
extraordinaires, de même l’art s’étudia dans l’ordre
dorique à prononcer avec une extrême énergie tous
les membres & furtout les points d’appui.
La première règle de la folidité eft que le fort
porte le foible ; de cette règle réfulte élémentaire-
ment la forme pyramidale. Une autre règle de folidité,
c’eft que dans un édifice les pleins l’emportent
fur les vides ; la folidité dans ces deux cas fe trouve
portée à l’excès, & l’exceffive folidité eft pefanteur ;
c’ eft le caraâère de l’architeâure égyptienne.
L ’ordonnance dorique a pris de ces deux axiomes
de folidité ce qu’il en faut pour donner à fes ouvrages
le caraâère de la force, fans tomber dans
l ’inconvénient de la lourdeur ; mais on doit dire
qu’il en eft réfulté encore la confervation de fes
monumens. On ne peut attribuer qu’à cela le privilège
qu’ils ont eu prefque partout de furvivre à la
deftruélion univerfelle. 11 n’eft pas douteux que qui
voudroit travailler pour l’éternité, devroil employer
l ’ordonnance dorique des Grecs, fon genre de conf-
truâion & fes proportions.
Des variations que Vordre dorique a éprouvées en
Grèce.
Les variations de l’ordre dorique chez les Grecs
tiennent, ainfi qu’on vient de le voir , à la nature
même des principes qui lui avoient donné des règles;
car les principes dans les arts ne font que ce que font
dans l’ordre focial les axiomes généraux du droit
naturel & de la morale univerfelle. Les règles font
les lois civiles modifiées par mille circonftances,
félon l’application particulière, variables dans leurs
conféquences, uniformes dans leurs principes.
Les individus dans l’architeâure & dans l’ordre
dorique, tous différens par leurs détails , fe rapprochent
tous par leur fyftème & l ’enfemble de leurs
parties, par l’efprit de leurs combinaifons & le caraâère
de leurs types. Cela eft tel, qu’à la première
v u e , le fpeâateur inexpérimenté prendra le change
fur ces monumens, les confondra, & fi o n ju i en
préfente vingt différens , croira avoir toujours vu
le même ; pas un feul cependant n’eft entièrement
reffemblant à l’autre, ainfi qu’on a pu s’en convaincre.
Outre les variétés dépendantes de la volonté ,
du goût & de la manière de l’artifte ; outre celles
qu’exigent le local, le point de vue, la nature même.
& la dimenfion de l’édifice, l’effet qu’on y chercha ,
& les impreffions qu’on voulut en obtenir , il eft
auffi des variations qui peuvent avoir été indépendantes
de l’artifte , & qui durent tenir alors (comme
jious voyons qu’il arrive encore aujourd’hui) foit
aux viciffitudes qu’éprouve tout ce qui fort de la
main de l’homme, foit à une pente naturelle que cet
ordre, ainfi que tous les ouvrages de l ’a r t, ont eu
jSt ont encore, & qui dut le faire dégénérer & tomber
dans l’oubli de fon caraâère originaire. Ainfi je
distingue des variétés qui appartiennent à l’art, tes
variations » qui appartiennent.au défir de changer &
au cours ordinaire des choses.
L’ordre dorique a éprouvé des variations dans
le caraâère principal de la colonne. On en voit
comme au temple de Diane à Syracufe, oh la dimi-
nution eft prefque de la moitié du diamètre. On en
voit où cette diminution n’tft pas du quart du diamètre
, comme à Athènes.
On obferve que la diminution de la colonne eft
prefque partout en ligne droite , & cependant à la
bafilique de Pæftum , cette diminution a lieu par
une ligne courbe qui produit un renflement.
La courbe de l’échine éprouve trois variations
fenfibles dans les monumens de la Grèce.
i° . Elle eft quelquefois taillée en bizeau , comme
au temple de Thoricion & à celui de Délos. ( Voy,
Leroy, tom. I , p l. 15 & 16.)
2°. Elle fe trouve avoir un quart de rond très-
allongé & îrès-meplat, comme au grand temple de
Pæftum oh il y a une très-grande faillie. (Voyc^ de
la Gardette, pl. 9. )
30. Elle eft quelquefois arrondie & fe rapproche
davantage du tore des modernes, comme au temple
de Théfée à Athènes.
