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Il arriva que le vulgaire rendit à ces images un '
cult_e en quelque forte idolâlrique. Cette fuperf-
titxon excita, dans le feplième fiècle, la fameùfe
querelle des iconoclajîes ou brifeurs d’ images,
feÊte hérétique q u i, dans un zèle plus fuperfti-
tieux encore , profcrivit tout ufage des. images
facrées, & les détruifit partout où elle put le
faire.
Cette fureur appaifée, l ’E glife, principalement
l’Eglife grecque, devint plus réfervée dans l’emploi
des images y elle n’expofa plus à la vénération
publique dès images en fculpture, particulièrement
de ronde bolfe. Dans la peinture , les
Grecs fe bornèrent à avoir des tableaux, où les
couleurs mifes à plat, & les contours dépouillés
de toute entente de clair-obfcur & deperfpeêlive,
rendent d’une manière roide ,& par un art incomplet
, la forme & l’apparence des figures.
Une telle méthode ne fut point fui vie en Occident.
Depuis le douzième fiècle, les artiftes abandonnèrent
de plus en plus cette manière fèche &
fans imitation. On chercha progveffivement à
s’approcher de la vérité naturelle. La dodtaine de
l ’Eglife bien connue, fit tenir à tous les efprits
le jnfte milieu dans le culte rendu aux images.
Ce culte, éloigné de la fuperllition, qui prend le
figue pour la chofe lignifiée, ne fut plus regardé
que comme un befoin de la foibleffe humaine, qui
veut que les yeux & les fens fécondent l ’efprit &
ïa mémoire, & l’aident à perpétuer lès idées & le
fouvenir des objets de l’adoration.
À cette manière raifonnable de regarder les
im a g e s comme faifant partie des lignes extérieurs
auxquels s’attache la perpétuité des idées reli-
gieufes, eft dû le renouvellement des arts, dans
les temps & chez les peuplés modernes. La religion
chrétienne doit ainfi palfer pour avoir été
la mère & la caufe activement productive des
beaux-arts, qui, par fon fecours, fe font élevés
au point de rivalifer avec l’antiquité. Quand
tout ne fe réuniroit pas pour le prouver, il fuffiroit
encore de confidérer quel eft l’état de ces arts dans
les pays q u i, ayant reçu-la réforme, ont adopté
avec elle la profcription des images dans les
églifes. Cette fource tarie r l’imitation ne trouve
plus que les foibles reffources du luxe des particuliers
, & i’architeCture, affociée au fort des
autres arts, voit aufii diminuer & fe rapetiffer
toutes les occafions de produire des monumens.
IMAGO , IMAGINES. Le mot imago, en là -
tin , lignifie particulièrement ce que nous appelons
bufle ou portrait en bufle. Cela réfulte d’un
fort grand nombre de paflages, & furtout de l’emploi
du mot imagines, pour défigner ces bulles
ou portraits en c ire , qui fe confier voient dans
Y atrium des maifons romaines, félon le paflage
de Pline à cet égard.
Il y a déjà long-temps que le célèbre Lefïing
courba tit, avec beaucoup de fagacité, 1’,opinion
1 M A
que les imagines pictce ou expreffi cerà vuh \
étoient des tableaux à l ’ençauftique, & inouïrJ
comment &. dans quel fens' les pallages de PlinJ
&. d’Hérodien, furcefujet, s’expliquoienll’unnal
l’autre. lia foutenu que je mot pingere s’emplopii
non-feulement pour dire peindre des tableaux!
mais auili pour dire peindre des lia lu e s , les coloj
r ie r , les orner de couleurs, & que les ceroe p/tfd
étoient des figures de plein relief, qui recevoieid
les tons & les couleurs de la nature.
Depuis, plufieurs critiques ont éclairci celle
queftion, de manière à n’y laiffer aucune obfcuJ
ri té j & enfin, M. Eicheftæd a prouvé que cet
imagines dévoient être des malques de cire i
propres à être placés fur le vifage de. ceux qui, au J
funérailles , iomoient le perfonnage des ancien!
membres:de la famille.
