
Si celui-ci defire u«e gloire folide, il tâchera au
contraire de rivaiifer de fagefle, d’ordre & de pureté
avec la plus févère ârchiteéhire. C ’eft par
cette méthode que quelques décorateurs ont laiflé
des ouvrages qui feront pafler leur nom à la pofîérité.
(■ vôyc{ D écorateur. )‘ 1
. Ce qu’il importe fur-tout d’obferver dans cet art,
c eu une forte de,convenance encré les repréfen-
tations archite6lurales.& l’emplacement auquel on.
les ^applique. On ne lauroit dire combien de con-
trelens & d’abfur dites les peintres .de décoration ont
multiplié en ce genre. Tantôt par manière de
tour de'force, ils, traceront des lignes coqvexes itir
des parties concaves * tantôt ils deiîineront fur- des ■
kirraces irrégulières dey ordonnances qui .exigent
dé j à régularité. Tantôt ils peindront descpmpç-
iitions ^de colonnades qui; n’ont qu’un feul peint
dans l ’édifice d’où elles puiffent paroître d’aplonib,
&' q u i, vues de. tous, les autres points, paroiffent
pencher ou tomber. C ’est ce qui. fe rencontre dans
beaucoup de voûtés & de coupoles. N ’eft-il pas
ridicule de pré i en ter dans un édifice, soumis lui-
meme a une ordonnance , cette compilation•, cette:
aggrégation d’architç&ure hétérogène qui dément - la
confirudtion 'même & l’offature de- Tédifice réel ?;
Le moindre inconvénient de des mpn.ftrueuses
compofilions eft d’offrir un mélange difeors entre
i’architecture réelle et l’architecture feinte. Elles
tendent encore à dénaturer le cara&ère réel de l’eciï-
nce. Celui-ci ne lemble plus qu’une toile préparée par
i ’architeCfe' aux caprices du décorateur. s’établit
alors deux édifices dans un vfeul , l’ un, réely &
1 autre factice; et leIpeCtateur indécisjgntre [esçor-
- mes de Tün et les iliufions de l ’autre, ne sait véri ta-
blement où il fe trouve.
On voit bien que je veux parler de ces fameufes,
décorations desPozzi, des Bibiena,de$ Guarini, dont
il faut renvoyer les preftiges au théâtre. C’eft laque
le fpeClateur immobile & fixé par la nature du lieu à
un point déterminé, peut jouir de tout l’artifice de
la perfpective et de la décoration pittorefque. Mais
admettre ce genre dans des intérieurs , dansdes voûtes
& des plafonds fournis à autant de points de vue
qu il y a, fi l’on peut dire, de pieds fuperflciels de i’édi-
fice, c’eft mentir à l’oeil autant de fois qu’il y a de places
différçhtes dans le monument. • -
Que l’ârchiteCte, qui devroit^ ton]ours diriger le
décorateur, n’emploie donc l’architecture feinte & dé*
corative que fur des. murs, sur des fuperficies, dont le
point de vue peut être commun à un grand nombre
de fpeCtaceurs ; qu’il ne l’admette qu’avec, vrsiièm-
bîan.ce dans fes compofitions & avec l’accord qui
doit régner entre elle ôTédifice.
Le décorateur fera plus libre dans l’ornement des
falies intérieures, des galeries où fon art ne fe trouve
lie à aucune ordonnance préexifrante. La decoràtlcn
alors a deux manières d’employer fes reftourdèT,.- i
Ou elle fe confidère comme tableau d*archite&wf
ou elle s’envifage comme remplacement de Tarchi-
téCtûrei
• Dans le premier cas, fuppofant que fes murs font
Iuné toile , le décorateur nous peint ou des
idéales d’édifices ,,ou des repréfentations de monu-
mens« connus, ou des ruinés. Çette partie eft dépendante.,
Cfiûr.me on le voit, de la peinture,
rentre - dans le cercle des -règles- •p.rdjnaires défi,
m.iiabion. , il n’est point de notre objet, de nous'
étendre fur. ces . détails. Je dirai feulement que
cette. efpèce .d’illufiôn qui tend à percer les murs
par l’effet de la perfpective aérienne >,& linéaire,
ne-convient pas à tous les genres d’intérieurs &
, fer oit laiiv ent déplacée dans la décoration,.de certaines
pièces''qui , destinées, à un emploi Térieux
exigent aufiLune certaine gravité. Ce genre conviendra:
bien aux faites à manger..
