
déterminé par aucun motif puïfé dans la nature ,
ne fit à cette architecture un befoin de fe rendre
compte de fes inventions , de les fubordonner à un
fyftème où l’utile & l’agréable , refültats tour-à-
tour l’un de l’autre , fe prête roiënt un fecours réciÎ
»roque. Les fouterrains n’offrirent que des parties
iffes, & i’inftinél feul de l’ornenïent s’exerça à en
corriger la monotonie. Mais comme jamais la raifon,
qui, en architeélure, n’eft autre chose que la néceffité,
nepréfidât à ces inventions, elles font reliées
fous l’empire de l’arbitraire. A quelques exceptions
près, telles que certaines'colonnes dont on a parlé,
Sc dont les motifs font puifes dans l’imitation: de
quelques productions naturelles , tout ce qu’on
peut appeler l’ornement dans Y architecture égyptienne^
fie connut&ne put connoître ni règles ni principes.
A b fend de proportions.
C ’ell toujours à la même caufe qu’on doit attribuer
l’abfence. de. proposions dans cette architecture.
Pins on Obfërve PafchiteCture grecque
c.omparée à çoutçs les autres, plus on fe perfupde
'-qu'ellefeule fût douée, par la nature de fon origine,
de cètte propriété particulière .qui l'affimflât au;x
arts d’imitation. Elle feulé fut capable dè recevoir
des proportions.
Ce qu’on entend par proportions eft un enfemble !
de rapports néceflaires* établis entre les diverfes
parties d’un corps. La nature en a fixé de tels dans
chaque éfpèce d’êtres organisés. CHacunë’ de leurs
parties -t chacun de leurs membres cbrrefpond iconf-j
tamment, fauf des variétés individuelles, à chaque
autre partie, à chaque autre membre, de forte qu’à
quelques fractions près, quand on connoît une partie
d’un corps proportionné, oh connoît le corps entier
& chacune de fes parties. La nature l’a fait ainfi,
parce qu’elle a mis toutes lesparties des corps dans :
une dépendance mutuelle, & les a liés par la né- I
ceffité de s’entr*aider. C ’eft-là ce qui cohftitue les
rapports fixes.
Dans les ouvrages de l’homme , cette néceffité
de corrélation ne fauroit toujours exifter. Il en eft
beaucoup où elle feroit inutile, & à vrai dire;
cette tranfpofition des proportions naturelles , ri6ti
d’une organifation proportionnel le , aux oeuvres de
l ’architeélure , eft une fiCtion tellement déliée, tellement
hors du cercle ordinaire des idées, qu’elle né
dut prendre naiffancé que chez le peuple le plus
exercé dans la fcience des proportions naturélles.
On conçoit que la grande habitude contra&ée pâr
les artiftes grecs de voir & d’imiter lé corps humain
avec toute l’indépendance que le génie peut
mettre dans cette étude, leur fit un befoin de
porter dans les ouvrages, même étrangers à cette
imitation , le fentiment de régularité, d’ordre , de
rapports, d’harmonie, dont ils avoient fu découvrir
les grandes leçôns dans le livre le plus éloquent de ;
la nature. I
On conçoit dès-lors auffi comment le contraire
dut arriver en Egypte. L'imitation des corni
n’ayant jamais pu, Toit dans la peinture , foit <iaL
la' fculpture, fortir de cet état d’enfance 8t <Jg
rôutine, qui ne permet pas même d’y foupçonnet
la volonté ou l’intention d’imiter; nulle connoifiance'
nulle étude du corps, de fes parties, de fon orga.*
nidation , des membres, des mufçles , de leur con*
formation , de leurs rapports , n’ayant préfidé J
cette infignifiante imitation, le fentiment des pro.
portions dut toujours être étranger aux artiftes &
aux arts de l’Egypte. On ne voit pas comment ce
befoin de foire d'un édifice un corps proportionné
fe forôït foit fentir à des hommes qui ; fomiliarifés
aux ébauches confacrées par l’habitude & la religion
, ne fe trouvoient pas bleffés de la difformité
de leurs ftatues, du manque abfolu de vérité, de
proportipns & de rapports , qui choque dans toutes
leurs figures les yeux exercés & accoutumés à
Limitation naturelle.
