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extrêmement v afte s , les décorer extérieurement
avec la plus grande magnificence. »
« La religion chrétienne, au contraire, qui de-
voit avec le temps triompher de toutes les autres ,
perlécutée dans fon origine, n’ofa d’abord fe montrer
au grand jour. Peu d’hommes, à l’exemple des
apôtres, hafardèrent leur vie pour publier la v é rité
repouffée par la force & les fupplices. Les premiers
chrétiens, cachés fous terre, dans ces catacombes
lugubres qu’ils partageoient avec la mort,
y célébroient en fecret les myftères de leur religion.
Tirés par Conftantin-le-Grand de ces retraites af-
freufes, ils furent raffemblés par cet empereur, dans
quelques-uns de ces édifices appelés bafiliques par
les anciens, & où ils rendoient la juftice. A l’abri
dans ces monumens fpacieux fermés & bien éclairés
, des infuites qu’ils pouvoient craindre au milieu
d’un peuple qui les avoit perfécutés fi long-temps,
ils durent penfer à fe procurer les mêmes avantages
dans les premiers temples qu’ils fe conftruifirent.
Comme il étoit important que leur capacité ne fût
pas bornée à contenir feulement les prêtres qui les
deflervoient, ainfi que l’étoit celle de la plupart
des temples des payens , mais qu’il falloif'encore
qu’ils fuffent affez grands pour contenir tous les
fidèles qui étoient à Rome , ils ne trouvèrent cet
avantage que dans l ’immenfité de l’intérieur des ba-
filiques. Ils les imitèrent donc dans la forme qu’ils
donnèrent à leurs églifes ; & foit qu’ils ne cru fient
pas devoir changer le nom de ces édifices qui leur
avoient d’abord fervi d’afiles, foit qu’ils ne çruffent
pas devoir^ défigner , par un nom nouveau, des
temples qui reffembloient fi parfaitement, par leur
difpofition, à ces bafiliques, ils en donnèrent le nom
dans la fuite aux églifes qu’ ils bâtirent, & les plus
belles de celles qu’on voit à Rome, le portent encore
à préfent, »
De la première églife des chrétiens, ou de Vancienne
bajilique de Saint-Pierre.
« Entre les différentes églifes que les chrétiens
conftruifirent fur le modèle de ces bafiliques où l’on
rendoit la juftice, la première fut bâtie à Rome,
l ’an 32,6 de notre ère, par Conftantin-le-Grand.
Cette églife, dédiée à S'.-Pierre, étoit fituée dans
le même lieu, où Anaclete, difciple de cet apôtre ,
lui avoit élevé une mémoire, petit monument qui,
dans l’origine du chriftianifme, fuffifoit pour rappeler
la piété des fidèles, mais qui ne mérjtoit pas cependant
le nom & églife. Conftan'tin , affez bien
affermi dans fon empire, pour faire peu de cas de
ce que penferoient le fénat & ceux de fes fujets qui
fuivoient la religion des gentils, voulut donner par- 1
là une preuve éclatante de fon zèle pour la religion j
chrétienne. On ne prit point pour modèle, dans cet
édifice , la forme des bafiliques les plus fimples
(telles que les exécutèrent les anciens Romains),
jqui ne préfentoient dans leur plan qu’un carré long,
(diyifé dans fa largeur par deux files de colonnes en
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trois efpaces. Pour répondre aux grandes vues de
Conftantin, on copia celles que l’accroiffement de
Rome avoit forcé de rendre plus fpacieufes, 8cqui
offroient un intérieur très-vafte & très-magnifique, »
« L ’ancienne églife de S'.-Pierre étoit donc di.
vifée dans fa longueur , précifément comme ces
derniers édifices, par quatre filés de colonnes, q,u.[
formoient cinq rangs de promenoirs* Le plus grand
qui occupoit le milieu, compofoit la nef; les quatre
inférieurs les bas-côtés. Ces promenoirs, divifésdu
couchant au levant, alloient aboutir vers le fond
de l’édifice, à une fécondé nef tranfverfale qui s’é-
tendoit du- midi au feptentrion ; & on avoit encore
ouvert dans celui des côtés de cette nef qui étoit le
plus reculé, une grande niche circulaire qui, avec
les deux nefs qui fe coupoient perpendiculairement,
donnoit au plan de cette églife, une forme de croix
imparfaite. •»
« Telle étoit la difpofition générale de ce premier
temple des chrétiens, impofant par fa grandeur.
