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lien, & que hors de cetle «raifon, tout aJOTemblage
de formes fans motif, devient aufli infipide pour
Les y eu x , qu’il eft infignifiant pour l’efprit : & c’eft
ce que nous prouvent plus ou moins clairement
les différentes architeèlures, qui n’ont pu trouver
dans leur origine & dans, l’imitation d<? la n a t u r e ,
chez les peuples privés de la faculté d’imiter , un
principe d’ordre & de raifon, un fyftème de lo is ,
dont l’efprit fut-emprunté des lois naturelles.
C §ft la nature elle-même qui enfeigna aux
hommes ces procédés , par lefquels ils parvinrent
/«k établir l ’arehiteClure fur un fyftème imitatif 3. &
c ’eft de ce fjftème que naquirent les raifous fondamentales
des combinai Ions, primitives , qui devinrent
les règles' de cet art. Ces règles ne font
donc pas arbitraires 3. & quand on prétendroit
quil pourroi t y avoir plus d’un fyltème imitatif en
çe genre , on ne détruiroit pas pour cela les règles,
on prouveroil feulement qu’il peut y avoir plus,
d’un fyltème de règles ; mais alors on reconnoî-
troit que, tant qu’on eft fous l ’empire d’un fyftème
, il faut en obferver les lois , & que Vinvention
, qui confîfteroit à mêler les fyftèmes , en en
Combinant les élémenshétérogènes,. neferoit autre
chofe que rétablir le détordre où Tordre régnoit.
hit c ’eft çe que n’ont pas. compris ces prétendus
inventeurs qui, dans les dérégie mens de leur imagination
, employèrent tous les types du fyltème
imitatif de l’architecture grecque , & fe plurent à
les confondre, ou à les dénaturer, en niant, foit
leur origine , foit leur lignification, foit leur
rapport avec les. parties porrefpondantea du même
lyftème.
Si la colonne îTeit pour vous qu’un fuppart matériel,
de matériaux , qui n’exigent d’autre forme,.
d’autre aflemblage , que la forme & l ’affemblage
voulus par la folidité, fi ce que la. colonne, fup-
porte n’elt l’image ou la repréfèn talion de rien , fi
un édifice dans fon éleva tienne doit être fub ordonné
à aucun type préexiftant, fi tout ce qui entre dans,
fès embelliffemens, fniil'du caprice ou du lia.fard,
ne doit rien lignifier,, ni par fou emploi',, ni par
fon emplacement, on vous demandera pourquoi
vous continuez de donner à la colonne des formes
& des détails, qui ont un fens félon le fyltème que
vous.niez , & n’en doivent plus avoir dès que vous
niez le lyftème i* Pourquoi conferver à l’élévation
îes membres de l’architrave, de la frife, de la
corniche, & tous les détails de ces parties ,,fi tout
cela eft chimérique ? Pourquoi, fi le fronton n’a
aucune fîgnificalion, en conferver les formes,
même en le dénaturant ?' Il y auroit bien d’autres
queftions femblables à faire.
Mais, ceci fûffit pour montrer combien fut non-
feulement faufle, mais, vaine en fo i, cette prétention
à l’in a en t ia n des novateurs du dix-feptième
fiècle > qui crurent qu’inventer c’éloit détruire ce
qui avoit été inventé',,, qui. ne furent dans leur
manière d’innover, rien imaginer , même de nou-
veau j, puifqu’ils, ne fixent que mêler les. éléinens.
ordonnés
reproduir
raifon.
|| entr’eux par la raifon des fièeles, & ]e
lire dans un état de défordre &. de d/|
Ce qui vient d’être expofé a donc pour Lut 4 1
faire voir que Yinop.mîan , -eu aucun genre |
n’exirte fans règlesj que les règles, loin de gêner
le génie, lé fuvorifent & le fécondent, eu le prn
fervant des écarts du caprice ; que Xinvention
confiftant à trouver des combinaifons nouvelles
d’é.lémens préexiftans , le champ de VinventioiA
eft .toujours ouvert , parce que les combinaifons
font & feront toujours.innombrables , & que c’efll
le génie qui manque aux combinaifons, plutôt que
- les. combinaifons au génie.-
IONIQUE (O rdre). C’eft le nom qu’on donne
à celui des trois ordres de l’architeâure grecque J
q u i, par le genre moyen de fes proportions, dé IVI
décoration & de. fon cara&ère , tient le milieu
entre le dorique & le corinthien , & q u i, û’ayantï
ni la force de l ’un ni la richeffe de l’autre, eft I
particulièrement propre à exprimer l’idée de cette II
qualité.qu’on appelle élégance 3 & qui efl elle-ll
même une qualité moyenne entre celles queTar-vII
chiteclure peut rendre fenfibles.