Dans le fécond cas , le peintre décorateur remplace
-par i’eitet. de Ton imitation les reflources
de.îl’architectuie réelle. On peut, en place.de colonnes?
en relief, ..d'entablement, de pilafttes, de ni-
chesi,.tie.. ftatues r éellès,. peindre tous ces i objets.
La décoration .3.1 redevient de l ’architecture,
elle s’aiinjettit aux mêmes règles de proportion
,6c de convenance; & c’eft à l’arclfiTeéle tîê diriger
..fpécialement fon exécution. Le grand mérite
de celle-ci. confiftera dans la pureté du trait & la
vérité des tons. L’on peut porter l’illufion en
' ce .genre jufqu’à tromper au premier aipeét l’oeil
même d’un artifte.il y a des exemples de ces fortes
; de tromperies, lorlque fur - tout [’architecture feinte
fe trouve habilement coînbinée ayee l’architefture
réelle ; on peut difficilement fe garantir de l ’erreur.
Cette méprife au réfte fait l’éloge de l’art.
Non-feulement l ’homme, mais les animaux eux-
mêmes quelquefois s’y trompent. Algarotti rapporte
le trait d’ un chien qui fe tua contre la
perfpeéfive d’un efeaiier peint; pareille chofe eft
\ arrivée fou vent aux oifeaux, trompés par. l’apparence
des-^vides d’une ar.cade ou d’un portique.
Tous, les autres objets qui entrent dans la corn-
pofition de la décoration, comme aflembJage des
ornemens-vdont la peinture fait embellir', les édifices,
appartiennent de trop, près à fart même de
la peinture, pour qu’on puifTe attendre de cet
ouvrage Ône théorie plus étendue. L’architeae
comme-décorateur, ou le décorateur comme sr*
chiteéfe, c’eft:-adiré, dirigeant l’ensemble d’une
décoration, ne peut que choifir lés fujets conformes
au local qu’il décore, les afTortir au ca-
raéfère de fon édifice, & Jeur preferire une corrélation
avec le goût de fon architecture.
.Le-décorateur a-rchitefte n’a d’autre emplo*
que ce régler la mefure & la. proportion des T-
'corations} leur rapport avec le point de vu--■ 1-
difpofc à la vérité des moyens ' dé la. -pemit-re.
'mais c’eft comme prévoyant ce que doit produire
leur emploi & leur -effet. I! eft cu'du moins
il doit être l’intelligence fupérieure qui préside à
l ’ensemble, à la difpofition, à l’aCcord du tout
avec les parties. L ’archite&e fe gardera bien de
laifTer le peintre empietter fur lui pour cette dif-,
Bcfition; mais il fe gardera bien aufli de le gêner
dans Tes conceptions..
| Sans doute cet accord parfait eft très-rare à ren-
leontrer. il faudroit que dans un édifice, tout fût
Ile résultat d’une feule main, comme tout doit
T'être d’un feul entendement. A défaut de cette réu-
Lion'f! difficile de l’exercice des trois .arts, & de
ila réunion impoffible de ia pratique de toutes les
[-branches de la décoration , au moins con vient-il que
| IVrchiteéfe réunifie le plus qu’il fera poftibie de con-
Inoiflânées théoriques de toutes les parties-dont fe
■ composeTenfcmbie de fon art. Il convient qu’irait
lie goût exercé par la vue des beaux modèles.
-Lor(qu’il aura fur tous les artiftes qu’il emploie,
cette forte de lupériorité que.donnent les connoif-
Ifanees générales fur les connoiflances locales &
Ibcrnéesd’un feul genre, la confiance, & l ’opinion
fcqti’on prendra de fon lavoir, lui fou mettront fans
peiite, comme à un régulateur néceflaire, toutes
.ees parties de l’art de décorer, qui tendent toujours
à l’indépendance, & qui ne produifent trop
■ Touvent ou’un concert difcordànt & inharmonique
Id’objets lans rapp®rt, & de rapprochèmens fans
Eibjets.1 ‘
ïDc la décoration comme imitation & ajfcmblagc des
T objets qui peuvent embellir les fêtes publiques &
i Us cérémonies. N
L’homme a deux moyens d’aggrandîr le cercle
létroit de la v ie , l’efpérar.cè de l’avenir le fou- 1,-venir. clu paffé. C’eft fur ce-befoin de prolonger
Mon exiftence que le fondent prefqué toutes les
linftitut ions civiles ôt religieufes. Le fentiment de
l'i’exiftençece principal attribut de- l’homme,. &
I qui le diftingue des autres êtres, eft le principe &
K l f?s pladirs & de fes peines. Si l’homme lui
Idoit des fen'aiioiis -plus nombreufes, s’il lui doit
» a r t d en jouir &. de les apprécier, il lui doit
laum cettç trifte connoissance de la fin de ion être.
