
la néceffité d'un plan qui exigea de grands vuides
intérieurs.
L’art des plans eft devenu dans l’architeôure une
partie importante & difficultueufe. Mais toute cette
importance & toute cette difficulté repofent, i°.fur
les moyens de conftru&ion qu’on a & lur leur infuffi*
lance; 2°. fur le befoin de fe mettre en rapport avec
une décoration compliquée , telle que celle des
ordonnances grecques & avec l’élévation. Combien
de parties de plan (impies, fymétriques & grandiofes
auxquels l'architecte doit renoncer , parce qu’il
doit le mefurer fur la poffibilité des couvertures &
fur l’exigeance des moyens décoratifs. L ’architeâe
égyptien, dans fes plans, ignoroit toutes fes entraves.
Jamais le raccordement d’une frife, d’une
corniche ou d’une voûte, jamais la pouffée & la
réfiftance d’une retombée ou d'un fupport, jamais j
la nature d’un chapiteau, jamais un angle rentrant
ou fortant, jamais les délicateffes de l’harmonie
vifuelle , les convenances d’un ornement, les rapports
néceffaires de la fymétrie, les données inévitables
des proportions n'entrèrent pour quelque
chofe dans les combinaifons de fes plans.
Avec des élévations (impies & liffes, avec des
hiéroglyphes pour toute décoration, avec des pierres
plates auffi étendues qu’on le veut pour toute couverture,
avec des colonnes qu’on peut multiplier
ou exhauffer à volonté , avec des chapiteaux qu’on
peut grandir ou diminuer, orner ou laiffer brutes,
compofer ou Amplifier à (on g ré , avec des plate-
bandes monolythes, fans profils & fans faillie, on
peut faire fans peine des plans (impies, riches en
colonnes, fymé triques & vraiment fomptueux. Mais
de tels plans n’offrent aucune combinaison, dans laquelle
l'art proprement dit puiffe trouver des
leçons.
Ce qui fait la partie la plus brillante des plans
égyptiens , c’eft ce nombre vraiment prodigieux de
colonnes , dont aucune nation ne fit jamais emploi
avec autant de prodigalité. Il faut furtout chercher j
la raifon d’ une telle profufion dans la nature, & i
l'efpèce des couvertures ou des plafonds , q u i,
n'étant compofés que de pierres à plat, dévoient,
malgré l’étendue qu’elles pouvoient avoir, exiger
pourtant, dans les intérieurs, une bien plus grande
multiplicité de fupports que n'en demandent ou
des voûtes, ou des couvertures de charpente. Les
propyiés, ou les veftibules égyptiens, reffemblent
a des forêts de colonnes. ( Voy. fig. 323 ).
C>n obferve beaucoup de régularité dans la difpo-
fftion générale des pians. Le leul qui préfente une
irrégularité frappante, eft celui du temple de Philæ.
iffoy. fig* 324). On la croit occafionnée par la forme
même de 1 île ou ce temple eft bâti. Du refte, les
entrecolon nemens , dans tous les plans , paroiffent
égaux, ce qui fuppoferoit des diamètres égaux aux
colonnes, qui toutefois , au rapport des voyageurs
modernes , fembient n’avoir pas été toujours fidèles
à cette première règle de la fymétrie. Par égalité
d entrecoionnemçns, j ’entends dire ici que les Egyptiens
ne connurent point l’abus de l'accouplement
dans la difpofition de leurs colonnes.
Les entrecolonnemens égyptiens, fi l’on en }Uge
par les plans que nous avons fous les yeux, font en
général fort étroits , ils paroiffent n’avoir ordinai.
rement qu'un diamètre ou un diamètre & demi • il
eft rare qu’ils aillent à deux ou deux & demi. On
voit même des édifices où ils font fi ferrés, que
fuivant Pococke, il n’y auroit pas eu moyen de
donner des bafes aux colonnes.
Les voyageurs modernes parlent fou vent, dans
leurs relations, de temples périptères en Égypte.
Pococke & Norden nous ont déjà fait voir des plans
de temples égyptiens, affez reffemblans aux plans
périptères des Grecs; c’eft-à-dire, à ceux dont la
cella, ou le corps du temple, étoii environnée d’un
rang de colonnes tout à l’entour. Le rapprochement
même qu’on en fait en plan, préfente entre les deux
archite&ures, un point d’une affez grande reffem-
blance. Il feroit très-hafardé de fonder, fur une
telle fimilitude de plan , la conféquence d’une imitation
formelle, furtout quand les élévations diffèrent
autant que les plans fembient fe rapprocher.
