
Des fondemens Jiir bon fond.
. Indépendamment des rocs & des mânes de carrière
qui n’ont pas été fouillées, on compte parmi
les fondsfolides, le gravier, les terrains pierreux,
le gros fable mêlé de terre, le tuf, 8c les terres
franches & compares qui n’ont pas été remuées.
Lorfqu’on veut fonder folidément, il faut que la
première alîife foit faite en libages, c’eft-à-dire,
en grandes pierres fans paremens, dont les lits
foient dreffés 8c piqués à la groffe pointe. On
pôle cette alîife après avoir bien nivelé 8c battu le
fol fur un lit de mortier, ou après avoir arrofé le
terrain avec un lit de chaux. Cette première alîife
doit être battue à la hie ou demoifellej le furplus
peut être conftruit avec de gros moellons pôles à
bain de mortier 8c battus à mefure : on pratique
des chaînes en libage fous, les points d’appui 8c
les parties les plus pelantes, 8c l’on proportionne
leur épaiffeur à la charge qu’ils ont à foutenir.
Des fondemens fu r des fonds légers.
Lorfqu’on eft obligé d’établir desfondemens fur
des terres légères, poreufes, ou qui ont été remuées,
il faut préalablement les battre jufqu’au
refus du mouton ou autre machine dont de choc
foit proportionné à la charge des conftruclions
qu’on doit établir delfus, 8c lur ce fol bien battu
on conflruira les fondemens de la même manière
que fur les bons fols.
Le moyen de battre le fol eft moins coûteux que
le pilotage, 8c eft Couvent préférable. En effet, le
reflerrement que produit dans le fol ce dernier
moyen, occafionne un frottement confidérable qui
s’oppofe à l’enfoncement des pilots, de manière
qu’ils ne cèdent plus au choc du mouton, quoiqu’ils
n’aient pas atteint le bon fol Ce reflerrement fou-
lève pour ainfi dire l ’épaiffeur de terre dans laquelle
on enfonce les pieux, en buttant contre les
terres voifines; mais ces terres venant à céder â
la longue, la couclie foulevée s’abaiffe fous l’effort
continuel de la charge : de-là des tafî'emens dont
on ne devine pas la caufe. Au contraire , le battage
d’un terrain compreflible 8c de la maçonnerie
des fondemens établis de fins, effeêlue d’avance le
taflement dont ils font fufceptibles, 8c les-met en
état de réfîfter fans crainte de réaction à la charge
qu’ils doivent fupporter.
Desfondemensfur des.terrains mobiles ou marécageux.
Si l’on eft contraint de fonder fur des fables
mobiles 8c pénétrés d’eau qui bouillonne à travers,
il faut commencer par les renfermer 8c les def-
fécher.
On peut, pour cette opération, faire ufage de
pilotis 8c de palplanches , pourvu qu’ils pénètrent
dans la couche de terrain de deflbçs, au point
d’être.en état de réfîfter aux effets de la niobil' !
du fable, 8c de faciliter l’épuilément de l’eau q
en eft pénétré.
Le meilleur moyen d’établir des fondemens f
lides fur cette efpèce de fo l, eft d’étendre 1Wt0ll('
la fuperficie de l’enceinte formée par les pieux0
les palplanches , une forte couche de béton ou cl
macounerie en blocage à bain de mortier, comme
on l ’a ci-devant indiqué. Sur cette couche bien
battue, nivelée 8c arrafée , on pofera à un ou deu*
pieds en retraite, une affilé de forts libages auffi
à bain de mortier 8c battus , pour fervir de baie
aux fondemens des murs ou points d’appui. C’eftla
manière que les anciens Romains ont toujours
luivie pour fonder leurs édifices , lorfquele terrain
ne paroiffoit pas avoir allez de fermeté.
Desfondemens fu r les terrains marécageux.
Le même moyen convient' également pour les.
terres marécageufes 8c pour fonder dans l’eau.
On forme l ’enceinte, d’un double rang de pieux
réunis par des palplanches, 8s remplie de glaifeou
de terre franche. Celte enceinte, qui s’appelle
'batardeau, fe pratique ainfi.
