
( forme la plus en ufage pour les efcallers de quelque
importance ) ce ne doit être que pour donner
plus de grâce à la cage & pour fatisfaire à la fymé-
trie.des écoinçons, qui quelquefois deviennent irréguliers
dans l’intérieur de Yefcalier, par la fujétion
de la décoration extérieure, ou par celle de quelque
forme triangulaire ou circulaire des pièces de dégagement
qui y font adoflées.
Quoiqu'on idffe ufage des efcaliers prefqu'autant
de nuit que de jour, on doit tâcher de leur procurer
le plus de lumière naturelle qu’il effc poflible,
& faire en forte qu’elle fe répande également fur
toute leur furface. Quand on la fait venir feulement
d’un côté de la cage, les rampes qui lui font oppo-
fées font prefque toujours obicures. C’eft pourquoi
lorfque l’on' fe trouve dans un lieu ferré, il convient
d’éclairer Yefcalier en lanterne, furtout lorf-
qu’il ne monte qu’au premier étage. Alors les rampes
qui ne font point ombragées par celles de l’étage
fupérieur, reçoivent en plein la lumière qui plonge
fur elles. Par le mot lanterne on entend , furtout
dans les palais confidérables , une voûte dans le
goût des coupoles des églifes.
Ge que l'on doit dire en général de la décoration
des efcaliers, c’eft que s’ ils comportent de la ri-
cheffe, cette richefle doit être fubordonnée à la
convenance , & du bâtiment en lui-même & de
ceux qui l’habitent. On doit éviter la profufion
d ’ornement & l’étalage des membres de l’architecture
dans une maifon particulière.Une coupe fimple
& gracieufe, de la commodité , de l’élégance & de
l ’ aifance, voilà tout ce quion y demande.
Il eft une multitude d’édifices qui, pour être des
édifices publics , n’exigent pas plus de luxe en fait
à'efcaliersquoiqu’ils exigent plus de grandeur. La
douceur des rampes, la longueur des marches, l’étendue
delà cage, un bel appareil de conftru&ion conf-
titueront toute leur magnificence. Même dans les plus
fomptueux palais, on devra encore obferver une certaine
réferve de décoration en ce genre, afin qu’il
fe rencontre une progreffion fenlible de richeffe
entre l’archite&ure de Yefcalier & celle des pièces
intérieures. Il y a quelque chofe de ridicule à
prodiguer les marbres, la peinture & la dorure
comme on l’a pratiqué plus d’une fois dans la cage
d’un efcalier. Car, que peut-il y avoir de plus pour
les appartemens. On cite plus d’un palais dont on
ne loue que Yefcalier , & dont le furplus nefemble
être qu’un hors d’oeuvre. De tels éloges font une
véritable critique de l’archite&ure. Sans doute la
cage d’un efcalier préfente au décorateur un affez
beau champ pour y répandre les charmes de fon
art. Cet emplacement permet l’illufion de la perf-
pe&ive & de Tarchite&ure feinte. On peut s’y
livrer à un grand nombre d’inventions nobles &
ingénieufes. Mais là comme ailleurs, le décorateur
devra faire non tout ce qu’il peut, mais uniquement
ce. que la bienféance comporte,
Plus il paroîtra néceffaire d’ introduire de la décoration
dans un efcalier, plus il fera important d’éviter
que les palliers du premier étage ne couvrent
celui du rez-de-chauffée , & ne dérobent au fpec.
tateur le coup-d’oeil de la cage & même dii p|a,
fond ou de la voûte fupérieure qui quelquefois fe
décore de peinture. Le genre d’ornement toutefois
qui femble le mieux convenir aux plafonds des
efcaliers, eft celui qu’on tire de la fculpture. Les
fujets colorés tranchent trop fur une décoration en
pierre ; outre que l’humidité du local & diverfes
autres caufes font peu favorables à la confervation
de ces fujets. Lorfqu’on doit employer la peinture
dans de tels emplaeemens, il femble que la grj.
faille eft celle qui fe met le mieux en harmonie
avec le refte de leur archite&ure, offre i’efpoir d’une
plus longue durée & s’accorde davantage avec les
convenances locales dont on a parlé.
Lés rampes des efcaliers font une partie de leur
décoration. Mais pour qu’elles faffent un bon effet,
il ne faut pa§ qu’il s’y trouve de reffauts. Les
rampes fe font tantôt en pierre & tantôt en métal.
