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tentèrent d’entrer en concours avec lu i, on eft forcé ’
de convenir, après 300 ans de tentatives & d’eflais
dans tous les genres de décoration de dômes, que
celui de Saint-Pierre l’emporte fur tous fi s rivaux en
beauté autant au moins qu’il les furpasse en gran- -
deur. Ce qui a dû fur-tout établir la réputation de
ce dôme en Italie , c’eft la grande diftance qui fe
trouve entre lui & tous ceux qui dans ce pays ont
été répétés d’après ce modèle toujours imité &
relié toujours inimitable. Quand on a vu tous les
dômes de toutes les villes de cette contrée fi féconde
en ce genre de monumens * il n’en refie qu’un dans
l ’efprit comme dans la mémoire, & c’eft le dôme de
Saint-Pierre.
C ’eft hors de l’Italie qu’ il faut aller chercher en-
fuite les monumens capables de foutenir quelque parallèle
avec le chef-d’oeuvre de l’Italie.
Comme je compte me borner dans cet article à
la. defeription de la décoration intérieure & extérieure
des dômes , en abrégeant encore fingulière-
ment un fujet «qui embrafleroiî le plan d’un ouvrage
entier, je me contenterai de rapprocher dans une
courte analyfe les fyftèmes de décoration des dômes
de Saint-Paul à Londres, des Invalides à Paris, &
de la nouvelle Sain ter Geneviève ( dite le Panthéon
François) avec celui de Saint-Pierre. Ce rappror
chement fumra pour faire faifir tout ce que le génie
des modernes a imaginé de plus grand & de plus
riche en ce genre. Un parallèle plus étendu ne pré-
fenteroit que des redites auffi fatigantes pour les
amateurs de l ’art, qu’inutiles à i’artifte*
Parallèle de la décoration des quatre principaux dômes
modernes de FEurope.
Dire ce qu'il fa u t , ne dire que ce qu'il fa u t , & le
!dire comme il le fa u t , c’eft en cela , fuivant Quin-
tilien, qu’eft renfermé le talent de l’orateur. Ce
genre de mérite appartient à tous les genres d’arts.
Il eft peut-être plus rare en architecture qu’àilleurs,
parce que les bornes de la convenance y font moins
facilement aperçues, & font plus difficiles à définir.
Ce mérite eft à coup fur celui du dôme de Saint-
Pierre. Son extérieur préfente une richeffe de décoration
qui ne détruit en rien la forme de l’enfemble.
Chaque partie s’y trouve dans un accord qui nelaiffe
rien à défirer à l’oeil le plus exercé & qui frappe le
moins connoifleur. Depuis on a fait plus ; mais le
plus, fùrtout en décoration , n’eft pas toujours le
mieux.
Le dôme de Saint-Pierre ( voye^jSg. 303) s’ élève
extérieurement fur un ftylobate circulaire divifé en
deux zones inégales dans leur hauteur par un profil
qui rompt l’uniformité qu’auroit eu ce foubaffement
dont la grande élévation étoit néceflaire pour que,
du point de v-ue-d-en bas, l’ordonnance des colonnes
& leur, foubaffement ne fetrouvaffent poinrraafqués
par la faillie des nefs.
La tour düdôme s’élève fur ce foubaffement ; elle
Kée de. feize croifée. ornées de chambranles I
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dont les frontons font alternativement angulaires &
circulaires ; entre chaque croifée eft un maffif fervanr
de contrefort & décoré de deux colonnes corin»
thiennes accouplées & engagées dans le maffif. Chacun
de ces maffifs faifant avant-corps, il réfui te d e .
cette difpofition que l’entablement eft en reffaut, 8s
ne fe profile pas d’une manière continue.
Au-deflus de l’ordre & de fon entablement règne
une'fcfpèce d’attique formé par des piédroits corref-
pondans aux maffifs de l’ordonnance inférieure ; les
efpaces qui font entre eux fe trouvent remplis par des
encâdremens ou tables renfoncées dans chacune def.
quelles eft une guirlande.
C ’eft fur les piédroits montans de l’attique que
prennent naifiance les feize côtes du dôme qui forment:
les nervures ou Tofiature de la conftruâion. Les
entrecôtes revêtus de métal n’ont d’autre ornement-
que les petites fenêtres ou lucarnes qui font difpofées
fur trois rangs l’un au-deflus de l’autre dans toute la
circonférence du dôme , & fervent à éclairer l’intervalle
qui règne entre les deux calottes dont fe forme
la coupole.
