
invention. Et celle-ci, qui ne l’eft jamais de îa
fcience ni de la méthode , dût être le partage & le
mérite des Egyptiens en ce genre.
Conjlruflion des Pyramides.
L ’hinoire nous a tranfmis, fur la conftru&ion des
pyramides , des fables dont la puérilité feule fait la
réfutation. On peut être furpris , je l’avoue, au
premier coup-d’oe il, de voir des blocs de pierre li
énormes,élevés à une fi grande hauteur; mais quand
on fait attention à la forme des pyramides, cet
étonnement diminue.
En effet, comme il eft naturel de le penfer, &
comme Hérodote nous l’apprend , elles fe fervoient
d’échafaud à elles - mêmes. Leur conftruétion fut
beaucoup plus facile que celle des temples & des
autres édifices. Et fans doute c’eft une idée bien
gratuitement ingénieufe, que celle de la montagne
de nitre élevée autour d’ elles, pour leur tenir lieu
d’échafaudage, & emportée enfuite par les eaux du
N i l , félon le récit de Pline.
Il eft une idée beaucoup plus vraifemblable, fans
doute , & qui pourroit contribuer à diminuer le
merveilleux de ces monftrueux édifices, c’eft que
les pyramides pouvoient bien n’avoir été que des
montagnes revêtues. Pococke afîure que l’ufage de
revêtir les montagnes fe voit en Syrie. La première
idée de ces vaftes tombeaux peut encore être venue
de ces monticules environnés d’un mur, comme on
le pratiquoit pour les fépulchres en Thrace & dans
les premiers âges de la Grèce. Enfin, il eft certain
que le type de toutes les fépultûres eft un exhauf-
fement de terre. On choififfoit des collines pour les
tombeaux. On entaffoit des pierres & de la terre
fur le corps mort. D e là , fans doute, les pyramides.
Quoiqu’il en foit, de l’ origine hiftorique de celles
d’Egypte, il eft indubitable que les pyramides de
Gifé & de Saccara font toutes bâties fur des hauteurs,
Jîtce funt in monte faxeo ( Pli, l. 36 ) & il
l ’eft encore, que la pierre fur laquelle celles de Gifé
ont été élevées, a été abaiffée & applanie à main
d’hommes. Dès-lors , elles n’exigèrent point de
fondations , ce qui eft déjà une grande épargne de
travail & de dépenfe.
Hérodote, au furplus, nous en explique très-
clairement la conftru&ion. Il faut concevoir un
noyau quelconque , ou naturel ou artificiel, autour
duquel on élevoit des quatre côtés un efcalier qui
fe terminoit en pointe. Cet efcalier une fois formé
fervoit, comme nous l’avons vu , à porter & conduire
les pierres où l’on vouloit. Us reccmmençoient
enfuite par une nouvelle affife de pierres, qui venoit
en avant de la dernière marche d’en bas. Chacune
des marches recevant une nouvelle affife de pierres,
confervoit toujours la forme d*efcalier néceffaire
pour répéter cette opération autant de fois qu’on le
jugeoit à propos. Par ce moyen, on grofliffoit &
l ’on élevoit la pyramide au point qn’on le vouloit
avec la plus grande facilité, & on eut pu l’élever
flinfi indéfiniment.
Lorfqu’on en venoit au revêtiffement, on le
commençoit néceflàiremept par en haut. Si on l’eut
commencé par le bas, on eut perdu le moyen naturel
de pouvoir faire monter les pierres degré par degré,
Au lieu que de la manière indiquée, la pyramide
de venoit elle-même fon propre échafaud. Les pierres
de revêtiffement étoient taillées en forme de prifme
afin de pouvoir remplir l ’angle rentrant formé pa|
les degrés. Norden dit avoir vu de femblables pierres
aux environs de la grande pyramide. On fait qu’à
l’exception de celles qui étoient à plufieurs étages
de degrés, les pyramides formoient un talus exad
& très gliffant. Pline nous le donne à entendre
lorfqu’il dit que de fon temps il y avoit des gpns
affez adroits pour monter jufqu’à leur fommet,ce
1 qui n’eût rien eu d’extraordinaire fi le revêtiffement
n’en eut pas été lifte, & ce qui devenoit toutefois
poflible vu leur grande inclinaifon.
! La conftruftion des pyramides, telle que je viens
i de la décrire, eft une chofe auffi fimple que naturelle.
