
de la Tofcane , ne fe trouve appuyé par aucune des
defcriptions des voyageurs. Hérodote, cependant,
parle d’une pyramide revêtue en pierres de diverfes
couleurs , '7rot’)(jiKov a/Ôk & Platon, dans fon Atlantide,
qui ne femble être autre choie qu’une allégorie
de l’Egypte, nous dit que les habitàns conftruifoient
leurs maifons de marbres mélangés, ne fuivant en
cela d’autre règle que leur goût & leur fantaifie.
H ié r o g ly p h e s & bas-relief s.
Les hiéroglyphes forment la décoration la plus
générale des édifices égyptiens. Nous avons déjà dit
comment il arriva naturellement que les premiers
lignes qui donnèrent naiffance à lafculpture, s’op-
pofèrent à fes progrès. L’ufage de placer & de
graver en public ces fignes fur tous les édifices, fit
de l ’art de fculpter une écriture dont les caraftères,
ainfi que les formes, ne pouvoifent plus être JaifTés
au libre arbitre de l’artifte. S’il eût eu le droit d’en
modifier à fon gré les contours, il eût eu celui de
les rendre inintelligibles. Ces caraélères euffent ceffé
d’être lifibles dès qu’ils euffent commencé à devenir
imitatifs.
On eft d’accord qu’il faut, dans ce qu’on appelle
hiéroglyphes, diftinguer trois efpèces de fignes ,
ceux qui repréfentent leschofes par la figure entière
de ces chofes, ceux qui n'indiquent que l ’idée de la
chofe par des portions de figures, & ceux qui repréfentent
les fons & les mots par des fignes abrégés
& conventionnels , & qui étoient de'véritables
lettres.
Les deux dernières efpèces d’hiéroglyphes ne peuvent
donc fe confidérer que comme infcriptions, &
véritablement ce feroit un abus de donner à ces
fignes une valeur décorative dont ils ne font pas
fufceptibles.
11 ne paroît pas qu’il en foit tout-à-fait‘ainfi des
hiéroglyphes de la première efpèce, c’eft-à-dire,
de ceux qui employentles figures entières. Quoique
certainement ces figures ne foient le plus fouvent
que l ’équiva^nt des infcriptions , on en voit qui,
par le fait , jouent le rôle que lès bàs-reliefs ont
joué depuis dans l ’architeéfure, & qui paioilTent
n’etre pas incompatibles avec un fyftême-de décoration.
Les figures y font, à la vérité, ifolées pour
la plupart & fans adion entre elles, comme font
aulîi fouvent les bas-reliefs des Grecs. Quelquefois
auffi elles repréfentent des adions où l ’on croit voir
des combats, des marches triomphales, des cérémonies.
De ce genre font ceux que Pococke a deflinés
dans ce qu’il a cru être Je tombeau du roi Ofyman-
duas,- & ceux que M. Denon a rapportés & dont
on a déjà parié.
Les hiéroglyphes font ordinairement fculptés de
bas-relief, mais renfoncé, excepté les petits objets
qui étoient en creux- Us ont la faillie plus ou moins
forte des bas-reliefs ; & pou'r les rendre tels , il
fuffiroit d’enlever l’épaiffeur de la pierre dans la-.’
quelle ils font taillés, & qu’on iaiffoit tout à l’entour
, foit pour éviter le travail qu’eût exigé l’enIL’
vement de ce fuperflu, foit pour la plus grand
con fe c tio n des figures, foit pour ne pas altère
la forme générale des objets fur lefquels on 1«
fculptoit.
Il s’en trouve toutefois qui font entièrement en
faillie. On en voit de tels dans les ruines de l ’Egypte
Il y avoit autrefois à Villa-Medici un autel circulaire
de granit, tranfporté depuis à Florence, autour
duquel étoient fculptées des figures en faillie. J’eil
ai vu de la forte & de la plus rare çonfervation
au Mufceum Borgianum à Velletri ; plufieurs cabinet*
en poffèdent ainfi de petits.
Si l’on excepte quelques fujets particuliers qUj
purent fervir d’ornement déterminé à quelque partie
de l ’ a r c h it e é t u r e , on doit dire qu’il ne régna jamais
ni goût ni diferétion dans l ’emploi que les architectes
firent des figures hiéroglyphiques fur les monumens;
Elles s’y trouvent diïpofées fans ménagement &
fans art. Prefque toutes font alignées de la façon la
plus monotone , & diftribuées par rangées égales
& fymétriques les unes au-deflous des autres. C ’eft
de cette manière que font auffi difpofées les figures
dans les frifes de Perfepolis.
