
bilité , le jugement, dont l’objet ou le but eft l'invention
, & dont le figne eft l’originalité.
Nous n’avons défini, confidéré & analyfé le
génie que dans fes rapports généraux avec tous
les arts & toutes les fciences , fans faire de ces
notions aucune application plus particulière à un
art qu’à un autre.
Mais tout ce qui vient d’être dit trouve à s’appliquer
à l’architeôlure. Ainfi l’on pourra fans
peine fe convaincre que le géni'*} en architecture,
doit'confifter dans les mêmes moyens & tendre au
même objet; que ce génie, confidéré en lui-même,
eft également accompagné de la facilité & de la
fécondité; qu’il abefoin également d’être combiné
avec l’imagination & le jugement ; que fon objet
eft fpécialement de parler à l'intelligence & de
produire l ’admiration par les images du beau , &
que, comme dans les autres arts, iarchiteôen’obtient
ces effets que par l’invention & l’originalité.
A l’article Beau nous avons déjà dit de quelle
nature eft le beau qui eft d.u reffort de l’architecture,
& de quel genre font les images qu’il en
produit. Ces notions expliquent de quelle nature eft
le génie propre à l’architecte.
L’architecture ne peut peindre aucune pafiïon ,
ne peut, à proprement parler, exprimer aucun
fentiment ; elle peut feulement, par la combinai-
fon des rapports , éveiller en nous les idées de ces
fentimens , & porter notre ame à éprouver les affections
correfpondantes. à ces idées. Cet art n’a
point d’imitation pofitive, & , comme on l ’a dit
plus d’une fois, il imite la nature non dans fes
ouvrages, mais dans leur efprit, dans le fyftème
d’ordre, d’intelligence & d’harmonie qui y règne :
il l’imite en faifant, non ce qu’elle fait, mais
comme elle fait.
De-là il réfui te que le génie de l’architeCture
exige moins de fenfibilité que d’intelligence ,
moins d’imagination que de jugement. La raifon
eft le principal guide de l’archileCle; une profonde
connoiffance & un fentiment jufte de l ’ordre
, une grande perfpicacilé pour découvrir l’effet
des çompofitions dont il ne peut faire d’avance
aucun effai, une grande netteté de vue, un efprit
orné de connoiffances variées, un goût févère &
délicat, & tout cela appuyé fur la feience de bâtir
, fans laquelle les inventions de l’art ne fe-
roient que de brillantes chimères , voilà ce qui
çonftitue le génie propre à l’architeClure.
Ce génie a aufii pour objet l’invention, & il
doit être accompagné de l ’originalité. Mais nous
dirons avec plus d’étendue dans un autre article
[ voyez Invention) , de quelle nature eft l’invention
qui appartient à l’architeClure , dans quelles
erreurs on eft tombé lorfqu’on a cru qu’il falloit,
pour être réputé inventeur, créer non de nouvelles
combinaifons des élémens préexiftans, mais
créer de nouveaux élémens ; d’où il eft réïulté que,
par un effet contraire, à l’idée que les Anciens fe
formoient de la création, en la regardant félon
le feul point de vue où notre efprit puiffe la coin
prendre, comme l’adlion de tirer l’ordre du cliao
de prétendus inventeurs en architecture ont
rentrer dans le chaos tous les élémens de l’ordre
C’eft auffi par Une vaine prétention à l’originj
lité, caractère certain du génie &. de fes im^n
tions, que l’on a confondu en ce genre & toute
les notions & toutes les idées. Il ne faut jamais
prétendre à l ’originalité. Si l’on a du génie, on eft
original; fi l’on cherche à être original, on ne
devient que fingulier, & on tombe dans.le bizarre
L’originalité n’eft qu’en théorie quelque choie de
diftinCt du génie. Du refte, elle n’eft ni une des
qualités ni un des effets du génie : elle en eft Amplement
la marque, & de la même manière que
ce qu’on appelle la phyfionomie de chacun eft particulièrement
ce qui le fait reconnoître. Or, chacun
a fa phyfionomie , comme chaque efprit a fon
originalité. Mais on ne donne cette double défi-
gnation par excellence, foit au phyfique, l’oit au
moral, qu’aux vifages ou aux efpnts qui font doués
éminemment de |a faculté d’être diftiugués des
autres. Il ri’eft pas plus poflible de fe donner de
l’originalité que de le donner de la phyfionomie;
& ce que l’on fe donne dans l’un ou dans l’autre
genre n’eft que de la bizarrerie ou de la caricature.
