
en indiquant les matériaux que VarchitiHure égyp-
titnfti mit le plus en ufage, fans entrer dans aucun
détail phyfique à ce fujet.
Bols.
L*Egypte eft un pays très-peu abondant en bois
de tout genre , furtout en genre de bois de conftruc-
tion. Les forêts y font rares-, félon Paul Lucas ( 1.6 .
p. 2i i . ) On en trouve cependant quelques-unes de
palmiers du côté des déferts de la Lybie, & auprès
de Dendera ( Tentyris. } Mais le terroir n’y eft
guères propre aux arbres , & l’on peut dire que
généralement le pays manque de bois prefque par
tout. L ’arbre après le palmier qui s’y rencontre le
plus, eft l’acacia. L ’olivier qui maintenant y eft fort
rare, y fut pourtant cultivé jadis, furtout auprès
de Sais où étoit adorée Minerve, fous le nom de
Neitha. Mais on voit qu’à l’exception du palmier,
la plupart de ces arbres font peu fufceptibles d’entrer
dans la conftruâion. Le chêne ne croît pas en
Egypte , & les modernes habitans de ce pays le
font venir de l ’Arabie, ainfi que le fapin qu’ils emploient
dans leurs bâtimens. Selon Diodore de
Sicile ( 1. 1 , c. 2, f. 2, ) les Egyptiens employèrent
dans les premiers âges, à la conftru&ion de leurs
cabanes, des rofeaux, des cannes entrelacées qu’ils
enduifoient de terre grade. Nous voyons ^Une de
ces cabanes repréfentée dans la Mofaïque de Palaf-
trine. Néanmoins, félon Diodore lui-même, cet
ufage paroît avoir été réfervé aux campagnes. Dans
les villes, on dut employer aux maifons un genre
de conftruire plus folide, & les relies de briques
qu’on trouve encore parmi les décombres de plus
d’une ville antique, donnent à penfer que cette
matière fût alors auffi en vogue dans ce pays qu’elle
l’ell encore aujourd’hui.
Briques.
La vue de ces temples & de ces monumens prodigieux
, reliés feuls dans chaque ville d’Egypte
comme des signaux éternels qui attellent qu’il y eut
là des hommes, a fait croire à quelques écrivains
que les Egyptiens ne bâtilfoient point de maifons ,
mais qu’ils habitoient fous des tentes autour de leur
temple. Cette opinion eft , fous tous les rapports ,
infoutenabfè. M. de Paw a fort bien prouvé que
jamais peuple n’eut plus en averfion le genre de vie
paftorale. Et fans doute on conçoit facilement comment
les peuples nomades font effentielleraent ennemis
des peuples agricoles. Ces inimitiés fubliftent
encore entre l’Egypte & fès voifins. Diodore' de
Sicile ( 1. i , c. 4 , f. 2 , ) parle des maifons de
Thèbes comme ayant quatre ou cinq étagesj Pococke.
femble le révoquer en doute, ne concevant pas
comment, au milieu des relies de tant de villes, il
ne s’eft pas confervé quelque palais ou quelque
maifon. Quoique çette objeâion ne foit pas particulière
aux ruines de l’Egypte, il faudroit favoir li
ces ruines ont été fuffifamment examinées pour
qu’on puifle affirmer qu’il ne s’y trouve aucun relie
de maifons. Dans la defcriptkm abrégée des pjkj
cipaux monumens de la haute Egypte, publiée depuis
peu par le Moniteur, il eft quellion de palaj8'
helon l ’auteur de cette defeription, les temples î
Thèbes ne font que l ’acceffoire des palais. 11 faudra
voir comment cette affertion fera prouvée ; car lw
chiteélure, le goût & les formes des monumens de
Thèbes reffemblent à tous les autres temples de
l’Egypte de la manière la plus entière. Le même
auteur cite auffi àKamac, c’eft-à-dire, au milieu
des ruines de Thèbes, une petite maifon bâtie en
grès & divifée en deux appartemens, de vingt-quatre
pieds fur quinze.
Quoiqu’il en fo it , il paroît confiant qu’on employa
de tout temps, comme on l’emploie encore
aujourd’hui, la brique crue , féchée feulement au
foleil. Elle fe faifoit, félon Pococke, avec la terre
que le Nil charie. Cette terre eft noire, fablonneufe,
& entremêlée de cailloux & de coquillages. On la
mêloit avec de la paille hachée pour mieux la lier,
C ’eft ainft qu’elle fe fait encore aujourd’hui.
