
fons en rapport -avec la reffemblauçe de la.chofe .
qu’ils bgnment, femble en contrefaire 1 apparence.
,
Lors donc qu’on entend que la nature elt le
modèle de tous les beaux-arts-, il faut fe garder
de circonfcrire l ’idée de nature dans ce qu elle a
de fenfible, de matériel, enfin, dans le régné de
ce. qui tombe fous les fens La nature exifte autant
dans ce qu’elle a d’inviüble , que dans ce
quifaifit les yeux. Ainfi, c eft prendre la nature
pour modèle, c’eft l’imiter, quedefe donner pour .
règles, dans certains ouvrages de l ’ar t, les règles
qu elle fuit elle-même, que de fcruter fes intentions
dans la formation des êtres, les principes
auxquels elle a fubordonné fon action, la direction
quelle donne à fes moyens , le but ou la bn
à laquelle elle tend. Imiter ne lignifie pas, n.écel- j
fairement, faire la reffemblance d’une cliofe, car
On peut ne pas imiter .l’ouvrage 8c imiter.1 ouvrier.
On imite donc la nature, en fai faut non pas ce
qu’elle fait, mais comme elle fait, c’eft-à-dire,
qu’on peut l’imiter dans fon action, lorfqu’où ne
l ’imite pas dans fon ouvragé.
On a-befoin de ce développement des idées que
renferme le mot imitation } c eft-à-dire, des différentes
manières1 d’imiter la nature, pour bien
concevoir dans quel lens Far chrt ecliire a le droit
de fe ranger au nombre des arts d'imitation.
Nous avons déjà rendu compte , à l’article
Architecture {voyez ce mot) , & nous ne=redi-
rons pas ici comment, félon les difïérens pays;,
J art de b âtir, en fuivant les indications que la-
nature du climat, des matériaux & des befoins
donne aux fociétés naiffantes , fe compofe un
modèle q ui, repofant fur de telles infpirations,
peut paffer pour être donné par. la nature ; mais
nous avons expliqué auffi. comment a eu lieu
limitation que l’art a faite & doit toujours faire
de ces types primitifs., qui, donnant à l'architecture
une raifon générale, la préfervent de l’arbitraire
8c de la tyrannie du caprice. Cette forte
lim ita tion ne peut être appliquée qu’au fyftème
de l’art, 8cune fois introduite dans l’architeâure,
elle n’eftplus le fait de l’artifte, qui ne l’imagine
plus , qui n’a même d’autre mérite que-celui de
s y confoi-mer, fans y. rien mettre du ben.
Ainb-, lorfque nous reconnoiffons dans l’archi-
teélure grecque (par exemple), devenue celle
de toute l’Europe, limitation delà caiane ou des
types primitifs de la charpente, nous n’entèndons
point que Tàrchiteâe qui; compofe dans- le fyftème
de cette architecture , fôit imitateur lui-*-
même de ces typés ou de ce modèle primitif ; il
adopte feulement une imitation confacrée par
toutes fortes d’exemples^, par le fuffrage de tous
fes ûècles & de tous les peuples'cultivés»
Nous croyons de même que tous les détails de
décorations & d’ornemens, dont les modèles
font pris dans la nature, & qüe Favchiteâure fait
entrer dans bas çompofîtions, ne conftituent pas
davantage l’arGliitefte imitateur, ni fon art u
art d'imitation. Il eft fenbbie que ce font des eu J
prunts faits par rurchileâuref à l’art de la feulai
ture, cet art qui devient en quelque forte £ J
inftrument, puilqu’un édifice peut, fous le ran-l
port de l’exécution matérielle , paffer fouveutl
pour être l ’ouvrage du fculpleur.
L'imitation qui eft véritablement propre & del
l’urchiteôlùre & de l’architeôle, qui affocie 1W|
& l’autre à la gloire des beaux-arts, repoFe fur lai
nature, mais conbdérée dans les lois générales!
d ordre & d’harmonie, dans les raifons qui expîi-J
qnent tous les ouvrages, dans les principes auxquels
elle a. fubordonné fon aélion. Ainfi l’archi-
teâp imite la nature , lorfque , dans les créations!
qui dépendent de fon art, il a fuivi & rendu fen-1
fible le fyftème que la nature a développé dans!
toutes fes oeuvres. .
