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valipouram) , ces temples ont été creufés avec le
pic dans le roc vif. O r , qu’eft-ce qu’il entend par
roc v i f ? La roche vive ne peut pas être fciilptée?
La plupart de ces maffes ifolées ont pu être dégagées
& rendues ifolées, quelle que fût la matière5
mais quant au travail d’outil qui en a façonné extérieurement
les formes, les contours & les zones,
il n’eft guère probable que cela ait pu s’exécuter
fur de la roche vive. Ce qu’on peut conje£turer,
c’eft que la maliere en eft une pierre-fort dure.
Or, quand on lui fuppoferoit la dureté du marbre,
on ne voit pas que ces monumens, tous d’une
allez petite ctimenfion , aient exigé plus de peine
à fculpter en b loc, que fi on en avoit travaillé les
détails à part.
Les monumens d’architecture de l ’Inde qui ne
font pas ce qu’on doit appeler cpri/buits, peuvent,
comme on l’a dit plus haut, fe diviler en deux
cia fies : ceux du genre don t on vien t de parler, &
ceux qui font creufés dans des. bancs de pierre.
Les premiers, tels que les fept pagodes de Mavali-
pouram, font de groffes maffes de pierres, comme
on en rencontre dans beaucoup de pays , plus ou
moins engagées dans la terre , plus, ou moins co.nr
tiguës avec d’autres maffes femblables, Le premier
foin de ceux qui voulurent façonner ces maifes,
fut de les dégager, de les .ifol,er, d’applanir le
terrain autour d’elles. Dans certains endroits ,• on
a ifolé exprès certaines maffes femblables , entaillant
la pierre, à l ’entour , en pratiquant des
rouies on des allées qui les environnent. Ces maffes
ont enfuite été fculptées extérieurement, au
gré de leur primitive configuration , quelquefois
en forme circulaire, à un feul étage , quelquefois
pyramidalement & par zones irrégulières, & dans
le go.Ûÿdes tours pyramidales des pagodes conf-
truites. Nul ordre ne règne dans les difpofitions^
refpeélives de cés. maffes. entr elles-, parce qu’il à.
fallu les laiffer où la nature les avoit placées : aufïï
ces fortes d’enfemble n’offrent-ils rien de régulier
ni dans le plan', ni' dans la forme extérieure. Ces
édifices offrent un très-petit intérieur, creufé à
même la maffe, & rappellent affez les monolythes
de l’Egypte, qui eurent; toutefois'cela de plus extraordinaire,,
que plufi.eurs. furent taillés dans des
blocs de granit, & qu’ils furent tranfportés (comme
Hérodote nous l’apprend) à des diftances confi-
dérables. Du reft.e, il paroît que s’il y eut entre
l’Inde & l’Egypte quelques reffemblances , on les
trouve dans la conformité de ce goût relatif à l’art
dëcreufer des monumens dans des carrières , &
d’exploiter les maffes de pierre découverte, en. les
travaillant fur place. Mais conclure'de. cette con-
. Ce qu’on
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Iformité à des communications politiques ou com-
~merciales, nous paroît une conjecture fans fondement.
Ce qui feroit plus évidemment hypotlié-
tique encore, ce feroit de prétendre inférer d’une
reffemblance de pratique, une reffemblance de
goût dans l’art de bâtir, ou l’architeCture : car
rien ne reffemble moins au Ityle de l’architecture
égyptienne , que le . ftyle de l’architeflure
indienne, & la fuite nous montrera qu’excepté
ce qui tient au procédé d’excavation, l’une eft
pour ainfi dire le contraire de l’autre.
Les voyageurs, ainfi que nous aurons occafion
de le répéter j ont-beaucoup trop vanté les entre-
treprifes des Indiens, en mettant les tours de leurs
pagodes aù-defl’us des pyramides .d’Egypte. Us
ont aufii exalté avec excès les travaux d’excava- I
.. tion des'monumens de l’Inde. Les dellins quel
M. Daniel nous a donnés de cés ouvrages, & les
vues des carrières où ils ont été fouillés ( fur tout à I
El or a , où l’on trouve la plus nombreufe réunion I
de ces fortes de travaux), les dimenfions fort me-1
diocres du plus grand nombre d’entr’eux , leur peu I
de hauteur, ainfi que nous allons lé montrer d’a-
près les mefures du deffinateur anglais ; tout con»1
court à rabaiffer beaucoup l’opinion qu’on peut I
prendre des difficultés de ce genre d’entreprile. I
. i° . Si nous confultons le genre de matière dans!
laquelle ont été excavés les monumens d’Elora, I
nous voyons que l’efpace d’une lieue à peu près *
qu’occupe la montagne où ils font fitués, eft rem-1
pli de bancs de pierre d’une plus ou moins grande 1
profondeur, & dont la hauteur, ainfi que l’éten-l
due ,-font devenues la mefure des plans & des élé-1
vatiôns de l ’architecte. O r , de ce feul fait, quel
des bancs.de pierre horizontaux ont donné la ma-1
tière de ces excavations , ou doit déjà conclure :
que cette matière n’eft ni du granit, ni de la pierre I
de roche, mais qne ce doit être une forte de pierre I
calcaire plus ou moins dure. Ainfi s’évanouirgitI
une bonne partie* de ce merveilleux : car il n’eft J
pas plus difficile d’exploiter dés carrières pour en I
faire des fouferrains ., - fou tenus par des piliers I
qu’on fculpte à même la maffe, que de les exploi-1
ter pour en tirer des matériaux dont on compote!
des édifices.