11 y a lieu de s’étonner que M. de Maillet
! l’ait imaginé dans un fyftême tout-à-fait inverfe.
! Selon lu i, ces ouvrages fe commençoient par leur
partie extérieure. Le revêtiffement fe faifoit avant
tou t, & dès-lors il falloit bien auffi le commencer
| par le bas. Les premières pierres qu’on plaçoit &
qu’on appareilloit étoient celles de ce revetiffemenr,
On appiiquoit enfuite librement en dedans les
pierres telles qu’elles fe préfentoient. Ce talut
même, ajoute-t-il, fervoit à Vélévation des pitrrts
fouvent énormes, dont on avoit befoin en haut, b
qu'on pouvoit fans aucune machine , mais par le
moyen de cette glijfoire , tirer à force de bras. Outre
| que ce fyftême eft contraire à la vraifemblance, il
I répugne également à la folidité comme à la con-
fervation d’un revêtiffement de marbre d’en faire
une gliffoire, fur laquelle on ait fait voyager des
blocs énormës de pierre. Le récit d’Hérodote me
paroît beaucoup plus croyable , comme fon procédé
paroît auffi beaucoup plus naturel.
Les pyramides de Gifé font conftruites, ainfi que
nous l’avons d it , de la pierre des montagnes voi-
fines. La grande fe compofe de deux cent huit mar*
ches. Ces marches varient beaucoup entre elles.
Elles ont depuis deux pieds & demi jufqu’à quatre
de hauteur , & elles vont toujours en diminuant de
hauteur vers lefommet. Leur largeur diminue dans
la même proportion, de manière qu’une ligne tirée
de la baie au fommet touche l’angle de chaque
marclie. La longueur des pierres n’eft pas uniforme.
Celle des pierres d’Arabie, c’eft-à dire, des marbres
dont elle étoît revêtue, félon Hérodote, étoit de
trente pieds , au dire de cet hiftorien. Son intérieur»
découvert depuis long-temps &. décrit par tous les
voyageurs, donne la plus haute idée de l’art des
Egyptiens, dans la taille & la pofe des blocs les
plus énormes. Rien n’approche de la perfe&iondp
leurs joints, de la fineffe & du poli de tout cet
appareil. -
Les ççndwits intérieurs de la pyramide sont coU?
L . en dos d’âne, on en fauffe voûte compose de
! ? L enjambeant l'une fur l’autre &formant comme
C rad o i d’un efcalier à viffe. La chambre fepulcrale
eftplafonnéede neuf grandes p.erres.Lett feptdumt-
I Keu ont quatre pieds de large fur feize de long. On
trouve dans les maffifs des parties de ciment.
K Parmi les pyramides de Saccara, qui font au
^mhre de vingt, il s’en I trouve de tres-vanees pour la forme, la dLenfion & la conftruttion. Celle que I les Arabes appellent la pyramide aux degrés » eit I compofée de lix étages. Ils ont onze pieds de iur- I face horizontale fur vingt-cinq de hauteur P«fPer^~
I diculaire, mais qui en forment trente-cinq d mcli-
I naifen. Elle eft revêtue de pierres brutes, & chaque I étage eft compofée de vingt-cinq aflifes. L’intérieur I de Ton maffif eft formé de cailloux , entre lefquels I eft un mortier jaune & graveleux qui, dans certains I endroits, a fix pouces d’épaiffeur. L’on voit d’autres
1 pyramides, dont la maçonnerie intérieure paroît être I de fable & de moëlons. Celle qu’on appelle la
pyramide du Nord égale en hauteur les pyramides
| de Gifé. Elle eft revêtue de pierres de fix pieds de I long, qui ont deux pieds dix pouces dans le plan I incliné fur deux pieds fix pouces d’épaiffeur. La
| pierre du revêtiffement eft très-fine & très-dure. A un I tiers de fa hauteur eft une entrée par où l’on pénétré I dans fon intérieur ; on y trouve des chambres bâties
K degroffes pierres très-polies & très-blanches. A deux I milles de celle-ci s’élève la pyramide de briques
crues; fa hauteur eft de cent cinquante pieds. Ce
n’eft pas le feul grand ouvrage conftrun de femblables
briques. Il y en a deux autres a Davara
fort ruinées, à ce qu’ il paroît, que Pococke ne vit
que de loin, & qu’on lui affura être de briques
crues. Quelques puits de catacombes a Saccara en
fçnt également revêtus.
ConjlruElion des Temples.