Au fomrnet de la voûte s’élève une lanferne formée
d’arcades & de piédroits qui correfpondent aux
côtes du: dôme & aux maffifs de fa tour , & comme
ces derniers , font ornés de deux colonnes accouplées
& engagées. Chacun de ces maffifs ou piédroits delà
lanterne fe couronne par des candélabres, & l ’am-
mortiflement total fe forme d’une efpèce de culot ren-
verfé qui porte une boule*de Bïonze doré ,-furmontée
d-’ une croix du même métal. Voilà l’analyfe abrégée
de l’extérieur de ce dôme accompagné de deux autres
petits dont la décoration mérite peu d’attention,
& qui ne font placés là que pour fervir d’échelle
ou de moyen de mefurer la grandeur de l’édifice
principal.
Jules Hardouin Manfard employa dans le dômtôes
Invalides {yoy.fig. 305), le même fyftème de décora*
tion c’eft-à-dire celui des colonnes accouplées &
adoffëfes- aux contreforts de la tour du dôme ; celle-ci
s’élève fur un ftylobate qui n’eft autre chofeque le
piedeftaLordinaire de Perdre. Ses contreforts, au lieu
d’être diftribués fymétriquementtout à l’entour du
dôme, font au nombre de huit, ce qui produit dans
l’ordonnance générale & dans, le profil de l’entablement
des parties {aillantes & des parties renfoncées
dont l’effet eft dé nuire à l’unité, & d’altérer fenfible-
ment la grandeur de la difpofition.. Les croifées du
premier étage font en ceintre furbaifle & d’un caractère
mefquin. Jules Hardouin Manfard , pouf
procurer à fa coupole peinte un jour heureux, imagina
un fécond étage de croifées qui à l’extérieur forme
un attique déeoré de piédroits & flanqué par des
confoles renverfées. C ’eft au-deflus de cet attique
que s’élève la voûte du dôme ornée de trophées jadis
dorés y aujourd'hui peints en inanière d’or. La lanterne,
qui couronne l ’édifice avec é lég an c e fe corn-
pofe de quatre arcades ornées de colonnes & d’une
petite flèche aflez élevée.
En gén é ra lto ate ce tte compefition extérieure ?
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. fe formes ,'par fa difpofition, par fe» détails, eft
ton inférieure à celle de Michel Ange ; il y a plus
de richeffe, plus de variété, plus d’élégance , mais
d’abord la difpofition de l’ordre eft très- irrégulière,
le double étage de croifées ôte du caradère à la
: coupole, les contreforts du premier & du fécond
étage de la tour du dôme font trop fenfibles, les
[ ornemen.- y font d’un goût médiocre, tous les pro-
î fils font mefquins , l’a courbe de la vcûre eft. peu
prononcée , la lanterne reffemble trop à un kiofque,
& fort de la gravité archite&urale précifément par
i l’élégance même qui en fait le mérite, & qui la fait
trop juger n’être qu’un ouvrage de charpente.
Le chevalier Wréen imagina d’appliquer à la décoration
du dôme de Saint- Paul, à Londres (yoy .fi%.
304), l’effet d’une colonnade régulièrement difpofée à
\ enrrecolonnemens égaux , & fupportant un entable-
| ment continu , au lieu d’être à reifaut comme ceux de
: Saint-Pierre & des Invalides. J’ai dit qu’il y appliqua
l'eget d’une fembiable colonnade ; ce n’eft pas
l- fans radon que j’ai employé ce mot, car c’eft plutôt
| l ’apparence d’une colonnade qu’une, colonnade
réelle. D’abord les colonnes qui s’élèvent fur un
| ftylobate continu entièrement fembiable à celui de
î Saint-Pierre, font adoffées à dcs'pie droits montans
\ formant arcades liées à la tour du dôme, & de deux
1 en deux colonnes il fe trouve des maffifs au nombre
de huit, où' fe trouvent pratiqués des efcaliérs, &
aux angles defquels font adoffées auffi des colonnes.
; Cette difpofition très-riche d’effet donne, de, loin
furtout, à ce dôme l’air d’être entouré d’une colon-
[ nade circulaire. Des paffages pratiqués dans les
maffifs , permettent de circuler tout au pourtour
du. dôme. La régularité des entrecolonnemens , la
continuité de l’entablement, donnent à cette déco-
| ration un prix qui peut-être' eft racheté de près par
' d’autres difparates. Quoiqu’il en foit, on ne peut
i. difeonvenir que le tout ne produite un bel effet.
| L’attique fe trouve en retraite de cette colonnade
\ de toute la profondeur qu’elle a ; il eft orné de mon-
| tans & de croifées d’un goût allez fagei La calotte eft
décorée de côtes & de, cannelures. La lanterne n’a
rien de très-remarquable. La courbe de la voûte eft
I fort belle &. approche de celle de Saint-Pierre.