Très-certainement les hiéroglyphes ne fe fculp-
toient fur les édifices qu’après que ceux-ci étoient
entièrement confiants. Comme cette forte d’ornement
ne faifoit pas partie d’une décoration générale
conçue d’avance par l’architeéle , il dut arriver
qu’elle s’y multipliât avec une profufion incroyable,
I l y a des édifices qui en font entièrement couverts
dans toutes leurs parties fans en excepter aucune
fuperficie, même les contours des chapiteaux, &
les tailloirs & les folives des plafonds. Ce q u ’on doit
dire de l ’exécution des hiéroglyphes, c’ell qu’il s’en
trouve de'très-précieufement travaillés, & dans
lefquels on feroit tenté d’adm irer quelque chofe dé
plus que le fini,fous le rapport d’art & d’imitation,
Peinture.
Les hiéroglyphes étoient quelquefo's peints. On
voit un portique égyptien, qui fert actuellement de
p o r t é à la ville de Habu,tout rempli d ’ hiéroglyphes
coloriés . Les grottes de la T h é b a ïd è & beaucoup de
fouterrains ont confefvé une multitude de peintures.
Les re la tio n s récentes confirment.ces faits, & nous
font voir que ces figures colorées ornoient auffi bien
l’extérieur que l’intérieur des temples ; c 5 qui prouve
l ’excellence des mord ans avec lefquels ces couleurs
étoient appliquées fur la pierre.
Quant au goût des Egyptiens & à leur maniéré
de'peindre les figures , nous n’avons prefque encore
que des conjectures à hafarder. Leur.peinture,
beaucoup moins amovible que leur fculpture, n a
pu s’apprécier jufqu’à ce jour que par des figures
émaillées, ou par des enveloppes de momies. Des
lumières plus pofitives nous arriveront, fans doute,
fur ce fujet, & ce fera alors que l’on pourra généra*
lifér les jugémens que l’on en portera.
tn attendant, on peut préfumer, fans, crainte
d’erreur que la plus grande analogie doit régner
t eh peinture & la fculpture egyptienne.Premiere-
", ,t l’art de peindre fut employé a la repréfentation
! des mêmes objets; dès lors, il dut éprouver lesmemes
entraves. Secondement, il paroît que le goût de la
folidité que les Egyptiens portèrent dans tout , les
! engagea à fondre & à incorporer, en que que forte,
i la peinture avec lafculpture. Cela dut 1 enchaîner
_lus étroitement encore. Platon nous indique 1 union
âe ces deux arts, lorfqu’il dit que les Jlatues peintes
des Egyptiens étoient, de fon temps, les memes que
[ dix mille ans auparavant. *
Toutes les peintures qu’on trouve en Egypte lont
en creux, & ont l’air de bas-reliefs hiéroglyphiques
coloriés. Il y a lieu de croire, d’après cette méthode, S que l’art de peindre ne fortit pas non plus des bornes
i déThiéroglyphe. Peut-être donnera-t-on pour raifon
' de cette manière de peindre en creux, la confer-
! vation même de la peinture appliquée , ainfi qu on
l’a dit, fur la pierre & expofée à l’air. C e qui me
! feroit croire que cette méthode y fut générale , &
j non pas feulement en ufage fur les pierres des édi-
I fices ou dans les monumens expofés a 1 air , c eft un
j tableau fur bois véritablement & authentiquement
égyptien, qui fait partie du Mufceum Borgianum.
[ Ce morçéau peut être unique, du moins le feul de
[ fon efpèce que j'aie vu dans tous les cabinets que
ije connois, peut donner d'affez grandes lumières
[ fur le genre & le degré de perfection de la peinture
| égyptienne.
La peinture en queftion peut avoir un pied en
carré & repréfente trois figures. On voit qu’on en
deffina premièrement le contour fur le bois , qu’en-
; fuite on enleva toute la matière comprife entre les
| contours. On creufa ainfi le fonds d’environ deux
lignes ; lorfque la furface creufée fut unie, on pei-
[ gnit dans ce creux l’intérieur des figures, dont les
S contours relièrent en faillie. La manière dont ces
F figures font peintes, eft généralement platte. Les
I teintes, loin d’être fondues , font au contraire fort
j crues, mais les couleurs en font très-brillantes. Leur
E ftyle tient beaucoup de celui des plus anciennes
J pein tures, appelées vulgairement étrufques.