Mais il faut dire auffi que cette application d'uii
; fyftème de proportions, à l’architeélurë, fut due
en grande partie chez lés Grecs , à la nature même
des formes originaires de leurs conftruétions. La
I forme de leur càbanë où-la coriftrùâiori éri bois,
qùifervit de type'à leur àrchiteéturè, étoit déjà un
compofé de rapports & de’rapporté néceflai res. Déjà
comme nous l’avons dit ( voye% dorique ) .avant
d’ètre métamorphofé en pierre, l’art de bâtir avoit
connu des lois., des principes de proportions. Il y
ëxiftoit'dës combinaifons :de force4& de réfiftance,
de pleins & de vides. Il s’y trouvoit des Vivifions
naturelles ; il y régnoit des fubdivifions commandées
par la nature & le befoin mêpie de la cônftru&ion.1
Cette architeétürè, traduite en pierre, n’ayoit plus
à recevoir que de la grandeur dans fes mafies, de
la fixité dans fes rapports, de la variété dans fes
modes. Tout y étoit difpofé pour recevoir cette
application intelleétuellede formes, de proportions
& de décoration q u i, empruntée- des principes &
dù goût-des autres arts, devoit l’élever à leur
niveau.
Mais en Egypte, une telle métaphore ne pou-
voit ni réfulter de l ’analogié avec lés arts-imitateurs,’
ni reflbrtir des données'originaires ou des types
primitifs de l’art de bâtir. Les fuperficies plâttes&
liffes des fouterrains, où cet art trouva fes modèles,
n’offroieftt necéfïàirement ni divifiôfis, ni fubdivi-
fions, ni rapports. Point de combinaifon de formes,
point de corréfpondàrice entre lés parties', p’oint
de membres, donc nulle relation néceffài ré enfle
eux. S'il ÿ a des divifions dans les entablemens
grecs, on fait quel principe' ou quelle caufe leur
donna l ’être. S’il fe trouve quelque chofe de fem*
blable dans un couronnement égyptien ; on fait
que rien né 'lé motive , & que c’eft le fruit du
câprîee.- L’établîffement de proportions ou de rap'
ports néceffaires ou déterminés- eut été dams \’arJ
chiteClure égyptienne le réfufiat bénévole d une
fiâion gratuite ^ cloht rien n’eüt pu rendre raifon.
O r , ce n’eft pas ainfi que les hommes procédé
■ , leuts inventions. Ou fi cela arrive , il ne |
Jdoas des hommes de donner de U perpétuité
"elfes inventions. Tout ce qui n'a pas une bafe
? d I. befoin ou une analogie néceffaire , eft fu-
d?”f nériffable & variable à l ’infini. Une raifon ,
l 6'tlf’ ftif néceffaire & fenfible peuvent feuls fixer,
I îüf durables & permanentes les conceptions de
Ë3j} c . \ de telles caufes que l’archtteaure
.recque a dû la confervation de fon fyftème à tra-
Ë “ eûtes les ( lu ta tion s de goût des peuples qui
l’ont adoptée. Chez les nations ou l’arch,teaUre ne
' trouver de folide fondement a fes inventions,
L vain chercheroit-on, les règles qui en déterminent
le goût ou les proportions. Varchiujtun égyptienne
ne trouva, dans fes premiers modèles d. aune
manière d’être que celle qui confit ne » d a |
& la fimplicité de formes. C eft en cela quelle eft I admirable, parce que c’ eft en cela qu on la trouve I fondée en raifon. Cette folidite ne pouvoir naître
I & fe développer que fur le principe naturel que
I nous avons vu avoir été fon principe originaire.
I Inutilement d’autres peuples ont tenté de poufter
la folidité au même point. La nature des choies ne I leur permit pas d’y atteindre. Inutilement auffi
I l’Egypte chercha l’embelliffement & la variété dans
I fes édifices. Ils n’ont jamais été & ne feront jamais I aux yeux de l’homme de goût que des carrures
■ fculptées. •
Abus de la folidité,
Varchitecture égyptienne nous préfente le maximum
B de l’idée de force & de folidité qu’on peut fe figurer I dans l’art de bâtir. L’imagination & la réalité ne
■ lomklonf- nos nfinvnif j femblent pas pouvoir aalllleerr aauu--ddeellàà*. LLoorrsfqquu’ uunnee
telle qualité fe trouve portée à ce point d exage-
[ ration, elle force les fens & l ’entendement à l’ad-
! miration. C’eft un tribut involontaire qu’il faut payer
! à l’Egypte. Mais lorfqu’on eft revenu de ce premier
fentiment, & qu’on veut s’én rendre compte , on
éprouve qu’il perd bientôt de fa force. Ce mérité
fe trouve de beaucoup atténué aux yeux de la faine
Critique & aux yeux du goût.
de la folidité, ceffe d’en être un fous le rapport de
l’art, parce q ue , ainfi qu’on l’a d it, ce genre de
conftruire eft autant le réfultat du fentiment de la
force que celui de l’impuiffance de foire autrement.