Nous avons déjà fait voir plus d’une fois que le H
fyftème fondamental & conftilutif de l’architec-H
tui'e grecque exiftoit dans l’ordre dorique, ordre!
efienti elle ment natif de la G rèce, & que les deux il
autres ordres n’en furent que des- modifications}!
&, ûous avons montré au mot Imitation, (
ce mot) , comment l’efpvit imitatif propre aux H
Grecs., une fois développé par l’étude de la nature I
dans les autres arts du deffin , dut fuggérer aux.J
arebileèles ces analogies ingénieufes, que quelques I
écrivains ont. rendues abfurdes , en leur prêtant
une valeur exagérée , faute d’avoir compris, ou
du moins fait entendre y dans quel ordre d’imita-1
li.ûn devoit fe ranger celle dont ils donaoient l’idée.. I
Yitruve eft particulièrement celui qui a accrédité I
l ’abus qu’on a fait d’une motion pour le tpôins. I
invraisemblable, fur la diverfilé des caractères des, I
ordres grecs.
Amfi l’on a pris dans un fens. pofitif & maté- I
r ie i, ce qui ne peut & ne doit être- entendu, que: I
dans, un fens de fiâion on d’induction. On a.pré- I
tendu, que la colonne dorique avoit été formée à. I
linftar du corps de l’homme , & qu’on avoit porté I
à fix diamètres la proportion ( quoique le dorique. I
gree.n’en ait fouvent que quatre ou cinq ) , parce. I
que la. longueur du pied de l ’bomrae fe trouve I
fix fois dans la hauieur. de fon,corps. De-là , or I
eft parti pour dire, que la colonne ionique éloit I
une imitation du corps de la femme , & l’on a
voulji -trouver * dans le. goût d’ornement du cia- |
pite.au aflècté à cette colonne , une relFemblaace- I
avec la coiffure ou la parure du beau fexe. C’eft
encore ainfi qu’on-' a imaginé que les-cannelures
du genre.de eelles que comporté Xionique) étoient
une imitation des plis tombacs de la tunique f e 1
lr mmes comme cela fe voit à beaucoup deftafues.
® Lorfque l’on convertit des rapports de fimple
R Iode en refi’emblances exprefies , on en fait
T * fables-, & c’eft ce qui eft arrivé ici. Mais
H me il n’y a pas de fable qui' ne couvre
1° 1 ue fens raifoanable , on peut trouver la
H de, ces fi liions dans l'influence du. génie de
limitation 8t de l’étude du corps humain , qui
lavât aux arts de la Grèce une route toute nou-
lefle, & inconnue au refte du monde. ( Voyez
L itatjon. } , . , r
L’efprit de l’homme procédé toujours dans les
Livres par adiuiilation. Il n’eft donc pas éton-
| jnt que les artifles grecs aient ainfi procédé dans
l’invention des modes qui continuèrent leur archi-
H f f l La nature ayant établi des variétés de
L.m e de caraèlère & de proportion,, entre les
créatures humaines, rien, ne fut plus naturel que
L tranfporter le principe de ces variétés aux
lombmaiïons d’un a r t, que toutes fortes d'aualo-
|ies unifient étroitement aux autres arts du de (fin.
«près avoir remarqué que tous les. saraêlères de
tùfoicelide la folidité, de la gravité fé trou-
feoient réunis dans l’ordre doriquey on fenlit que
farchileûure étant propre à exprimer &. à rendre
M lle s les qualités, morales ,. le goût exigeoit
Kie ces différentes qualités, reçuffent une expref-
|on fpéciale ». & qui fût fixée par un enfemble.de
fcmesxaraüériftiquesi - . . i
î J)g4à naquirent les ordres, en. tant qn on les
eonfidère. comme des-, modes qui déterminent
pour les yeux , ainfi. que lés modes de l ’antique
Lfiqlie le fàifoient pour l’oreille , les différens
Ravatlères plus ou. moins gravés ,. légers , vifs ou
Lftères, desimpreffions que l’art devoit produire,
t C’eft ainfi que l’ordre appelé ionique fut fixé ,.
h occupa dans le fyftèmé général clefarchi lecture,
Kette jilace moyenne enlre-1 ordre le plus grave &
fcpluspèfant ,,8t entre l’ordre le plus orné & le
[plus léger.'
f Le fyltème dont on parle , fyftème prouvé par
les monumens, par les règles de 1 antiquité , &
[par toutes, fortes de notions irrécufables , appartient
exclufi vemen t aux Grecs y nulle autre archi—
leânre connue n e nous en fournit l’exemple. Les
Grecs feuls ont connu les. ordres.