Dans les grands efcaliers qui comportent les rampes
de la première efpèce 7 on foutient les tablettes
d’appui par des baluftres de pierre ou de marbre,
On a déjà parlé au mot baluftre (voye{ cet article)
de l’inconvénient attaché à l’obliquité dans laquelle
les met leur pofition rampante. Il femble que les
rampes de métal n’étant point fujettes à ce défaut
& pouvant fe compofer d’ornemens en enroule-
mens de la plus grande richefle, leur emploi eft
préférable. Ajoutons que les rampes de métai font
moins lourdes , occupent moins d’efpace & ne
portent point d’ombre fur les marches.
La partie de toutes la plus effentielle dans un
efcalier, eft celle de la conftruétion. On peut, en
effet, s’y paffer de décoration. Mais on ne fauroit
fè difpenfer de leur donner de la folidité, & une
folidité capable de réflfter à la pouffée des voûtes
qui les compofent, ainfi qu’au mouvement continuel
des perfonnes qui fréquentent journellement l’inte*
rieur d’ un édifice public, ou d’un palais un peu
confidérable.
La conftruétion des efcaliers fe fait en marbre, en
pierre ou en bois de charpente. Cette dermere
forte n’eft en ufage que pour les efcaliers de dégagement
dans les grands édifices. On l’emploie encore
dans les maifons à loyer. Mais dans une maifon de
quelque importance, ces conftruétions doivent etre
en pierre. Il y a diverfes manières de conftruire■ les
efcaliers, foit en arc & vouffure rampante ou droite,
foit en tour creufe avec des culs de four, des
trompes, &c. Leurs grands palliers font foutenus
par des plate-bandes droites, en coupe, & par
claveaux à tête égale.
Les efcaliers de marbre ont la même fujétion
que ceux conftruits en maçonnerie , du moins dans
les pays où le marbre n’eft pas affez commun pour
qu’on l ’y emploie maffif. Ils ne diffèrent des efcalier
en maçonnerie que par leur revêtiffement. Le malin
des voûtes & des murs eft de pierre , recouverte
par compartimens de marbres liés à la maçonnerie
azraffes de bronze ou de fer fcellées en
a!omb Tels font les efcalier s de Verfailles. -
P Ouelquefois par économie l ’on conftruit les
«rrands palliers, de charpente foutenue par un poi-
§§§ fe; vant de marche de pallier, contre lequel
viennent s’appuyer les arcs rampans des rampes.
Z planchers alors fe revetiffent de maçonnerie
nrnée de cadres qui imitent la pierre. Ce genre de
ronftruftion, quoique moins eftimé que ceux qui
font entièrement de pierre apporte beaucoup de
légèreté dans la décoration des efcaliers. Il a de a
folidité, mais on ne. fauroit s’en promettre m la
même durée ni la même réfiftance à la fatigue qu’approuvent
ordinairement les montées. ,
r De quelque genre de conftru&ion qu on veuille
faire ufage , il faut rendre la forme des voûtes
légère, d’un beau galbe & fans jarrets. On aura foin
de pratiquer, autant qu’il fera poflible, des pied-
droits, fous la naiffance des rampes , pour en fou-
tenir le poids & la pouffée, fans néanmoins trop
embarraffer le rez-de-chauffée de Yefcalier. Cela
fait que les voûtes foutenues en l’air femblent n’être
retenues que par l’art du trait.
Il faut mettre cependant de la réferve dans ce
genre de conftru&ion. Quoique la théorie nous
raffure contre le danger qui paroît réfulter de la
hardieffe de ces voûtes , l’archite&e prudent, (aura
conferver la vraifemblance que l’oeil defire dans
toutes les productions de l’art du trait, mais fur-
tout dans les efcaliers. Les tours de force prefque
par tout déplacés , font encore plus condamnables
ici. Il ne faut pas qu’une montée prefente l’idee
d’un péril préfent ou éventuel, & faffe naître le
moindre fentiment de crainte. Les édifices font éleves
pour l’ufage & l’intérêt des hommes & non pour
l’amour-propre de ceux qui les conftruifent. L ’inquiétude
être plus élevé. O r , cette nouvelle grandeur de
cage , fous une hauteur de plancher donnée , feroit
paroîtrê les voûtes trop écrafées pour l ’étendue de
Yefcalier. De quelque artifice qu’on ufât dans la
coupe des pierres pour rendre cette voûte légère,
les parties ne s’accordant pas avec la malle, il en
réfulteroit toujours un mauvais effet.