IL expérience de la mort a fait'chercher à l’homme
lies moyeas dé s’y fouftiaire. Les arts « imitation
pui ont procuré des reflources, au moyen defquelles
| il s eft flatté de pouvoir fe lurvivré.
| l^lais les reflources de ces arts ne confiftent pas
Ilentement dans les ftatues & les monumens. Les'
Sceremonicf qui ont pour objet ou de retracer des
| - s PHftês, ou d.em rappel 1er le fouvenir, ne font
I pas les moins i:\deftruetibies de tous les monu-
ï p e^s- Peut-être même ont-elles fur le marbre &
I bronze, l’avanfage d’échapper plus sûrement à
IJa mam du temp». 'Qui fait à quelle antiquité re^
d-)iél. dé Are hitett. Tome II»
m o n t e n t certaines fêtes, certaines cérémonies périodiquement
ufitées chez les peuples modernes?
L ’inconvénient des cérémonies, eft cependant,
d’avoir befoin de lignes qui parlent aux yeux, &
fans lefquels elles cefferoient bientôt d’être un
langage intelligible. Ce que font les temples, les
ftatues, les autels & tous les autres monumens durables
aux cérémonies relïgieufes , la décoration
Feft aux fêtes politiques , & à ces cérémonies paf-
figères ou périodiques, motivées par quelqu’éve-.
uement. L’artifice de la décoration confifte a
imiter en toile peintej en bois, en charpente, &
à peu de frais, les monumens fomptueux que le
défaut de temps ou de moyens, ne permettroit pas
d’exécuter. Ce que la décoration de ce genre ne
fauroit acquérir en folidité, en réalité, elle le re-
gr-gne en magnificence d’enfemble, & en appa-:
rence de r'rhefte. Le grand art du décorateur eft
d’appeller à lui toutes les iliufions de la peinturé,
dans la manière de figurer les marbres, les métaux
précieux, & de mettre à contribution tout
ce qui à peu de frais fait produire de grands &
riches effets.
L ’ Italie moderne a développé, dès la renaif-
fance des arts, un génie particulier pour la déco*,
ration & Pexécution des fêtes publiques. Les
grandes cérémonies religisufes, comme les cano-
nifarions apothéofes chrétiennes, les nombreufes
folemp.ités du cuite, le goût de la magnificence
chez la plupart des princes d’Italie , les frequentes
occasions de fêtes dues à des mariages, à des entrées
, à des ambaflades' célèbres, les réjoui (Tan ces
périodiques, profanes ou facrées, tout a contribué
à y entretenir le goût pour les fpectacles &
la décoration.
La décoration des fêtes publiques exige dans celui
qui en eft chargé des connoiflances & des
qualités de plus d’ un genre. Il doit pofféder des
notions très-étendues dans i’inftoire, la mythologie,
le cofturne & les moeurs des peuples an--
ciens ou modernes; il doit être très-verfé dans
l’allégorie, il doit poflécler, fi non la pratique, au
moins ia théorie de tous les arts du deftin; il
doit être doué d’une imagination vive-, féconde
&. brillante; il doit réunir à tout cela cette qualité
qu’on appelle le goût, &q,ui eft le fentiiuent
de ce qui plaît.
Les fêtes ou les cérémonies qui donnent lieu
aux décorations dont û s’agit, font de deux genres,
ou pour mieux dire, ont deux objets datérens.
Les unes motivées, par des confidérations politiques
, ont pour but d’inftruire ; -les autres , foodees
fur quelqu’événemènt heureux, ne tendent qu’à
procurer du plaifir.
Les fêtés de la première efpèce exigeront de
l’art de la décoration, des reflources bien plus profondes
& des refforts bien plus étendus. Une cé-
A a