En général, cette coupole fe rapproche davantage
| de celle d’un temple circulaire environné de colonnes
tels que ceux de Yefta à Rome, & de la Sybille à
( Tivoli.
Ce genre a fait un pas de plus dans le dôme dè la
nouvelle églife de Sainte-Geneviève, dite lè Panthéon
Français, à Paris (yoy. fig . 306). L ’archite&e
de cet édifice ( Germain Souffiot ) a eu fans doute en
vue de porter à fon piushautpointdans la décoration
extérieure des dômes les ordonnances de colonnes. Sur
le ftylobate s’élève une galerie tournante formée par
trente - denx colonnes corinthiennes ifolées ; les
quatre maffifs qui fervent de contreforts & dans le
milieu defquels font pratiqués des efcaliers , fe
trouvent fous la galerie même. Quoique la colon-
aade foft en quelque forte divifée en quatre parties
égales par ces maffifs, cependant il reste entre eux
& les colonnes, aflez d’efpacepour qu’on puifle eir-*
culer à couvert fous la galerie , où nulle colonne ne
fe trouve ni adoffée ni engagée, & le coup d’oeil
d’une colonnade circulaire effective y exifie dans
toute fa réalité de près comme de loin. En retraite
de cette colonnade s’élève, comme à Saint-Paul ,
un attique en croifées ceintrées fur lequel porte immédiatement
la coupole furmontée jadis -d’ une
ldnterne abattue depuis quelques, années pour y
fubftituer un piedeftal deftiné à porter une ftatud
coioflale; cetie coupole n’a du refte aucun ornement
extérieur.
Voici les réflexions que fait naître le parallèle de
ces quatre coupoles. Si l’on confidère, abftraâiort
faite des difficultés de conftru&ion , i’ ajuftement de
ces ordonnances de colonnes appliquées à la décoration
extérieure des- dômes , on eft obligé de convenir
que la dernière, celle de Souffiot, l ’emporte
de beaucoup fur toutes les autres. Une ordonnance
régulière, une colonnade ifolée, un entablement
continu, font certainement préférables à tous les
ajustemens de colonnes adoffées, accouplées & engagées
plus ou moins que nous préfentenc les autres-.
Cependant f i , au lieu de prendre féparément les
intérêts de l’ordonnance, on veut évaluer dans fon
enfemble le mérite, le bon effet qui peuvent réfultef
d’un motif un & fimple dans la forme générale d’ un
dôme, peut-être Conviendra-1-on que l’ordonnance
n’étant là que de fimple décoration , on peut y admettre
moins de févérité qu'on n’en exigeroit d’un
édifice où les ordres joueroient un rôle principal»
Cette faillie que produit néceflairement la colon-*
nade ifolée fur laquelle ne faurok retomber là
voûte, découpe en deux parties trop diftinéles l<r
maffe entière de la coupole. Cette divifion très-fen-
fible rapetiffe, & de fait, & encore plus en appa-;
rence, le volume de la calotte; la ligne delà voûte
perd de fa grandeur. Puis cette colonnade ainfi détachée
de la ligne générale, femble devenir inutile;
car elle në porte rien y & l’on ne conçoit rien de
moins utile qu’une galerie ou un promenoir à une
telle élévation. On ne fauroit nier que l’effet de
cette inutilité ne fe làiffe fentir au fpeéïateur qui
cherche à fe rendre compte de fes fenfations. Enfin,
peut-être auffi cette colonnade circulaire complet-
tant en fon entier l’afpeét d’un temple circulaire
périptère, produit-elle l’idée d’un édifice tout-à-
fait indépendant & entièrement fans rapport avec
celui qu’ il furmonte. Peut-être l’inutilité d’une coupole
ne fè laiffe-t elle nulle part mieux apercevoir
que là où cette coupole repréfente un genre d’édifice
à part qu’ on défireroit voir à terre plutôt qu’ètr l ’air;.
Qui n’a pas en effet défiré fouvent que cette coupole
de Souffiot formât un temple feul fous les galerie®
duquel on aimeroit à fe promener?-
Peut-être réfiilteroit-il de ces courtes obferva--
tions que la coupole de Saint-Pierre a plus de grandeur,.
plus d’unité, plus d’ enfembte, plus d’harmonie,.
plus d’àccord avec fon éghfe, & préfente moins.