Il auroit été un des plus fuperbes qu’on eût
vu , fi la beauté de fa décoration avoit répondu à
celle des matériaux dont il étoit formé. Plus de deux
cents colonnes , entre lefquelles on en remarquoit
douze de marbre de Candie, qu’on croit avoir fervi
au temple de Salomon , ornoient fon intérieur. On
en comptoit quarante-huit dans les deux côtés de
la n e f, & quarante- quatre dans les bas-côtés. Le
plafond qui portoit fur les grands murs ( percés de
croifées ) qu’elles foutenoient, étoit compofé de
poutres recouvertes de bronze qui avoit été enlevé
du temple de Jupiter-Capitolin. » .
oc Conftantin qui avoit ordonné de conllruire la
; bafilique de S'-Pierre avec tant de magnificence,
I pendant qu’il célébroit à Rome la vingtième année
de fon règne, défira encore qu’elle fût un témoignage
authentique de ce qui avoit donné lieu à fa
converfion. Il voulut que Ion plan repréfentât une
croix, en l’honneur de cette croix merveilleufe qu’il
vit en l ’air lorfqu’il vainquit Maxence. L’idée heu-
reufe qu’avoiteu ce prince de cara&érifer nos églfv,
en leur donnant une forme fi révérée des chrétiens,
quoique mal exécutée d’abord, comme nous l’avons
dit, nerfut pas infruétueufe. Quelques fiècles après,
on l ’exprima plus parfaitement, & les efforts qu’on
fit pour y parvenir, & pour.donner aux fanftuaires
de nos églifes l’élévation & la dignité qu’ils doivent
avoir, produifirent les premiers effais de la penfee
la plus grande qu’ayent eue les modernes en archi-
teélure, celle de foutenir en l’ air , fur les arcs ini*
m en fes de leurs nefs, des dômes ou des temples
ronds, auflî vaftes que les plus grands de ceux que
les anciens ont exécutés. »
De Vinvention des coupoles qui couvrent le fanftuaiH
des églifes,.
« Le fiége de l’empire romain ayant été tranf-
féré à Conftantinople, on piéfume que la difpohr
tion de l’ancien S*.-Pierre fut imitée dan? celle £}u?
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roidtamr. fit élever dans fa nouvelle capitale, foui
■ M de S«.-Sophie. Quoiqu’il en fott eHe ne
I Lfifta pas long-temps. Rebâtie par fon fils Conf-
I tantius /détruite en partie , & reparée fous 1 empire
■ d’Arcadius, brûlée fous Honorius, elle fut rétablie
I nar Théodofe le jeune 5 enfin elle fut réduite en.
I cendres fous Juftinien qui bâtit celle qui fubfifte
| aujourd’hui ( voye^tn la defeription aux mots basi-
B iique, Constantinople, coupole); C’eft dans
B cet édifice que fut faite la découverte des coupoles
■ fur pendentifs. » ’
| « Les arts déjà déchus fous le premier empereur
■ chrétien, de la perfection où ils avoient atteint fous
■ fes prédéceffeurs , dégénérèrent encore pendant
■ l’efpace de temps qui s’écoula entre fon règne &
■ celui de Juftinien. Ils tombèrent, quelques fiècles
I après, dans une telle barbarie, que les Vénitiens ,
■ qui copièrent avec affez de fageffe, dans Sc.Marc,
I ce que la difpofition de Ste.-Sophie avoit d’heureux,
■ ne purent aufli fe défendre d’imiter le mauvais goût
B qui régnoit dans fa décoration intérieure... Quoique
B l'églife aftuelle de Sc.-Marc ne foit pas celle qui fut
B bâtie l’an 8 2 9 , on n’en perfifta pas moins, dans la
Breconftrudion de la nouvelle, à copier Ste.-Sophie. ]
B En effet, Conftantinople , dont tous les édifices ne 1
H nous paroiffent guères à préfent préférables aux ou-
,vrages des Goths-^ donnoit alors dans les arts des
B lois à l’Europe.'Si la forme de croix n’eft pas bien
B exprimée à préfent dans le plan de Ste.-Sophie ac-
B tuelle , elle l’étoit beaucoup mieux quand Anthé-
B mius l’eut finie. L’architeâe qui conftruifit Saint-
B Marc à Venife , étoit peut-être inftruit de l’accident
B qui lui avoit fait perdre fa difpofition primitive. Or
B quand on fuppoferoit qu’il ne l’avoit pas été, rien
ne l’empêchoit, en' confervant toute la difpofition
B du milieu de Ste.-Sophie, de donner à fon églife