Cependant,. en-confidé.rant chaque ordre dans
la. configurât ion du chapiteau affecté à fa colonne,
on eft fouvent'induit à croire que les ordres ionique
& corinthien font des emprunts faits ,. foit a-
l’Afie, foit à l ’Egypte.. s
Çuantà ce dernier,.nous avons, dans plus dun
article, reconnu que le chapiteau corinthien étoit
égyptien d’origine , & que- le nom qu’il reçut en
Grèce, tenoit à. des. mitons qui n’étoianl d’aucun
poids dans-la recherche de celte, prétendue decouverte.
Mais nous avons montré a u f f i& nous
ferons voir avec encore plus d’étendue au mot
tous les caractères, d’où r.éfulte la compofition
d’un ordre 3 que les Grecs ont pu .emprunter aux
Egyptiens le type d’un chapiteau & le goût de fes
ornemens, fans que cela prouve qu’ils leur aient
dû le fyftème d’un ordre , & que l ’Egypte , qui
eut un très-grand nombre & une très-grande di^
verfité de chapiteaux , ne connut jamais d ordre ,
dans le fens de fyftème déterminé, de mode fixe,
affecté à l’exprelîion d’une qualité fpéciale.-
Il doit ^ti avoir été de même du mot ionique ,
dont on a appelé l’ordre de ce nom. Fut-il nommé
ainfi parce qu’il fut inventé en Ionie ? Nous
croyons qu’un ordre, en tant qu’il fait partie d un-
fyftème aulïi général que celui de l’architeClure
grecque, ne làuroit être l’objet d’ une invention'
propre, foit d’un homme, foit dune-centrée5 &
que, comme ce ne fut pas Callimaque qui inventa
à Corinthe l’ordre qui porte le nom de cette
v ille , ce ne fut pas non plus en Ionie qu’ il faut
placer la découverte de l’ordre ionique. L ’efpnt
d’imitation analogique qui créa les trois modes-
d’architecture, tenoit à des caufes que 1 hiftoire
n’a jamais pu faifir. On en découvi-e après couples
effets j lorfqu’ils fe font développés, on veut en-
retrouver le cours & l’enchaînement , & trop fouvent
on demande d’en révéler l’origine, aux mots-
& aux noms , dépofitaires très-peu fidèles de fera-*
blables fecrets.- - -
Nous avouerons que dès raifons plus-ou moins-
inconnues-, ont pu accréditer plus ou moins dans-
telle ou telle contrée, l’emploi d’un-ordre ou*d un
autre. Ainfi les monumens, &*- en- grand nombre,
prouvent encore quel’ordre dorique ^appliqué aux
temples,, eut une faveur particulière dans la
Grèce proprement dite3 que le corinthien fat
l’ordre privilégié des Romains. Il fe peut qup les-
colonies- ioniennes aient donné la préférence à
l’ordre ionique 3, fans que cela prouve que cet
ordre ait pris ’naifiancé dans ces pays.
Si cependant on ferutoit l’origine du chapiteau-
affecté à cet ordre, il ne feroit pas-invraifemblablo
que fon type & fa configuration^ auroient été une
émanation du goût de l’Afie. Les deux autres*
fortes de Chapiteau nous rendent raifon, foit de'
leur forme, foit de leur genre d’ornement. Le dorique
nous montre fon type-dans les procèdes de
la conftru£tion en bois. Le corinthien porte écrite
Le motif de fes ornemens, évidemment emprunté,-
foit aux plantes c o n fa c ré e s fa it à ces-productions
que la nature femble indiquer au génie de la-
décoration. Le type &- l’ornement du chapiteaux
ionique, ne nous paroiffen t avoir aucun modèle de
l ’un ou de l’autre genre. Il rentre évidemment'
dans l’ordre des objets qu’on appelle capricieux ^
c’eft-à-'-dire , qui n’ont aucune raifon d.elre ce-
i qu’ils font.-Or,. ce goût, qui fut.de tout temps c e -
1 iuixdè l’A fie, qui eft encore aujourd’hui tel qu iL
1 fut autrefois , de fort nombreufes- communications
l ’avoient fait connoître aux Grecs 3 & A n f- '
,