
• Rome par le célèbre Vignole, & qui eft une
des plus beues- de l’ Italie. Derrand ne fe propofa
Tien autre choie que de donner. Tes propres conceptions
, Si les -jé fuites les adoptèrent, foit que
la grande réputation en r..‘.thématiques leur en
irapofat; foit qu’ils fe connu lient peu en architecture
, ce qui jSaroît ..allez yraifemfelable • foit
enfin,, que par une confidération ordinaire dans 3es corps, le père Derrand d û t, à raifbn de fon
titre, l ’emporter fur la frère Muriel-Ange. ( Voye£
ce rom. ) '
La première pie-rre de la nouvelle églife fut
pefée le 7 mars 1627 , & l ’ édifice fut achevé
en 1041. Il eft confîruit en forme de croix latine
, a un dôme au centre & fe termine en hémicycle.
Aux deux côtés de la nef font des chapelles
, qui o:n.t au-deffus des galeries ou tribunes,
l e s piédroits font revêtus de pilaftres .corinthiens
qui fou tiennent un entablement, fur lequel portent
les retombées de la' grande voûte.
Rien n’eft plus mal ordonné que cet enfemble ;
le dôme, oébogone à l'extérieur & circulaire dans
l ’intérieur , reffembfë au colombier gothique d’un
ancien fief. Les , pendentifs n’ont aucun développement.
Les chapelles1 font obfcures & baffes. Les
tribunes font pefammeht voûtées ■ & ont des bain
feres ridicules ; on-va de l ’une à. l’autre par des
corridors étroits; & incommodes '; on y monte par
des efcaliers à v is, privés de jour dignes à
peine d’un donjeon : enfin l’afpeâ des voûtes &
des pierres grôffièrement employées, fait éprouver
à ceux qui entrent dans ce temple, l’envie
c ’en fortir auui-tôt. Cependant le portail eft plus
défectueux encore.
Derrand qui, comme nous l’avons d it, fembloit
sîC vouloir pas copier , n’a néanmoins offert dans
ce portail qu’une contrefaçon de cekii.de Saint-
Gervais, Il en a imité tous les défauts,, en a
ajouté de nouveaux encore & n’en a pris aucune
des beautés. Le premier ordre eft corinthien,
le deuxième eft corinthien & le troisième eft eom-
pefite; mais comme celui-ci reffemble beaucoup
aux deux autres, il en refaite qu’à très-peu de
diftançe , toutes les colonnes paroiffent corinthiennes
; ce qui donne à ce portail une monotonie
d’autant plus infupportahle , qu’elle eft produite
par une fauffe apparence de richeffe. D'ailleurs ,
quoi de plus abfurde que de mettre des colonnes '
du même ordre , ' les une; fur les autres ! Def-
broffes a employé trois rangs de colonnes , il y
étoit néceffité par la hauteur_de l ’églife ; -mais il -
n’a pas répété deux> fois le même ordre, & . il. à
ienti que le premier ' devoit avoir un autre cà-
raéîÛFs que les deux dont il eft le .fupport, Si
que îç fécond devoit auffi être différent dit troi-
fième.
Dtrrand a- méconnu toutes ces convenances. On
ne parlera point ici de la fculpture dont il lui a plft
d-e charger fon ouvrage. Elle eft auffi mal -conçue
qu’exécutée. Il a voulu flatter fon ordre & f0JJ
maître, & il l’a fait fans efprit. La révolution 3-
fait abattre toutes les L. L. couronnées dent i{
avoit couvert fa frife. Que, n’a-t-on détruit tout le
refte dés ornemens ! l’édifice y eût gagné.
D ’après toutes ces cbfer varions on conclura
fans doute, que fi Dtrrand mérite de , conferver
quelque réputation, ce n’eft que par fon traité de
l’architefture des voûtes / o u de fàrt des trait*
& coupe des voûtes. Ce traité renferme tout ce
que Philibert Delorme & Mat lutrin Joujfe .avoient
déjà écrit fur cette matière importante , mais il
contient en outre beaucoup, de principes & dé
moyens d’exécution, dont Dtrrand n’a .dû la découverte
qu’à les profondes cohnoiffances èn ma-,
thématiques. II parut peur da première fois à Paris,
en 1643 , in-folio , chez $ébafiien. Cramoify.