B cette forme, en ouvrant quatre nefs fous les quatre
■ ' arcs du milieu , & en leur donnant le rapport de
B longueur que doivent avoir entre eux les différens
B bras d’une croix grecque bien proportionnée, comme
il l’a.fait. »
I « \déglife de Sc.-Marc a donc l’avantage d’être la
B première en Italie , qu’on ait conftruite avec des
B pendentifs qui foutiennent la voûte du milieu, de
B prefenter beaucoup mieux dans fon plan la forme de
p:Jg croix, qu’on ne l’avoit fait auparavant, d’avoir eu
K la première, au-deffus des cinq coupoles qui couvrent
/, centré de cette églife & les différens bras de fa croix,
de doubles calottes, dont les voûtes font un effet
B agréable dans l’intérieur de l'églifex & préfentent à
B 1 extérieur l’afpeél de dômes d’une forme plus
B elevee que celle que leur donnoient les anciens , &
_ a peu près femblable à celle que leur donnent les
B modernes, enfin d’offrir même l’idée qu’on a imitée
H clansST.-Pierre de Rome, de faire accompagner le
B 8rand dôme d’une églife par des dômes plus petits
B . mferieurs, afin de leur donner un effet pyra-
Bmidal. » /
| CefUla réunion des plans carrés & circulaires
B •clUI °nt donné lieu d’ériger au point de l’interfe&ion
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des branches circulaires les dômes ou coupoles, que
M. Leroy attribue le perfeâionnement de nos églifes.
Il fuit la marche de l’art en ce genre, depuis Véglife
de St.-Marc jufqu’à Sc.-Pierre, & depuis S1.-Pierre
jufqu’aux églifes bâties de cefiècle, ou commencées
à Paris, telles que la nouvelle Ste.-Geneviève &
la Madelainé. Nous ne faurions fuivre plus loin
cet écrivain, fans nous expofer à redire ici ce que
l’on trouve fur le même lu jet aux articles brune-
LESCHI , BUONAROTI , BASILIQUE, COUPOLE, &C*
La plupart des notions relatives au mot églife, fe
trouvant former une des parties principales de cet
ouvfage, c’eft-à-dire la partie deferiptive des monumens
célèbres, on ne fauroit allonger cet article%
fans tomber dans des redites.
Je ne répéterai pas non plus ici ce que j’ai eu oc-
cafion de dire en plus d’un endroit. C ’eft que, malgré
la grande magnificence que les coupoles donnent
à nos églifes, la forme de croix qui en fut le motif,
& q ui, d’après ce qu’on vient de rapporter, fit à
l’architedure une nécefiité de les employer, pour-
I roit bien y avoir introduit auffi une complication
de formes & d’élémens difpendieux, moins profitables
qu’on ne penfe &. au bon goût, & à la faine
architecture. Quelle que belle & grande que foit en
ce genre la carrière parcourue par l’art jufqu’à ce
jou r , il eft polfible qu’il s’en ouvre d’autres ; il eft
probable même que ce ne fera plus fur ce plan, que
travailleront les hommes de génie. Il eft vraifem-
blable que tout a été épuifé dans cette matière*
Mais comme l’art eft inépuifable, il exifte beaucoup
d’autres conceptions fécondes , d’après lefquelles on
ne doit pas défefpérer de voir fe reproduire encore
de grands.ouvrages ( voy. basilique)*
Il exifts beaucoup de dénominations fous lefquelles
on défigne & l’on caraftérife les églifes. Les
unes ont rapport aux ufages religieux & à ï’hiérar-
chie fpirituelle qui les différencie ; les autres ont
leur fource dans la forme & la difpofition architect
turale de ces édifices.
Sous le premier rapport on appelle .*
Eglife pontificale, celle du pape, comme celle
de Sr.-Pierre de Rome.
Eglife patriarchale, celle où il y a un patriarche ÿ
comme S*.-Marc de Venife,
Eglife métropolitaine , celle où il y a un archevêque.
Eglife cathédrale , celle où il y a un évêque,
Eglif1 collégiale, celle qui eft deffervie par des
chanoines.
Eglife paroiffiale , celle où il y a des fonts, & qut
eft deffervie par un curé.
Eglife conventuelle, celle d’un couvent*
Sous le fécond rapport, on appelle : -
Église a bas- côtés. Celle qui a de chaque
côté de la nef un fimple ^ang^ de promenoirs ou une