Elévations.
L’élévation dont le plan fait ordinairement le
principe, & qui doit en porter le cara&ère & l’ef-
prit, offre dans les édifices égyptiens la plus uniforme
& la plus monotone fimplicité. Les mêmes
formes y font invariablement répétées. Le feul
cara&ère des’élévations en Egypte, eft celui de la
pefanteur & de la monotonie. On ne voit pas qu’on
y ait pratiqué des édifices à plufieurs étages, qu’on
y ait élevé des ordonnances les unes au-deffusdes
autres, qu’on y ait jamais varié les maffes d’un
bâtiment, qu’on y ait introduit de l’effet dans les
parties, ni combiné diverfement dans fes afpefts les
pleins & les vides. La figure pyramidale s’y rencontre
par tout, dans les murs, dans les portes,
dans les maffes générales & dans beaucoup de détails.
Ii réfulte de là , que la folidité, qui fut le
principe de cette architecture , eft aufli le feul objet
de toutes les impreflions que fes élévations peuvent
produire.
A îit. II. Des différentes parties de Vélévation*
Colonnes.
Je vais confidérer ici la colonne égyptienne,
abftra&ion faite de la bafe & du chapiteau. C’eft
• ainfi qu’elle paroît, dans l ’origine, avoir été employée
par les Egyptiens. S ’il étoit poflible d’établir
fur les deffins que nous avons des colonnes de
!’EgyPre (voy. depuis la fig.307jùfqu’àla fig. 321)
un (yftême relatif à leur invention ou à leur perfectionnement
, il ne feroit pas difficile d’en faire
diverfes claffes très-diftinéles, principalement fous
le rapport de leur décoration ; mais quant à la forme
générale, les colonnes de l’Egypte peuvent fe réduire
à deux efpèces ; favoir, la circulaire & Upoligone.
tes colonnes rondes font de deux t t j j g | «
qui font liffes, ou dont le fut eft orné d h.eto-
, r v0V fig. 307). Il en eft qui font compofées
d/rangées de cercles horizontaux, & ont l'air d’être
affemblage de faifeeaux liés enfemble (v. fig.ci-d.)
Les colonnes rondes ne different entr’ elles que par
! uabfence ou la préfence des hiéroglyphes. Les co-
onnes à faifeeaux étoient fufceptibles de variétés ;
& il s’y en trouve, ün peut fe les reprefenter fous
la forme d’une réunion de tiges , liées par intervalles
, de cercles qui reffemblent affez à ceux qui
entourent lès douves d’un tonneau. Ces anneaux,
ou efpèces de tores, font ordinairement au nombre
de trois, quatre ou cinq par rangée , & l’on compte
I dans la hauteur du fût de la colonne, deux ou trois
[ ces rangs de cercles. Le nombre de toutes ces
parties paroît avoir été fort arbitraire & être refté
I fournis au caprice de la décoration.
gonflement, que Norden compare au gros bout
d'une maffue, ne fait pas partie de la colonne, mais
eft une forme de chapiteau qui peut-être dans ces
colonnes aura été moins fenfiblement détaché du
fût, & aura par-là occafionnée la méprife de ces
voyageurs.
Nous n’avons ni deffins affez exaCts ni mefures
affez comparées & généralifées des colonnes égyptiennes
L’efpèce de colonnes en queftion eft la plus cu-
rieufe de celles qu’on trouve en Egypte. I l y a là
une imitation de quelqu’ufagé qui ne peut que fe
; préfumer. Mais les apparences portent à croire que
; les arbres employés à former des pilliers de fupport
[ fe trouvant fort petits en Egypte ; on en réunit
I d’abord plufieurs enfemble par des ligamens qui
donnèrent à cet affemblage la force d'un feul, ou que
I l’on imagina fes liens pour empêcher certains bois
E d’éclater. Quoiqu’il en fo it, il ne paroît pas que le
I caprice feul imagine de telles formes, & que ces
i formes puiffent acquérir l’autorité de i’ufage_quand 1 rien n’en motive l ’origine ou la pratique. C ’eft aux
I témoins oculaires qu’ il appartiendroit de prononcer
K fur l’origine probable de ces colonnes & là (ource
I de leurs motifs-, foit dans la nature des plantes du
I pays, foit dans la nature de la conftru&ion primi- j
I tive. Je m’en tiendrai à ces probabilités.
