
genre pourront devoir à la nature, d'es principes
de goût, des règles de compofition, mais qu’un;
genre ne pourra pas, plus que l’autre, fe dire une
imitation pofitive de la nature..
On objeèle que la fy me trie des jardins réguliers
n’eft pas dans la nature,, qui ne préfente ni
lignes droites ni parties exaa.eroent correfpon-
danles, ni allées, compaffées, ni formes géométriques.
Celte objection fe trouve déjà réfutée &
détruite par tout ce qui précède j car puifqu’il eft
évident q.ue le modèle de la nature, en ce genre,
»e peut pas,être un modale pofitif, on ne fauroit
donner pour règle au jardincige^les formes & les
lignes irrégulières & înlymétriques , des. terrains
tels qu’ils exiftent, fans remettre en queftion ee
qui elt décidé, fav.oir, s’il y a un modèle pofitif,.
puifque ces élémens tiennent à ce qui exifte d’un©
manière réelle 8e. pofitive..
Dira-t-on qu’à prendre, l ’idée de modèle & celle
de nature dans le fens, moral, l’efprit de ce modèle
repouffe les lignes droites & les formes fymétriques
? Je demande à mon tour comment on-
peut fou tenir que-la nature repouffe l ’idée de-
Ügne droite.,, idée qu’elle nous a, donnée elle-
même , & L’idée de ïymétrie qui brille dans. une.
multitude de fes ouvrages..
Mais,. dit-on, ni l’une ni L’autre de ces idées,
ne fe trouve dans la nature champêtre.. Je réponds
que c’eft rentrer, dans le cercle vicieux . Nous,
avons, éloigné la notion de nature champêtre,
comme inapplicable , puifqu’elle ne feroit autre
chofe qu’un modèle hors de nature.. On ne fourni
t donc reproduire ici ce modèle comme nous
prefcrivant les lignes finueufes & les formes infy-
métriques.. Si le modèle n’exifte pas en tant que
modèle obligé , les élémens qu’il renferme ne
peuvent pas eti-e les élémens néceffaires de l’imitation...
Si vous dites que les lignes droites & les formes,
fÿm étriqués. font moins agréables, comme pouvant
engendrer la monotonie & l’uniformité,
vous dites alors quelque chofe d’intelligible, &,
qui:peut être admis , parce que celte observation
réfui te de la nature des aliénions de notre ame, &
voilà peut-être la feule nature dont il. doive être
ici queftion..
Dès qu’un jardin n-’eft autre chofe qu’un efpace
de terra in. difpofé & planté pour l’agrément de.,
là promenade & leplaiâr des yeux , i l n’y a; pas
d’au tr.es principes: à confulter , que ceux qui.nous
indiquent ce qui eft. le plus, convenable au but
qu’on fé propofô, & ce qui peut produire ou non
en nous l’impreffion, du. plaifir..
Ain G-, pour un jardin, deftiné fpécialement à la I
promenade & à la réunion de- beaucoup de per-,
îonnes, comme cela a lieu dans les grandes villes^
La nature-, c’eft-à-dire, le fentiment des convenances,
vous.prelent de grandes allées droites,,
des parterres îpacieux, des terraffes, des badins ,
des jets, d’eau., des emb:elliiïé.mens dus à la feulptuve,.
dès endroits alternativement ombragés &
découverts. La nature des chofes demande du
luxe dans les jardins des princes, &. la magnificence
de leurs palais preferit auffi de mettre
d’accord avec l ’archite&ure les difpofitions des
plantations, qui femblent y être une fuite nécef-
laire des ordonnances archrteâurales. La nature
des chofesdans le plus grand nombre des jardins
particuliers, veut de la fymétrie. Les fleurs les,
arbres fruitiers , les plantes potagères, demandent
de- l ’alignement , &. ce que de femblables jardins
comportent de plantations deftinëes à l’agrément
fe trouve prefqu’obligé’ à fuivrele même fyftènie
de fymétrie.