Mais ce lyftème né pouvoit être découvert fl
analyfé & appliqué à l’art de .bâtir, que par uni
peuple initié déjà dans les fecréts de la nature, J
8c ces fecrets, il faut le dire, ne furent jamais,]
dans les temps anciens, révélés qu’au peuple grec.J
Lorfqu’enchaînée, foit par le lyftème des caftes
, & par conféquen.t des habitudes routinières,!
foit par la puiflance des ufages politiques & reli-1
gieux, qui avoient fait d.e l’art des figues une I
écriture, dont l’artifté ne pouvoit changer les caractères
, toutes les- nations de l’Abe &. l’Egypte 1
dévoient relier éternellement dans les entraves!
d’une imitation fans art, ou.d’un art fans inùrI
Ration y la Grèce feule éloit parvenue à brifer les I
liens qui avoient auffi chez elle retenu dans une
longue enfance la faculté d’imiter4
Cette faculté, qui eft un don particulier quel
la nature a fait à. J’homme, peut toutefois,!
comme l ’exemple de la plus grande partie du I
genre humain nous le prouve, relier aller vie au |
pouvoir de l ’inftinét,, fans s’élever jufqu’à la con-1
noiflance véritable des modèles de l’art.
Mille caufes tendent ou à dérober , ou à obf-l
fcurcir, ou à dénaturer cette connoifiance. L oeil I
du corps , lorfqu’il ne reçoit pas de l’étude UI
lumière de la fcience, n’aperçoit que la fuperbciô I
des objets qui fe préfentent à lui: fouvent meme
les enais ou les ébauches imparfaites des modèles
, au lieu, de lui faire apercevoir ce qW
manque à leur perféôtion, contribuent à le femi-
liarifèr avec leurs défauts. Il arrive ' enfin que I
ces images; imparfaites , produâionS d’un art
I groffier, s’interpofant entre la nature & la vue de
! bar tille, ôtent à celui-ci la faculté de foupçonnw
8c de debrer une perfeâion, dont i l ne pourra pM
même concevoir Fidée. ,J
Les Grecs fubirent d’abord, comme tous
autres peuplés, le joug de cet inftinÊl , & fe coflr I
tentèrent» long-temps de ces groffières pl‘oc uC I
tions; mais ils furent enbn s’en affranchir- EQtie
les caufes qui produiürent cet affranchiflemen >
| il en fut une, fefon moi, très-puiffante, & dont on l
n’a peut-être pas allez remarqué ni l’aftivité ni
l’influence. H f l I I
C’eft comme 1 on fa it, la religion qui a crée
rt0ut le befoin des images. De-là deux effets
naturels & plus ou moins néceffaires.: l’un, que les
mao-es, devenues le privilège des repréfentations
[tenant à la lixite sc a la perpétuité des lignes q>
en deviennent Fexpreffion, les images divines
ne dévoient, une fois confaçrées par l’habitude,
recevoir aucune modibeation de la main des
artiftes. On conçoit encore qu’en fuppofant la
facilité de faire participer les mortels à l’honneur
| des images, ces images ne pouvoient manquer de
[ reproduire les types & imitation 3 qui feuls avoiènt
[cours dans le pays. '
I Les chofes furent à peu près telles dans les
I premiers âges de la Grèce, jufqu’à çe qu’un nou-
|vel ufage, introduit dans les inftitutions de ce 1 pays, vint émanciper Y imitation, , en multi-
I pliant les occabons de faire des ftatues pour des
■ perfonnages qui n’étoient pas des dieux , 8c n’a-
I voient rien de commun avec le s êtres r e l ig ie u x .
I A une époque allez. reculée, on voit naître en
[ Grèce l’ufage de faire les ftatues des athlètes &
Ides vainqueurs aux jeux du ftade. L’hiftoire nous
I a confervé quelques notions qui prouvent que
I les ftatues de ce genre avoient d’abord été faites
I félon les erremens de ce ftyle roi de & fans vie de
I cette manière privée d’action & d'imitation qui'
Icaraûérife toutes les ftatues égyptiennes. Ainb,
[ félon Paufanias , qui la décrit en témoin oculaire ,
I la ftatue de l’athlète Arraçhioné. toit repréfentéé les
1 jambes engagées, les bras roi des & collés au corps. 1 Mais bientôt le genre même 8c la nature de
‘ ces repréfentations impofèrent à l’artifte des obli-
| gâtions nouvelles; Le befoin d’y exprimer le môu-
I veinent & la vie fe bt fentir. Ajoutons que ces
I ftatues, deftinées à être des images plus ou moins
I reffemblantes de perfonnages qui fe préfentoient
I à tous les regards, durent éveiller le fentiment
| de la comparaifon & faire naître le befoin de juger
entre le modèle & fon imitation. Les jeux du
ftade & les gymnafes devinrent ainb naturellement
[ des écoles, où la repréfentation des formes du
corps humain devoit trouver les plus favantes
I leçons. L’art de Y imitation n’éprouvant plus au-
j cune entrave qui l’afîujettît dans ces fortes de
repréfentations à des formes confacrées, contraria
de plus en plus l’obligation d’étudier fes modèles
; à de s’approcher de la vérité.