Le même efprit de fimplicité, de grandeur , de
folidité règne dans la conftru&ion des autres édifices
de l’Egypte, & furtout des temples, qui font a-peu-
I près les feuls monumens dont nous ayons à parler,
i On voit que toutes les précautions »voient été
prifes pour les rendre éternels. Les murs qui forment
leur enceinte, ont quelquefois jufqu’à vingt-
Les Egyptiens ne paroilfent avoir employé qu une
feule méthode d’appareil dans leurs temples comme
dans leurs pyramides. Ils n’ulerent que dans celles-
ci de ce genre de conftruâion , appelé par les
Grecs eix.trksktov. Mais dans les murs des temples ,
ils ne' connurent point la pratique du blocage. Leur
maffe n’eft compofée que de pierres de taille. Pour
les rendre plus inébranlables, on leur donnoit fou-
vent une pente en talus, telle que celle que nous
pratiquons dans les ouvrages de fortification ; on les
confolidoit par des éperons ou des contreforts.
i quatre pieds d’épaiffeur. Les murailles de la grande
porte, qui fait la principale entrée d’tin temple à
Thèbes, ont jufqu’à cinquante pieds d’épaiffeur par
en bas; leurs pierres font d’une grandeur prodi-
I g ieu fe. A une porte dans la ville de P a f f a l o n , on
1 en voit qui ont depuis vingt- un pieds jufqu’à trente
, de long, fur cinq & huit de large. Le granit s’y
trouve rarement mis en oeuvre ; mais il l’eft au
i temple de Dendera, décrit par Paul Lucas. On
! trouve auffi cette pierre employée en placage, tant
au-dedans qu’à l’extérieur de quelques édifices , &
ce revêtement y eft fcellé Sc maftiqué.
Les quartiers de pierre, dans la conftru&ion des
durs,font toujours pofés par affifes horizontales.
l.es colonnes qui feront, dans les deux lections
fuivantes,un des principaux objets de notre examen,
entrolent auflï pour beaucoup dans les élemens OC
les moyens de la conftru&ion des temples. Elles lont
les fupports néceffaires des plafonds toujours com-
pofés de vaftes quartiers de pierre. 1H»< indifpen-
fable de leur donner beaucoup d’ épaiffeur K beaucoup
de folidité. Quelquefois elles fe faifoient d un
feul morceau de granit,telles que celles du temple
de Balbaït, de Dendera I de Thèbes & autres ; mais
le plus grand nombre eft fait de pierres de taille 81
de tambours taillés, ou dans la pierre calcaire ou
dans l’efpèce de grès dont on a parlé. Le nombre de»
tambours varie félon les hauteurs des colonnes.
Dans quelques-unes rapportées par Pococke, on
compte jufqu’à dix-fept aflifes. Leur epaiffeur va
ordinairement depuis deux pieds & demi jufqu a
trois pieds & demi. Le chapiteau eft d un morceau
fépare du fût de la colonne, & quelquefois il elt
de plufieurs aflifes. On voit , félon Pococke, dans
les ruines du labyrinthe, un grand nombre de pierres
rondes trouées dans le milieu , & provenant de
débris de colonnes. On peut fuppofer que ces trous
fervirent à monter les pierres plutôt qu'a recevoir
des crampons, dont on ne voit nulle part dinde,
cations.
Couverture.
Lorsque les faites étoient d’une moyenne grandeur,
une feule pierre leur fervoit quelquefois de
couverture. Lorfqu’ elles étoient plus fpacieules Oc
ou’on y admettoit des colonnes, leur couverture
confiftoit en plufieurs pierres qui aliment d une
colonne à l’autre, & au-deffus defquelles on en
plaçoit d’autres en travers. Les tnefures de ces
pierres à plafond font très-variées. Elles ont, en
vénérai, d i t Pococke , quatorze pieds de long lur
cinq & "demi de large. Paul Lucas en a mefuré, dans
les falles du labyrinthe, qui ont vingt-cinq pieds
de long fur trois de large, & qui étonnent autant
pat leur affemblage que par leurs dinienlions. but-
vant Norden, il s’en trouve qui ont jufqu a quarante
pieds de longueur fur deux pieds d epailteur
en tout fens. ■ . . , .
Quand les colonnes d’un portique n etoient pa»
éloignées du mur, les Egyptiens pofoient une plate-
bande d’une colonne à l’autre, & deffus s affeyoïent
celles qui, de l’autre bout, portoient fur la muraille
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