Dans les pieux plantés à très-peu de diftance
l’un de l ’autre ont été'entaillées des rainures ; c’ell
dans ces rainures qu’on fait entrer les palplanches
ou madriers de bois de chêne taillés-en pointe par
le bas. *La largeur intérieure de cette efpèce d’en-
caiffement varie en raifon de fa grandeur & de
la force de l ’eau. On forme aufti les batardeaux,
entre deux files de pilotis éloignés environ .d’un
mètre ou trois pieds les uns des autres ; au-devant
de ces pilotis on applique des èfpèces de moifes
ou traverfes doubles, entre lefquelles on fait entrer
les palplanches, lefquelles fe trouvent maintenues
dans la direction qu’elles doivent fuivre.
Pour que les palplanches joignent mieux, au lien
de faire les joints droits, on les fait angulaires,
de manière que les uns forment des angles'fail-
lans, 8c les autres des angles rentrans. Lorlqu’un
batardeau eft bien fait, il eft impénétrable à l’eau,
de forte qu’on peut vider l’efpace qu’il renferme,
même au milieu d’une rivière , fans craindre que
l’eau filtre au travers. C’eft ainfi qu’on établit furie
fond des fondemens folides, pour les piles de pont
8c les culées, 8c pour tous autres ouvrages à pw*
tiquer dans l’eau ou dans des terrains qui en iont
pénétrés, 8c cela avec autant de facilité que fc
des terrains fecs. (Voyez B a ta rd eau . )
Desfondemens fu r la glaife.
L ’expérience a fait connoitre qu’il étoit dangereux
de fonder 8c de piloter dans la glaife, nia»
qu’on pouvoit établir avec folidité les fondent
d’ un édifice fur une couche gl ai feulé, en y p°*an
un grillage de charpente recouvert de p^a,es?
formes.
On elle pour exemple en ce genre le moyen | 1 lové parle grand Blondel pour fonder la cor- |
j!fne de Roclie'fort. En lailanl fouiller le terrain
Or lequel l'édifice eft élevé , il trouva au-deffous
I , |a ,iremière couche, qui étoit de terre noire
(«couverte de gazon, une malle de glaife de dix à
(douzepieds depaifl'eur, dont le deffns étoit ferme,
linais qui s’ainorli(l'oit enluite peu à peu , en forte
Emele fond n’étoit qu'une vafe à demi liquide : le
! mauvais terrain fous la glaife s’étendoit à une li
Lande profondeur, qu’on ne put pas en trouver la
(fn. Cependant l’édifice étoit trop confidérable pour
(qu’on ofâl fuivre la pratique du pays, qui eft de
(nofer les premières aiïifes immédiatement fur le
iîol l’expérience ayant fait connoilre que les deux
Ipieds de bonne terre affermie & liée par les racines
Ides herbages fuffifoient à la folidité des mai Ions
8 ordinaires. .
K Après plufieurs recherches 8c informations fur
lia manière de fonder fur la glaife, Blondel lé
■ décida à établir les fondemens de fon édifice fur
Eun grillage de charpente formé de pièces de bois
: de dix à onze pouces de gros, affemblées à queue I d’aronde, tant plein que vide. Ce grillage s’élen-
| doit non-feulement dans toute la longueur des
g murs de face, mais encore fous des murs de tra-
iverfe qui ne s’élevoient qu’à la hauteur du fo l, 8c
■ que Blondel avoit crunéceffaire d’établir de quatre
■ toiles en quatre toiles pour lier les fondemens des
■ murs de face.
■ Sur ce grillage enfoncé de fon épaiffeur dans la
■ glaife, on forma un plancher de niveau dans toute
lion étendue, avec des madriers jointifs de trois
I à quatre pouces d’épaifîéur, chevillés fur les piè-
I ces de bois du grillage. C’eft fur ce plancher qu’on
I a établi la première affife de libages pour le fon-
■ dement des murs. Afin de 11e pas occafionneiL de
■ taflement inégal, on eut l’attention de conftruire
■ tous les murs enfemble 8c par affife générale, c’eft-
I à-dire, qu’on ne commença aucune affife nouvelle
■ qu’après que la précédente eut été achevée dans
■ tout fon pourtour. Au moyen de toutes ces pré-
‘ cautions, on parvint à élever cet immenfe édifice
■ ans le moindre, affaiflément 3 8c jufqu’à prélent,
il ne s y en eft encore.manifefté aucun.
