & qu’ils le firent même d’accord avec- les
prêtres, 8c, comme Pline nous le dit, dans^ l’intention
politique d’entretenir chez le peuple l’habi-,
tude de l’affivité.
Population de l ’Egypte.
Quelle que foit la foi qu’on veuille accorder aux
| anciens hiftoriens fur la population de 1 Egypte
i fur fes vingt mille, villes, il eft hors de doute , d a-
près les nombreufes, ruines qu’on y voit encore au -
! jourd’hoi, d’après la grande fertilité du pays, la fécondité
des femmes, 8c la fageffe du gouvernement,
que ce territoire dût renfermer un peuple immenle.
Les calculs 8c les parallèles modernes font unefoible
-autorité dans cette matière. I l eft une foule de
caufes liées à la nature du climat, à la fobriété
qu’il produit, à la facilité, à l’abondance des vivres j