Les briques crues s’employoient en Egypte à de
grands monumens. Témoins la pyramide décrite
par Pocoke, & qu’on appelle ktoube el Menfchith,
Elle eft actuellement fort délabrée. Les briques
dont elle eft compofée , ont tantôt treize pouces &
demi de long fur fix & demi de large, & quatre
d’épaiffeur, tantôt quinze pouces de long fur feptde
large, & ,quatre &. demi d’épaiffeur. Elles ne font
liées entre elles par aucun ciment. Rien n’empêche de
croire que cette pyramide, ainfi que les autres monumens
où la brique s’employoit crue, avoit reçu un re-
vêtiffement queiconque.En effet,telle dureté que pût
acquérir cette terre -féchéeau foleil,elle devoit à la fin
fedécompofer parl’aélion même du foleil & de l’humidité,
ainft que Paufanias ( 1. 8 ) nous l ’apprend de
femblables briques, que les Grecs, dans les premiers
temps , employèrent auffi à la conftcuélion des
temples & des murs de ville, comme à Mantinée
& à Eione.
Les Egyptiens firent bientôt ufage de la brique
cuite au feu de paille. 11 paroît que la confommation
en fut très-grande. Nous lifons dans la Bible ( Exod.
c. 5 » 0?' 6 , ) que les Hébreux furent condamnés à
cette forte de travaux. Ils dévoient y avoir une
aptitude fpéciale; car dans toute la Chaldée & la
Paleftine, on ufoit particulièrement de ces matériaux
qui y étoient fort ellimés , ainfi que dans tout
l’Orient. Cette efpèce de conftruélion ne paroît pas
l’avoir été moins en Egypte. Le roi Afichis ( Herod.
( 1. 2, c. 136, ) jaloux de furpaffer fes prédéceffeurs
dans la conftruâion de fa pyramide, la fit bâtir en
briques. Celles-ci eurentTe mérite fingulier d’avoir
été faites du limon qui s’attachoit aux fondes qu’on
jetoit dans le la c , & il voulut qu’une infcriptiqn
gravée en pierre apprît à la poftérité cette particularité.
Ciments.
La bâtiffe en briques, pour être parfaitem#1*
{ liée exige un bon ciment, C ’eft a 1 aide de cette
nifon que les Romains furent donner à leurs édifices
la confiance qu’on y admire encore aujourd'hui
dans toutes les parties de l’Europe ou leur
empire s’eft étendu. Les Egyptiens employèrent
plus d’une forte de ciment. L e bitume leur fervoit a la conftruâion des citernes ( Maillet, t. 2 , p. 333, ),
et des ouvrages qui dévoient réfilter à l’ aélion de
Veau. Plufieurs de ccs citernes exiftent encore aujourd’hui,
& leur liaifon jufqu’à préfent inaltérée
pe laiffe aucune iffue à l ’eau qu’elles contiennent.
Mais dans les endroits élevés & dans les bâtimens
en plein air, le bitume eft fujet à s’évaporer, Ôc il
fe diffout facilement. Dans ce cas , les Egyptiens
employèrent des ciments faits de chaux & de plâtre
mêlés avec d u fable. On en voit de cette forte dans
Ja liaifon des pierres des pyramides. Il faut que la
qualité du plâtre foit parfaite en Egypte , puifqu’à
l’aide de ce feul ciment, fuivant Maillet, & fans
aucun échafaud, on élève un efcalier de pierre fur
le dehors d’une tour, en attachant les pierres l ’une
fur l’autre, & les fcellant à la tour avec le ^ plâtre
îeul. Les anciens Egyp tiens meloient à leurs ciments
des éclats de pierre & de marbre. On en trouve
beaucoup dans l ’intérieur du maffif & dans les
‘arrachemens de la grande pyramide. M. de Maillet
argumente de ces éclats de marbre, incorporés avec j
le ciment, pour prouver que cette pyramide étoit
tevêtue de marbre blanc.
T u f & Pierre de taille•
Si la nature fut avare envers l’Égypte, de bois
de conftruélion, elle l’en dédommagea bien par la
beauté ôt la variété des pierres qui forment une
de fes principales ticheffes. T ou t le Delta eft com-
rofé d’un tuf affez tendre , produit vifiblement par
es fédimens du Nil. .Suivant le témoignage de tous ;
les écrivains anciens & modernes, le Delta eft
l ’ouvrage de ce fleuve, dont le limon fans celle
*charié & accumulé vers fon embouchure, recule de
«plus en plus les eairx de la mer. Les prêtres égyptiens
dirent à Hérodote, que la mer alloit autrefois
tufqü’à Memphis. Lui-même affirma avoir vu dans
'les environs de cçtte ville , des coquillages de mer.
