
L’ordre dorique, doit exprimer tout ce qui, en
.architecture, eft fynonyme de force de gravité, de
fériéux, de mâle & d’ impofant. C’eft donc par un
=f) fteme de formes neceflaires & totalement éloignées
de l’idée de je u , de caprice ou d’arbitraire; ce fl:
-enluite par un fyftème de proportions ou de rapports
dépendans les uns des autres ; c’eft enfin par
un caraélère de folidiré très-prononcée, par un ftyie
de maftjvité voifin de la pefanteur, que cet ordre
doit fe diftinguer. Les règles ou les méthodes vous
diront feulement: au-delà & en-deçi de telle proportion
, de telle inefure , de tel caractère , vous
tombez dans la lourdeur, & vous celiez d’être fort •
voui; vous élevez vers l’élégance, & vous perdez le
Caraftère; en donnant au dorique les proportions des
autres ordres, vous ne faites qu’un mélange, vous
perdez la force de l ’un & n’acquérez pas l’agrément
ou la richefle de l’autre ; vous avez confondu les
tons & n’àvez pas une couleur de plus.
Voici les différences de-proportions qu’on remarque
entre les principaux monumens de l ’ordre
dorique chez les Grecs,
De la colonne & du chapiteau pris enfemble.
Temple de Minerve à Athènes.
T â t ............... ...
p*. p°. 1,
Chapiteau. ........................
0 wi
32 2 3
Diamètre d’en haut- . | ■
Diamètre d’en bas. . . - . V 1 ^ 0
La colonne a de hauteur 5 diamètres 4.
Propylées à Athènes.
Fut . . . . . . a de hauteur. 24 10
Chapiteau de hauteur. » . . . , ? 2 5
8
■ 27 i Z
Diamètre d’en bas. ;
Diamètre d’en haut. . . 0
La colonne a de hauteur 5 diamètres i.
Temple de Théfie à Athènes.
Templt de Segejle en Sicile.
P*. p°- *.
Fut . . . . . . a de hauteur. 28 8 i*
Diamètre inférieur. . . . . . 6 o i
La colonne a de hauteur 4 diamètres ~
Temple de Corinthe. ( Voy. Leroy, tom. I I , p. 44,j
Fut . . . . . , a de hauteur. 23 ô o
Chapiteau................ ... . . . . 2 6 o
23 6
Diamètre inférieur, ................. $ © 0
La colonne a de hauteur 4 diamètres -.
Temples de Seiinonte en Sicile.
Le premier. Sa colonne a de haut *5 9 0
Le diamètre inférieur» . , . . 4 z 2
Hauteur de la colonne, 3 diamètres
Le fécond. • Sa colonne a . * . . 2.6 o 2
Le diamètre.. ^ , 3 4. g.
Hauteur de la colonne, 4 diamètres j}.
Le tr&ifième. Sa colonne a. . „ ' 23 6 4
Le diamètre. . . . . . . . . . 4 Xl ^
Hauteur de la colonne, 5,diamètres -,
Le quatrième. Sa colonne a. . . 23 n 8
Le diamètre. . . . . . . . . . 6. 8 7
Hauteur de ta colonne, 3 diamètres -.
Le cinquième?. Sa colonne a. , . 28 11 7 I.
Le diamètre inférieur. 3 3 3
Hauteur de la colonne, 5 diamètres
LeJîxième. Sa colonne a. . . . . 47 7 6
Le diamètre inférieur. . . . . 10 1 8
Hauteur de la colonne, 4 diamètres
Ce temple n’a pas été entièrement ragréé, les colonnes
étant reliées Mes, à l’exception de trois qui
ont été cannelées, l’une à vive arête j les deux autres
avec filets.
Temples d Agrigente. ■’
Fut . . . ; . . a de hauteur.
€hapiteau de hauteur...............
Diamètre du haut.
Diamètre du bas.
16 O 10
1 6 8
>7 7 6
2 . 5 4
3 z 3
Celui de la Concorde. Sa colonne
a de haut. | . . . . . . . . 2q 7 8
Le diamètre inférieur. . . . . 4 4 0
Hauteur de la colonne, 4 diamètres
Celui de Junon. Sa colonne a de
haut. . H | ..............1 ____ jo ? 1 1
Le diamètre inférieur. . . . . 4 2
Hauteur dç la colonne* 4,diamètres ~o
■ I H H I M
Celui dHercuk. Sa colonne a de **. p0. h
haut, .................. 31 4 *
Le diamètre inférieur............... o 5 o
Hauteur de la colonne, 4 diamètres,}.
Les autres temples de cette ville font ou totalement
ruinés, ou moins importans; celui des Géants
dont on découvre encore quelques parties d’où l’on
peut conjecturer les proportions, n’étoit pas fini lors
de la deftruétion d’Agrigente.
Le temple de Minerve d Syracufe.
Sa colonne a de hauteur. . . . 28 o o
Le diamètre inférieur. . . . . 5 jo 9
Hauteur de la colonne, 4 diamètres }.
Temples de Ptefium.
