
L ’architeék devroit être obligé de joindre a Ton
projet une dçfcription rationnée , pour juftifier la
difpofmon, les formes &. les dimenfions de toutes
les parties qui le compofent, & afin de mettre ceux
pour qui il eft deftine, en état de juger eux-mêmes
s'il a rempli leur objet.
Il ne fuffit pas que le projet d’un édifice contienne
toutes les parties néceflaires à l'objet pour
lequel on le deftine ; que l’enfemble & les détails
foient d’une belle forme ; que les ornemens foient
bien choifis , de bon goût & relatifs au genre de
l ’édifice, il faut de plus qu’il puifTe être co.nftruit
avec folidité & économie. C eft pourquoi, apres
que les projets d’un édifice auroient ete arretés par
rapport à la diftnbution & a la décoration, il feroit
très-important, avant de paffer a 1 exécution , d en
examiner de nouveau toutes les parties , pour fe
rendre raifon des moyens de conftruétion, afin de
reconnoître s'ils font les meilleurs, les plus fimples,
les moins coûteux , fi ce font les plus convenables au
genre de l’édifice & aux matériaux qui fe trouvent
dans le pays oii il doit être fitue. Sans cette fage
précaution, on rifque d’employer inutilement beaucoup
de temps, de matières & de depenfes à des.
ouvrages fu per fl us mal combinés , qui ne peuvent
s’exécuter que par des moyens extraordinaires,
toujours fort coûteux & qu’on peut éviter en les
prévoyant.
De laconJlruBion en pierre de taille.
Cette manière de bâtir eft la plus belle, la plus
folide & la plus durable, celle qui exige le plus
d’art & de connoiffances ; mais auffi elle eft la plus
difpendieufe ; cependant c’eft la feule dont on de-
vroit faire ufage pour les édifices ou parties d édifices
, qui exigent une très-gra-nde folidité.
La folidité des ouvrages en pierre de taille doit
être indépendante du ciment ou mortier que 1 on
peut y employer. On a remarque que toutes les
conftru&ions antiques de ce genre font faîtes fans
mortier; que les pierres font taillées avec .tant de
préeifion & de jufteffe, qu’à peine on aperçoit
les joints, & que dans ceux qui paroiflent il n eft
pas poffible d’y introduire la lame d un couteau ,
fi mince qu’elle puifTe être.
Tout l ’art de eonftruire en pierre de taille ,
confifte dans l’appareil & la pofe. Voye^ ces mots
6* coupe des pierres\ Dans plufieurs conftruc-
tions antiques, on a trouvé que les Romains ont
fait ufage de crampons de bronze ou de fer feelles
en plomb , pour unir plus folidement les pierres
de taille les unes avec les autres ; ils ont quelquefois
fait ufage de clés de bois fort dures, tailles
en queue d’aronde. Voye^ pour un plus^ grand
détail les articles, murs 3 majjifs , point d’appui 3
revêtement, v&ûu.
Pour les conftru&ions en moellons & en brique.
Voye£ l’article maçonnerie , & pour celles en bois,
l ’article charpente.
CONTOUR. Sub. maf. Génériquement parlant
, ce mot fignifie la ligne qui marqué les formes
& les extrémités d’un corps pu d’une füper-
ficie. Dans les arts du deflin, il emporte l ’idée
fimplc du trait qu’on emploie à cet ufage ; il eft
d’un fréquent emploi dans la peinture pour exprimer
le trait dans lequel une figure fe trouve renfermée
; dans la Iculpture, quoique l’idée de
ligne tracée foit moins pofitivement vraie, il n’eft
pas moins Utile pour rendre l ’extrémité de toutes
les formes , & c’eft par analogie & en quelque
forte par métaphore que l’efpace occupé par une
figure faillante fe dit & fe croit comprife entre une
ligne qui en fait le contour. Cette ligne & ce
contour font véritablement intelle&uels. Il en eft
de même pour tous les corps faillans dont fe compofe
l’architeéture.
Le mot contour fe prend enfuite dans une acception
plus vague , & il devient dans le langage ordinaire
des arts fynonyme de forme, de configuration,
d’enfemble. Ainfi l’on dit U contour d’une colonne,
d’un dôme, d’un profil; on dit au pluriel les
contours d’un édifice ; on dit lés contours de la
volute ionique pour exprimer fes circonvolutions.
