
pouvoit, en trois jours de route, être porté en
Egypte. Selon Diodore ( 1. a , c. 29, ) le marbre
de Paros, ainfi que ceux des carrières les plus fa-
meufes,ne font pas comparables à celui de l’Arabie,
lequel eft d’un blanc, d’un poids & d’un poli dont
aucun autre n’approche. Le frontifpice du labyrinthe
étoit de ce marbre, ainfi que des colonnes qui
foutenoient plufieurs laies de ce vafte édifice. Hérodote
paroît s’être trompé quand il n’y a vu qu’une
pierre blanche bien polie ; car Pomponius Mêla
aflure qu’elles étoient de marbre, & Paul Lu cas ,
qui a voulu décider cette queftion, en a gratté des
morceaux, qu’il dit avoir trouvés du marbre le plus
bl anc qu’on puifle voir. La grande pyramide en
étoit revêtue comme l’indiquent les blocs qu’on
voit encore aux environs. Il paroît que les Egyptiens
employèrent rarement le marbre blanc à faire des
ftatues. Winckelmann dit pourtant avoir vu une
tête égyptienne de cette matière incruftée dans les
murs du capitole à Home. J’en ai vu une d’un trav
a il vraiment égyptien , au Mufoeiim Borgianum , à
Velletri.
Granit.
La pierre dure la plus abondante qu’ait l ’Egypte,
le granit, appelé par les anciens pierre thébaique.
Ses carrières font au Fond de la haute Egypte , près
du N il, entre les premières cataraélès & la ville
d'Aflouan, jadis Syene. Tout le pays fitué à l’orient,
les îles & le lit du Nil font de ce granit rouge dont
furent faits les obélifques, grand nombre de col.hfTes
de ftatues, & de colonnes qui ornoient les édifices.
Ces carrières ne font pas profondes. La pierre, fe
.tiroit des côtes, mêmes des montagnes. On y voit
encore des colonnes ébauchées , & une entr’autres
taillée quarément, qui probablement fut deftinée à
être une aiguille:. Le temps y a confervé les en-
taillures des coins dont on fe fervoit pour détacher
entièrement le morceau du rocher, après que des
outils plus minces avoient ouvert la tranchée. On
tiroit de ces carrières des blocs aufli étendus &
volumineux qu’on le defiroit $ témoin le temple
monolythe que le roi Amafis y fit tailler, &. qu’il
plaça dans le temple de Minerve £1 Sais.
B a fait t.
Les Egyptiens, félon Pline ( 1. 36 , ) tiroient de
l ’Ethiopie une pierre qu’on appelle bafalte , & qui
a la couleur comme la dureté du fer. On ne voit
pas qu’ils en aient fait autre chofe que des ftatues.
Pierre de touçhe.
Ils en firent aufli de cette pierre, appelée par
.Pline bafanites lapis, qu’on confond fouvent avec!
Je bafalte. 11 s’en trouvoit dans cette partie de
l ’Egypte, qui eft entre le Nil & la mer Rouge.
( Ptol. Gcotg. 1. 1 , p. xai ).
Albâtre*
On a trouvé dans la Thébaïde des veines de pierr.
blanche, reiTemblante à l’albâtre. Pline dit anfli
qu’on en trouvoit près de Thèbes, quoiqu’on eût été
long-temps d’avis qu’il n’en exiftoit qu’en Arabie1
Mais il n’approche pas, ajoute-t-il, de ceux de lj
Caramanie & des autres pays orientaux. Au refte
cette pierre, ainfi que les marbres jaunes & rouges*
le ferpentin & autres qu’on trouvoit abondamment
en Egypte,.ne furent guères employées que par la
fculpture , & l’on n’en a fait mention que pour
conftater les richefles de ce pays dans tout ce qui
pouvoit avoir rapport à fon génie particulier, & {
la décoration de l’architeélure.
D e la coupe d es p ie r r e s, et des moyens
d e conjiruction•
Coupe des Pierres.
On voit que, redevable à la nature d’auflibeaux
& d’aufli riches matériaux, & adonnée à leur tri.
vail par toutes les catifesdont on a rendu compte,
la nation égyptienne, avoit dû porter loin l’adreffe
& l’habileté dans la coupe des pierres. Il ne faudrait
pourtant pas entendre par là cet art que les nations
modernes fe vantent d’avoir pcffédé exclufivement
aux anciennes, & qu’on appelle l’art du trait II eft
sûr qu’à bien des égards, les Egyptiens ne le connurent
point. Itv n’eurent même aucun befoin de le
connoître. Cette fcience paroît n’avoir fait de progrès
qu’en raifon inverfe, de la bonne qualité &de
l’étendue des pierres. Eiie n’a d’objet q u e de fup*
pléer à l infuffifance ou à l’imperfeHion des matériaux.
Il n’eft pas d’architeéle qui , pouvant faire une
platebande d’un feui bloc de pierre , préférât delà
compofer de dix claveaux.
Les Egyptiens eurent, à cet égard , tous les avantages
poflibles. Iis trouvèrent à tailler dans leur»
montagnes des blocs auflî étendus qu’ils les vouloient,
& de toute efpèce de dureté. Aufli, leurs édifice»
font-jls conftruits de pierres énormes, & dont les
dimenfions pourraient paroître exagérées fi tous les
voyageurs ne s’accordoient fur cet article. Lesfop
mçs de leur architecture étant extrêmement flmples,
l’art du trait ne dut pas être chez eux fort cofflr
pliqué. Toutes leurs pierres font taillées d’équerre;,
on n’y voit que des formes circulaires ou quarréeîj
ou des parallélogrammes plus ou moins étendus»
félon le befoin local. Leur plus grand, mé r ite , dans
la coupe des pierres, fut la grande précifion & b
juftelfe avec laquelle ils les équarrifloienr, C’e»
particulièrement dans les chemins intérieurs de la
grande pyramide, que ce mérite de conftruftion «
fait remarquer. La recherche y eft fi fcrupuleuli
dans l’affemblage & l’appareil des pierres, & 1*
joints en font fi fins , dit Corneille Lebrun, p- J5$>
.qu'on a_peine même à les découvrir*
I Qfl ne voit pas, félon Caylus ( 1. 1 , p. Ç ) que les
re tie n s aient jamais ufé du fe r , du bronze ni
d’aucun autre métal pour lier & cramponneras
L ie rres enfemble , encore moins du bois qu on
trouve' employé dans plus d’un édifice Romain. Ils
vouloient qu’elles' ne duffent la confiftance de leur
affemblage qu’à elles-mêmes, a la juitelle de leur
coupe & à leur pefanteur. . . . ,
II paroît toutefois, par les defcnptions mlerees
i j ans le Moniteur , des monumens de la haute
Egypte, que l’appareil de plufieurs temples n’étoit
[fien moins que régulier. Le temple, dont on voit
les relies à Edfou ( Apollinopolis Magna ) eft , dit
l ’auteur de cette defeription, le mieux conlervé , le
plus beau, le plus vafte , & celui où Varchiteüure
byptitnne.fc déploie avec le plus de majefté..... Et ;
Jeft-là que les grands matériaux ont été le mieux
; mis en oeuvre, quoique ( ajoute-t-il ) plufieurs dés
ne foiént pas d’aplomb fur lès chapiteaux , quoique
1 plufieurs colonnes ne foientpas d’un diamètre fem-
blable. Cependant, «fprès Den.dera, c'eft-là qu’on
trouve la plus grande perfection dans la main-
d’oeuvre.
• Si l’on rapproche cette remarque de la réflexion
déjà mentionnée de M. Denon, que la plupart de
ces temples fe conftruifoient à vne d’oeil, & fe fculp-
1 toienten quelque forte dans la maife, de la manière
[ dont cela dut fe pratiquer à l'égard desfouterrains,on
en conclura que l’art de la conftruélion, & ce qu’on
[ appelle l’appareil, étoit refté en Égypte dans cet
| état qui n’empêche pas de faire de grandes chofes ,
: mais qui fuppofe l’abfence de ce qu’en entend pro-
1 prement par art fournis à des règles. Cela nous
expliquera aufli la nature précife d’une architeélure
qui pouvoit s’exécuter fans deflin préalable , fans
mefures déterminées, fans méthode arrêtée , mais
uniquement fur des dimenfions gén érales, & d’après
la routine établie entre les ouvriers.
