
ces monumens * mais rien n’indique que le goût j
de l’archite&e • les ait dictées, rien ne montre
qu’elles aient eu pour objet ou pour but de plaire
aux yeux.
On eft toujours tenté de croire que l’habitude
de fculpter les maffes de pierre ifolées, telles que
le terrain les offroit à l'artifte, auroit accoutumé
les yeux à cette efpèce d’irrégularité de malles &
de bâtimens incohérens, dont fe compofe l’enfem-
ble des pagodes conftruites.
Avant de prononcér maintenant fur ce que peut
être, dans V orchite âture indienne} l’ordonnance .
confidérée comme emploi de ce qu’on appelle les
ordres de colonnes appliquées aux édifices , il faut
examiner fi cette architecture a eu , je ne dis pas
des ordres, mais même des colonnes proprement
dites.
Ces deux chofes font diftiuCles. Par exemple,
l ’Egypte a employé avec un luxe prodigieux, des
colonnes diverfement fculptées & ornées de chapiteaux
fort diftérens. L’emploi irrégulier que les
architeCles égyptiens firent de chapiteaux diflèm-
Llables, dans la même ordonnance , prouveroit
Peul, quand bien d’autres faifons ne le ferment,
pas croire, que l’idée d’ordre, telle que les Grecs
l ’ont conçue, comme un enfemhle confiant, rai-
fonné & invariable de formes , de proportions &
d’ornemens, mis en rapport avec un caraCtère déterminé,
n’entra jamais dans le fyftème de l’archi-
teâure égyptienne. Cependant on trouve en
Egypte un emploi de colonnes, .régulièrement ef-
pacées ; on y trouve la pratique confiante d’une
bafe, d’un fût & d’un chapiteau , dont les rapports
font prefque partout les mêmes. On peut claffer
les colonnes de l’Egypte, non pas en différens ordres
, mais en différentes efpèces , qui fe font
reconnoître & remarquer dans tous les monumens
, par certains caraCtères, toujours les mêmes:,
de chapiteaux , d’ornemens, de configurations
tirées la plupart de l’imitation de quelques plantes.
Dans l ’Inde, on ne fauroit dire quelle forme ,
quelle proportion, quels ornemens confiituent la
manière d’être générale, des fupports qu’on appelle
colonnes. Si l’on examine ces fupports , dans les
édifices foufeerrains dont nous avons dit que la
hauteur étoit très-peu confidérable , on y voit
quelquefois des piliers hexagones., fans b a fe , fans
chapiteau, fans ornemens ( voyez le temple de
Vizouakarma , à Elora ) , quelquefois des piles
carrées, fin-montées d’une forte de plateau lo n g ,
ou de Jemelle, comme dans'la charpente.'Le
plus grand nombre de ces fupports fe compofe de
trois parties : favoir, un piédeftal carré, qui prend
à lui feul plus de la moitié de la hauteur totale ,
une petite portion de fût, fi on peut lui donner
ce nom , qui femble être plutôt le piédouche d’un
vafe que le corps d’une-colonne, & fur lequel s’enlève
une forte de chapiteau-fort difficile à définir,
qui tantôt reçoit un plateau , tantôt en reçoi t deux.
Toutes ces formes ramaffées ont fans doute été j
infpirées par le befoin de mettre de la variété d
des fupports, qu’on a vu n’avoir guère plus de dh
à quinze pieds. Et voilà ce qui a empêché cpi
ne fe formât de colonne ( proprement dite ^ J, ‘
dans cette architeêltffe.
Maintenant quelques règles, quelques méthodes
s’étoient-elles introduites en cette partie ? On
peut confulter les dellins que M. Daniel nous J
donnés de tous les temples d’Elora, où fe trouve
la colleâion la plus ample de tous ces genres de
fupport, & l’on fè ^convaincra que rien de fem-
blable à ce qu’on peut appeler des règles, n’entra
dans une forte de travail,qui, à vrai dire n’eJ
comportoit pas. Des règles ne fe fondent que lur]
des principes'. Lès principes d’où elles dérivent
font les i;aifons , foit de nécelElé;, Joit de convenance
., cfiir rendent telles ou telles, formes obli-l
gatoires , & impoient au goût la loi* d’en refpeâerl
l ’origine dans les ornemens qu’il y ajoute.
Si quelque chofe peut, dans les. fupports dont!