Du génie confidéré dans fo n rapport mythologique,
Les religions de l’Egypte & de la Grèce admet-
toient, depuis la plus,haute antiquité , des divinités
d’un ordre inférieur, attachées pour ainfi
dire au fervice des divinités fupérieures. Nous ne
l’avons pas de quel nom les Egyptiens appeloient
leurs dieux fubalternes. M. Zoega n’a pas liéfilé à
les défigrier par des mots tirés du latin & du grec,
tels que Penates Ofridis, Doemones Ifacoe, &c.
Pénates ou démons du cortège d’Ofiris pu d’Ifis.
Le mot démon fut le plus ufité chez les Grecs
pour défigner cette efpèce d’êtres, quoique celui
d’#yy«Ao?, ange ƒ nonce, minijlre , fe trouve dans
Homère, & depuis dans Platon. Quelques-uns de
ces dieux fubalternes avoient des noms qui leur
étoient propres. Ainfi Iachus étoit, d’après Slra-
bon, un dés démons de Gérés, & préfidoit à les
myftères. Acratus , félon Paul’anias, étoit un dé**
! mon dé la fuite de Bacchus. Iris , dans les poètes,
eft l ’ange de Jupiter. Néméfis, dans Platon, elt
l’ange de Dikê ou de la Juftice. Nike, ou la victoire
, fait partie du cortège de Minerve. Pliobos,
ou l’Epouvante , accompagne Mars.
Il y avoit encore d’autres de ces êtres qui,fe"
Ion Héfiode , n’étaient que les âmes des héros de
l’âge d’o r , chargés, après leur v i e .de la g;u'^
des mortels.
Les Latins ont traduit le nom de doemon p|r
celui de genius, génie} .& quelquefois par celui de
famulus , ferviteur ^minijfre.
T fonei-ftltion des Païens augmentait de mur
' le nombre de ces êtres. Non-leulement les
“ ’„les, les régions , les montagnes, les r,«ères
fies villes eurent leurs génies; chaque lannlle
' voit le lien , chaque perfonne en avoit un ou plu-
i 5r'rs Quelques-uns de cês génies étoient mûr-
*4 • d’autres, qu’on appeloit Mânes ou Lares,
lePétoient pas. Les génies des perfonues qu’on
eut appeler morales ou abftraites ne lurvivoient
p à leur deftruCtion. 11 en étoit ainfi des génies
I dès armées, des légions, des cohortes, de ceux
I aui appartenaient à une corporation, a une loca-
I filé à un édifice, comme , par exemple , des gé-
I nie] des forum, des marchés , des fontaines.
[ Les images qui repréfentoient ces êtres mytho-
I foriques étoient extrêmement variées. Il y en avoit
I de nui & de l’autre fexe : les génies des fontaines
| ou des petites rivières ne font pas différens des
I Naïades, & leurs figures font celles de jeunes filles.
| Il en eft de même des D ryades, ou nymphes boca-
| gères. Les génies des montagnes ou des collines,
I fout personnifiés, comme peux des fleuves, fous
[ L forme d’hommes dans la force de l’â g e , & le
| plus Couvent barbus.
I Ou trouve autant de variétés dans les génies des
I êtres moraux ou abftraits. Le génie du fénat de
I Rome a fur les, médailles romaines une longue
I barbe; il eft vêtu de la toge & couronné de lau-
( riers. Sur les médailles grecques, le même génie
[ a la figure d’une femme coiffée d’un voile- La rai-
I fon de cette différence eft que le mot fén a t étoit
I înafculin en latin & féminin en grec,
j Le génie du peuple romain eft jeune, & ordi-
I nairement fans barbe; il a une longue chevelure,
I & reffemble à un Apollon.
Les génies des villes font les villes mêmes per-
! fonnifiéèsJ-Une couronne crénelée eft leur attribut
I principal.
Les génies des lieux ont fur plufieurs monumens
quelquefois des génies hermaphrodites qui préfi-
dent ou affiftent aux cérémonies bachiques : ils ont
de grandes ailes.