[ La manière de fonder fur la tourbe eft la même
que celle qu’on vient de décrire.
I Des Jondemens dans ly eau & dans la mer.
I Belidor, dans la fécondé partie de fon Archi-
■ teêlure hydraulique, s’eft beaucoup étendu fur
I tout ce qui a rapport aux différentes manières de
■ fonder dans l’eau-, 8c furlout dans la mer. On y
■ renverra le leêleur pour tous les détails de ces
■ operations,
K Nous en avons déjà indiqué plufieurs : les prin-
I ClPales ont lieu par pilotis, par grillages de c'har-
i pente & par cailfons. A 1 occahon des piles de
! P0QL Belidor dit qu’à moins qu’on ne rencontre
un banc de rôc d’une épaiffeur fuffifante, 8c partout
d’une égale folidité , il faut indilpenfablement
piloter 8c établir de bons grillages de charpente.
Il .y a cependant beaucoup de circonftarices où
l’on peut s’en diXpenier. Les Anciens ne faifoient
ufage de pilotis que lorfque le fond étoit a biolumen
t mauvais, 8c qu’il n’étoit pas poflible d’atteindre
un fol plus folide. Au lieu de plate-forme .
de charpente, ils préféroient une couche de béton
ou de maçonnerie de blocage, qu’ils étendoient
fur un lit de charbon, pour c: on fer ver les têtes des
pieux enfoncés ou coupés au niveau du terrain.
Cette couche de maçonnerie acquérait toujours
plus de force en vieilliffant, au lieu que les plates-
formes , compofées de bois qui le touchent immédiatement,
Unifient par fe détruire, 8c les remplil-
fages de moellons dans les grillages Unifient auffi
j par être pénétrés de l’eau qui filtre au travers.
Ce moyen de fonder fur grillage 8c pilotis
peut être regardé comme un expédient avantageux
pour les pays aquatiques, tels que la Hollande»
La facilité qu’il préfente l’a fait employer prefque
partout ailleurs, quoiqu’il foit plus coûteux, 8c
fans qu’on examinât fi le fol ne permettoit pas *
d’employer des moyens plus folides 8c plus durables.
En effet, rien n’eftfifimple que de diftri-
buer dé! pilots en quinconce, à trois ou quatre
pieds de diftance , de les recouvrir d’un grillage en
charpente arrêté fur lti tête des pilotis, 8c, après
avoir rempli en moellons les cafés du grillage,
de le recouvrir dans toute fon étendue d’un plancher
de madriers arrêtés furies pièces de bois du
grillage, 8c d’élever là-deffus la conftruêlion en
pierres de taille.
Dans la fuite, pour économifer la dépenfe desbatardeaux,
on a trouvé le môyen de couper les-
pieux fous l’eau à une même hauteur» Au lieu de
plates-formes , on a imaginé de grands caiffons, à
l’imitation de ceux qui ont été employés à la conf-
truâion du pont de "Wéftminfter à Londres. Ce
procédé, modifié*en raifon des cireôiafiances , eft
devenu le procédé uniquè ; toutes les piles des
ponts nouvellement conûruits font fondées de eettei
manière, 8c indiftinêlement fur toute forte de fol»
Nous devons faire ob fer ver cependant que ce
mélange de bois 8c de maçonnerie ne peut jamais»
produire la folidité des conflvuêHons toutes .en.
maçonnerie, qui j comme l’exemple des monumens-
anciens le prouve, parviennent avec le temps a
former des malfes mdeft 1: uchbles. En vain al tri-
bueroit-on cette étonnante fermeté aù mortier des'
anciens Romains. Plufieurs architeâes ayant en
occafion, depuis quarante où cinquante ans, de
faire démolir des maffes de maçonnerie faite*
avec du mortier ordinaire, y ont trouvé la meme-
folidité.
Lorfqu’on eft obligé de piloter & d’établir c?e»
grillages de charpente, il vaut encore mieux fup-
primer le plancher de madriers 8c le remplaces
par une couche de béton ,, pour lier la maçonnerie: