
régler leurs intervalles & leur correfpondance d’un
étage à un autre. Comme un édifice déplaît à
l ’oe i l, lorfqu’il eft percé de trop de croifécs & que
les vides l ’emportent fur les pleins ; de même
il répugne à lafolidité, comme au bon goût, de
ne féparer les étages que par de trop maigres intervalles.
Il doit regner entre l’étage fupérieur &
l’inférieur un efpacement qui indique , outre l ’é-
paiffeur des plafonds , une hauteur néceffaire à
l ’appui des fenêtres. A cet égard les croifécs où
cet appui eft le plus haut dans l’intérieur , donnent
à l’extérieur une plus heureufe diftribution.
Tout eft cependant ici fubordonné aux moeurs des
peuples. Chez les anciens, où les croifécs ne fer-
voient qu’à donner de la lumière dans les appar-
temens 3 & non à regarder dans les rues, les appuis
étoient très-furhauffés , & les intervalles entre
les étages très-confidérables. Rien n’eft plus favorable
à l’archite&ure, foit qu’on tienne liftes les
murs des maifons 3 foit qu’on y introduife des ordonnances
de colonnes ou de pilaftres.
On ne fauroit donner à la diftribution des croifécs
^ dans les intérieurs , de règles précifes/La
feule à fuivre eft la fymétrie ; j’entends par ce mot,
la Correfpondance la plus exacte qu’il fera poffible
d’obferver entre les intervalles ou trumeaux qui fépa-
rént les croifécs , ainfi que leur répétition exaCle,
s’il s’en trouve qui foient placées de manière à fe répondre,
comme cela fe pratique dans les apparte-
mens fimples , & qui occupent toute la largeur d’un
bâtiment.
JDc la forme ou configuration des croifécs.
Les principales différences de formes des croifécs
eonfiftent dans la diverfité de leurs ouvertures.
On diftingue d’abord les croifécs qui fervent de
portes d’avec celles qui ne font que des fenêtres. Les
premières s’emploient dans les rez-de-chauffée. Ordinairement
elles ont la forme d’arcades , quoique
l ’on en fa fie auffi en plate-bande.
On diftingue en fui te les croifécs fenêtres en trois
efpèces 3 favoir, celles en plein ceintre,celles à plate-
bande , & celles qu’on nomme bombées.
Les croifécs en pléin ceintre ne s’emploient avec
-fuccès que dans les grandes maftes- de bâtimens.*
Elles font un bel effet dans les monumens dè Florence
,' comme au palais Pitti. Elles font auffi fpé-
cialement affectées aux églifes qui comportent de
très-grands vitraux.
Les croifécs en plate-bande font les plus ufitées &
les moins dilpendieufes pour la conftruction. Elles
fe font , foit en maçonnerie, foit en charpente,
foit en pierres d’une feule pièce , ou taillées à
çlaveaux.
Les croifécs bombées font moins belles pour la
forme, parce qu’elles tiennent un milieu équivoque,
entre le ceintre & la plate-bande.
Les croifécs en plein ceintre ne font en général
autre chofe que des portes appelées portes croifécs ,
e’eft-à-dire qu’elles peuvent fervîr à.l’un & à l’autre
ufage. On les deftine le plus fouvent à éclairer les
veftibules , en même temps qu’elles leur donnent
entrée, ainfi qu'aux grands falons, aux galeries ou
à'tou te autre grande pièce d’un appartement.
Celles qui fe trouvent placées extérieurement dans
l ’étendue d’une façade, dont la décoration exige une
même ordonnance, doivent répondre à la forme
des bafes des arcades en plein ceintre , qui décorent
les principaux avant-corps d’un édifice. Çé genre
de croifécs en arcades ne convient néanmoins qu’au
rez de chauffée , lorfqu’un grand perron en terraffe
règne au pourtour, foit devant une .façade de
bâtimens, foit encore dans le premier étage d’un
édifice où l’on place une baluftrade. Mais lorfque
le diamètre intérieur des pièces, n’exige pas d’aufli
grandes ouvertures que celles des; portes en plein
ceintre , on affe&e des croifécs prifes & renfermées
dans les bayes des arcades , que l’on tient alors
d’une largeur proportionnée à la lumière dont on
a befoin dans les dedans , &. l ’extrémité fupérieure
de ces croifécs s’élève iufques fous l’intrados. Si elle,
defeend en contrebas , elle doit être décrite du
même centre que celui qui a fervià tracer le plein
ceintre. Pour proportionner la hauteur de ces croifcts
à leur largeur ainfi rétrécie, on élève un appui de
pierre , & l’arcade n’eft que feinte pour fatisfaire
à l’ordennance générale des autres portes croifécs en
plein ceintre.
On emploie encore des croifécs , ou circulaires,
qu’on appelle a il de boeuf, ou fe compofant d’un
demi-cercle. Elles ne font d’ufage que dans des
jfoubaftemens ou des attiques : c’eft fur-tout avec
des refends ou des boffages qu’on les emploie le plus
convenablement.
Toutes les autres configurations de croifécs que
la manie d’innover a multipliées dans les monumens
de ce fiècle, ne mériteroient d’être connues
que pour être réprouvées ; ainfi nous ne parlerons
ni des croifécs furbaiffées, ni des croifécs à crof-
fettes, à oreillons , &c.
D t la décoration des croifécs.
On n’eft pas convenu, & peut-être ne conviendra-
t-on jamais de la forme & de la proportion de croifécs
que l ’on pourroit affeCter à chacune des différentes
ordonnances ou à chacun des divers modes
d’architeéture , félon lefquels fe conftruifent les
édifices. Il feroit à defirer qu’on pût fixer à chaque
caractère de monumens un caractère correfpondant
d’ouvertures de portes ou de croifécs ; mais rien
n’eft plus fournis à l ’arbitraire du goût. Rien auffi
n’eft plus livré aux fujétions du befoin. Lorfque 1’architeCture veut que le mode de tel édifice ioit
férieux & grave, lorfque la bienféance demande
une ordonnance, ou ruftique, ou dorique, les convenances
intérieures exigeront de grands jours eu
bien des percés trop multipliés; & alors s’établit
entre le caractère de l'ordonnance, & celui ces
ouverture«,
ouvertures, nne contradi&on dont il n’eft que trop
Lifé de citer les exemples.
! Si l’architeéte eft moins libre d approprier au car
(raétère général de l’ordonnance, la forme , la pro-
[ portion , & même la difpofition des croifécs , il ne
fauroit trouver les mêmes exeufes pour tout ce qui
a rapport à leur dé«oration. Depuis l’ entière nu-
j dité des ouvertures jufqu’aux chambranles décores
d’allégories Sc d’ornemens, les degrés font très-
fnombreux. En général , les croifécs nues & fans
Ichambranles ne doivent s’employer que dans le#
i maifons privées , où i’architeéture & l’art n’entrent
[ pour rien, ou dans des parties extrêmement fimples
| d’cdifices , & qui répugnent à toute efpèce d’em-
[ belliffement. C ’eft dans le caractère des chambran-
Iles ou des encadremens de croifécs , c’eft dans la
1 jnefùre de richeffe ou de fimpliçité dont ils font fuf-
|ceptibles, que l’on trouve les tons St les mefures
[propres à rendre . fenfible le caràétère, des édifices.
I Beaucoup d’architeétes croyent donner ce qu’ils ap-
jpellent du caraCtère à leur architecture, en tenant
Iles croifécs liffes , ils fe trompent ; toute croiféc
[ lifte eft nulle pour l’effet & pour le cara&ère , c’eft
[ le zéro en fait d’ornement. On ne fauroit pardonner
| s beaucoup d'édifices riches & décorés du refte ,
[ d ’offrir, dans leurs croifécs, la même pauvreté d’ou-
! vertures que l’on trouve aux maifons particulières :
[ cette difconvenance eft frappante dans- la plûpart
K des ouvrages faits en France depuis quelques an-
| ries. On ne fauroit l’attribuer qu’à l ’habitude où
[ font les hommes de paffer brufqùement dans tous
I les genres d’ un extrême à l’autre , et à l’emploi fi in-
pconfidéré qu’ on a fait, depuis quelque temps, de
■ l’antique ordonnance dorique des Grecs. On' a- cru
que des chambranles c.dntràrieroient l’auftérité de
1 . ce ftyle ; ^ comme on a çru qu’il étoit pauvre,
I on a cherché à lui affortir toutes les parties accef-
I: foires.