Delà, l’allégorie égyptienne fur les amours du Nil
«avec la belle Memphis, & fur Egyptus qui fut le;
nuit de leurimmage.
Les catacombes de Saccara font pratiquées dans
tles couches de pierre calcaire. On y defeend, dit
froçocke, par un puits creufé dans un rocher d’ar-
wùfe entremêlée de talc. Généralement toutes ces
'grandes excavations font faites dans une pierre ten-:
dre, & qui eft une efpèce de tuf. Elles euffent été
impoffibles à exécuter dans le roc vif. La pierre des
montagnes de Gifé, dont furent bâtie les pyramides,;
* peu de dureté. Norden dit même qu’elle eft vermoulue
dans plufieurs de ces monumens, & qu’elle
faconfervation moins à fa confiftance qu’à la
«chereffe du climat. Ce qui prouve «e qu’on
avance ic i, c’ eft qu’on avoit a'baiffé la bafe des
montagnes au niveau de celle des pyramides, comme
l’a remarqué Maillet. Le gjand Sphinx fut taillé
dans la même pierre, & l ’on n’eut peut-être d’autre
objet dans la formation de ce coloffe , que d’indiquer
par un témoin gigantefque de combien le terrain
avoit été abaiffé. O r , de pareils ouvrages euffeqt
été inexécutables fans la facilité avec laquelle cette
pierre fe laiffoit tailler.
C ’eft à-peu-près du même genre qu’eft celle des
environs de Thèbes, où font creufés les tombeaux
des rois & tant d’autres grottes fépulchrales. Pococke
nous dit que dans la carrière elle fe coupe commè
de la craie. On en trouvoit de ce genre par toute
l ’Egypte & fur les côtes du Nil. Elle avoit l’avantage
de fe durcir à l’ air. J’ai vu , dans le Mufaunt
Borgianum à Velle tri, plufieurs bas-reliefs en creux
extraits des grottes de la Thébaïde ; & M. Denoft
vient d’en rapporter quelques fragmens de la mêmô .
efpè.ce. Us font tous de cette pierre qui eft fort
blanche , .compaéle, d’un grain très-fin, fufceptibfo
d’un poli approchant de celui du ftuc, d’une dureté
qu’on peut comparer à celle de la pierre de Tonnerre
en France. Il s’en trouvoit, félon Pococke,
d’un bout de l’Egypte à l’autre. Auffi s’en fervit-on
dans un grand nombre d’édifices, &. fon exploitation
plus facile dut précéder celle des marbres & des
pierres dures.
Grès.
A u nombre de celles-ci, & qü*on rencontre fré-,
quemment dans les monumens de la haute Egypte >
il faut mettre, fuivant le rapport de M. Denon 8c
des voyageurs encore aéluellement dans ce pays, un©
forte de pierre dure q ue , jufqu’à ce moment, l’on
4voit -confondue avec le granit, & que les natura-
fftes rangent aujourd’hui dans la claffe des grès*
11 paroît, par quelques échantillons que j’en ai vu ,
que ce grès tacheté a beaucoup de reffemblance
a vec ce qu’on appelle en Italie le granitelle. C ’eft-
là ce qui aura contribué à la méprife des anciens
voyageurs. Quoiqu’ il en foit, cette forte de grès eft
beaucoup plus belle., beaucoup plus fine, & moins
réfraélaire-à lfoutil que l’efpèce de ceux qu’ on connoît
en France. Ceux-ci ne fe laiffent ni tailler nifculpter.
Les grès d’Egypte recevoient des hiéroglyphes , &
fupportoient le fini. C ’eft de cette matière nue font
conftruits beaucoup de temples de la haute Égypte,
où l?on en trouve les carrières. Il faut attendre les.
defcriptÎQiïs des nouveaux voyageurs à. cet égard.
.Martyre blanc,
Il paroît qu’on ne rencontre point en Egypte de
carrières de maTbre blanc. Le père Sicard eft le feul
; qui prétende en avoir vu au nord d’Affouan , fur
le bord oriental du Nil ; mais il s’en trouve fur les
bords de la mer rouge & aux environs du mont
jj Sina’i , d’où ce inarbre ( Maillet 9 t. 1 , p. 288, )