Si l’on troave que les jardins difpofés dé celte-
manière, s’éloignent du genre de la nature qu’on,
appelle champêtre y &c contrait eut avec les afpeds
de la campagne, nous dirons que ce conlrafte
eft lui-même un plaifir. Si l’on objefte que ces,
difpohtious. font uniformes & offrent moins de
variété, nous répondrons que le fyftènie des jardins
réguliers offre une multitude de reffourcès contre
l’uniformité j que les combinai fons qui peuvent y
produire la variété,, fur tout dans de grands espaces.,.
font innombrables, & que fi leur afped
caufe de l’ennui, cet ennui provient de la faute,-
non, du genre, mais, de l’éftpèce. Si l’on avance
que la vue & la jouiffance des jardins réguliers
fatigue promptement, & qu’on en. fort volontiers
pour retrouver dans la campagne l’afpett irrégulier
des champs, je répondrai, que ce fentiment
qui tient à l’amour du changement chez l’homme,
reçoit du conlrafte dont on a. parlé , un plaifir que-
le fyftème du.jardinage irrégulier ne fauroit lui
procurer, puifque, félon ce fyftème , on doit toujours
fe croire en pleine campagne , & que le
mérite de ce genre de jai'din , eft. d’éînpêcher de-
croire qu’on foit dans un jardin.
Tout ce qu’on vient de dire-, tend-il à prouver-
que le genre des jardins irréguliers eft vicieux &.
doit être rejeté? Nous ne prétendons pas tirer
cette coaCéquence^.
Si l ’on fuppofe un pays où le-plus grand nombre
des hommes riches & puiffans paffent dans leurs
terres ou dans leur campagne , la plus grande-
partie de l’année, & s’y livrent aux ipéculaiions
de L’amélioration.de la culture & des revenus de
leurs champs, il fora fort naturel que l’on recherche
un genre de jardinage qui permette de
mettre eu. valeur, tous les terrains-, & qui, dans,
de vaftes emplacemens,. établiffo une liaifon toute-
fimplô entre ce qui.eft l ’agrément, &; ce qui. conflit
ue l ’utile, qui. donne l ’iliufion d’une vie champêtre
,. & falï’e croire qu’on, vit a.u milieu desx
champs, en déguifont fous l’apparence de formes,
libres., irrégulières & fans art Fart même cl’at-
fortir les- terrains, les. plantations les malles,
d’arbres, les vides & les'pleins., aux configurations,
du pays environnant & aux points de vue
qu’ils offrent.. On fait que: c’eft.ainfi quefe gia^-
fique-le jardinage; ■ appelé • iirégùlier, & 1W fait
Tiilli que ce genre ne produit vraiment cet elfe t
‘ e lôrfqu’on le pratique en très-grand. Qui
pourroit trouver de l’inconvénient à ce goût ?
Mais que de l’agrément que cette pratique peut
p ré (enter dans de vaftes terrains fans limites, on
-tire la confëqueuce que ce goût qu’on appelle
naturel & feul enfant de la nature ( quoiqu’on
ail yu flue la nature n’a jamais produit de modèles
de ja rdins ), doive s’appliquer à tous les
iar<fins, de quëlqu’efpèce , de quelque diroeufion
qu’ils foientvoilà ce qui ne peut fupporler l’examen
dans une théorie Tërieufe.
Nous dirons plus. C’eft que ce qui rend ce
.genre admiffible aux yeux de la rai fon & même
du goût., avec les conditions prefcriles d’un
vaiie emplacement, d’une difpofition de terrain
propice , & des accompaguemens du pays environnant,
eft préçifément ce qui le rend inadmii- ;
Cble, .avec des conditions différentes ou contraires
j car on. connoît le ridicule de toutes ces
fingeries faites en petit, d’un genre qui ne peut
avoir lieu qu’en grand. Or, fi. tout cela eft reconnu
de tout le monde’, il en ré fui te que le genre irrégulier
ne repofe fur aucun principe donné par la
pâture •, car fi le jardinage étoit une imitation, &
! que cette imitation eut un modèle pofitif dans la
nature., ou feulement un ! modèle exelufif dans
lesraifons d.e la nature, cette imitation devroit
être approuvée par tout &. convenir à toits.
Mais il refte une dernière queftion à faire : le
jardinage, dé quelque manière qu’il foit conli-
déré, èlt-il un art & eft-il un art d’imitation ?
Le jardinage y fans doute, eft un art, en prenant
le mot art dans fort fens le plus général, p mil que
.ce qu’on appelle art y en théorie, eft un recueil
dé règles ou d’obfervalions, pour bien faire ce
qui peut être fait bien ou mal. Si Fon donne ce
nom, fi on èn applique l’idée à prefque tous les
travaux des hommes, il n’y a aucun lieu de coutelier
qu’il ^entre beaucoup d’art dans les difpo-
en a une. qui appartient à prefque tous les travaux
fitions des deux fortes dé jardins, qu’il y faut
de l’imagination , du goût, de l’intelligence j
qu’il faut , pour y réulïir, avoir acquis un grand
nombre de connoiffances propres à guider l’ar-
tifte dans fon travail.
