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offrit deux faces femblables, l ’une dans le front
de l’édifice, l’autre dans la ligne de retour, imaginèrent
de prolonger, en la courbant, la volute
angulaire, de façon qu’en retour une volute fem-
blable pût s’y accoupler, & les deux faces fe font
trouvées pareilles : toutefois ce prolongement &
cette courbure offrent', en plan fur tout, une irrégularité
peu fenfible à la vérité dans l’élévation,
mais que les architeéles modernes ont cherché à
éviter. Ont-ils mieux réuflî ï
Le befoin de donner deux volutes à chacune
des quatre faces du chapiteau, a induit à imiter
dans le chapiteau ionique , les doubles volutes du
chapiteau corinthien ; 8c pour y parvenir, il a
fallu, en fupprimant le baluftre des faces latérales,
jévafer 8c creufer chaque côté, pour la facilité
de l ’accouplement des volutes.
D’autres, tels que Scamozzi, ont fait for tir les
tiges des volutes du corps même de l’éehine, &
ces volutes font devenues tout-à-fait femblables à
celles du chapiteau que les Modernes ont appelé
compojite.
Il eft confiant que G Ton veut une parfaite régularité
dans les faces du chapiteau ionique, furtout
aux angles, on l’obtiendra mieux en faifant les
quatres faces à volute; mais alors les volutes ne
peuvent plus être fculptées fur un plan horizontal.
Du refte il exifle dans l’antique, & furtout
au temple d e là Concorde à Home, des exemples
de volutes à face cintrée.
On a encore diversement modifié le chapiteau
ionique3 en lui donnant plus ou moins de hauteur.
Nous voyons que rien ne fut déterminé à cet
égard chez les Grecs, & les monumens d’Athènes
nous -ont fait voir dans le gorgerin qui eft au-
deflous de l’échine , unefrife.d’ornement qui augmente
la hauteur du chapiteau.
Les Modernes ont été beaucoup plus loin, &
l ’on a fait defcendre de .chaque oeil de volute,
des guirlandes q u i, dans chaque face, occupent la
hauteur du collarin.
Toutes ces diveriités nous montrent que le chapiteau
ionique comporte plus d’une manière d’ajuf-
tement, dont le goût eft définitivement juge. Le j
caraâère eflentiel «de l ’ordre J eft furtout ce qu’il
faut refpeéler, 8c ce que ce caraôère exige , ç’elt
qu’on ne tombe ni d’un q©té, ni de l’autre, dans
un excès, foit de fimplicité, foit de richeffe.
Nous renvoyons au mot Chapiteau, pour les
détails clafliques des mefures que les Traités d’ar-
chiteâure ont cherché.à fixer, & au mot Volute
pour la déraonftration du procédé dont on ufe, pour
tracer les circonvolutions de cette partie du chapiteau
ionique. . . '
IRREGULIER, adj. Il eft difficile de jeter un
coup d’oeil, même fuperficiel, fur les ouvrages
d’art & d’imitation, chez les différens peuples de
l ’Europe, fansy reconnoître un alliez grand nombre
de variétés dans l’invention, dans le goût & dans
l’exécution. Ces variétés ne font peut-être auir I
chofe que les différences de phyfionomie fi |>0 j
peut dire, qui diftinguent auîli l’efprit de chaque
nation, & à dire v ra i, elles ne conftituent pas de
goûts oppofés, ni même effentiellement divers-
elles ne font que les diffemblanc.es d’une même
famille ou a’une même efpèce.
Il n’en eft pas ainfi des deux principales direr-
fi tés de goût qui femblent. féparer, fi l’on peuJ
dire, en deux mondes oppofés l’un à l’autre
habitans de notre globe.
L’un de ces goûts, comme tout le monde fait I
fe diftingue par la lubordination à des règles fixes-
l’autre par l’indépendance de toute loi & de toute
contrainte : l ’un par la féparaiion des genres, qui
c i r c o n lc r iv e n t dans de certaines limites le doma
in e de chaque art ; l’autre par la promifcnité
même de tous les genres & de toutes les efpèces :
l’un par des conventions qui affeélent à chaque
puiüance imitative les 'm o y en s qui lui font propres
, & fixent leur rapport avec la portion corref- !
pondante du modèle uni ver fiel, ou de la nature;!
l ’autre par l’ignorance abfolue ou le mépris des
principes fur lefquels peuvent repofer ces conventions
: l’un par un fÿftème fur lequel le plaifir doit
naître du befoin, 8c le charme de l’illufion rcfulteï
de la difficulté même de l’obtenir; l ’autre par
l’abfence de tout fyftème, & par là recherche de
toutes les fortes de déceptions propres à enimpofer
1 aux fens & à tromper l ’efprit.