Le grand temple. Sa colonne a de
haut. . . . ..................... 26 10 7
Le diamètre inférieur. . .. . . 6 2 3
Hauteur de la colonne , 4 diamètres }.
Le petit temple. Sa colonne a de
hauteur. . . . ......................... iô o o
Le diamètre inférieur. . . . . 4
Hauteur de la colonne , 4 diamètres.
Je n’ai pris ici pour exemples que les monumens
les mieux confervés de l’antiquité, ou ceux dont les
i mefures ont été prifes avec une fidélité qui permet
d-en garantir la précifion mathématique 5 un plus
grand nombre d’autorités n’àjouteroit rien aux résultats
qu’ôn peut tirer de ce’ parallèle.
Nous voyons que dans des édifices très-probablement
contemporains, bâtis dans la même viiie, la
proportion de la colonne dorique varie environ d’un
diamètre. Si l’on vouloit porter cet examen dans
chacune des parties de l’ordonnance , & dans chacun
des rapports du tout aux parties comme des parties
au tout,on obferveroic les mêmes variétés, &. toutefois
la même uniformité.
Aux temples de Pæftum, de Syracufe , de Corinthe
, de Segefte , les entrecodonnemens ont un
ïametre; ils ont la même dimenfion au temple de
inerve à Athènes. Au temple de Théfée ils ont un
tiametre & un quart ils ont moins d’un diamètre
a yraeufe. Mais on peut dire que la proportion
moyenne eft d’ un diamètre ; les modernes lui en
ont donné deux & demi.
a proportion de l’entablement, c’eft-à dire fon
rapport général avec la hauteur de la colonne, a
ans ,e dorique grec un caraêlère très-concordant
vec e refte de l’ordonnance. Au temple de Mr-
j p T a Athènes, & à celui de Théfée , le rapport
entablement à la colonne eft comme de 1 à 3.
rapport eft comme
Aux temples de Syracufe le rapport eft de 1 à 2 }.
Aux temples d’Agrigente le rapport eft de 1 à 2 7.
Dans les édifices doriques de Rome, tels que le
théâtre de Marcellus & celui du Colifée, la proportion
de l’entablement à la colonne eft comme de
1 à 4 ou 4 les modernes ont fuivi affez généralement
ce rapport.
• Par là on voit que la proportion moyenne de l’entablement
chez les Grecs, fut le tiers de la hauteur
de la colonne, & chez les modernes le quart.
L’architrave a généralement chez les Grecs de
haut trois quarts de diamètre \ c’eft aiflfi qu’on le
trouve à Athènes, a Pæftum & en Sicile. La fri fe a
de hauteur un diamètre, & la corniche n’a fou vent
que le quart du diamètre. Les modernes ont fait le
contraire, ils donnent à l’architrave un demi-diamètre
au plus, & à la corniche, près d’un diamètre 5
c’eft la proportion des Romains.
La hauteur moyenne du chapiteau, en y comprenant
l ’échine, le tailloir & les liftels , eft d’un demi-
diamètre de la colonne ; les modernes lui en ont
donné au plus le tiers.
On ne parle point ici du fronton dont il fera question
ailleurs ; cette partie ayant avec l’ordre dorique
un rapport moins fpéeial, & dépendant de la forme
'générale des toits grecs, nous renverrons au mot
FRONTON.
Je ne dirai suffi qu’un mot du foubaffement dans
les temples d’ordre dorique, c’eft qu’on lui trouve
ordinairement un diamètre de hauteur, & qu’il con-
tribuoit à donner’ à toute l’ordonnance une grâce
particulière, chofe que n’ont pas obfervée les modernes
dans le renouvellement de cet ordre qu’ ils ont
fouvent pofé à terre d’une manière tout-à-fait lourde
& écrafée.
Les proportions dans l’ordre dorique, celui de
tous où l’art avoit établi le plus de rapports nécef-
faires & dépendans l’un de l’autre , ne font donc
pas , ainfi qu’on le voit, des mefures géométriques
foumifes à des données invariables. L ’art ne peut
faire mieux que d’imiter la nature elle-même qui
dans la procréation des êtres a bien établi une intention,
une volonté générale de les fu b ordonner à
des mefures uniformes dans leurs rapports refpeélifs*.
mais toujours variables au point qu’il ne fe trouve
ni deux êtres de même efpèce , ni aucune partie dans
chaque être complettement fembiables & mathématiquement
pareilles»
Toutes les proportions de l’ordre dorique font,
comme on le voit, furtout en les comparant à celles
des autres ordres , combinées de manière à produire-
fur les fens l’impreffion de la force,. & à faire naître
l’idée de la plus grande folidité. Il y a entre cet
ordre & les autres la différence qu’on trouve entre
la ftatue d’Hercule & celle de Vénus ou d’Apollon»
Comme i’artifte qui voulut r d’après la nature, exprimer
le plus haut degré de la force, eut foin d’y
écrire tous les mufcles, d’y prononcer toutes les-
articulations, & d’y rendre fenfibles les os & fes>‘
tendons par des protubérances & des- gpnfienreæg