Quel eft le degré de difficulté que comporte cet
art, & quelle eft la mefin?e d’eftime qu’on lui
doit? Ce feroit un objet de difeuffion très-oifeufe ,
& tout-à-fait étrange, à notrè objet.
Mais une queftion plus férieufe, eft celle de .
favoir s’il y a , dans çet art, une partie d’imitation
qui puiffe le mettre ou fur le rang ou à la fuite
des beaux arts , qù’on appelle fpécialement arts
limitation ( fous-entendu de la nature).
Qu’il y ait imitation dans le jardinage _, on ne
fauroit le nier , lorfqu’on prend le mot imitation
dans çette acception générale, que le langage ordi-
üaire admet. Mais nous avons déjà eu l’occafion
d obferyer que l ’imitation eft de deux genres. Il y
de l’homme y car l’homme, dans tous fes
ouvrages, ne fait prefque rien qui ne foit l imitation
d’ulie-autre chofe. Seulement on doit dire que
lorfque l’objet eft de nature à être reproduit fans
l’aide du génie , l ’ouvrage qui le reproduit, s appelle
copie. Lorfque le moyen qui fert a reproduire
eft mécanique, comme, le font ceux des .
moiilès ,* desv me 1 ures , des patrons -, 1 ouvrage
n’eft qu’une-répétition j & de ce genre font tous
les ouvrâgès des arts mécaniques.
Pour qu’il y ait, dans un art, imitation (moralement
entendue), il faut que cet art produife la
rejfemhlance â’une chofe, mais dans une autre
chofe qui en devient l1image. De ce le ni point in-
; conleftable, en ra-ifonnemeut comme en fait, ré—
Tulle la néceffité d’une diverfité apparente & fen-
fible, entre la ch-ôfë imitée ou le modelé , & la
chofe qui imite ou l’image,
i Les arts mécaniques , dans lès nombreux ou—
; vrages qui fe reproduisent l’ous leur afjion , n i - I mitent point un modèle, ils lé répètent avec les
1 mêmes élémens : ils ne donnent .point limage
d’une cliofe, ils en -redonnent la réalité avec une
fimilitude obligée. Ainfi deux vafes fôrtis de la
roue du potier, ne font pas deux vafes, mais deux
fois le même vafe : l’an n’eft pas l’imitation de
l’autre, il n’en eft que la répétition.
Chacun fait que les reffémblances de ce genre
réfultat d’un principe mécanique, n’arrivent pas
à exciter en nous l’impreflîon du plaifir, que
nous recevons des relfemblanoes données par
l’imitation, dans les beaux-arts. D’où vient cette
différence ? c’eft que le plaifir de la reffemblance
n’eft autre chofe, que celui de la comparai Ion qui
s’établit dant notre efprit, entre Limitation & fon
modèle. Les répétitions dues aux arts mécaniques,
manquant du principe imitatif (moralement en-
tendu) , ne produifent pas néceffairement en nous
l’aâion de comparer. Il eft de l’eflence de ces répétitions
, qu’on ne puiffe pas y diftinguer le modèle
de fa copie. Ce cara£tère eft celui qui convient
à ce que nous appelons identité. O r , l'idée
ou la qualité d’identité y font le contraire de
l’idée ou de la qualité A’imitation.
Si les reffémblances par identité ne nous affectent
pas du plaifir que procure la reffemblance
par image y p’eft que notre efprit, qui veut juger
en voyant, comparer pour juger , & jouir de fon
jugement, non-feulement n’a rien à juger dans
l’imitation identique, mais n’eft pas même averti
qu’il v ait quelque chofe à comparer, puifque de
fait u n’y a ni modèle , ni image.
La reifemblance par image, celle qui procède
de l’imitation, procure au contraire, à 1 efprit,
les deux points féparcs dont il a' befoin pour exercer
la faculté de bomparer. L’image étant dif-
tinète du modèle, cette diftinblion fenfible avertit
néceffairement l’oeil & l’efprit, du parallèle a faire,
des rapports fur lesquels ce parallèle doit s’exer-
• • F f f f a