
Pierre, qu’il faut apprécier le génie de Bramante.
Sans aucun doute ion plan original, non-feule-
tnent eft le plus beau de tous ceux qui lui fuccè-
dèrent, mais il eft peut-être encore le plus parfait
de tous les plans modernes en ce genre , pour
la pureté, la. régularité & la belle entente. Bramante
ne perdit pas de vu e , dans la difpofition de
fa bafilique, çeile de l’ancienne , bâtie fous Conf-
lanlin. C’eft fûrement ce qui lui fit adopter le plan
d’une croix latine, car tel étoit auili le plan des anciennes
bafiliques de Rome. Ne pouvant employer
les colonnes dans une fi grande malle de conl-
truêlion, & obligé d’y fubftiluer des pieds-droits
avec des arcades , il évita la lourdeur de ce genre
de difpofition, & fut même en'tirer, par le dégagement
qu’il y porta, le caractère d’une grande
élégance. Trois nefs régnent fans interruption dans
toute l’étendue de ce plan ; les nefs collatérales
qui accompagnent avec une parfaite unité celle du
milieu, dévoient procurer à l’oeil du fpeâateur
la facilité de parcourir de tous les points la vafte
étendue de cet intérieur. Ce plan eft précifément,
fous ce rapport, le contraire du plan aêluel, où
trop de malfes dans les bas côtes cachent & dérobent
l’efpace, & font qu’on ne juge de la grandeur
du tout que partie par partie. Le Saint-Pierre
d’aujourd’hui paroît moins grand qu’il n’eft j le
Saint-Pierre de Bramante auroit été encore plus
grand en apparence qu’en réalité. Tel eût été le
mérite de fon enfemble. Quant aux détails du plan,
la critique n’y trouve encore qu’à louer. Les parties
circulaires de la tribune ou hémicycle du fond,
ainfi que des deux hémicycles de la croilée, ornés
de colonnes, euffent produit un fort bel effet.
Toutes les chapelles, dans ce plan, ont une parfaite
correfpondance, toutes les maffes s’y répètent
avec une entière fyméirie. C’eft ce qu’on peut appeler
une penfée une & complète y dans un corps
d’une telle étendue, on ne trouve pas une feule
forme altérée, bia.ife ou bâtarde.
L ’extérieur ne s’éloigne point de cette fagefie.
Le périftyle eût été à trois rangs de colonnes un
peu inégales toutefois dans leur difpofition. La
coupole eûtéléle Panthéon, orné d’un rang de colonnes
à l’extérieur. Bramante l’imitoit jufque
dans les rangs de gradins qui font placés fous la
calotte de celte voûte antique. Si l’on en croit des
médailles contemporaines gravées par Coradofïo ,
& frappées fous Jules II StLéon X,lefquellesrepré-
fentent la bafilique dë Bramante,l ’extérieur du monument
auroit été accompagné par deux campam-
lesj mais on ne fauroit regarder comme une autorité
bien décifive , celle d’une médaille, " car on ne
voit pas trop dans le plan qui nous eft parvenu,
quelle eût été la place de ces campaniles.
La penfée d’élever le Panthéon fur les voûtes du
temple de la paix, eft donc la propriété de Bra-
! riante 2 quoique depuis on en ait fait, honneur à
Michel Ange. Celui-ci eut l'a gloire d’exécuter ce
que l’autre a voit projeté'.
Mais Bramante} en fuppofant qu’il eût affezl
vécu, auroit t-il pu réalifer fon projet, d’après le|
plan & fur les données qui réfultent de fon defiin vl
Tout le monde eft d’accord qu’il n’auroit pu }e
faire, & voilà ce qui affoiblit beaucoup, dans IV
pinion, le mérite de fa compofition. Il eft incoutef.l
table, furie vu feulde fon plan, que les piliers de H
fon dôme étoient de beaucoup trop foibles, & entièrement
infuffifans pour la charge qu’il devoiti
leur faire porter , car le poids de fa coupole eût!