[ Le fait e ft, comme on le verra au mot DORi -
I; QUE , que cet ordre eft le plus haut degré de la
■ force en architecture ; que le caractère de force re-
Rp pouffe les délicateffes de l’ornement, mais eft très-
| éloigné de commander la privation de tout ornement. 1 L’harmonie exige donc qu’on l’environne de tout ce
■ que l’architeCture a de plus mâle dans la manière
I de profiler & d’orner, & l’on trouvera dans certains
R; chambranles de l’architeCture florentine les modèles,
| ( v'oyt^ fig. 80 ) qui peuvent former le premier
I. mode dé croifécs appliquables au genre févère du
K dorique.
Il eft cependant encore un mode d’orner les
■ Croifécs, qui peut l’emporter en auftérité ; c’eft celui
qu’on appelle ruftique. Il confifte à entourer la baye
des croifécs, de refends ou de boffages plus ou moins
■ faillans, plus ou moins âpres, félon le degré de,
| force ou de rudeffe qu’on a imprimée à la- maffe
• générale. ( Voyeç fig. 84 ), Les monumens de la
1 ofeane , fur-tout, offrent de grands &. prefque
• d’effrayans modèles en ce genre. On rifque toujours,
*1 eft vrai , de l^s mal imiter, parce qu’ il eft rare de j
. £>M. d’Archîuéh T orne IJ,
trouver-, foit des matériaux auffi favorables au genre
ruftique que ceux de la Tofcane, foit des maffe#
de conftruÇtion auffi prodigieufes, foit des convenances
qui permettent un auffi énorme genre de
bâtir. En général , les croifécs ruftiques ou à boffages
ne s’emploient avec fuccès que dans de grands
édifices , & toutes les fois qu’on y admet une or-,
donnance de colonnes, on doit le montrer fobre
d’une telle manière d’orner les chambranles.
Palladio & l’Ecole vénitienne peuvent cependant
donner des leçons fur cette matière, C’eft la qu’on
fera le cours- le plus complet de décoration de croi-
fécsr II eft même difficile de reffifer fon approbation
à certains .chambranles , où les profils fe trouvent
comme interrompus par des refends. Ces espèces
de caprices ont été traites avec tant de goût
par Palladio/, qu’ils font, en quelque forte, devenus
clafîiques. Si la féyérité de l ’architeCture les
rejette hors des règles ordinaires , la complaifancs
du goût lçs-accueille comme moyens de çaraCté-
rifer certains édifices. { Voyc^fig-S5 )
Lorfqu’on emploie l’ordre dorique, dans toute fa
févérité , il convient de n’admettre dans les chambranles
que. les profils le# plus mâles ( voyc{ figure
ci-dtjjus ) ou bien même un encadrement tel que
celui qu’on voit aupetit temple d’Erechtee à Athènes,
quoique l’ordre de celui-ci foit ionique. Comme
tout ce qui tend à l’idée de forçe & de. folidité eft
toujours bien approprié à l’ordre dorique., il fera
bon , & même convenable , de donner quelque
chofe de pyramidal à la forme des croifécs, comme
Jes anciens le pratiquèrent , non- feulement dans
ceiles-ci s mais encore dans les portes. Les encadremens
des croifécs doriques ne doivent point avoir
d’ornemens.
On en donnera aux chambranles ioniques, en
obfervunt que la feuipture y foit plu? délicate
que riche. ( F'pyci fig. 81 ). Si l’on veut fuivre une
progrefi'ion dans la forme comme dans ..la richeffe,
on donnera aux croifécs ioniques un entablement
- fans fronton.
Toute la ric.heffe delà forme, de la proportion
& de la fculpturç , fe réfervera pour l’ordonnance
corinthienne , & l’on y affrétera la croiféc dont on*,
voit le deffein ( figure 82 et 83 ). Cette croiféc a fon
chambranle fin-monté d’un fronton. Queiqu’objeétion
que l’on puiffe'faire contre l’emploi d’ un fronton.
. fur des croifécs, comme le befoin l’ufiige fe font
réunis pour en confacrer l’emploi, il n’eft peut-être
permis de fe montrer difficile fur cet article , que
dans des intérieurs,. où la figure du fronton femble
être en contradiction avec la place qu’elle occupe
...j& le lieu où elle fe trouve.
S’il étoit permis de vouloir être plus que riche
' en architecture , d’établir au-deffus du degré
affeCté au corinthien , un degré qui ne feroit plus
que celui du luxe, c’eft-à-dire vicieux, on mettroit
encore au-deffus des croifécs qu’on vient de décrire,
celles où le fronton fe trouve/upporté par des co-
| Jonues ou des pilaftres. On en voit beaucoup dç ce