L’efpèce de colonnes pohgones eft frequente en
K. Egypte. On en voit de carrées dans les grottes de
I Thèbes, & qui font taillées jîans le rocher. On en
I voit de femblables à l’entrée d’un fanéluaîre de
I temple dans la même ville. On en voit d’ exagones
K taillées & équarries dans le rocher, & qui fuppor-
I tent le plafond d’une grande falie des grottes de
I Siout , appelées actuellement Sabibanath , félon
I Norden. Pococke en rapporte une triangulaire ;
I mais les plus ordinaires font celles qui font taillées
I à facettes ou à pans ( voy. les fig. ci-deflus ). A un
I temple de Thèbes, il y en a qui ont feize faces. Les
I cannelures, proprement dites , ne fe rencontrent à
I aucune de ces colonnes, quoiqu’on trouve à pr'ef-
I que toutes l’indication & l’origine de cet embellif-
I lement dans ces. facettes mêmes.
Généralement, d’après les deflins que nous en
t avons, les colonnes égyptiennes ne décrivent dans
I leur fût qu’une ligne droite. Tl en eft toutefois qui
I diminuent en forme pyramidale, mais on n’y voit
j point de renflement ; car on ne fauroit donner ce
i nom a celui qui, félon Pococke , commence dans
i quelques colonnes à fept pieds de leur (ommet, &
| Va en diminuant ver/ \e chapiteau. Evidemment ce
, pour pouvoir dire (1 elles avoient., dans
leurs genres refpeétifs, des proportions déterminées.
D’après ce qu’on en fait & ce qu'on en vo it, on
peut affirmer qu’elles étoient courtes , épaiffes &
d’un diamètre énorme. Celui-ci varie dans les monu-
mens depuis trois pieds jufqu’à onze. C ’eft la plus
j forte dimenfion que Pococke y ait obfervée. Les
colonnes, dit-il, font pour la plupart fi épaiffes f
qu’elles ne pouvoient gu ères avoir plus de trois
diamètres ou trois & demi de hauteur, & au plus
jufqu’à quatre. La plus grande hauteur que ce voyageur
leur donne , eft de quarante pieds. Telle eft
la dimenfion de celles qu’il paroît avoir mefurées à
Carnack & à Luxor, c’eft-à-dire, à Thèbes. Comme
la plupart des édifices eft enterrée, & qu’il n’a pu
y faire de fouilles, on ne fauroit dire jufqu’à quel
degré ce calcul eft pofitif ou aproximacif.
Pilaflres.
On ne trouve point de pilaftres, à proprement
parler, dans Yarchitecture égyptienne. Cependant, la
forme des colonnes quadrangulaires dut en fuggérer
• l'idée, & l’on voit dans une des grottes fépulchrales
de Biban el Meluke , de ces pilliers laiffés & engagés
dans le rocher, auxquels on peut donner ce nom :
ils font couverts d’hiéroglyphes. Pococke en décrit
dans la v ille de Caroon , qui font accompagnés de
leurs bafes & de leurs chapiteaux. Mais la reftau-
ration évidente de l’édifice riont ils font partie , ne
permet pas de les croire égyptiens. On n’en fauroit
toutefois dire autant de la chambre fépulchrale do
la grande pyramide, autour de laquelle régnent ,
félon Maillet, de petits pilaftres de fix pouces de
diamètre efpacés de trois pieds, & que la petiteffè;
de l’échelle ne lui a pas permis de repréfenter.
Bafes.
Les bafes font une partie de Y architecture égyptienne,
fur laquelle nous n’avons que d’imparfaites
notions. Les édifices étant enterrés la plupart fous
leurs propres ruines , il eft difficile d’acquérir une
connoiffance générale , foit des foubaffemens des
temples, foit des bafes du plus grand nombre des
colonnes. Les feules dont Pococke ait vu la partie
inférieure, font celles d'Hayar Silcili. C ’eft d’après
elles , & quelques autres colonnes ifolées, qu’il
paroît avoir conjefturalement ajouté des bàfes à la
plupart de celles dont il donne les deffins. Du refte ,
il eft d’avis que prefque toutes les colonnes, fur*
tout dans les intérieurs, étoient (ans bafe. La chofo