Les ailes données fur une multitude d’ouvrages
de la fculpture & de la peinture antique à des
figures de jeunes gens & furtout d’enfans, ont été
la fourcé de beaucoup de méprifes, 8t l’objet de
quelques controverfes entre les antiquaires. Auto-
rifés par des paffages où les génies font appelés
ipavres & cupidines, quelques critiques ont nié
l’exiftenee des génies qui formoient le cortège des
dieux. On s’eft refufé à voir des génies dans ces
nombreufes repréfentalions d’enfans portant les
emblèmes des dieux ou des déeffes auxquels on
les l'uppofe attachés. On a prétendu que ces com-
pofilions lignifioient toujours le triomphe de^ l ’amour
I la figure de grands ferpens. Il paroit que cette
I manière de les repréfenter vient de l’Egypte. On
I la retrouve fur plufieurs monumens grecs. Le génie
| du Champ-de-Mars à Rome eft un jeune homme
demi-couché, comme les dieux des fleuves , & a
pour fymbole un obélifque qu’il foutient fur fes
genoux : c’étoit celui qu’Augufte éleva pour fervir
de méridienne au milieu du Champ-de-Mars.
Les génies des Voies Romaines font figures
dans la même attitude , mais fous la forme dune
femme. Leur fymbole eft une roue , & quelquefois
elles tieuneut le fouet, lignes caraâériftiques de
la voiture de voyage & du conduCtëur.
Les attributs les plus communs des génies font
la corne d’abondance & la patère : la première les
cara&érife comme des êtres bienfaifans. Il en eft
de même du modius qui eft fouvent placé fur leurs
tetes. Quant à la patère , elle n’eft qu’un emblème
de culte , & ne lignifie que les offrandes & fàcri-
fices auxquels les génies ont droit.
, Les peintures des vafes grecs nous préfentent
fur ces divinités , dont il porte les emblemes
comme autant de trophées. Les favans académiciens
d’Herculanum ont combattu avec beaucoup
do fuccès cette opinion, & il exifte un grand nombre
de monumens fur lefquels les petites figures
ailées dont il s’a g it, ne peuvent d aucune manière
s’interpréter par l’idée & fous le nom d amours.
On le contentera de citer ces figures de jeunes gens
ailés qui, fur les monumens 8t fur les médailles de
confécration , tiennent tantôt des flambeaux, tantôt
le globe célefte & le ferpent, emblèmes de l’éternité
; & fur un grand nombre de farcophages,
les figures des fuirons perfonnifiées fous la forme
de jeunes gens ailés. Il eft indubitable que, dans
une multitude d’exemples qu’il feroit inutile de
multiplier, ces figures ne font autre ebofe que des
génies, tantôt ceux qui formoient le cortège des
divinités fupérieures, tantôt ceux qui étoient réputés
préfider aux divers états de la fociété & aux
differentes occupations de la vie.
Les peintures antiques. & particulièrement celles
d’Hercuianum, nous offrent des çompofitions
dans lefquelles on voit figurer les génies de la
chaffe & de la pêche, ainfi que ceux de différens
métiers. On trouve ailleurs les génies de la gym-
naftique & ceux du cirque. Ceux des jeux folen-
nels font gravés fur les médailles. Dans les fculp-'
tures de tombeaux, dès enfans ailés s’appuient
avec l’attitude du repos fur des (lambeaux renverras.
Ce font les mânes ou les génies de la mort &.
du fommeil éternel. Très-fouvent les mêmes en-
fans ailés célèbrent les fêtes &. les myftères de Bac-
çbus, & font à la fuite de ce dieu fur des urnes
funéraires, parce que , dans le paganifme, on
croyoit à l’inffuence de ces myftères fur le-fort des
âmes dans une autre vie.
Les artiftes anciens ont fait quelquefois des parodies
burlefques des fables les plus férieufes de
la mythologie, ep fubftituant à l’image des per-
fonnages tragiques ou1 héroïques, des figures d’enfans
ou de génies, c’eft-à-dire , de petits Amours
pour les hommes, de petites Pfychés pour les femmes.
Sur un bas-relief antique du Mufée de Paris
on voit une l'emblable parodie du dernier livre de
K k k a