été plus confidérable encore que celui de la co
pôle de Michel Ange, & cependant Michel Auto I
crut devoir donner à les piliers trois fois plus de
paiffeur que Bramante n’en donnoit aux Cens. I
Toutefois le defiin de celui-ci , adopté pari
Jules II, fut mis fur-le-champ à exécution, avec
une hardieffe & une impéluofité dont Bramante\
& Jules II étoienl feuls capables. On abat lit la moitié
delà vieille bafilique le 18 avril i 5o6. La première
pierre fut pofée parle Pape, au pilier du I
dôme qu’on appelle celui de Sainte-Véronique, I
Bientôt on vit s’élever les piliers du dôme, les
quatre grands arcs furent cintrés, & l’hémicycle fl
du fond terminé. Mais bientôt aufli le feul poids!
des voûtes des nefs fit ïléchir leurs fuppoiisj il s’y j
manifefta des lézardes de toute part. L’édifice, dans I
la partie deftinée à fou tenir la coupole, n’a voit ni
la moitié de fon élévation ni le quart de fa charge, |
& déjà il menaçoit ruine. Le trop de précipitation I
dans la bâtiflë avoit aufli nui à la folidilé, caries!
matériaux ontbefoin de temps pour éprouver lue*!
ceffivemenf le taffement auquel ils font fujets.
Bramante étant mort lur çes entrefaites, Ra-1
phaël, Joconde & Julien de San Gallo, enfuilel
Ballhaza'r Peruzzi &. Antoine San Gallo aviièrent|
aux moyens de remédier aux elfets mënaçans<H
cette grande ëonftrudlion. Tous, foit enfemble, J
foit les uns aprèsTés autres, furent d’avis deren*!
forcer prodigieusement les piliers du dôme. Eufan,
Michel Ange s’empara de toute cette enlreprile H
& la termina comme on l’a vu à l’article fous le I
nom de Bu on aroti ' ( voyez cet article), & cefeurl
changement opéré dans la groffeur .des piliers du f
dôme, occafionna le changement de tout le relie r
du plan de Bramante.
Il réfulte de tout c e c i, qu’excepté les quatre I
grands arcs du dôme & l’idée générale du monument
, il ne relie guère à cet architeâe que la I
gloire d’en avoir été le fondateur & le premier I
auteur3 car on ne fauroit au fond l’attribuer a
Bernard Roflellini, quoique la penfée première J
d’une nouvelle bafilique de Saint-Pierre lui appaI> I
tienne. {V'oyéz Rossellini. ) .
Bramante eut toutefois plus d’une occafion, I
dans cette grande entreprile, de faire preuve
d’invention & d’une rare intelligence. Par exemple 1
on lui doit d’avoir, en conftmiiant fes voûtes,ie I
nouvëlé un procédé des Anciens ; procède ijj| I
vant lequel les voûtes bâties & décintrées le trou I
Voient toutes fculplées & ornées de tous leurs coor i
■ partimens. I
L A Z
.rhuiens. Ce procédé confilte en ce que l'on corn-
f ence la voûte par l’opération qui femblerolt de-
| ü dermère dans l’ordre des travaux. On
Lb lit fur le cintre des moules de bois ou font
■ B en creux les fleurons & autres ornemens
t e câiffons; on y coule le lino, fait avec de la .
chaux & de la pouffière de marbre, & par-deflns
nn établit les briques qui doivent former le corps
de la voûte : les ornemens des caillons n ont be7
foin, après le décintremeht, qne dun léger ré-,
^Bramante employa encore; dans la conflruc-
tion des voûles -de Saint-Pierre , l’ingénieule char-
nebte mobile & fufpendue qui pafla depuis pour
avoir été invénll'c par San &ilîo., Ions le nom
duquel Jacob Bollins l’a gravée en l 56x , mais qui
„aroil plutôt avoir été une invention de
Auge, lorfqu’il peignit fa chapelle Sixline. On fait j
que Bruinante y avoit établi un échafaud fui- j
pendu par ’ des cordes, paffiint au travers de
I irons pratiqués dans kl voûte. Michel Ange lui
ayant demandé ironiquement de que le manieie U
boueberoit tous ces trous quand l’écbatnntt 1er»*
enlevé, il en imagina un mobile & fufpendu , lans
aucun fecours de cordes. 11 y a bien de l appa-
I rence que Bramante fut profiter de la leçon.
La rivalité q u i, fur plusd’ un point, régna entre,
ces deux grands artiiles, n’altéra point 1 ellime
qu’ils fë portoient. Michel Ange, quoique changeant
à peu près tout dans Saint-Pierre, prélen-
doit hêtre que le continuateur du projet de Bramante.
Il avoit été des premiers,à eu reconnoitrq
les défauts dë Tconflrua.ion j cependant, en travaillant
à y remédie», i l ne parut jamais s en prévaloir.
O a v o it , au contraire, par une lettre de
lai, qu’il avoit confervé une haute opinion de Ion
pyédéceffeur. « On ne fanroit nier ( dit-il ) que
a Bramante n’ait été auQi habile én architecture
• qu’aucun autre -.depuis les Anciens jnlqu a
» nous, Il pofales fondeméhs de Saint-Pierre (nr
» un plan fimple, net 8t dégagé, clair fc bien
). ifolé de toute part, de manière à ne porter au
» cnn inconvénient au palais. Son invention tnt
» admirée St i) eft reconnu que, quiepnque s é .
» carteta des difpofiliops de Bramante, comme
» l’a fait San Gallo dana fon modèle, s éloignera
» de là vérité. > " . H H H IH I ' '
La com* du Vatican, ( ou la cour des Loges) avqxt
été commencée par Bramante, Si la conception
générale-c-ft de lui. On evoirpit la meme chple de
F exécution, tant elle eft dansfou ftyle, fi Valari
ne nous apprendit que Raphaël, 1 héritier e tous
fes projets,fit en bois un nouveau modèle de. celle
cour, & que par. fuite de ce modèle , les loges
furent., contiruites avec .plus de rlclieüe que ne
leur en avoit donnée leur premier auteur.
On aperçoit, èneorè dans la rue ©iulia, que
Jules II lit ouvrir & aligner par B r a m a n t e , quelques
veftiges d’un grand palais, dont cpt |^.clli
tefle avoit donné les deflihs , & qui devqit etre. le-
Btaion. ÆArchit. Tome U.
L A Z
oheWieu des-bureaux de l’adminiftration. L edi-
lice en refta aux fondations ; mais ce quon voit
de quelques parties du fonbaffement-, annonce
que le monument auroit été un.des plus grands de
Rome, car Jules II ne projetoit pas en petit.
Bramante a prouvé qu’il n’avoit pas toujours
’ befoih degrands projets pour faire du grand. Son
petit temple circulaire dë Sau-î îelro in Mon-
torio eft, pour la dimenfion, un des moindres
morceaux d’arcliiteûu re moderne qu il y art. O elt
à coup fur un des plus parfaits; On diroit le modèle;
ou la copie en dimiuulil, d un temple antique.
Ce joli monument eft litué au milieu du
cloître dé San-l’ ielro ihMontorio ; mais ce cloître ,
félon les plans dë Bramante, dëvoit etre toute
autre cluife que ce qü’il «fl i il devpit avoir une
belle enceinte également circulaire, en portiques
fmitenus fur des colbnnesifolécs . percée de quatre
côtés par des portes , & ornée dé quali'e chapelles,
avec une niché entre chaque cnlrpe de chaque
chapelle : enfemble aufli fimple que varie, La critique
reproche quelques défauts de correction a
rarchilecliire du temple dont il s agit. On you-
droil que la porte ne coupât point les deux pilal-
tres qui l’accompagnent, que îatuque fut moins
élevé Si Laihôi'liliëinent de la calotte moins lourd.
Du relie on loue l’intelligence avec laquelle ont
été pratiqués les deux petits efcaliers, qui eondui-
fent commodément du temple à la chapelle ton-
terraine. . . r
Nous devons mettre au nombre des plus jolis
ouvrages de Bramante, le palais qm appartient
à Raphaël, & dont le defiin s’efl, conferve dans tes
recueils des palais de Rome. Quelques-uns i elt
vrai, en donnent lV c b ltç ûw e » Raphaël^ lui-
même, & il n’eft pas étonnant qu’il y ait du doute
-à .cet égard, tant étoit grande la. conformité (le
leur gouti Ce charmant édifice, bâti en briques fut
détruit, lorfqu’on éleva les colonnades de la place
Bramante donna un grand nombre de deflînS
pour des églifes, pour des palais, tant a Rome que
dans les Etats de l’Egllfe. Mais nous n avons voulu
citer ic i, comme ouvrages de lu i, que ceux qui
exiftent encore, qu ceux dont ou ne lui conteltç pas
l’exécution. H H .. • T
Il mourut à l ’âge de foixante-di.x ans, La cour
I du Pape, Si Ibùs'CeuX qui cultivoient les beaux-
avis affilièrent aux funérailles magnifiques qui lui
furent faites dans l’églife de Sainl-Piçriie, ou il fut
étoit d’une humeur gaie St d’un abord
facile II obligeo\t volonl'i.©1'3 toù3 ceu-x ^V11 P0^""
voient avoir bel'oiu de lës lerviogs, mais furtout
les arliftes de mérite. Ce f» * > i qui fil .venu- a
Rome 8i ihtroduifit Raphaël à la Vatican ,
! si lui enleigna rarchi.tcélure. On eft d aecord que
le fond du tableau appelé X Ecole a .‘M è n e s , f Pt
de l’aruhiteélurc dë^ Bramante, Le peintre s en
! ««* peiS'1“ 11? Portrait d»
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