Il ne paroît pas çependanMiéceffaire de id
, duire les-imagines çonfervées dans les armaria\
; à n’être que ce qu’on appelle de Jimples mafqueJ
Rien n’empêche de croire que les portraits de la- j
mille, en cire coloriée aient é té ,. dans les«n«(J
ria, de véritables bulles, comprenant toute ]J
tête, le cou & la.poitrine avec d r a p e r ie s ;&l
comme ces portraits avoient été coulés dans des]
moules que l’on avoit également conlervés, prob
a b l e m e n t dans des cérémonies fu n è b r e s , on :
couloit un mafque en ciré c o l o r i é e , qui s’adap-1
toit fur le vifage de l ’efpèce d’aêleur qui devoil
•être le repréfentant du perfonnage.
Ainfi, les imagines jum o foe reftoient en cel
, état dans les armaria. Il eût été trop déplaifantl
de produire en public cës mafques défigures II
falis par la vétufté, & il fut bien plus naturel!
d’employer de nouvelles empreintes fraîcliementl
coloriées , pour compofer ce cortège des an-l
cêtres qui, revêtus de leurs habillémens & des
marques de leurs anciennes dignités, fembloientj
affilier, par l ’effet de-cette ifiufion, & être pr£|
fens en perfonne aux funérailles de leur delcen-
dant. j
U atrium éto ït le local deftiné à contenir les!
armoires qui renfermoient les portraits des ancêtres.
C’é toit le privilège des nobles d’avoir ce*
collections de portraits ; de-là les mots jus
ginum.
IM A G IN A T IO N , f. f . C’eft une faculté del’ame
qui a la propriété de conferver, de retracer
reproduire, foit les images des objets extérieurs,
foit les imprelïions des fentimens intérieurs.
Comme il ne nous eft poffihle de nous rendra
compte de nos facultés morales, & des effets g«1
en dérivent, qu’en empruntant1 des lignes aiiii
êtres matériels ou corporels, le langage, ain
qu’on l’a dit à l’article I d é e {v o y e z ce mot),*
emprunté, de la peinture des objets, ou de la deu*
néalion des coips ., les termes qui défignent ces
traces incorporelles que laiffent dans notre cn
J tendement ou dans noire ame, les rapports
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I . & les affections que nous éprouyons. ]
Ffi nous avons vu qu’idée & image figmfioient,
i r le nroiDre, la même chofe.
U’imvf“1'0”’ d’aPrès °?même W ème d [ S aux objets du règne pbyfique, a été
f fidérée fous deux rapports : tantôt on fuppofe
f°lV eft une forte de répertoire, ou viennent le
r . pe claffer les imprelïions produites par
k objets M & B fentimens intérieurs,
P W ce fens elle participe de l’idée de mé-
: • . (antôt on la conlidère comme une elpece
^laboratoire où toutes les impreffions reçues,
L-à-dire, les images, en fe réunifiant, fe mo-
L , fe combinant à l’aide des miimmens , tels
ae le jugement & le fentiment, viennent à pro-
des enfembles nouveaux & des affociations
«’objets propres à. augmenter le nombre de nos
Idées ou de nos jouiffances. I ,
r’imagination fe confond fouveut avec le ge-
Lie (voyez Génie) ; cependant elle en diffère en
La qu’elle-eft réellement un des mltrumens de
L i e faculté créatrice, qu’elle eft une des conditions
néceffaires du principe créateur , qui lui-
Dème.elt moins une faculté qu’une réunion de
Acuités ; & au nombre des facultés dont il le
Lmpofe, nous avons reconnu que'celle qui s ap-
jpefiejugement, eft nécefîaire pour tempérer 1 ac-
boa imaginative. a . a
f C’eft lurtojit en-architecture, que 1 action ae
l'imagination a befoin de ce falutaire tempéia-
hent. Sans la faculté d’imaginer, e’eft-à-dire, d é-
laborer fous des rapports nouveaux les images
dont il a fait une provifion, l ’architecte ne leroit
I qu’un copifte fer v ile , qüi répéteroit, fous les
(mêmes formes & dans les mêmes données, les
[ouvrages de fes prédéceffeurs. Mais s il arrive auili
[que le jugement ne préfide point, foit au genre,
foit à l’efpèce des combinaifons que fera i imagination,
on verra réfulter de^e défaut de jugement, les
[deux défauts qui ont, furtout dans les temps modernes
,vicié l’architecture jufque dans les élémens
[dont elle fe compofe.