On voit auffi dans l’ouvrage des Ruines it P<tf
tum, par de la Gardette , deux chapiteaux dor'upus
trouvés dans les fouilles du Cirque, dont l’échine
qui a un caraâère particulier , n’a que très-peu
d’épaiffeur , prefqu’aucunarrondiffement, & cependant
beaucoup de faillie.
Il y a des variations dans la manière dont le chapiteau
s’unit à la colonne. Ordinairement c’eft par
de petits liftels dont le nombre varie depuis trois
jufqu’à cinq , comme au temple de Minerve à
Athènes. Souvent il fe rencontre une forte de gor-
gerin formé par l’intervalle qui fe trouve entre ces
liftels ou annelets, &une forte d’aftragale taillées
creux. D ’autres fois, comme au petit temple & a h
bafilique de Pæftum, il s’y trouve une gorge en
manière de fcotie, formant une forte de piedouche
dont le tore du chapiteau à l’àir d’être le vafe. Cette
fcotie eft remplie d’ornemens variés & différens
d’une colonne à l’autre.
Les variations qu’on obferve dans les cannelures,
ont plus de rapport à leur nombre qu’à leur forme
généralement allez confiante. Ainfi il y a vingt cannelures
aux colonnes du temple de Minerve & des
autres monumens d’Athènes. Au grand temple de
Pæftum l’ordre extérieur a vingt-quatre cannelures,
& des deux ordres intérieurs, celui d’en bas en a
vingt & celui d’en haut feize feulement.
Le tailloir eft toujours lilfe &fans profil, ayant
ordinairement plus d’épaiffeur que l ’échine, w
feule variation qu’on trouve à cet égard, s’°k'®rV,.e
au temple dorique de Prienne , rapporté par Meilleurs
Chandler & Revet dans les Antiquités d Ionlt»
oh le tailloir de la feule colonne qu’ils o n t découverte,
a un petit membre jupérieur en manière de
bande. a
La difpofition des triglyphes & des métopes e
■ forme clans les monumens de la G rèce, c’eft-à-
M T S P P triglyphe tombe à l’aplomb du
ilieu de chaque colonne & du milieu de chaque
i B i » , excepté le trmlyphe de chaque
>ctrétnité qui 1« " 0 “™ tapporté a 1 angle deil en-
! tablentent ( voy. frife dorique, d or iqu e frise ). Ce-
cendant au petit temple de Pæftum , il fe trouve un
demi-metope à l’angle, félon l’ufage moderne, & ce
jeI„phe tombe à l’aplomb de l’axe de la colonne
de l’angle; c’eft le feul exemple qu’on connoiffe de
celle dilpofition. Il y a encore à Pæftum un édifice
erà’on appelle la bafilique dont la frife eft lifte, fans
fe moindre détail de triglyphes & de metopes, &
Idans laquelle on n’aperçoit aucun veftige d’inerufornemens.
, > % . . • _ .
Quant au caraâère eminetnment caraâénitique
du dorique, favoir l’abfence de bafe, la feule variation
qui exifte à cet égard, fe remarque au petit
temple de Pæftum fous le pronaos duquel étoient de
petites colonnes' dont il ne refte plus que les bafes.
Cette bafe eft compofée d’un focle circulaire de
très-peu de faillie, lur lequel pofe un tore de même
diamètre, couronné d’un filet. Un congé réunit ce
filet au fûft de la colonne. A l’égard des focles que
quelques voyageurs connus rapportent avoir vus à
des monumens doriques , tels que ceux que M.
; Houel a décrits & deffînés au temple de Segefte,
c’efl une erreur dont je me fuis aperçu moi-même à
la première vue de cette ruine , & d’autres qui l’ont
[Vue après moi , en ont jugé de même. Cette apparence
eft due au déchauffement du foubaffement &
! à la dégradation des marches dont il fe compofoit.
; Les pierres de l’entrecolonnement dans les degrés ,
Ont été enlevées, & les colonnes font reftées fur des
[dés de pierre ifolés. D’ailleurs la colonne pofe à cru
| fur ce dé, & n’y eft unie par aucune doucine, ni par
[ aucun tore ou congé. Pareille équivoque a eu lieu à
[ l’égard de quelqu’autre ruine du même genre.