Cette définition des deux manières de voir k |
de fentir , dans l’un 8c l ’autre des deux procédés I
d’imitation, fieroit fans doute fort incomplète s’il
s’agiffoit d’en difcourir à fond, 8c de parcourir I
les effets & les réfultats de l’une & de l’autre. Mais
n’ayant eu dans cette courte analyfe, d’autre in-1
tentioa que de marquer ' les caractères généraux I
auxquels chacun des deux goûts doit fe faire re-j
connoître, j ’en aurai, je penfe, allez dit pour les
défigner d’une manière claire. Mon intention étant
de combattre cet éternel feepticifme, qui tend à la
diffolution du vrai principe de l’imitation & des
beaux-arts , en invoquant fans ceffe à fou fecours
l’exiftence du goût qui ne connoît point de règles,
contre les règles qui tendent à fixer le goût, j ai
vifé dans le parallèle abrégé que j’ai fait des deux
manières de voir / à défigner Amplement l’une &
l’autre, par des traits qui me permiffent de leur
donner un nom. C’eft pourquoi j’appellerai 1 un
de ces deux goûts, le goût régulier 9 comme étant
celui qui procède d’après les règles, & l’autre
le goût irrégulierf comme étant celui qui ne recon-
noît point de règles.
En confidérant que le goût irrégulier a été de
tout temps répandu dans le monde, 'qu’il régné
encore exclufivement fur la plus grande partie de I
la terre, que quelques-unes des* plus vaflcs con- I
trées du globe n’en ont jamais eu d’autre, 8c queu j
l ’on comptoit les voix, il auroit pour lui le pluS
grand nombre des hommes, nous ne, devons pa* nous
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Lus étonner qu’il règne en cette matière une
(diversté d’opinions contradi&oires, & que prefque
bons ceux q u i, ont traité philosophiquement la
laueftion relative à ces deux efpèces de goût ,
ifoieularrivés , quoique par des routes différentes,
là nu véritable feepticifme d’opinion fur la préé-
Lineace de l’un ou de l ’autre.
Tel feroit en effet le réfultat de la théorie la
[plus accréditée dans ce fujet, 8c qui confifte à rejet
e r définitivement fur l’influence du climat & des
ca riesphyfiques, dans certaines régions de la terre,
Ha manière de voir & de fentir qui produit l’imi-
jtation irrégulière. S’il exifte une puiffance prédo-
Iminante & invincible qui exerce un empire ab-
folu furies facultés de l ’efprit, 8c le modifie de
(façon à ce que les rapports des objets entr’eux,
ifoleat forcés de paroi Ire fort diff érens dans un
jpays. de ce qu’ils paroiffent dans un autre, que
relte-t-il à reconnoître, finon que tout eft relatif
j en fait de beau , dé goût 8c d’imitation ?
I Je fais que les phiiofophes ne s’en tiennent pas
[àla caufe unique des climats. On fait entrer aufli,
Banni les principes d’aérion fur les facultés de
l’homme, celui des inftitutions politiques 8c reli-
Igieufes. Mais d’autre part, je vois qu’en clier-
Ichant à expliquer l’origine de ces inftitutions, on
attribue, en général, les unes aux moeurs, & les
[autres à l’imagination. Or, comme l’imagination
!& les moeurs font foumifes particulièrement à l’ac-
Ition du climat & de la température, ces deux
[nouvelles caufes ne font que renforcer, dans le
jxailonuement, le pouvoir dés caufes naturelles,
j Ainfi l’on fe trouve induit à conclure que fi les
[caufes naturelles façonnent impéïieufement l’el-
Iprithumain, foit.dans un fens , foit dans un autre ,
lies ouvrages & fes productions reçoivent, de là
[nature même , leur forme & leur goût, que dès-,
[lors il n’y a point de raifon pour préférer un
[goût à l’autre, & qu’ils font tous les deux, légitimes,
[enfans de la nature.
I Ce réfultat’, auquel arrivent néceffairement
[ceux qui n’admettent point de beau abfolu, eft.
