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aux dépens de Rome. Un grand hombre.de monu*
mens & des .ftatues /fut transféré d’Occident en .
Orient; mais malReùreiifement la puiffance d’enlever
des monumens n’a rien de commun avec legénie q u i,
les produit. Conftantin pouvoit amafler dans' fa
nouvelle cité les chefs - d’oeuvres de Memphys;
d’Athènes & de Rome, il ne pouvoir transférer
les édifices dont ces ' ouvrages recevoient autant ]
d’éclat & de beauté qu’ils leur en donnoient ; il ne i
pouvoit reproduire fur-tout cette harmonie qui j
réfulte d’un accord parfait entre lès divers arts 'qui !
fe prêtent réciproquement de leurs'Charmes. Ainfi, :
tout ce que Conftantin & fes fucééffeurs firent pour
orner leur nouvelle oupitalë - par dès' édifices fornp- i
tueux, a bien ; moins'fign ale ie’ur magnificence, que I
ï ’impuiffance pu les arts étoiént alors de répondre '
à l ’ambition de leurs proteéleurs.
Les monumens qui reftent de l ’antique Confiait- i
tinopli, & qui oftt échappés à l’infouciance ou à
la barbarie des Turcs,x ne prouvent que trop ce que
je viens d’avancer. Une courte defcription de ces
fragmens toujours précieux pour l ’hiftoire de l ’a r t ,
faite d’après M. C a fta su n des, plus, modernes voyageurs
en ce pays, fùffira pour contenter la curioüté
du leéleur. .
Ce qui frappe d’abord l ’homme qui cherche au milieu
des Turcs , le fouvenir de l ’ancienne capitale
de l’orient , c’eft une vafte enceinte de murailles :
qui règne fur un contour de près de deux lieues, &
en vironrioit la nouvelle' ville ;-car l ’ancienne Byfajice |
occupée aujourd’h ui, par ce qu’on appelle le férail, i
n’étoit pas comprime dans ces murs. Produit fuccefif !
de divers temps & de plus d’un empereur r cet ;
ouvrage eft, également, quant à la conftrudion ,
compofé de fragmens & de matériaux divers. L a '
pierre, le marbre, la brique qui s’y trouvent mêlés,
annoncent que ces murs , comme tous les ouvrages
du bas-empire furent faits aux dépens dé la gloire ;
des générations paffées; Leur, difpofition préfente
des moyens de défenfe plus combinée? que l’on n’en
voit aux autres reftes de murailles ou de fortifica- ‘
fions antiques. Trois enceintes forment autour de i
la ville un triple rempart; la première confiftànt ;
en un frmple mur, eft défendue par un grand foffé; '
la fécondé l’eft par des tours rondes & quarrée&
placées alternativement ; la troifième eft flanquée
dans toute fon étendue par deux tours oéiogones. ;
Une des portes dont ces murailles étoient percées,
nous eft parvenue avec tout ce qui peut faire juger
de la magnificence des empereurs Grecs qui l’ont
bâtie. Sa richeffe plus, peut-être , qu’aucune autre
raifon lui a fait donner le' nom de vont - dorée.
C ’eft ainfi que les Turcs l ’appellent aujourd’hui ;
«lie eft flanquée de “deux groffes tours carrés ,
couronnées par une corniche dont les angles font
ornés d’un aigle Symbole de l’empire-La porte fe
compofoit de trois ouvertures, le s deux collatérales
plus petites, font aujourd’hui bouchées ; celle
dii: milieu qui eft la porte principale, eft for- |
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mée'H’ un £rç porté fur deuk colonnes de marbre
& d’un ofdre co'rirîthien. De l’un- & de l ’autre
■ côté dé lai’ porté , font deux petits - corps avancés
• ornés de deux ordres de colonnes.- Entre celles,du
' bas. étoient dès reliefs dont on voit -encore les
veftiges-. L’ordçe fupérieur- étoit compofé' de co-
. lpnn?5fdera,arbre aéluellementexiftantes., adoffées au
îhur &. ayant pour ftylob^te des confoles îfolées,
félon, fufage’ àlez* générai!'' des monumens du bas -
. empire.'