-on parle , -donner l ’idée de quelque raifou de]
néceffité, dont l’inftincl fe feroit emparé c’eft
comme on l’a dit, le peu d’élévation de çes fou-
terrains creufé's & taillés. L’efprit des arcbiieâesl
ne put y concevoir l ’idée d’une colonne avec fesl
développemens ; les piliers maflifs & courts quel
l’on voulut orner, infpirèrënt plutôt celle de baJ
luftres , & rien de néceffaire n’étant entré dans|
la formation de ce ty pe , les décorateurs, tout eu
reliant a fiez fidèles à cette donnée originaire,!
n’eurent aucune raifon d’en rendre les détails oui
les acceffoires invariables. Àuffi, la plus gvandel
irrégularité règne-t-elle dans les ornemens de ces !
piliers. Tantôt les grands piédeftaux font Mes,
tantôt ils font cannelés , tantôt les efpèces de I
fûts , qui font plutôt des görgerins ;de colonnes, I
que. dès colonnes, font en ligne droite ; tantôtilsfe|
courbent enLcongés ; tantôt deux fortes de clia-l
piteaux s’élèvent l’un au-deffus de l’autre ; tan-1
tôt les plateaux qui les furmonlènt font alongés,I
& tantôt ils font raccourcis ; tantôt les piédefiaux 1
ont des focles, tantôt ils pofent à cru furie te»I
rain y tantôt les chapiteaux font une efpèce de
-globe aplati; tantôt leur forme eft quadrangu-l
faire. Enfin , telle ë ft la bizarrerie de tous les
membres de cette, architeôlure ,. q u ’e lle échappe
à la defcriplion : çar comment décrire , ce qui ne
fut que le réfullàt fortuit d’un g o û t irrégulier J
c’efià-dire , libre de toute règle? Mais ce qui
ne fauroit échapper à l’obfervation même la pb>s
fupeïficielie, c ’eft que ces monumens n’ont véritablement
point de colonnes , & ont encore moins
ce qu’on eft convenu d’appeler ordre en arcur»
-te&ure.
Les édifie es Jurtërràins conftruits, font ceux
où il faut fans doute 'chercher de préférence ce
que l’on appelle ordonnance , e’eft-àrdire , l aP'
plication des ordres ou des colonnes à la compo-
fition & à la décoration des mafl’es. Il faut avouer,
! à l’égard des premiers, c ’eft-à-dire, de ces éup
L . fcalptés à même le rocher, qu’on y trouve
ij colonnes a(j0[fée5, & un emploi allez fréquent
„em-e d-’ornement. Mais rien n’y régla leurs
I .Cures S leurs proportions , dans dés rapports
(tans avec, des malles foumifes elles-memes
• x plus 'bizarres & aux plus fortuites comhinai-
ï11y Quelquefois on voit des efpèces de pilaflres
ÏÏh'ihucs fymétriquement & dans des proportions
ni fe rapprochent des ufages de l’architeflure
Igrecque ; quelquefois ils le raceourcifl’ent dans
fa forme de nos'.pilaftres d atlique.
l ’emploi des fupports , en manière de colonnes",
[fut prodigieux à quelques monumens conftruits,
[g l’on en croit les récits du voyageur qui a décrit
|la pagode du Chalembrom. Entre toute.s les parties
[de bâtimens ifolés, qui rempliffent, fans aucune
[fymétrie, l ’efpaçe compris dans la double enceinte
des mûrs qui l’environnent, on diftingue
[deux conftrufîfiôns, dont l’une s’appeffe la J o l i e
aux cent 'colonnes y parce qu’il paroi t que les
[portiques dont elle fe compbfe font foutenus par
[un femblable nombre de piliers. L’autre s’appelle
[les mille c o l o n n e s . Y en à-t-il réellement ce nombre
ou eft-ce une manière de parler ? Il paroit
édifices, ni fymétrie dans les maffes, ni aucun
autre ordre fênfible, & il nous femble que ceft
bien gratuitement qu’on a cherche a mettre cet
enfembler en avec ce^u^ ^®s gra.n(i;3
temples égyptiensjglont toutes les parties étoient
fub ordonné es à un plan régulier & à une fymétrie
parfaite, dans les divers corps de bâtimens qui
en compofoient l’ordonnance générale. -
[toutefois, par la defeription, que cette forêt de
■ colonnes qui, dans l’origine, n’avoit pas de murs
[extérieurs ( ceux qu’on y voit aujourd’hui font
[l’ouvrage des Mufulmans,. qui les conftruifirent .
[pour en faire un magafin de v ivres), étoit dif- .