Telle paroît avoir été la manière de peindre des
[ Egyptiens. Leurs peintures, dit Norden, n’ont ni
\ ombres ni dégradation. Elles font incruftées comme
| les chiffres dans les cadrans de montre , & ce pro-
i cédé,fuivant ce voyageur, furpaffe de beaucoup
| pour la durée , & la frefque & la mofaïque. Cette
| variété de couleurs, ajoute-t-il, produit dans les
i édifices un effet charmant, & qui flatte les yeux.
O rn em en t .
On peut voir par-là à quoi dût fe réduire l’em-
belliffement que l’architeélure .tira du bas-relief &
de la peinture. Quant à cette partie de la décora-
fmn, que dans la langue des arts on appelle du
nom fpécial d’ornement, on fe figure aifément
qu’étant naturellement dépendante des progrès de
la fculpture & de la vérité imitative, elle ne put aller
fort loin en Egypte. Ce fut par la raifon contraire
qu’elle arriva en Grèce à une haute perfection.
( V o y e { d é c o r a t io n , o r n e m e n t ) . '
Ce n’eft prefque que dans les colonnes & les chapiteaux
qu’on découvre quelques parties de ce qu’on
peut appeler ornement. U a r c h it eE lu r e ég y p t ie n n e
n’ayant pas puifé' fes élémens conftitutifs dans la
charpente, fut privée de tous ces motifs ingénieux
d’ornement que le bois fuggéra à la pierre. Elle
n’eut ni frife, ni corniche, ni profils, & par tout où
l’ornement eût pu trouver place, le befoin des infcriptions
hiéroglyphiques qui s’emparèrent de tous
les efpaces, ne permit plus au goût d’en réclamer
aucun pour le plaifir des yeux.
C o lo n n e s \
C ’eft dans les colonnes qu’on découvre en Egypte
le plus de traces de ce goût imitatif, qui tranfpofe à
un objet les apparences d’un autre objet, & emprunte
à la nature des motifs de formes & d’orne-
mens , d'où réfultent ces combinaifons qui n’appartiennent
en propre ni tout-à-fait à l’art ni entièrement
à la nature.Nous avions déjà, d’après les deffins des
anciens voyageurs, apperçu dans plus d’un genre de
colonnes ces alliances ingénieufes, dont l’analogie
eft fenfible même pour celui qui n’a p u , dans le
pays & dans fes caufes naturelles , en fuivre la
trace. Les relations Ses voyageurs aéluels confirment
ces préfomptions. Ils ont cru voir dans les colonnes
dont le chapiteau eft bombé, l’intention d’imiter un
calice de L o t u s fur fa tige. On peut, félon eux ,
faifir plus d’une forte de rellemblance des colonnes
avec différentes productions de la nature ; & l’on
aperçoit que ceux qui les ont élevées , n’ont rien
négligé pour en rendre l’imitation parfaite. A la
bafe de la colonne, ils ont gravé circulairement les
feuilles de la N ym p h é a ; ils ont donne à la partie du
fût la plus voifine du chapiteau , la forme d’un
faifeeau de tiges de L o t u s . '
Ces colonnes font celles que j’appelle co lo n n e s
à fa 't fc e a u . Il n’y a pas de doute que fi l’art de
[d’ornement eût pu fe développer en Egypte , elles
lui euffent offert les motifs les plus riches & les plus
variés. On peut voir ( f ig . 310 & f u i v . | des intentions
heureufes dans l’ornement de certaines tiges ,
& dans le raccordement de ce genre de fût avec
les chapiteaux. On diroit que ce feroit de là qu’on
auroit tiré ces tigètes qui ornent quelquefois les
cannelures du Corinthien, & que delà encore fe-
roientnées les rudentures de c es cannelures, fi dans
cette matière il n’étoit pas aflez naturel aux hommes
de fe rencontrer fans s’imiter. Toutefois ce que l’on
obferve à l’égard de l’ornement des colonnes en
Egypte, c’eft qu’il y règne le même arbitraire qu’à
l ’égard de leurs proportions. Nul fyftèmede goût,
fuivi & fubordonné à des maximes confiantes, ne
paroît ayoir pu s’y introduire.