CONTOURNER, v . . aâ. Ce mot , dans fon
acception fimple &. poiitive , fignifie tracer la ligne
qui marque les extrémités d’un corps ou d’une
Superficie. Cependant il eft peu d’ufage en ce fens
dans la langue des arts du deflin, & par une de
ces bizarreries dont on ne fauroit demander compte
à aucune efpèce de langue , lorfque faire le contour
d’une figure eft une locution qui n’exprime qu’une
opération naturelle , le verbe contourner qui, d’un
feul mot , rend la même idée , fe prend toujours
dans une acception défavorable. Ainfi contourner
une figure fignifie lui donner un contour faux, outré
; dire d’un peintre ou d’un fculpteur que fes
figures font contournées, c’eft lui faire le reproche de
vice, de manière , ou de fauffe grâce que le bon goût
a toujours fait au Primaticé, à quelques maîtres
Florentins , au Parmegiano, au, Bernin r & plus
encore à fes élèves.
De l’ archite&ure contournée n’exprime pas une
idée plus favorable; cette injurieufe épithète fe
donne ou à celle dont les contours mixtilignes
produifent des plans trop compofés, & où les formes
ne femblent être que les jeux bizarres de l’imagination
, ou à celle dont les profils découpés ou
reffautés produifent ce manque de eçntinuité qui
fait fortir l’archite&ure de la vraifembtance nécef-
faire à la raifon. Le Boromini, le Guarini, je P.
Pozzo ont fait de l’architeélure contournée ; ce goût
'fut celui de la fin du dernier fiècle & de la moitié
de celui-ci. On fent bien qu’il réfui te de la laffi-
tude du fimple & du befoin de changer, que les
hommes en fociété éprouvent plus ou moins dans
les arts, félon que ceux-ci font plus ou moins
adhérent aux rnceurs, & plus ou moins lies aux
divers intérêts- qui les féparent des plaifirs de la
vie ou des jouiffances du luxe. Lorfque le vice que
l ’on vient de décrire fe trouve porté dans I archt-
teâure iufqu’au ridicule & jufqu’a I exçes, il s’exprime
par le mot chantourner, qui indique encore
une plus grande découpure de formes. 1
Au refte, le mot contourner pourroit quelquefois
s'employer en moins mauvaife ' part, mais ce
feroit alors par oppofition au vice coatraire. Celui
oui auroit dans la peinture & la fculpture un
ftyle anguleux , & dans i’architeélure une maniéré
de profiler âpre & roide , on pourroit lui dire de
contournet un peu plus fes formes ; cependant dans
ce cas, le mot d’arrondir ou d’arrondiüement feroit
CONTRACTURA. C ’eft le mot latin que Vi-
truve emploie pour défigner ce que nous appelions
la diminution dans l’art de fuleler une colonne.
Perrault, en tràduifant ce mot par diminution,
obfervç que c’ eft pour fe conformer a la maniéré
de parler des gens de l ’ar t, que cette expreflion
pouvant s’appliquer, à la réduction qu’un corps
peut éprouver dans fes différentes dimenfions, le.
mot français le plus capable de rendre l ’idée de
contraBura eft celui de ntrècijjement. ( Vÿyeç DIMINUTION,
RETRECISSEMENT.)
CONTRE-ALLÉE fi. fem, ( jardinage, ) Allée
qui accompagne parallèlement une allée principale.
Les contre-allées font à celle-ci ce que font
dans /nos églifes les bas-côtés à la nef, ( Voye{
Allée. )
CONTRASTE, fub. maf. L ’étymologie de ces
deux mots en donne la définition la plus exaéte.
Dans fon fens naturel, contrajle fignifie la fituation
d’une chofe qui fe trouve à l’encontre d’ une
autre.
Du fens fimple de ce mot à fon acception intellectuelle
& métaphorique dans les arts d’imitation,
il y a peu de diftance; la feule nuance qui différencie,
félon moi, ces deux acceptions, elt le plus ou
moins de naturel, de vraifemblance ou d’extraor1-
dinaire qui fe trouve dans la rencontre des chofes
qui produifent ce que dans le langage des arts on
appelle des contra fies.
Ainfi contrajle & oppofition ne font pas la même
chofe ; tout ce qui forme contrajle eft fans doute
en oppofition avec quelque chofe ; mais il n’y a pas
réciprocité , & l’oppofition peut fort bien ne pas
former un contrajle.
L ’idéç d’oppofition entraîne celle de deux chofes
qui ne font point amies ; l’idée .decontrajle , offre
celle de deux chofes qui fe combattent ; l’idée d’oppofition
femble offrir l’idée d’un, état habituel &
permanent de diffemblance ou d’inimitié *, l ’idée de
contrajle offre celle de choc entre les objets, ou de
quelque chofe de fubit & d’inopiné qui fait jaillir
davantage la diffemblance. Les oppofition* dans les
caractères font néçeffaires au poète pour faire valoir
fes perfonnages, les contrajles ne lui fervent
qu’acciden tellement, & s’ils forment le mode habituel
de fon fu je t , il en réfulte félon le degré de
délicatcfle avec lequel il eft manié , ou le plaifant,
ou le ridicule, ou le comique , ou le burlefque.
Dans les moeurs, on met suffi une grande différence
entre les caraétères ou les efprits qui font
oppofés , & ceux qui contrajient entre eux; mais
par une fingularité facile à expliquer , on verra les
hommes de caractère oppofé vivre plus difficilement
entre eux que ceux qui font en contrajle ; c’eft que,
lorfqu’on n’eft qu’ôppofé , on ne perd pas l ’efpoir
de fe faire céder, &. c’eft la fource de beaucoup de
difputes : lorfqn’au contraire de trop fenfibles contrajles
mettent deux caractères à de trop grands
intervalles , on défefpère trop de fe rapprocher pour
avoir même l’idée de fe combattre.
Si l’on applique cette définition du contrajle aux
arts, & fur-tout à ceux du deflin, on la trouvera
jufte. La peinture, par exemple, n’exifte que par des
oppofitions, eile n’emploie pas toujours le contrajle,*
c’eft par l’oppofition calculée des couleurs, c’eft-a-
dire, de l’ombre & du clair qu’elle rend fes produits
vifibles, & cette théorie d’oppofitions conftitue les
élémens de cet a r t; mais fes couleurs ne font en
contrajle que lorfqu’élle doit rendre quelques-uns
de ces effets rares & accidentels de la nature, ou de
ces preftiges.de l’imâgination auxquels on eft convenu
d’accorder ce qu’on appelle la vraifemblance
poétique. L’éclair & le trait de feu qui fillonn©
l’horizon dans la nuit obfcure , la flamme des volcans
, la lueur d’un incendie, voilà ce qui donne
à la peinture des effets de contrajle. L’ange qui, dans
la nuit du Corrège, femble un foyer de lumière , &
comme un aftre lu haineux appareil fubitement au
milieu de l ’obfcurité de tout ce qui l’environne, eft
un des plus heureux & des plus étonnans contrajle$
que l’on cite en peinture. Plufieurs peintres fe font
faits un genre de ces fortes d’effets, plufieurs autre*
recherchant plus dans la peinture ce qui frappe
fortement la vue, que ce qui parle à l’efprit font
mis leur plus grand foin à rechercher tout ce qui
pouvoit produire le contrajle. Mais, comme on la
dira plus bas , l’ufage habituel des moyens contraf*
tans en affoiblit bientôt l’effet. Le premier éclair qui
frappe votre oeil au milieu de la nuit vous furprend;
fi l ’orage a de la durée, cette fucceffipn d’éclairs
dégénère en un. état qui n’eft plus le contrajle ; ainfi
il n’y a plus de. contrafte, mais bien de la dureté dans
ce oerire de peindre à effet, que quelques artiftes
ont préféré aux moyens doux & aux oppofition*
tranquilles que leur fourniffent les reffources naturelles
de l ’art.
Prefque tout.dans U nature éft dans un état qu'on
peut appeler d’oppofition , fi par ce mot on entend'
les effets produits par les différences de couleurs
, de formes, de plans, de dimenfions, de <£x
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