teu f'l’a divifé en cinq parties & l’a. fait précéder
d’une préface qui fert d’iritrpducftioù à tout
l’ouvrage. On lit les motifs qui l’ont déterminé
à l’entreprendre, dans fa dédicace à un feigneur de
Noyers, baron dé Dangii, fur-intendant Si ordonnateur
général des.bâtimens , arts Si manii-
faélures de France, ce Ce qui, dans l’architecture,
» dit-il, éclate, davantage , & donne dans les yeux,
» a fourni la matière fur laquelle tant de. bavantes
» plumes ont dignement travaillé. Il n’y a, que
» Part des traits Si de ,1a coupe dès voûtes,
» qui-, pour les grandes difficultés qu’il enferre
33 femble avoir étonné les plus courageux, juf-
33 ques à être abandonné prefque de tous . . . Phi*
33 libert Delorme eft le premier, & à vrai dire
33 l’unique , qui jufques à préfentpeut être dit avoir
» traité de-ce fujet. Cependant, dans fa-préface,
33 il reconncît que ce fujet n’a été qû’ébauçhé &
33 -non achevé ; auffi ne prétend-il pas que le traité
» qu’il donne à fon tour, paffe pour un chef-
33 d’OEuvre auquel on ne puijje rien ajouter. Il lui
» fifffit qu’il ajoute quelque chofe dé confidèrablt
33 & dé notable à ce que fes devanciers ont dit y
» & qu’ainfi il profite au public.. »
Dtrrand né' diffimule pas les difficultés qui fi
rencontrent en Vari des traits & coupe des voit tes ;
mais dans la fuite craignant d’en avoir trop' parlé,
& d’avoir excité par-là quelque éloignement ou
quelque dégoût pour cet art , il fe propofe d’en
faire fentir en peu de mots futilité js l ’excellence,
-la beauté , & enfin le rang avantageux'qu’il tient
dans i’architeftute. Voici comme il s’exprimè.
« II1 arrive fouvent que les largeurs des bâtimens
font telles que les poutres ', quoique groffes &
fortes , ne peuvent fuffire pour porter Je faix des
planchers, ni les départemens Si les meubles , dont
Ori a coutume de les. charger- Je fais bien que les
architëéles, pour obvier à ce défaut, fe fervent des
.décharges avec lefquelles iis les bandent Si for**’.
I f ent , mais cela fuppofe de néceffité , que les bois
H nu’ils emploient, (oient parfaitement là'ins : autre-
■ ment ce ne feroit pas fe garantir du danger , ams
I s’y précipiter : vu qu’en tel cas les poutres mal
■ faines fe rompent tout-à-coup, au lieu que ces de-
■ charges n’y étant pas, on les voit plier peut a petit,
I ' & par ces menaces on fe tient pour averti du p éril,
B & fe met-on en peine de trouver les moyens de
■ s’en garantir.....On aime mieux, en tel cas , ’avoir
■ recours, aux voûtes qui font l ’office de planchers &
■ charpentes, avec tous les avantages,poffiblea d’une
K allurée & véritable folidité. »
I « Les lieux voûtés d’ailleurs.font autant de rem-
B parts contre le feu, Ôç de petites fortereffes contre
b les attaques dés voleürs , Si des places de refuge
I contre les efforts des chaleurs & du froid. S’il faut
K dérober quelque cabinet ou bien quelque autre pièce
I pareille en l’air , ès endroits des bâtimens ou le bas
I doit demeurer libre : s’il eft néceffaire d’ouvrir des
I portes & des paffages è& angles , composes de mu-
! railles droites, courbes ou mixtes : s’il y a des biais à
I redréffer, ou bien quelqu es autres difformités fembla-
I blés à réparer : c’eft-lors que iaconnoiffancedes voûtes
Ifâit voir fa néceffité ôc'fon utilité ; &^que ceux qui
| en font dénués fe trouvent bien empêchés & con-
| traints ou de mandier le fecours d’autrui, ou d’a-
jbandonner . l ’ouvrage par incapacité ; à leur grande
I honte & confufiôn..... Cela foit dit de l’utilité que
| l’architefture peut tirer dé nos traits ; voyons en-
p fuite les avantages qu’elle en reçoit, au moyen de'
lia grâce & de la beauté qu’elle donne aux bâti-
I imens. »
1 « N’eft-il pas vrai que vifitant les temples facrés
I ■ ou prophanes, les louvres & les palais des grands,
I Iles veftibules, des-portiques , les galeries & grandes
I [’ falles, les efcaliers Si degrés , & les autres membres
I & départemens femblâbles , qu’on a coutume ès
l 'bâtimens les mieux accomplis, de voûter : on porte,