[ Les variations de caraâère & de ftyle qui appar-
[fiennent aux nuances de l’art , font affez\remar-
Iquables en Grèce. H y a une différence fenfible
I entre le dorique du temple de Minerve à Athènes
| & celui des propylées, & celui de Corinthe ou de
Syracufe, c’eft-à-dire fans qu’il fè trouve aucune
I altération dans les formes, les types & les carac-
I ter es de force & de grandiofité propres à cet ordre ,
|<>n y découvre une latitude de liberté laiflèe à l ’ar-
|tifted’être plus ou moins fort, plus ou moins gran-
■ diofe. Le caraâère de la force n’eft pas tellement un ,
■ tellement abfolu qu’on ne puiffe y réunir d’autres
caraâères. Il y à dans le dorique des Grecs jufqu’à
»de 1 élégance, & il s’y trouve jufqu'à de la richeffe.
du Parthenou eft ornée de bas-reliefs. On
| obierve des détails d’ornemens dans les gorgerins des
»chapiteaux de Pæftum. Il y a de l’élégance dans le
des colonnes d’Athènes.
> oi quelqu’un de ces monumens nous étoit par-
jeHu cotnpiet avec toutes fes parties, tous fes détails
jdagrément, ayec tes frontons ornés de bas-reliefs,
avec fes acceffoires, nous ferions fort éloignés fans
doute de condamner le dorique court & fans bafe à
n’être que l’expreffion de la folidité , & la repréfen-
tation groffière des maffives ébauches des conftruc-
tions primitives. Il nous en eft toutefois refté affez
d’exemples pour pouvoir affirmer que cet ordre,
fous la main d’un homme de g o û t, peut recevoir,
fans fortir de fon caraâère , toutes les variétés que
la différence des monumens auxquels on l’applique
peut comporter. 11 eft particulièrement fufceptible
de cette magnificence attachée dans tous les ouvrages
de la nature &. de l’art, aux formes énergiques & à
l’idée de puiffance.
Des modifications de l'ordre dorique che{ les Romains,
Si jamais on parvenoit à lever le voile d’équivoque
& d’obfcurité qui enveloppe les rapports qui doivent
avoir exifté entre les Grecs & les Etrufques, il eft
probable qu’on trouveroit entre eux des points de
fimiiitude & d’analogie affez frappans. Arts , my-
thoiogie, inflitutions ,cérémonies, caraâères écrits,
formes d’édifices , tout paraît avoir eu jufqu'à une
certaine époque & jufqu’à un certain degré beaucoup
de caraâères de conformité. Mais comment faire aujourd’hui
de tels rapprochemens entre ces deux
peuples dont l ’ un paroît avoir fini d’exifter lorfque
l’autre femble naître pour nous. L’époque de la naff-
fance des Grecs pour les arts & pour l’hiftoire eft
une époque bien poftérieure à celle de leur véritable
naiffance. Les Grecs étoient déjà bien anciens iorf-
qu’îls commencèrent àparoître fur le théâtre del’hif-
toire. Tous les antécédens de cette époque ne font
que des nuages oh la critique fe perd, & dont aucun
flambeau ne peut diffiper la nuit. I l n’y a furtout à
l’égard des Etrufques que conjectures & doutes. A u cun
monument de leur hiftoire ne nous eft parvenu ;
les monumens de leurs arts n’ont & ne portent au cune
date. Déjà les Romains avoient perdu le fil qui
pou voit conduire dans cette route, & Varron appe-
foit fables ètrufques les recueils oh il prenoit quelques
renfeignemens fur le tombeau détruit de Porfenna-
Comme il eft impoffible, en parlant des Etrufques ,
de fixer des époques, on ne peut affigner aucune
date aux rapports préfumés entre eux & les Grecs.
Il ne refte plus rien de leur architeâure que le fou-
venir d’un ordre employé par les Romains, décrit
par Vitruve, & qui annonce la plus grande fimiiitude
avec le dorique. Mais comment peut-on s’en rapporter
à Vitruve fur ce point, & comment croire que
cet ordre n’aura pas été, modifié par les Romains y
comme le fut le dorique. L’ordre tofean de Vitruvé
ne différoit-il pas de celui de Porfenna, autant que
le dorique de Vitruve diffère de celui de Corinthe où
de Syracufe ; voilà ce qu’il eft permis de croire.
Toutefois on peut auffi fonder fur l’analogie que
1 ces deux modes confervoient entre eux du temps
des Romains, l ’opinion qu’ils eurent une origine
commune; mais comme l’un & l ’autre ont le fyftème
imitatif de h cpnft? qâiçn ep bois pour bafe, on peut