[ Sous prétexte de faire du nouveau, on a vu
h imagination de quelques architectes trop célèbres
, chercher à innover, non pas feulement
: en combinant les élémens du fyfteme fur lequel
j l’art repofe, mais en mêlant enfemble les élémens
[incompatibles de diftérens fyftèmes, mais eh niant
| qu’il y eût une raifon à laquelle l’art feroit fournis
dans l’emploi des formes, en intervertiffant tous
■ les principes, & en prétendant par cela que la
[nature ne produit pas d’édifices, qu’il n’y avoit
Ipour l’arcbiteGure aucune néceffité de le conformer
à aucune règle. (Voyez I m i t a t i o n . )
L’autre défaut, produit par le manque de jugement
comme régulateur de la faculté imaginative,
fans aller jufqu à bouleverfer les fondemens de,
1 architeêlure, fe fait fentir dans la difpofition
des édifices, lorfque, pour faire parade d imagina-
tiorij l’architeêle fub or donne à des effets nouveaux
, à des diftributions pittorefques , à de-s emplois
infoliles, les befoins,, les convenances & les
agrémens de la conftru&ion, de l’ordonnance &
de la décoration. On a déjà fignalé les abus ce
Yimagination aux mots Caprice, Abus, Fantaisie.
( Voyez encore Invention. )
IMITATEUR, f. m. Celui qui imite. Ce mot
s’emploie fous deux acceptions. Dans fon fens ordinaire,
il ne comporte ni bonne ni mauvaile opinion
: on dit l’artifle imitateur, Y art imitateur, &c.
Dans une acception un peu détournée , il lignine
le contraire d’inventeur, & il s’applique à ces
artiftes q u i, privés des reffources de l’imagination
, ne fa vent que fe traîner à la fuite des autie^,
& c’eft d’eux qu’Horace a dit : Imitatores fervum
pecus.
IMITATION, f. f. Chaque art a, dans la nature,
un modèle général & un modèle qui lui eft particulier.
j r
Il faut prendre ic i le mot de nature dans ion
. fens le plus étendu, c’eft-à-dire , dans celui qui
comprend le domaine des êtres phyfiques, le
règne des chofes morales ou intelleêluelles. U y a
1 dans la nature, ainfi entendue , un modèle commun
à tous les arts , & dès-lors il doit y avoir des
règles d’imitation qui leur font communes. C elt
, ainfi qu’il y a une grammaire univerfelle qui comprend
les lois du langage, autant que le langage,
propriété de l’efpèce humaine , fe fonde fur quelques
principes dérivant des lois de 1 intelligence
& des fenfations; & il y a la grammaire particulière
à chaque langue ou à chaque idiome, &•
qui comprend les variétés & les modifications que
les caufes locales ou particulières impriment en
chaque pays, à l’art de manifefter les penfées par
des fons ou par des lignes. a
Il n’ell pas nécefîaire, pour qu’un art puifle elre
appelé art d’ imitation, que fon modèle repofe
d’une manière évidente & fenfible fur la nature
phyfique &. matérielle. Cette forte de ^modela
a’eft accordée qu’aux deux arts qui s’adreffenl aux
yeux par Y imitation des corps & des couleurs. Il
n eft pas nécefîaire encore que tous les arts qui
font du domaine de la poéfie ^trouvent à fe régler
far un modèle auffi facile à faifir, ou à faire concevoir,
qu’eft celui de l’art dramatique, auquel
les caraftères, les pallions & les ridicules de la
foeiété femblent n’offrir que des portraits à copier.
Les autres genres de poéfie, fans avoir des modèles
auffi clairement définis, n’en ont pas moins le privilège
<Yimitation j feulement la nature qu ils
imitent, ou qui eft le point de vue fpécial de ces
arts , a quelque chofe de plus ablirait, de plus
général, & qui exige une vue plus étendue : & ce
feroit voir d’une manière bien bornee le genre
d'imitation qui appartient au poète, q;ue de le
reftreindre à ce qu’on appelle poéfie imitative, &
| à ces.onomatopées, où un choix d, expreffions 8c ds