[pofée en quinconce , de façon , a offrir de toutes ;
[parts au fpê£laleur une allée droite. • Nous ne
! lavons rien de la formé & "de la proportion-de ces
colonnes, fi ce n’éft qu’ elles rapportent , félon
l’ufagé, un plafond de groffes pierres qui vont
d’une colonne à l’autre. Mais en avant de c'e monument,
il exifte une allée de colonnes rangéesTur
deux files, & qui lui fert de ve-ftibule. Or , le
I voyageur nous apprend que ces_colonnes .ornées
[de figures n’ont ni bafe, ni chapiteau. ' |
j Croirons-nous enfuitè qu’il ÿ ait un grand me-
l nie d’ordonnance dans cet emploi immodéré de
[colonnes qui, pour avoir été rangées en qum-
[ concene demandèrent pas plus de talent, que
n’en exige la méthode d’aligner les arbres , dans
tous les genres de plantations fymétriques ? Ce
[n’eft.pas non plus par la dilpofilion de tous les ba-
tiraens-compris* dans la vafte enceinte de la, ■ pagode
de Chalembrom, que nous pouvons juger
[du mérite dont il s’agit dans l ’architecture i n dienne..
Ce que la vue du plan que nous avons fous les
yeux , force d’en dire de moins ■ défavantageux.,
c’eft que tous ces édifices furent placés comme ils
ta font dans ce grand efpace , ou par la puiffan.ee
des in filiations religieufes , qui n’eurent aucun
%ai'd à l’enfemble de l’ordonnance générale ,
0u par l’effet des comliinaifon-s fortuites, qui lue-,
cefiivenient & fans aucun plan arrêté, difpofèrent
du local. En effet, il n’y a ni correfpondance
[dans les entrées, ni-rapport d’afpeél entre les
L’ordonnance , c’efi-à- dire , l’emploi des or-
1 dres ou des colonnes dans les plans des^ édifices,
&. furtout leur application aux maffes d’architecture,
e f t , fi l’on peut dire,: la première parue de la
décoration.
Sous ce point de vue , on doit dire que fa décoration,
dans les;édifices conftruits , tels que les
pagodes à enceintes , & les grandes tours qui en
: fur mon lent les portes', • reçut très-peu de feeours
des Ordonnances de colonnes. .
Les tours des pagodes ,. comme on l’a déjà dit,
ont quelques rapports avec ces édifices compofés
de plufieurs zones , q u i, chez les. Grecs St les Romains,
alloieut toujours diminuant dans une forme
plus ou moins pyramidale. Les Grecs & les Ror-
mais employèrent ces fortes de compofitions dar-
chiteôlure dans les phares , les bûchers , les mau-
folées. conftruits à l’inftar des bûchers. Chaque
zone ou étage de ces monumens , s elevant en retraite
l’une fur l’autre, eft toujours formée d une
ordonnance de colonnes qui en font la principale
! décoration, 8t il ne pavoît pas , d’après.le mot de
! feptizone donné à quelques-unes de ces maffes
pyramidales, que jamais le nombre des étages ait
été de plus de fept. f -
Les monumens pyramidaux des^ pagodes de
l’Inde, n’offrent réellement point lidéë d étage,
quoique dans quelques-uns on voie une petite fenêtre
à chaque zone. Ces zones ou ces-étages ne
font que des bandeaux quelquefois fans retraite ,
comme à Chalembrom ,. quelquefois avec une petite
retraite • de quelques pouces , comme à la
grande pagode de Tanjaour- Mais celle légère îe—
traite eft à peine fenfible à une certaine diftance.
On nè fauroit dire que des colonnes aient jamais
été appliquées à l’ornement de ces bandeaux toujours
inclinés -, &• fuivant la ligne pyramidale j ’le
nombre de ces bandeaux eft quelquefois de quinze
& plus. Ils recevoient tantôt des appliquages de
’ cuivre doré , tantôt des figures d’idoles , tantôt
des efpèces de fauffes fenêtres, tantôt des découpures
auxquelles on ne fauroit donner un nom.
La décoration,- comme on le fait, le compofe,
en architeGure, de grandes parties■ & de petits
détails que l ’on appelle ornemens. ^
Les ordres de colonnes, ainfi qu on l ’a montre,
n’entrèrent prefque point dans le fyftème de la
décoration indienne. Cependant il faut mettre au
nombre de ce qu’on peut appeler de grandes parties
de décoration , l’emploi qui fut fait des re-
préfentations d’ éléphans , comme fupports des
maffes de l’édifice.