: De-là fans doute, c’eft-à-dire, de cette liberté
d’améliorer, par l’étude, les formes du deffin ,
naquit en Grèce cette imitation vraie de la
nature, que le refte du monde avoit ignorée, &
: qu’avant cet ufage , les Grecs avoient méconnue
eux-mêmes. -
Mais dès que les yeux des fpe&ateurs eurent
Diélion. d’Archit, Tome II.
fenti & compris la différence de Y imitation vraie
avec Y imitation routinière, il devint de plus en
plus difficile de maintenir le type & les fo'rmes des
ligures divines, dans les;bornes du ftyle primitif. 11
eût .été en quelque forte , injurieux pour les
dieux, que leurs images fuflent moins parfaites
que celles des hommes. Il devint auffi impofîible*
à i’arlifte de ne pas porter dans les ftatues de divinités
l’expreflion de la vérité, dont il avoit contrarié
l ’habitude. Ces ftatues quittèrent infennble-
ment l’enveloppe grofïïère des formes fans art, 8c
les dieux furent faits à l’inftar des hommes, en
attendant : que le génie ouvrît à l’artifte une carrière
nouvelle , celle du ftyle idéal, qui devoit
enbn affèôler aux bgûres divines une beauté fur-
humaine.
Ainb paroît s’être formée , perfe&ionnée 8c.
. agrandie, chez les Grecs-, Yimitation de la nature
dans les arts du deffin.
Mais un tel principe ne pouvoit pas relier ifoler
dans des applications bornées à un petit nombre
d’ouvrages. Les conféquences ou les fruits d une
caufe auffi puiffante dévoient répondre à fa fécondité.
' : v
Dès que l’homme a aperçu quelque part la vérité
, il la veut partout. Sitôt que la nature a fait,
fentir, en quelques parties, le charme d’une imi-
tion fondée fur le vrai 8c fur la raifon, le befoin
de ce plaibr fe communique aux autres parties.
L ’arcbiteélure, b étroitement liée à Fart du deffin,
ne pouvoit pas refter étrangère à l’influence d une
femblable a£lion.
Ce léger • hiftorique de Yimitation chez les
Grecs, nous montré comment naquit 8c dans quel
fens doit s’entendre Y imitation qui eft du reflort
de l’architeôture. Il nous fait voir que le befoin de
fë conformer en tout à un modèle, ayant une fois
développé les autres arts, il fut impoffible que ce
même befoin ne réagît pas fur l ’art de bâtir, par
cette puiflance d’analogie qui fe communique à
tous les ouvrages humains. Il nous explique en
même temps comment le fyftème imitatif, fur le quel
fe conftitua 8c dans lequel fe développa l’architecture
grecque, lui appartient exclufivement,
8c comment il ne pouvoit naître chez les autres
peuples, qui ignorent la vérité, lim ita tion dans
les repréfentations du corps humain.
En effet, l’étude du corps humain, dans fes applications
à Fart de Yimitation , eft peut-être l’élude
qui tend le mieux à faire découvrir certains
principes de néceffité, d’harmonie 8c d’enfemble ,
fefquels , transportés aux autres, ouvrages de
l’homme, les ammilent, bnon dans leurs formes
extérieures, du moins dans Les. raifons , les rap-.
ports 8c les combinaifons de .ces formes , aux ouvrages
mêmes de la nature', .
Ô r , cette vertu imitative , on eft forcé de re-
connoîtré qu’elle fe communiqua,, chez les Grecs,
à tous leurs travaux, 8c que c’eft.fon aâion , plus
qu’aucune autre, qui parvint à mettre l’architec«*
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