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naturel d'y placer le fanâuaire & le principal autel
fut long-temps balancé par l’ufage antérieur qui les
avoient portés dans l’hémicycle ou rond-point de
l’édifice, le befoin feul de la conftruétion fur un
plan ainfi difpofé, conduifit du moins à décorer
cet endroit d’une manière particulière, & ne pou-
voit manquer de faire naître l’idée d’y élever des
dômes ou des coupoles.
La première coupole à pendentifs, celle de Sainte-
Sophie à Conftaniinople, nous montre la progref-
fion des idées en ce genre. On ne fauroit dire pré-
cifement que ce dôme foit au centre d’une croix,
car les quatre parties qui accompagnent la coupole
n’ont point l’étendue qu’on s’eft habitué depuis à
donner aux nefs ; d’ailleurs la forme extérieure du
monument eft oïrïée , cependant une de ces parties
fe prolonge plus que les autres, & fe termine par
un hémicycle où l ’autel étoit placé. ( Voyei* Constantinople.
)
L ’égliiede S. Marc à Venife, qu’on a prétendu ,
l'on ne fait trop pourquoi , être une copie de
Sainte-Sophie à Conftantinople, fe prononce déjà
beaucoup plus en forme de croix. 11 y a eh effet
peu de rapport entre la v a fte , mais unique & fur-
bai ffe 2 coupole de Juftinien ? & les cinq dômes qui
s’élèvent d’ une manière fi remarquable au-deffus
de l’églife ducale de Venife.' Sainte-Sophie a tout
Amplement la-forme d’une falle carrée, felor. les
plans de beaucoup d’anciens thermes, aux deux
bouts de laquelle font deux niches circulaires &
dont les flancs font décorés d’ un périftyle. Les
angles de retombée des pendentifs y font rentrais.
A Saint Marc Iss angles de retombée font faillans,
deux nefs bien -prononcées s’y croifent à angles
droits; enfin, le plus grand rapport entre ces deux
édifices confiftëra dans le ftyle de leur architecture
& dans quelques parties de décoration.
Quoi qu’il en foit, - les coupoles de ces deux temples
, celle même de -Saint-Marc, malgré leur, fur-
hauffement, n’offrent point encore l ’idée propre du
dôme chez les modernes, c’eft-à-dire , l’élévation
de la coupole au haut d’un tambour formant tour
endeho'm
La cathédrale de Pife en donna le premier
exemple : car je ne compterai point au nombre des
dômes plufieurs effais gothiques dont quelques-uns,
& èntr'autres la eoupoU à pans & en ogives de la
cathédrale dé Milan, s’annoncèrent à l’extérieur par
une décoration èx-hauffée fur lé iommetde l’édifice.
Mais fi BufchettO acquit quelque gloire en élevant
le temple de Pife, ce fu t par la difpofîtion & Té-
vendue de ces nefs ^plutôt que par fa coupole,,
foible & peu intéreffant acceffeire de ce monument
'fi important d’ailleurs dans l’hiftoire des arts & de
l ’arehite&ure. ( Voye^ Büschetto. )
- L ’honneur du premier grand effort en ce genre
étoit réfervé à l’immortel auteur de la coupole de
Sainte-Mafic-des -fleurs , à Florence. Nous en
avons, avec complaifance , retracé à fön article
i ’iatêreflànte biftoire, ( Voyt{ B^unelesçiïi , ) &
nous ne nous fommes réfervés pour celui-ci què
l’occafion d’obferver que Brunelefchi, placé à l^
première époque de la renaiffance des- arts , & hasardant
d’une main encore incertaine, mais ingé-
nieufe & favante, les formes &rles détails filong*
temps oubliés de l’architeélure antique, eut le mérite
non-feulement de concevoir l’idée des doubles coupoles,
fi fouvent imitées depuis, mais d’être le'véritable
créateur de cette ferme ovoïde & pyramidale
devenue, après lui, la forme la plus générale des •
dômes , &. !qùe tous les artiftes, à commencer par
Michel-Ange, ont femblé regarder comme la forme
cara&ériftique des coupoles de nos temples.
L ’hïftoire des arts fait partie de- leur enfeigne-
‘ment, comme elle contribue à leur récompenfe.