2°. Il faut con fui ter les plans fort exa£ls quel
nous avons de ces intérieurs, pour fe faire une
idée jufte du mérite & de la hàrdieffe de leur excavation.
V o ic i, à cet égard, le r é fu i ta t des me-
fures que M. Daniel nous donne fur l'étendue de
ces falles à Ëlora, & nous ne trouvons nulle part
de plus grandes dimenfions , que celles dont ou
va rendre compte»
le temple de Diagannâtlia, a
5y pieds anglais-1
34
20
i 3
11
ippelle, dans les nombreux fou terrains d’Elora
Pour la largeur-extérieure de la grotte.
longueur, intérieure..................
largeur int é r ie u re ................ .. è.
hauteur. ... . . - . . . . /
hauteur des piliers -,..................
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Temple de Paroooua...... ................. .. . . . . . . . . . longueur rrité
la rg e u r ......
•• hauteur.:..'»
1 N
rieuré..
D
35'
a5
8 45
pieds
.9
.___d’ Indra............... . .T ...................... .................... profondeur . • 54
la rg eu r ...» . 44
hauteur . . . . .27
hauteur des c olonnes. 22 1 T"\ T 1 ‘ 55
18 6
h au teu r ..;.. 16 ■ 10
11
hautéur . . . . 11 2
1 , W B B B I 1 1 1
• largeur.; «. 22 4 -
hauteur. . . . i5
-r— - de Mahadeo , . . . . . . . . . . . . . . ü . . . . . . . longueur.. ^ 8 '
largeur. . . . ■ 17
hauteur.. . . • Ï2
9°
hauteur .. . . i5
Ë T l" 1T C T 88 1 hauteur . . . . 47
Le temple fouterrain d’Éléphanta, près du port
de Bombay, a i 3o pieds anglais de long, 110 de
large, & la hauteur de l’intérieur eft de 14 pieds
La grotte d’Ambola, dans l’île de Salfette, eft un
temple qui a 28 pieds en carré, foutenu par 20 pi-
liers de 14 pieds de haut.
Il feroit inutile de multiplier ces citations. Partout
où le terrain & les bancs de pierre ont permis
des excavations , on a creufé , comme partout
le monde on creufe. dans des carrières , & nous
voyons que le moyen terme de la hauteur de ces
monumens eft de douze à quinze pieds. Dès-lors
difparoît la plus grande partie du merveilleux
dont les récits des voyageurs ont voulu nous donner
l’ideeV
Ainfi, quant à ce qu’on peut appeler art ou
Jcience de la conjtruâtion, non-feulement Xarchitecture
indienne y dans le plus grand nombre de
fes ouvrages, qui font des fouterrains, ne peut
être mife en parallèle avec les ouvrages dés autres
peuples, mais même elle ne peut être eenfée
avoir eu une conftru&ion : car ce n’eft pas eonf-
truire que creufer des bancs de pieyre , & fi c’eft
ane induftrie , il n’y en a pas de plus fimple. C e c i,
comme on l’a déjà d it, s’applique aufii aux monu-
mens taillés à même la maffe, dans des blocs ou
des amas de pierre extérieurs ou découverts.
Il eft un autre genre de monumens dans l ’Inde,
qui ont exigé l’art ou la fcience de la eonftmêlion.
f® parle de ces édifices compofés d’une grande
enceinte (autrement dit des pagodes') / dans le
circuit intérieur ou extérieur de [quels s’élèvent
de hautes tours pyramidales , que bien des écrL
Vains, fur la foi dé quelques voyageurs, & quel*-
ques voyageurs aufii, tels que Sonnerat, ont mis ,
non-feulement au niveau, mais encore beaucoup
au-deffus des pyramides de l ’Egypte. Mais 1 hyperbole
de-ces parallèles fe démontre & fe trahit
foi-même. .
D’abord, il eft affez généralement vrai que ces
édifices , les feuls qui aient quelqu’élévation dans
l’Inde, font de forme pyramidale. Mais, par ce
mot, il ne faut pas entendre .que ce foient vraiment
des pyramides. Le plus grand nombre ref-
fembleroit de préférence à ces clochers gothiques.,
bâtis en pierres , qu’on trouve en Allemagne fur-
■ lout. Leur empâtement eft peu confiderablé , &
'Comme ils font bâtis de fond, leur conftruchon
n’offrit rien de difficile. Quelques-unes de ces
conftniéKons , comme celle de Madoureh, paroif-
fent avoir été faites pour la fimple parade. Celte
dernière n’a que foixante pieds de hau t, & tout
' ce qu’011 peut y trouver de particulier, c eft la multiplicité
des petits objets fciilptés - de,haut en bas ,
& qui rappelle parfaitement le goût gothique : car
ces édifices.pyramidaux font fort éloignes d offrir
ces variétés de maffes & par conléquent de conf-
truêKon-,qu’exigèrent les feptizones de l’architecture
grecque 6u romaine.
Sonnerat, dans fon Voyage aux Indes orientales,
tome I p a g e 2 17 , nous donne une idée
jufte de la nature & de la valeur de ces conftruc-
lions : « Autour des temples les plus renommes,.
.» dit-il, font des murs d’ençeïnte épais & très-
» élevés. Chaque face offre communément une
» porte furmonlée d’une tour pyramidale , appe-
» lée cohrôm ) que couronne une maffe arrondie
» &. d’une grofifeur prodigieufe. Ces tours , plus
« pu moins hautes, font chargées de figures, &c. »
Quoique Sonnerat n’en ait pas donné les melures,
A a a a 2