Les mêmes hommes n’auroient ni fu ni pu conftruire
avec des moyens plus complexes.
11 y a, en effet, dans l’art de conftruire, un ^mé-
Nul doute qu’à mérite égal du côté de l’art &
de la grandeur on ne préfère l’édifice dans lequel
il fera entré le moindre nombre de matériaux. Mais
comme les moyens naturels, fi vaftes qu on les
fuppofe, font toujours extrêmement bornés , il
réfultedece procédé fimple de bâtir que ladimenfion
des matériaux devient la mefure des efforts & des
conceptions de l’ art. Et cette mefure étant très-
courte & très-bornée , l’art & l’invention s’en
trouvent entravés au point de relier dans un cercle
extrêmement étroit de combinaifons. C’eft encore
là une des raifons de la monotonie de YarchiteClure
égyptienne. Mais elt-ce là furtout ce qui rend cette
folidité & ce coloffal de fa conftru&ion moins
admirable. Car il en eft des produ&ions de ce genre
comme des aâions humaines. La vertu confilte à
faire bien avec choix ; fans la liberté de mal foire ,
il n’y auroit pas de bien moral. Qu eft-ce de meme
qu’un mérite en architeéture, qui fut forcé par
la néceffité, par l’impoffibilité, de faire autrement.
r rite de folidité qui tient plus à l ’ignorance qu'a la
fcience de la conftruétion. Nous avons dit plus d’une
j fois que c’eft dans l’enfonce des fociétés OL des arts,
[ que fe font conftruits les édifices de la plus grande
! folidité, & mis en oeuvre les matériaux de la plus
I grande dimenfion. Les pierres que les Mexicains
: etnployoient dans leurs édifices le difputent en gran-
I deur à celles des Egyptiens. C'eft qu’effectivement
I a cette époque les idées font plus fimples & les
I inoyens plus imparfaits. Ce n’ell pas par choix,
K c’eft par inftinâ, c’eft-à-dire, par néceffité qu’alors
I les hommes employent d’auffi vaftes matériaux. Les
■ combinaifons de l’art de bâtir étant inconnues, on
K voudroit faire un édifice d’un feul bloc. Son mérite
| eft en raifon inverfe de la multiplicité des pierres.
Ce mérité, qui en eft un réel fous le rapportabfoh
De cette néceffité d’employer de vaftes & énormes
matériaux pour produire de grandes chofes fans le
fecours d’une fcience alors inconnue, eft née fans
doute dans les édifices cette répétition des mêmes
formes, cette monotonie d’effet, & cette uniffon de
caractère que le goût ne fauroit endurer. Ce font
toujours d’énormes pilliers, d’énormes portes, d’e-
normes murs , d’énormes plafonds, d’énormes maf-
fifs. Nul mélange d'aucune autre qualité; nulle
nuance ; nul ton moyen ne vient délaffer la vue ou
repofer l’imagination. L’impreffion de puiffance &
de force attachée à l’idée comme à l’afped de la
folidité, ceffe d’être elle-même à force d’ être toujours
la même. %
Le genre de conftru&ion coloffale & a grandes
pierres, devenu le luxe de Y architecture égyptienne ,
les plans & la difpofition des édifices durent beaucoup
plus qu'on ne penfe fe refferrer & fe modifier
fur une telle donnée. Il eft douteux que les intérieurs
des monumens ayent pu arriver à une certaine
grandeur. Il eut été impoffible que des plafonds
plats faits de pierres plattes produifrffent des
couvertures étendues, & comment fe perfuader que
des plafonds en charpente aient pu s affortir aux:
idées d’éternité que les Egyptiens portoient dans
leurs ouvrages* En rapprochant cette cQhye&ure des
deffins & des plans que nous avons, on peut avancer
qu’il y eut dans l’architecture égyptienne le moins
poffible de ce qu’on eft convenu d’appeler art en
ce genre. Les plans des édifices ^’offrent de grandes
difficultés qu’en raifon des matériaux avec lefquels
on doit bâtir, & des convenances fpéciales à chaque
édifices qu’on doit garder. En Egypte , la longueur
la lartreur des oierres étoit devenu le module