Mais fi la mention qu’elle fait des grands efforts &
des hautes entreprîtes, offre l ’avantage de ftimuler
de plus en plus les hommes qui en font capables;
peut-être des détails trop fcrupuleufemerit fuivis
fur la progreflion de certaines idées' n’ont-ils
d’autre objet, que de confoler fans befoin l’amour-
propre des artiftes médiocres, ou la parèffe de ceux
qui fe contentent de peu de glefire. Aufii ne mettrai
je point au nombre des monumens fufceptibles
d’être rappelés dans l’hiftoire des coupoles, celle des
Auguftins de la place Navonne, qui déjà h’exifte
plus, & que M. le Roy n’a mentionnée que pour
être fidèle à i ’hiftoire.
Il fembleroit, félon lui, que ce petit édifice fût
le premier où l’on air eu la har-dieffe d’élever fur
les quatre ares- des nefs & fur les pendentifs qui les
unifient, une tour de dôme ou un corps cylindrique
couvert d’ une calotte ; cependant Conftan-
tinople & Venife avoient dès long-temps vu élever
des coupoles fur des pendentifs ; -Pife & Florence
avoient au contraire d.es coupoles élevées fur un
tambour. Quoi qu’il en . fo it , ce petit monument
avoit été mal conftruit, il n’a duré que 380 ans.
Craignons, au refte , de rapetiffer l’art en comptant
une éipoque quelle qu’elle foit entre la coupole de
Florence & cellé de Saint-Pierre de Rome. Hâtons-
nous d’arriver à celle-ci, la plus grande, la plus
belle , la plus célèbre de toutes, la plus digne enfla
d’enorgueillir les fiècles modernes.
Une penfée gigantefque lui donna naiffance. Bramante
voulut élever le Panthéon fur; les arcs .du
temple de la Paix. Michel-Ange eut la gloire d’exécuter
cette étonnante conception. Plus fage ,- plus
précis que celui de Michel-Ange, le génie de Bramante
avoit enfanté un projet dont on ne peut s’em*
; pêcher de regretter la pureté & la fimplicité majef-
tueule.. ( ^ oye^ Bramante. ),On admire l’accord
qui régné entre le dôme actuel & les autres parties
de l’églife de Saint-Pierre. Un accord plus parfait
eût’ régné fous des formes plus Amples dans la Bafi-
lique de Bramante. Moins embarraffée de-détails,
plus auftèrè dans fes formes & fa décoration, avec
de moindres dimenfions, elle! eût eu de plus grandes
proportions, & moins enrichie, elle eût été plus
• riche, -
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Bramante avoit annoncé le projet d’imiter dans
fes nefs le temple de la Paix ; le plan, qu’il nous a
laiffé eft en effet tracé d’après cette idée. De grandes
& Amples divifions en euffent partagé l’enfembie ;
point de reffauts inutiles, point de lignes tourmentées
; de grandes maffes liftes, fimplement ornées ,
euffent été couronnées d’un entablement deftiné a
recevoir la retombée des voûtes. Le luxe de l’archi-
teèfure fembloit avoir été réfervé pour la- coupole,
copie du Panthéon, dans fon plan comme dans fes
détails-& même dans fa forme générale. La fimplicité
des nefs immenfes qui dévoient en former, le
foubaffement, en eût rehauffé la richeffe. Bramante
avoit fi bien fenti l’effet qui devoit réfulter de cette
oppofition, qu’il avoit cherché à ménager le même
contrafte de ftyle aux trois extrémités de fes nefs, où
des colonnades auroient répandu un air de légèreté ,
ôc une harmonie que de grandes maffes, dans un fi
vafte enfemble, ne peuvent jamais donner. Il eft à
douter cependant fi Bramante, peu favant dans la
conftruclion , n’a voit pas facrifié en beaucoup de
points la poflibilité de l ’exécution à l’élégance'& à
la régularité de fon plan ; l’hiftoire nous apprend
qu’après fa mort Baltazar Peruzzi, San Gallo , Ri-
phaël, s’occupèrent des moyens propres à mettre
les fupports de ce grand édifice en proportion avec
les maffes qu’ils dévoient foutenir.
Les fondations de Bramante avoient été mal conçues
& trop précipitamment exécutées ; Michel-
Ange, archite&e en chef du monument, fe hâta
de réparer cette faute. I l raffermit les fondemens
■ commencés, créa les moyens de pourfuivre , & imprima,
à tout, ce caraâèrè de grandeur & 'de folidité
qu’on n’eût pas attendu jufqués-là des forces de
l’homme^ il ramena le plan de Bramante à celui
d’une croix grecque , en empruntant de Brune-
lefehi l’idée d’une double coupole; il en proportionna
, de la manière Ja plus heureufe , les
piliers & les pendentifs, & les couronna d’un ensablement
, aufli beau par fon profil que par fa
proportion. S i, dans la décoration du tambour ,
il ne longea pas -à un parti plus noble que l’emploi
des pilaftres dont il le revêtit 1 il fût tirer
au moins de cette ordonnance , aufli - pure que
régulière, l ’effet qu’on doit chercher ayant tout
: dans l’intérieur d une coupole,, c’eft-à-dire la grandeur.