Les Egyptiens avoient, pour le feiage & le poli
à tranfporter & à ériger les mafles énormes qui entroient,
[ des pierres, la facilité d’ufer du fable d’Éthiopie, fi
eftimé par Pline & fi recherché des Romains , en ce
qu’il ne Iaifloit aucune feabrofité. Il feroit ridicule
de croire avec un écrivain moderne ( Goguète ) 1
qu’ils étoient privés d’outils , & n’avoient d’autre
moyen pour équarrir & égalifer leurs pierres que de
-de les frotter l’une fur l’autre. Il eft- vifible au !
contraire , que pour exécuter d’aufli grands ou- I
Vrages , & en matières auftï dures, ils dévoient i
avoir extrêmement perfeébionné tous les inftrumens 1
neceffaires à la taille des pierres, L’extrême facilité
.avec laquelle il faut bien qu’ils aient travaillé les
inarbres les plus durs, leur habileté dans ce genre
& la nature de certains travaux , prouvent qu’ils
eurent une trempe d’outils bien fupérieure à la
nôtre.
Moyens mécaniques,
ls durent aufli l’emporter fur nous, dans l'invention
& l’emploi des moyens mécaniques propres ;
Diftian, d’Archit. Tome JL
foit dans la conftruélion , Coi t dans la décoration
de leurs édifices. 11 a toujours été du goût des
peuples anciens d’employer des pierres d’une grandeur
qui nous paroît démefurée. Les Romains le
cèdent fur ce point aux Etrufques , ceux-ci aux
Grecs de la première antiquité, ainfi qu’aux Perles.
Tous le cèdent aux Egyptiens. Il fembleroit, à lire
I’hiftoire du genre humain dans les oeuvres de 1 ar-
chiteélure, qu’il ait toujours été en s’affoibliflant.
A cet égard, on prendroit les anciens Egyptiens
pour des géants. Mais , à c.oup sur, leurs moyens
d’exécution furent gigantéfqués. Il leur en fallut de
tels pour l ’éreRion des obélifques & des colofles
I placés près des portes, dans des fales & dans des
endroits où l ’on conçoit difficilement de quelle
manière poiivoit s’exécuter le jeu des machines. II
exifte une differtation de M. de Caylus ( Mém. de
VAcad, des i n f i r i p . 6- t e l l . le t t . t. 31 , p. 15 ) fur la
taille, le tranfport & l’éreflion des deux chapelles
monolyrhes, l’une de Sais So i; autre de Butos. Selon
les cpnjéâures'de ce fàvant, la première pefoit au
moins cinq mille quatre cent quatre-yingt-'huit pieds
cubes, & celle de Butos, environ cent quarante-
neuf mille trois cent quarante-cinq, fans la couverture.
Selon Hérodote , qui en parle comme de
la chofe qui lui caufa le plus de furprife, elle étoit
faite d’une feule pierre en hauteur & en longueur ,
fes côtés étoient égaux, chacune de fes dimenfions
étoit de quarante coudées. Ce n eft .pas 1 éloignement
des carrières où de tels ouvrages fe tailloient
qui étonne le plus ; ces carrières étoient voifines du
Nil & te fleuve fervoit de conduâeur. Il eft
probable aufli qu’on le faifoient intervenir comme
agent dans ia manière de déplacer ces mafles.
Pline nous apprend par quel moyen on transporta
l’obélifque de quatre-vingt coudées , raillé
par le roi Necthébis. On pratiqua un canal qu’on
ouvrit aux eaux du Nil, jufqu’à l’endroit où étoit
couché fur fon chantier Pobélifque en queftion. On
. chargeadeux vaiffeaux fort larges de petits morceaux
de granit de la grandeur d’une brique , au double
du poids de l'obélifque, fous lequel on fit enfoncer
les bâtimens, fes deux bouts pofant fur l ’une & fur
l’ autre rivé du canal. On délefta les vaiffeaux jufqu’au
point,qu’ en remontant, ils fouleverent d’eux-
mêmes & enlevèrent l’obélifque. 11 eft à croire que les Egyptiens auront eu, dans
ce genre, une infinité d’inventions aufli ingénieufes
& aufli Amples ; car le génie de la mécanique eft
fort indépendant de fa fcience; On lit avec plaifir
dans Hérodote ( 1. 2 , c: 123^ avec quelle, fimplicité
de machines ils conftruifirent les pyramides. Us
plaçoient fur les degrés deux leviers qui foulevoient
la pierre, & la. faifoient monter d’une inarche à
l’autre. Cette pierre trouvoit fut chaque marche
une femblable machine, & arrivoit ainfi jufqu'en
haut à peu dé frais & fans difficulté. La perfeétion
des moyens mécaniques réfide dans! leur fimplicité.;
la fimplicité eft toujours compagne de la véritable