Uuffi celui d’une autre efpèce d’opinion en celte
matière, & qjui n’a rien de nouveau en foi,- quoi-
jqu’elle paroifl’e étrange. Je parle de celle qui ad-
.met deux fortes cj© beau, l’un fimple , l ’autre com-
pofé; l’un repofant fur l’imitation exa£lë de la
mature , l’autre qui agit par l’imitation combi-;
nue d elémens divers. Cette opinion eft j défait,
là même que/là précédente ; car admettre -deux
.beau, c’eft n’en point admettre. Notre elprit fe
j-refule à concevoir l’exiftence d’une même qualité,
dans deux ouvrages dont l’un eft le contraire de
l’autre. Il eft vifible que dans ce prétendu fyf-
tème, on donne le nom de beau, non à ce qui,
doit plaire , mais à ce qui plaît, & je crois que ce
feul mot fuffii-oitpour réfuter cette théorie., en tant
que théorie nouvelle. ’ .
Ce quelle a euçore de commun avec celle du
teaurelatif, c’eft qu’il en réfui 1er©it, non pas plus
Diction. cPArehit. Tome IL
I R R 5 ; ;
pofitivement, mais avec plus d’évidence, que la
nature auroit formé deux hommes , que le fp n t
humain feroit de deux . genres ; que comme il y
auroit plus d’un beau , il y auroit aufli deux bon
deux morales , deux jufte, deux vrai , 8cc. O r ,
ce corroliaire eft aflez extraordinaire , pour qu’il
foit permis d’examiner fi tous ceux qui raifonnent
furies deux efpèces de goût régulier ou irrégulier>
ne fe méprendroient pas fur les élémens même de
leurs parallèles.
C’eft i c i , ce me femble, qu’il faut faifir la quef-
tion; & avant de laiffer placer dans la balance
les deux goûts dont il s’a g it, il conviendroit peut-
i être de vérifier leurs titres : car que nous importent
I dans cette comparaifon, 8c le poids &. le nombre, fi
la qualité des objets eft d’une fubftance différente ?
Et d’abord on invoque la nature en faveur d’un
goût comme en faveur de l ’autre, parce que, dü-
on, le goût irrégulier dépend de caufes naturelles
8c de l’organifation de l’homme dans certaines
contrées de la terre. Mais rien de plus, équivoque
que cette application du mot nature 8c naturel.
En fait d’art, comme en fait de morale, on recon-
noî't deux natures, l’une inculte 8c imparfaite,
l’autre cultivée 8c perfeâionnée; l’une à laquelle fe
rapportent les défauts de l’entendement, les erreurs
de l’efprit, les foibleffes de la raifon cémme
les vices, du coeur; l’autre qui produit tout ce qu’il
y a de vrai, de j ufte, de noble 8c de grand dans
l^s idées, dans les aérions 8c dans les ouvrages de
pThommei
Ce n’eft donc rien dire que d’avancer que telle
habitude, tel goût, telle manière de voir 8c de
fentir , dans les oeuvres de l’imitation , proviennent
de la nature, ou de l’influence des caufes phyfiques
de certains pays. Il n’eft pas même né-
ceüàire d’aller fort loin. , pour trouver les mêmes
goûts 8c la même raifon de ces goûts. Lés enfans ,
les villageois, les hommes fans culture'qui font
autour de nous , tiennent de ce même principe
, naturel des difpofitions toutes femblables, à aimer
8c à préférer dans les arts, précifément tout ce que
l ’étude véritable de la nature 8c le goût perfectionné
par elle, en banniffent.'Dirons-nous aufïi que
le goût de tous ceux que je viens de nommer
tient à la nature, 8c par conféquent peut être réputé
aufli bon que celui des hommes perfeéliohnés
par l’o b fer va (ion ? Perfonne’, je penfe , ne regar-
deroit une telle'affertion que comme une plaifan-
( lerie. f
Pourquoi ? Parce que le fimple bon fens démontre,
qu’on ne doit établir de parité.entre les
jugemens, les goûts 8c les manières de voir de •
différentes perfonnes, qu’en admettant entr’elles -
égalité - d’intelligence, de facultés morales, de
culture 8c d’inftruélion.
Je me perfuade que fi l’on veut apporter la
même critique dans le parallèle des deux goûts
dont il s’agit, entre les différentes régions de la
tewe on. ne tardera pas , à voir s’évaaouif le
D d d d