Des colonnes placées dans-de tels intérieurs
alourdirent la mafl'e , & attirent à elles une partie
de l’attention due à Penfemble. Entre les mains
habiles de Miche!-Ange, les befoins mêmes dé Ja
conftruclion devinrent des moyens de décoration.
. ( Foye{ Dôme. ) Enfin, la coupole de Saint-Pierre
reçut une forme plus impofante & plus majef-
tueufé que tout ce qu’on avoit imaginé' jufqu’a-
lors.. • • , l H
Plus heureux que le Bramante, Michel-Ange
eut des lucceffeurs quirefpeftèrent les difpofitions:
acques de la Porte & Vignole les Suivirent avec
crupule, 8cne fe permirent qu’un léger exhauffé-
ment a la courbure de lûcoupole extérieure, ex-
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hauflement que l’oeil en effet 11e pouvoit s’empêcher
d’y délirer.
Ainfi la coupole de Saint-Pierre , fi etonnante
d’ailleurs par l’immcnfité de fes dimenfions & par
les grands efforts d’induftrie qu’ exigea fa conftruc-
tion, devint & eft reftée la coupole la plus parfaite
qui exifte pour la beauté de fes formes & la jufteffe
des proportions, tant intérieures • qu’exterieures.
Rien à cet égard ne lui eft comparable, & il ne lui
manque, pour offrir aux yeux un enfemble fans reproche
, qu’un foubaffement plus digne d’elle , que
ne l ’eft le portail mefquin, quoique çoioffal, qui
. lui fert de bafe. ^
La beauté de ce modèle devoit lui créer des
imitateurs. Il femble en effet que tous les artiftes
aient cherché depuis à en faire l’objet de leurs
études, & l’aient regardé, ainfi qu’on regarde la
nature, comme un modèle que tout le monde copié
fans qu’aucun des copiftes fe reffemble. Comme fi
Michel-Ange eût atteint, dans les proportions &
les difpofitions de fa coupole, le point de la per-
feélion, fon ouvrage eft devenu claflique. Fontana
a été jufqu’à fixer, d’après-elle, la manière géométrique
&L invariable de décrire la courbe & de me-
furer les proportions des coupoles en général. Les —
détails, qu’il donne à cet égard font contenus dans
l ’ouvrage intitulé: Dtferi^ione dtl tempio Vaticuno, 1. 5 , ch. 24. Comment cependant admettre des
règles aufli précifes, aufli ferviles pour un genre
de conftru&ion néceff ai rement fournis , tant par lui-
même que par fes rapports infinis, a toutes les fujetions
, à toutes les variétés de formes, de dimenfions
& de proportions que dt»it exiger l’enfemble ie plus
complexe de tous ceux que l’archite&ure moderne
a imaginés ? c . .
L a forme pyramidale ou furhauffée que Michel-
Ange fut donner à la courbure de fa‘ coupole, eft
fans doute dans le plus bel & le plus jufte accord
avec la maffe générale. Bramante & ceux qui avoient
eu le deflèin dé copier de plus près la forme du
Panthéon, n’auroient fans doute pas aufli bien réufiï,
ce qui prouve qu’il n’y a .p3s.de politif dans les
règles de l’architeêlure. Comme tou t, dans cet art,
eft compofé de rapports, la. forme qui plaît étant
ifolée ne fera plus la même, mife en relation avec
d'autres. A cet égard, il faut convenir que, malgré
les cbfervations critiques dont la coupole de Saint-
Pierre peut devenir l’objeti elle eft encore celle de
toutes qui a le moins de défauts ; elle e ft, ■ fans aucune
coinparaifon, la plus hardie & là plus élevée 9
la plus riche & la mieux décoréey la plus belle dans
fes formes extérieures & intérieures. On doit la regarder
comme le point le plus haut Ou 1 art foit
parvenu, & tout ce qui s’ eft fait depuis ne fert qu-’à
marquer les degrcs par ou l art eft defcendû,,-comme
ce qui l’a precéoe marque les points -de fon af—
cenfion.
L ’Itaüe vit fë multiplier les coupoles dans tous
' les édifices facréV ; par-tout on ne trouve que de
feibiés contre-preuves du grand ouvrage de Michel-
1 a