J)ans -un pan de mur qui donné für l'a propontide
ou mer de Marmara, eft enclavé un refte allez curieux
d’antiquité. La nature d'e cè fragment indiqueroit
une façade d’un petit‘bâtiment-, dont lç reftant feroit
de l'autre côté du mur ; mais comme ce mur n’eft:
pas loin de l ’enceinte du férail, les recherches qu’il
faudroït faire pour s’en affûter deviennent impoC*
fibleSq ce qu’on en voit, confifte en une façade ornée
de quatre gros pilaftres portées fur des piédeftaux.,
qui ont pour fupport des confplesi. Les entrepi-
laftres font remplis par des chambranles de Croifées
fimulées. Ce qui fembie offrir l’apparence des
vitreaux , fe compofé de compartimens, dont les
circonvolutions font femblables à celles fous lesquelles
les anciens dans-.plus d’un bas,relief, ou
tdans les pierres'gravées, ont repréfenté les circuit*
du labyrinthe, v D’un côté & de l’autre de cette
façade, également fur des. confoles, font alfis deux
lions dans-la même pofition que ceux d’Athènes ,
&?qu’on v o it aujourd’hui à l’atfe.nal dé Venife. La
difficulté qu’on éprouve à faire des recherches
d’antiquité à Confiantinoph, n’a permis jufqu’à
ce jour à aucun voyageur d’appuyer fur desauto-r-
rites fuffifantesi’èxplication de la plupart des monumens
échappés à la- deftruêliorù On n’a pas deviné à
quelle forte d’édifice pouvoit appartenir ce bifare
fragment ; quelques veftiges. de colonnes & de
conftruétions - antiques enclavées suffi: dans le même
mur moderne, : & à peu dé diftance de’no.tre façade,
ont fait croire que tous ces fragmens miantenant
ifolés pouvoient être les parties d’un même tout. Ce?
pendant quand on fe rappelle que le.tombeau-, dit
de Téron à Agrigente, offre de ces croifées fimulées,
& que ce genre d’ornemens ne pouvoit bien
convenir, qu’à cette, efpèce d’édifice fermé à la lua
mière du jo u r .. i l eft permis de croire comme
encore aux fimulacres des deux lions ..dont'ona parlé»,
que le refte. tel qu’on vient de le décrire étoit la façade
d’un tombeau. La hauteur de fon foubaffement
baigné des eaux de la mer , appuieroii: encore cette
opinion.
Ge qui devoit le mieux rappeler à Confiantinoph
l’image de la magnificence romaine, c’etoit fans
dpute l’hipprodrome conftruit à l’imitation de ce
qu’il y avoit de plus fompt.ueux dans -Rome. On peut
fe former encore aujourd’hui u n è i’déé dè fa grandeur
par. la place qu'occupent quelques-uns de fes
veftiges ; i l y avoit dit, Pockocke, un grand nombre
dé colonnes & d’obélifques, il n’eq refte q,ue trois :
favoir, l’obêlifque de granit rouge ,' la colonne de'
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bronze dite aux trois fetpens, qui en eft ébigaéede--
«rente pas,. & l ’obéfifque de pierre^de taille qui eifa
quarante pas de celle-ci.
La colonne aux ferpens paffe pour être extrêmement
ancienne, l’on prétend qu’elle fervit a lputenir
le fameux trépied d’or que lés Grecs, après la ba-
taille de Platée,, firént?faire d’une 'partie des trélors
qu’ils trou v èr en t dans le camp de Mar donius.D antres
©enfent que ce monument! n’eft tout fimplenient
qu’une ■ colonne torfe, à laquelle on aura pu par
analogie rapporter des têtes: de ferpens ; elle a environ
quinze pieds de haut, & fe forme d’un entrelacement
de ferpens tournées en fpirale. Leurs contours diminuent
infenfiblement depuis la bafe. jufques vers les
cols des ferpens, & leur* têtes écartées lur les. côtés
.en manière de trépied,- compofent une efpèce de
-chapiteau. On dit que Sultan Moura caffa la tete a
-.un de ces-ferpens ; la colonne fût renverfée ; &.
fes fêtes des deux autres furent cafleés en 1-700,
après la paix de Carlowitf.
L’obélifque de pierre de taille qui ornoit la fpena
diï cirque ou' de l’hippodrome, n’eft remarquable
que par la pauvreté de la matière dont il eft
conftrujt y mais cela même & les veftiges tres-fen-
fibles dont la pierre eft empreinte, annoncent qu’elle
fut jadis revêtue d’une matière plus précieulé, &
cette matière aura fans doute été de granit, taillé
par grandes dalles qui couvroient les quatre faces;
on le préfume du moins par celui auquel il fer voit
de pendant, & qui eft un ouvrage Egyptien.-
Cet obélifque de granit rouge ou pierre thébeique
a félon Pockocke , cinquante pieds de hauteur ;
il paroît qu’il fut plus élevé; tous lés voyageurs-
s’accordent fur ce point..Les figures du bas, encore
endommagées, font préfumer que la partie inférieure
des hiéroglyphes avoit été totalement ufée :
& .comme xès fortes de caràâères n’a voient plus
pour les yeux d’autre valeur que celle de leur
forme & de leur travail, on facrjfia fans peine la
portion de l’obélifque que le temps avoit corrodée.