que procure une conftruétion trop hardie
ell un défaut, que la folidité, même en lafuppofant
effeétive , ne fauroit réparer. L’art peut fe permettre,
les difficultés, mais il doit les cacher. On
On fait quelquefois fupporter les rampes des
efcaliers par des colonnes. On voit plus d’un.exem-
ple de cette pratique à Rome. Tels font 1 efcalier
circulaire en pente douce du Vatican qu’on attribue
à Bramante, & le nouvel efcalier de marbre qui
conduit au Mufoeum Pium Clemeatinum. Entre
beaucoup de chofes que l’on peut dire contre cette
pratique, on fe contentera d’obferver que 1 inconvénient
peut même aimer à voir comment il en triomphe,
mais on ne pardonne pas la magie. Le trop de
hardieffe étonne & ne iatisfait point. Ainfi, une
légèretéaffeétée, quoique réunie à la folidité, n’eft
pas plus recevable que la pefanteur extraordinaire
qu’on fembloit auffi affe&er dans les efcaliers du
fiècle dernier.
Il ne fuffit pas cependant de garder un milieu
entre la manière de conftruire les efcaliers avec trop
de pefanteur, & celle de leur donner trop de légèreté.
L’art confifte dans la proportion des voûtes,
foit par rapport à la forme de leurs courbes , foit
eu égard à la corrélation de leur largeur avec leur
hauteur. Par exemple , jamais les voûtes d’un
efcalier ne feront un bon effet, fi toutes les dimen-
fions de la cage ne font proportionnées à la hauteur
du premier étage. Car fi pour faire un efcalier
a rampes très^douces, on vouloit leur donner beaucoup
de longueur , il faudroit alors allonger le côté
du re&angle, fans que pour cela le plancher pût
de l’obliquité eft choquant , furtout a
l ’égard des tailloirs des chapiteaux, ainfi que des
plinthes des bafes qu’il faut tenir plus élevées d’un
côté que de l’autre.
La beauté de la conftru&ion des efcaliers confifte
beaucoup dans l’art même de l’appareil, c eft-à-dire,
dans l’art de rendre fenftble aux yeux, les procédés
même de la conftru&ion. Car l ’appareil n’eft autre
chofe que la régularité des affiles établies a une
même hauteur. Lorfque l ’archite&e à fuivi des
courbes heùreufes, & que la difpoficion de fa conftru&
ion eft régulière, il peut indiquer fes procédés
! par la .précifion & la propreté des joints, par le
ragrément des paremens. Dans la conftru&ion en
fimple pierre, le fecours de l’appareil ajoute quel-
qu’ornement à un édifice. Et l’on ne fauroit disconvenir
que ce genre d’ornement ne foit effentiel-
lement d’accord avec les ouvrages de la nature des
efcaliers 9 c’eft-à-dire, dont le principal mérité re-
pofe fur la beauté de la conftru&ion. _
On dira peu de chofes ici des efcaliers de charpente.
Leur conftru&ion en tant qu’ils font un ^ouvrage
de charpenterie, femble appartenir plutôt a
cet art qu’à l’art proprement, dit de l’archite&ure.
Les efcaliers de charpente, dans les grands édifices ,
ne font ordinairement que des efcaliers dérobés. Ils
fervent à monter aux entrefols, aux logemens des
combles ou aux galetas. On peut cependant tirer
du bois même des formes agréables, & nen n’empêche
que dans les maifons particulières cette matière
ne reçoive , fous le crayon de l’archite&e, l’efpèce
de luxe & de goût qui convient à la modicité de
ces maifons. - \
Il y a encore une manière de joindre dans les
efcaliers le bois à la pierre , & de reunir, par cette
conftru&ion mixte , l’économie à une affez belle
apparence. On plaçe quelquefois des dalles de
pierre fur des marches de charpente. Delà eft venu
l’ ufage de conftruire même de grands efcaliers avec
propreté & fans beaucoup de dépenfe.
Le corps de Yefcalier étant de charpente , on
pofe fur chaque marche des dalles de pierre qui
portent la moulure dans leur épaifleur. L’on peint
en couleur de pierre tous les bois apparens des
marches, des limons & des courbes rampantes.