i fltôt qu’on y a mis le pied , la vue en haut, comme
I I ,au lieu d’où les yeux efpètent tirer plus de conten-
I tement, par la confidération des figures & des rares
I | & agréables diverfités qui fe voient aux traits, &
I ; en la difpbfitîon êc ajeneement • des vouffoirs &
I I pendentifs des voûtes j des arrêtes & ogives , des
I arcs doubles & finipJes , & de nombre d’autres
' pièces Si ornemens femblâbles , qui les foutiennent
I I & les rangent fous des .eempa rîim e ns fi arriftement
I E façonnés, ' qù’il n’y a qui que ce foit qui n’en loue
I ^ aclmffe 1;invention ; comme .au- contraire s’il ar-
J§ rive que les yoûtès y manquent, peur'richement
! erné que puiffe être le furolus de ces bâtimens raa-
I | gnifiques , on les tient peur défe£lueux & impar-
l| fa i t s , comme étant fpoiiés d’un ornement, fans
| lequel ils .font plus propres pour détourner que
| P°ur attirer les yeux’ des régardans. Et bien, que
r fouvent on remédie à ces défauts par la gentilieffe
| & L beauté des lambris & pl-afonds, fi eft-ce néan-
( moins.qu’il faut avouer que les voûtes ont toujours
; Ie fris quoi de plus noble & de plus agréable ; & ■
que ceux qui ne s’en fervent pas le fo n t, ou pour
en être quittes à meilleur marché , ou pour la foi-
bleffe des maçonneries , laquelle rend incapables les
murailles d’ en foutenir le faix Si la pouffée. »
. « Etant donc chofe très-avérée que la feience des
traits & coupe des voûtes , apporte par fes effets
une grande utilité & beauté à l ’archite&ure , il demeure
en-fuite pour confiant, qu'elle doit .entre les '
parties d’icelle , tenir comme les;premiers rangs :
puifqu’il eft très-véritable que l’utilité Si ia beaute
font la fin principale oh buttent ceux qui ont alLz
de courage pour fe rélcudrè aux grandes & prodi-
gieufes dépenfes qaMieft néceffaire de faire , quand
on veut entreprendre Si conduire a chef quelque
bâtiment d’importance. »
Le morceau que l ’on vient de lire & qui termine
la préface du traité de Derrand , fait connoître
fon ftylc &' fa prédiieâioh pour les voûtes ; il veut
en voir par-tout ; il leur attribue tous les avantages
poffibles ; & fans voûtes , il n’eft peint pour lui de
belle architecture. Ce, goût exclufif explique en partie
• les vices que nous avons remarqués dans l’églile 9
dont ia conftruélion lui fut abandonnée. Derrand
avoit examiné Si calculé les vcûtes hardies de llar-
chitêclure arabe , & il crut pouvoir les adapter à
l ’architedur-e grecque ; ou plutôt fans s’occuper du
caraftère diftinâ de l ’une & de l ’autre , il fe dé-
, clara pour les voûtes , parce qu’il y trouvoit ma-,
tière à des démonftrations géométriques.
Nous examinerons aux mots voûtes & plafonds ÿ
les cccâfions oh l’on peut les employer, Si le genre
des édifices auxquels les unes ou les autres de ces
conftruclions conviennent plus particulièrement.-
Nous obferverons feulement ici que le goût de
Derrand a beaucoup influé fur celui des archite&es
qui Font fuivi. En étudiant fon livre, ils ont voulu
en fuivre les leçons, Si ils ne font plus fortis des
voûtes & des arcades.
• Derrand procède avec méthode dans fon traité.
Les- premières démonftrations conduifen't à celles
qui fuivent , & les dernières fuppofent l'intelligence
de toutes celles qui ont précédé. II a , comme
nous l’avons dit plus haut, divifé‘ fon ouvrage, en
cinq'parties.
Dans, la première -, après avoir annoncé fa di-
vifion, il explique les termes & façons de parler de
l’art des traits fÉ coupe des voûtes * & lait connoître
les inftruméns néceflaires à la pratique de
cet.art. Fnfaite il parle dé la diyèrfité desvc.utes, de
le^rs noms, de leurs bilans, de leurs traits pris en
général, des poufiées . des arcs - bôutans qu’on y
oppofe , & de répaifîeur des murs qui les ioutien-
ner.t. Ces leçons préliminaires préparent à celles
qu’il donne dans la même partie , fur les traits des
defceiïtes, des paffages entre deux voûtes, des lunettes
Si des arrières-voùffures.
, I l enfeigne , dans la fécondé partie r les traits des