C’ eft ce que l’on prouve & par des caraâères 'qui
, font coupées, -& par la forme raccourcie que cette
réduâion a faitprendre a U aiguille: Du 'refte , on
s’accorde , d’après la beauté de travail des hiéço-
gliphes, à ranger ce monument parmiles plus remarquables
ouvrages de l’Egypte. Théodofe qui l’avoit
élevé dans le cirque de Confiantinopie, l’avoit fur-
iTiOnté d’une pomme de pin en bronze, qu’on dit
avoir été abattue par un tremblement de terre,ril l ’a?
voit ornéauffi,ou peut-être, pour mieux dire, défiguré
par des plaques de bronze , comme -on le voit aux
trous faits pour recevoir .les crampons qui les atta-
ç-hoient. Cet empereur paroît avoir attaché Un grand
prix pour fa gloire à l ’éreèlion de Pobélifque en
queftion. Le piédeftal de marbre blanc fur lequel il
eft p la c é , offre pour fujet d’un des bas-reliefs de
fa plinthe, l ’opération & le jeu des machines' qui
ferv;rent à; tranfporter & à dreffer cette énorme
maffe^. D ’autres bas--reliefs repréfentent fur une-
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autre face de la plinthe , la- vue du cirque Ôi de
fa jpi/ia, ornée de tous fes monumens, on y cliftingiie'
la meta-. L ’empereur ,' environné des gardes du
prétoire, fè voit dans une efpèce de loge qui ctcit?
la loge impériale, affiftant aux jeux dit cirque.-Les-
différentes efpè’ces' de baîuftrades- qui lerv-ent d’en-
çeintés aux fpeâate'urs, font remarquables par U
variété de leurs deffins. On remarque celle cfe'
l’èmpereur fermée par de petites termes. L ’bbéUiqüe'
eft polé fur dès dés de granits; le milieu a pour
plus de folidîïé un fupport formé d’un mafiif en
marbre , 6c ce focle eft pofé fur la plinthe où font
fculptés les bas-reliefs qu’on vient de décrire.
La colonne brûlée qu’on appelle ainfi,-ou parce’
que le feu du ciel l’a endommagée, ou- parce:
qu’elle s’eft trouvée enveloppée dans quelque incendie
, eft un des monumens les plus curieux dè’
Confiantinoph. Dans fon état d-intégrité, elle pouvoir
paffer- pour une des plus belles colonnes d it
monde ; fa Angularité & fa matière forment aujoiu.--
d’hui l'on plus grand, prix. On prétend' que' Cpr.f-
tantin la fit appor-ter de Rome, & qu’il plaça deffus
la belle figure d’Apollon, à laquelle on avoit donné-
le nom- de cet empereur.- Ell-e eft aujourd’hui û-
noire & fi enfumée, 'qu’on a-peine- à difeerner-'
qu’elle eft-de porphyre. Son piédeftal’ eft engagé.-,
dans les maifons qui l ’entourent, ori a beaucoup-
de peine à le voir ; cependant Pockocke affure qu’il-
eft de màrbre fort endommagé, qu’il a environ
vingt pieds de hauteur, & que, félon foute app:-*-
rence, il y avoit d'es marches autour. Le meme-
voyageur .porte les dimenfions du* fuft de la co~
lonne & de fon diamètre, beaucoup plus haut que*
' le voyageur m o d e rn e ( Cafias. ) - fur les defüns &;
l ’autorité duquel je donne les détails des antiquités'
de Confiantinoph: Selon Pockocke^la colonne*au-
roit eu huit & même dix affifes de porphyre félon
le dëffin qui m’e fer t 'd ’autorité, elle n’ en anre-;f
q u e fix , il eft vrai que la partie inférieure dè.-ia:
colonne fe trouve enveloppée d’une forte de bafe à-
la manière turque, & que le refte,- engagé dans-
les 'Conftruélions-de la mofquée d’A li-P a ch a a
échappé aux recherches du nouveau voyageur..- le-
paroît, au milieu de toutes ces incertitudes, que"
la colonne pouvoit avoir, fans'fon piédeftal, de; 5^
à- 60 pieds d’élévation.- .
Elle eft eoriftruite en affifes, ou tronçons de' porphyre
, dont les joints fe trouvent cachés par la-
rencontre des couronnes de lauriers qui forment au-
tour du fnfr autant dè cercles que-l’on compte
d’affifes. Là dernière, de ces couronnes ou la pre--
mière, à partir: du h a u t fe r t d’ àftragale au cha-
piteau ; elles font exécutées comme des tores .de
feuillages. & avec la fimpiicité que la dureté du:
. porphyre produit dans ces forces d’ouvrages
des' formes circulaires'- qui pouvoient être- cles-
patères, font répandues-de diftancesen diftances/urs'
là longueur dé la- couronne.-
Rien de plus équivoque & de rïio^n's^intelligibiè;